Procrastination podcast s07e15 – Se mettre dans l’écriture

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e15 – Se mettre dans l’écriture“.

Procrastination parle de procrastination, dans le nœud de son problème : quand on fait l’expérience d’une résistance à l’écriture – peur de la page blanche, du manuscrit, de faire mal – comment se mettre au boulot ?
C’est Estelle qui fait la mauvaise élève cette quinzaine : son manque de temps rend ses créneaux d’écriture extrêmement précieux, ce qui la rend relativement imperméable au problème ! Mélanie élargit celui-ci : il ne s’agit pas tant pour elle de se remettre dans une histoire, que de gérer la mise au travail (quel qu’il soit) avec toutes les distractions du monde moderne (et du chat). Sa leçon fondamentale : apprendre à se reposer et faire des pauses. Lionel développe la méthode par créneaux temporels (la méthode pomodoro au sens large), et propose quelques astuces toutes simples d’organisation quand on a une vie bien remplie.

Références citées

  • Steven Pressfield, La Guerre de l’art
  • La méthode Pomodoro https://fr.wikipedia.org/wiki/Technique_Pomodoro
  • Bip bip et le Coyote
  • How Long Left https://apps.apple.com/us/app/how-long-left/id1450603293

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2023-05-01T09:24:24+02:00lundi 17 avril 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e15 – Se mettre dans l’écriture

Écrire est plus difficile qu’imaginer

Tout le monde ne fonctionne pas comme ça – il existe des auteurs et autrices pour qui le flot de l’écriture court automatiquement au fil des mots et du clavier ; mais j’oserais gager que même pour ces personnes, il existe des moments où elles calent – où la pensée consciente s’invite dans le flot, et fait tousser la machine.

Une grande partie de l’effort d’écriture vient du fait de chercher ce que l’on va dire, et comment le mettre en scène ; le jeu et la joie libres de l’imagination représentent un mode de pensée très distinct de celui d’écrire, où l’effort consiste à rendre l’infini palpable, à borner la vision, à la faire rentrer dans les briques LEGO des mots. Et ce changement de mode est difficile, peut susciter une certaine fatigue mentale (voire l’envie de fuir), car la liberté de penser se trouve à présent contrainte par un système vaste mais fini, le langage. 

Il est important de reconnaître cette difficulté de manière à accepter la fatigue mentale ponctuelle, pour ne pas céder à la peur et à la tentation de l’abandon. Cela peut être un état très vulnérable. Dans ces moments, il convient de se donner un instant pour se recentrer, accepter la peur, et potentiellement identifier la difficulté qui vient (s’agit-il d’imaginer, de concevoir, de rédiger, de trouver comment aborder une scène ou un problème ? etc.)

Car ce que l’on inventorie et identifie est à son tour délimité ; et ce qui est délimité perd de sa capacité anxiogène.

2023-03-28T03:04:11+02:00mercredi 29 mars 2023|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

N’écrivez pas ce qui vous saoule

On trouve cette recommandation sous diverses formes : chercher enthousiasme et amusement dans la création ; dans les mots d’Elmore Leonard, “s’efforcer de ne pas écrire les parties que les lecteurs tendent à sauter”. Dans les faits, alors que l’on part à la découverte de son histoire, et que l’effort de maintenir les modèles mentaux de sa narration peut être important, le gros fun n’est pas toujours facile à saisir. Écrire peut être difficile, on le sait, et c’est une importante cause de procrastination.

En outre, une narration complexe (sur un roman, ou davantage) exige parfois certains passages un peu plus mécaniques. Tel personnage doit se rendre à tel endroit pour la suite de l’action ; telle information doit être donnée au lecteur ou communiquée à quelqu’un.

“Doit” devrait (heh) représenter un verbe signal d’alarme. On en parle suffisamment dans Procrastination, il n’y a pas de “doit” dans la création. Mon avis : il y a ce qu’on veut, et ensuite, une exécution que l’on espère efficace. “Devoir” en passer par telle ou telle étape dans la création peut quand même être ponctuellement nécessaire (“je dois établir clairement tel lieu pour la baston qui suit”) mais il est facile d’atteindre l’overdose de nécessités narratives – et là, le fun s’évapore à jamais, rendant l’écriture non seulement difficile, mais chiante à crever.

Mais comment faire, alors, si l’histoire exige quand même de tels passages, si l’on “doit” passer par telle ou telle étape pour la faire avancer ? Parce que ces exigences mécaniques sont parfois bien présentes.

On peut résoudre cette difficulté en cherchant quelque chose d’excitant à écrire dans un passage “nécessaire” – c’est une solution efficace et souvent fonctionnelle. Mais en poussant plus loin, humblement, ma réponse est : ne les écrivez pas. Sérieusement.

Règle empirique : si un truc vous saoule et qu’il s’agit d’une exigence purement mécanique de la narration, passez dessus au plus vite pour atteindre les passages qui vous amusent vraiment (c’est là qu’il est important de savoir manier la différence entre show et tell). N’imaginez pas que le lecteur ronchonnera : en général, on nous sait gré d’avancer rapidement jusqu’à la prochaine étape excitante de notre narration, beaucoup plus rarement de ralentir. (Une exception à cela : gérer correctement ses variations de rythme et de suspense, ce qui peut induire un étirement ponctuel de l’action, mais c’est souvent une chose qui s’affine aux corrections, pas au premier jet.)

