C’est pas facile tous les jours
La princesse Eucalyptus soupirait à la fenêtre, les yeux sur le ciel gris, le menton sur la main, le coude sur le rebord et un gros soupir dans la voix.
« Je m’ennuie ! »
Esquimaude, sa dame de compagnie, leva la tête de la broderie qu’elle piquait patiemment sur ses genoux. Elle représentait un motif abstrait qui ressemblait, selon l’angle, soit à un panier de fraises écrasées, soit au dessin des ruines d’un château incendié exécuté par un enfant particulièrement psychopathe et particulièrement peu doué. Dame Eucalyptus, elle, cherchait simplement à représenter le verger du palais, un timide bosquet d’arbres battu par le vent qui soufflait des plaines désolées entourant la solide bâtisse, où personne ne passait jamais. Mais elle avait toujours éprouvé des difficultés avec les lois de la perspective.
« Venez broder, princesse, dit Esquimaude d’un ton éminemment raisonnable.
— C’est justement parce que je brode que je m’ennuie.
— Vous avez arrêté de broder il y a un quart d’heure, princesse.
— Parce que je m’ennuyais encore plus ! Il se passe jamais rien dans ce château. Rien. » Elle libéra encore un soupir vers le ciel nuageux et morne et se tourna vers sa dame de compagnie. « Toutes les princesses de mon âge ont déjà vécu des tas d’aventures. Frénégonde m’a raconté que son père, le roi Durand, avait organisé un tournoi pour sa main. Un tournoi, tu te rends compte ? Des beaux chevaliers en armure argentée sont venus de tous les coins du pays pour se disputer son honneur. Ils se sont entretués pour elle, Esquimaude ! » La princesse Eucalyptus battit des cils, rêveuse, le regard lointain. « L’un d’eux est venu vers elle, couvert des entrailles de ses concurrents et de son propre sang. Il a eu le temps de lui prononcer son amour éternel avant de s’effondrer, terrassé. Son dernier adversaire lui avait sectionné l’artère fémorale .
— Un amour éternel déclaré dans ces conditions ne représente guère un engagement d’envergure, princesse », dit Esquimaude d’un ton égal avant de se remettre à piquer.
Eucalyptus souffla. « Il faut toujours que tu retires le charme à tout ce qui se passe d’excitant. Regarde, tiens, la princesse Séquoia. Elle voulait à tout prix trouver un prince charmant. Alors, elle a demandé à ses gens de ratisser les marais pour lui rapporter tous les crapauds. Elle les a pris un à un, leur a sommé de se transformer en beau jeune homme après les avoir embrassés, sinon, elle les balançait au feu », déclara-t-elle d’un ton obstiné.
Esquimaude réfréna un soupir. Elle avait déjà entendu ces histoires cent fois, mais elle savait qu’il fallait jouer le jeu quand Eucalyptus partait dans ses rêveries sanguinaires. « Et a-t-elle trouvé un prince, ma princesse ?
— Non, répliqua la jeune femme. Mais ils dorment beaucoup mieux la nuit sans tous les coassements de ces affreux batraciens. »
La porte s’ouvrit tout à coup et dame Cravache, la reine mère, entra dans la pièce. Elle était engoncée dans une robe crème si serrée autour de sa silhouette efflanquée qu’elle donnait même l’impression de lisser ses rides. Non pas qu’elle en ait beaucoup ; dame Cravache avait toujours observé dans sa vie le principe de ne jamais sourire.
« Eucalyptus, change-toi, ordonna la reine d’une voix aussi aride que le veut qui soulevait la poussière autour du château. C’est l’heure du cours de maintien.
— Mais nan ! rétorqua la jeune femme. Ça sert à rien, c’est nul, jamais ça va me servir à trouver un prince. Quand il me verra, il tombera amoureux de moi au premier regard, on partira sur son cheval blanc, et il m’aimera comme je suis. Je refuse.
— Tu refuses ? »
Eucalpytus fut surprise de la facilité de cette victoire. « Je… Je refuse ! »
Dame Cravache soupira puis tourna les talons sans rien dire. Elle sortit de la chambre en fermant doucement derrière elle et en levant les yeux au ciel. Dans le grand couloir, les portraits des illustres prédécesseurs de sa dynastie semblaient poser sur elle un regard désapprobateur.
« Je n’y arriverai pas. Trop superficielle. Sa réputation est connue à travers tous les royaumes voisins. Personne n’en veut. Personne ne veut mourir pour une fille aussi stupide. Je voudrais juste qu’elle s’en aille. Et il ne viendra peut-être jamais personne. »
Contrainte : Écrire un texte qui se termine par la phrase « Et il ne viendra peut-être jamais personne ». Temps : 30 minutes.
Asreth reprezent
La très sympathique convention Geek Faeries qui s’est déroulée il y a deux semaines invitait très chaudement les visiteurs à venir costumés (notamment en leur proposant une réduction sur l’entrée). Vu qu’il n’y a pas de raison que seuls les visiteurs s’amusent, j’ai joué le jeu moi aussi. Alors, en attendant le petit compte-rendu sur l’événement qui ne devrait pas tarder (vous savez comme je suis doué pour les comptes-rendus d’événements), voici la photo en costume qu’on m’a demandé sur Facebook.
Avertissement : Je ne sais pas si vous êtes prêt pour autant d’awesomeness à la fois. Sérieux. Mettez vos lunettes de soleil, on ne sait jamais (deal with it).
Pour la petite histoire, ne faites jamais un salon avec des bottes en cuir neuves. Jamais. Même en restant derrière ma table, eu bout d’une journée, j’avais l’impression qu’un sorcier vaudou avait confondu mes orteils avec une poupée à transpercer d’épingles. Beaucoup plus difficile d’aller bouger mon corps pendant les concerts, forcément.
J’entendions point
Le marché emplissait l’air d’une rumeur entêtante et de parfums qui l’étaient encore plus. Une bonne dizaine de routes commerciales interstellaires convergeaient vers Epsilon Eridani IV mais, la planète ayant été depuis longtemps inscrite au patrimoine universel de l’UNESCO, l’esplanade conservait l’aspect traditionnel d’étals et de tentes derrière lesquels des formes de vie venues de tout le secteur proposaient des denrées plus rares et coûteuses que vraiment utiles. Cependant, Alex avait entendu dire que, dans les rues parallèles, si l’on n’était pas trop regardant sur la qualité ni sur le prix, l’on pouvait obtenir des marchandises plus utiles. Des marchandises dont il avait désespérément besoin.
Il se faufila dans la foule du souk officieux, mais toléré par les autorités. Il déambulait d’un air légèrement hautain entre des étals crasseux, ignorant les appels de vieillards humains comme extraterrestres qui braillaient leurs annonces dans des langues dont il ne comprenait pas la moitié, quand il repéra, dépassant d’un drap, la tubulure caractéristique d’un générateur auxiliaire. Auxiliaire de quoi, il n’en savait rien ; Alex savait monter les pièces, pas les réparer, et c’était bien tout le problème. S’il n’arrivait pas à redécoller avant deux jours, sa cargaison de choucroute de contrebande allait se perdre et il lui faudrait rendre des comptes à des commanditaires à qui il était toujours préférable de parler le moins possible. Il allait ouvrir la bouche, quand il se ravisa en fixant le marchand.
C’était un terrestre, un humain entre deux âges au crâne rasé et au visage singulièrement exempt d’implants cybernétiques ; – et pour cause. Les fils scellant sa bouche, les moignons de ses oreilles et sa tunique cramoisie le désignaient comme un adepte de l’ordre puriste du silence intérieur. Le type n’entendrait rien et ne pourrait rien dire.
Eh merde, jura intérieurement Alex. Ça va être compliqué de négocier.
Il prit une inspiration et désigna le générateur. L’autre le fixa, immobile.
Il veut me laisser faire tout le boulot, en plus ? Les puristes du silence intérieur formaient les meileurs commerçants de la galaxie, pour la simple raison qu’il était singulièrement difficile de marchander avec eux. Alex pensa prendre sa tablette pour écrire un prix, mais en vain, les puristes ne savaient pas lire non plus.
Par contre, ils savaient compter.
Le capitaine écarta les deux paumes, figurant le nombre dix, puis refit le geste, une deuxième fois, une troisième, jusqu’à faire comprendre « soixante-quinze » à son interlocuteur. Soixante-quinze mille ducats. C’était une offre honnête pour un générateur de seconde main.
L’adepte pencha la tête sur le côté, un mouvement infime, mais clairement insulté – ou peut-être moqueur. Pour vanter la qualité de la pièce, il ne daigna pas même faire preuve d’éloquence. Il désigna l’engin de l’index, puis dressa le pouce à la verticale. Voyant Alex hausser un sourcils dubitatif, il s’efforça de sourire – un tour de force toujours difficile pour les puristes du silence intérieur, avec leurs lèvres scellées.
Bon, voilà, maintenant, on commence à discuter, songea Alex. Ses vieux réflexes de routard spatial prirent le dessus ; il se composa une expression vaguement dégoûtée, comme s’il éprouvait un mépris qu’il cherchait à dissimuler. Il regarda le générateur, tendit la main à l’horizontale et la fit pencher de droite et de gauche. Puis il haussa les épaules et fit mine d’être prêt à partir.
Le marchand entra dans le jeu ; il s’efforça d’élargir son sourire scellé – un spectacle dont Alex ne savait pas s’il lui inspirait de la pitié ou de la répulsion – et écarta la tenture du fond de sa boutique. Là, un second générateur, du même modèle, alimentait l’éclairage de la petite cahute, ainsi, nota Alex en suivant les câbles, qu’une cafetière. Alex haussa les sourcils, incrédule, sans avoir besoin de jouer la comédie, cette fois. Il secoua catégoriquement la tête, désigna le générateur puis leva la main d’un geste décidé tout en soufflant dans ses joues pour représenter le bruit caractéristique d’un saut en hyperespace. L’autre n’entendrait pas, mais il comprendrait peut-être. J’alimente pas une cafetière et des ampoules. C’est un vaisseau entier que je veux faire marcher avec ton truc, mec.
Alex comprit aussitôt à l’expression du commerçant qu’il aurait arrondi la bouche en signe de regret s’il avait pu. Il refit la pantomime d’Alex pour désigner le vaisseau, puis montra la pièce et fit un signe négatif de l’index. Le capitaine haussa les épaules, puis s’en alla, mais l’adepte lui attrapa la manche. Il fit un geste vague désignant le bas de la rue, puis montra le générateur.
« D’accord, mon pote », fit Alex, dubitatif, en se détournant et en hochant la tête.
L’autre lui tira la manche une nouvelle fois et fit un signe universel, frottant le pouce et l’index et dévisageant le capitaine avec insistance.
Un bakchich pour la recommandation à son collègue. Alex grogna, tira une pièce de cent ducats et la posa dans la paume de l’adepte. Tous les marchés, toutes les coutumes, même dans les coins les plus éloignés de la galaxie, étaient décidément les mêmes.
(Contrainte : un dialogue entre deux muets. Temps : 30 minutes.)
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Merci.
Bon, ça va, les êtres humains ont encore de beaux jours devant eux.
Il y a quelqu’un
Sa première sensation fut celle d’un courant d’air – un souffle frais, vaguement nauséabond, quoique Paul ne parvenait pas à identifier pour quelle raison l’odeur le dérangeait. Nauséabond était le premier adjectif qui lui était venu à l’esprit, mais ce n’était pas exactement juste. Il se redressa sur le sol dur, sa paume calleuse posée sur des croisillons glacés – métalliques. Il tourna la tête. L’odeur était à la fois organique et âcre. Cela lui rappelait les vidanges sauvages du pick-up qu’il faisait en pleine forêt, avant… l’accident. C’était cela. Huile de moteur sur humus. Mais le sol était trop dur pour des sous-bois, et le courant d’air était continu, trop constant pour du vent. Où était-il, bon sang ?
« Il y a quelqu’un ? » Les mots avaient franchi ses lèvres avant qu’il n’ait réfléchi à la sagesse d’attirer l’attention. Il ne savait pas où il se trouvait. Seul ? Observé ? Ses souvenirs de la veille étaient flous. Où étaient-ils allés, après l’Oak’s Pub ? Vanessa avait proposé de le ramener. Ils avaient fêté l’acceptation de son dossier avec la bande, en vue de l’opération qui lui restaurerait la vision. Et après… Une migraine lui fusilla les tempes quand il voulut se rappeler ce qu’il avait fait après et il eut subitement envie de vomir. Il se plia en deux, laissant échapper un hoquet – respira lentement, éloigna ses pensées de la soirée de la veille, se concentra sur le courant d’air étranger qui rafraîchit brusquement la sueur sur son front.
Le malaise passa. Il décida de tenter un nouvel appel.
« Il y a quelqu’un ? »
Il tâta le sol autour de lui, cherchant sa canne. Rien. Il se leva, la tête légère.
On raconte que la cécité affine les autres sens, mais elle aiguise aussi, notamment et de façon curieuse, la perception de l’espace. Avant même d’avoir atteint les murs légèrement vibrants et tièdes du réduit où il se trouvait, Paul avait compris qu’il n’était pas dans une forêt. Aucune forêt ne semblait osciller lentement sur elle-même – un mouvement infime qu’il n’avait pu percevoir que debout.
Contrainte : « Un aveugle se réveille dans un lieu inconnu ». Temps : 10 minutes.
Joyeux affreux solstice
Chanté sur l’air de Carol of the Bells, bien entendu (paroles) ; petit film approuvé par l’inénarrable H.P. Lovecraft Historical Society, responsable de ces merveilleuses créations que sont ces chants de Nowel horrifiques.
(Éternels – et dans ce domaine le terme prend un sens bien particulier – remerciements à Mélanie Fazi pour m’avoir fait découvrir cette merveille.)
Peluche Cthulhu de Nowel trouvée chez Entertainment Earth.
Keeper of the glyphs
J’ai récemment reçu dans le cadre des articles sur l’écriture la question « où allez-vous chercher tout ça ? » Avant de construire un billet bien ordonné, je pensais donner un premier élément de réponse personnel :
Faut que je traverse R’lyeh dès que je veux utiliser un caractère spécial.
Ça laisse des traces, j’avoue.
Depuis, il m’arrive de me réveiller la nuit trempé de sueur, emmêlé dans les draps, en hurlant des trucs sur les cédilles tombées du ciel, les créatures venues d’outrespace insécable et les chevrons noirs des bois.
(Cette carte de clavier signale toute une ribambelles de glyphes spéciaux enfin accessibles simplement sous Windows d’une seule combinaison de touches avec Alt-Gr. Il faut pour cela installer un pilote de clavier très léger conçu par Daniel Liégeois et téléchargeable gratuitement sur son site. Merci à Oliver Gechter d’avoir signalé cet outil génial !)
Awesome coffee
What else ?