Bien sûr, quand on lutte, la différence entre difficulté et ennui dans l’écriture peut être ténue. La première est inévitable, peut-être même souhaitable, car elle force à sortir de sa zone de confort, pour trouver de nouvelles solutions et idées personnelles à une embûche narrative. En revanche, le second vous tuera à la longue – et tuera votre lecteur. Si vous vous emmerdez, cherchez un moyen de passer au plus vite. Et si, au pire, il fallait vraiment un passage plus démonstratif, vous pourrez toujours l’intégrer aux corrections avec le recul.

Voyez-le simplement comme ça : personne n’aime les fillers dans les anime.

2022-09-10T03:39:25+02:00mardi 13 septembre 2022|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur N’écrivez pas ce qui vous saoule

Procrastination podcast s05e15 – La procrastination

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e15 – La procrastination“.

Procrastination parle de procrastination ! Il était grand temps…
Écrire, en particulier de longs romans voire des séries représente un travail de très long cours. Comment tenir sur la durée ? Pourquoi est-il parfois si difficile de s’y mettre ? Et comment s’assurer de continuer à écrire avec plaisir et de livrer ses projets avec une raisonnable régularité ?
Lionel explique la notion d’échelle floue des projets artistiques, et que la peur s’enracine souvent dans la complexité d’un projet ; le subdiviser peut être alors une voie salutaire. Mélanie souligne que la difficulté principale consiste à se mettre au travail, moins que de rester dans l’élan. Estelle donne plusieurs conseils très concrets tournant autour de la persévérance et du soutien de l’entourage.

Références citées

– Kourosh Dini

– John Gardner, The Art of Fiction

– Maître Yoda

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2021-05-03T18:10:08+02:00jeudi 15 avril 2021|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e15 – La procrastination

L’échec de la to-do list pour créer (Geekriture 02)

Maintenant que nous nous sommes mis d’accord sur le fait que la création artistique peut bénéficier d’une forme de structure, la logique dicte que l’on parle de ladite structure.

Sauf que toute personne s’étant attelée à essayer de créer quoi que ce soit s’est très vite rendu compte que le processus ne ressemblait pas du tout à une structure merveilleusement linéaire du type :
1. J’ai une vague idée
2. ???
3. Richesse, célébrité, flûtes de champagne, hordes de fans en voulant à ma vertu
(Même si nous sommes bien d’accord que la richesse, la célébrité et les attentats à la vertu ne sont pas, en réalité, les vrais objectifs de la création. La création elle-même devrait être sa propre récompense.)

➡️ L’article Geekriture du mois traite de l’échec des approches de productivité classiques dans le cadre créatif, à lire sur ActuSF.

2021-02-20T11:04:55+01:00lundi 22 février 2021|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur L’échec de la to-do list pour créer (Geekriture 02)

Procrastination podcast s05e04 – La course à la perfection

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e04 – La course à la perfection“.

Les innombrables ouvrages de développement personnel et les conseils sur Internet tendent à accumuler les injonctions et les recommandations pour une vie saine – promettant donc une écriture saine. Cette quinzaine, passage au microscope de cette tendance, et de son ancrage dans la réalité ; car Estelle relève qu’un certain nombre de jeunes auteurs ont peut-être une vision fantasmée de la vie d’auteur qui peut prendre le pas sur l’acte même d’écrire. Mélanie rappelle qu’il n’y a pas de méthode absolue, et qu’il est capital de connaître son propre fonctionnement ; Lionel, qui est davantage immergé dans les techniques de productivité, rappelle que toutes les injonctions ne sont que le symptôme d’une vraie cause : comment réserver du temps et de l’énergie pour écrire ?

Références citées :
– Le coût cognitif de changer de tâches et faire plusieurs choses à la fois : https://www.apa.org/research/action/multitask
– S’organiser pour réussir, la méthode Getting Things Done, David Allen
– zettelkasten.de
– Ableton Live
– Big Magic (Comme par Magie), Elizabeth Gilbert

Procrastination est animé par Mélanie Fazi ( https://www.melaniefazi.net ), Estelle Faye ( http://www.estellefaye.fr/ ) et Lionel Davoust ( https://lioneldavoust.com ). Diffusion : Elbakin.net.

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2020-11-15T10:57:22+01:00lundi 2 novembre 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e04 – La course à la perfection

La conscience de l’ambiguïté

Je continue à rattraper vos questions… encore mes excuses pour la lenteur de réponse (… mais si vous m’avez envoyé un jour un mail, vous savez que… enfin… bref. J’essaie de faire mieux, cependant !)

Je viens de réécouter l’épisode 4 de la saison de Procrastination en cours et une de tes phrases m’a interpellé.
Tu dis à un moment que tu cherches toujours à faire véhiculer des choses qui fassent progresser le monde dans un sens positif.

Je trouve pourtant que ton Empire d’Asreth véhicule quelque chose de beaucoup moins consensuel que ça. La façon dont il croît permet des évaluations multiples en positif et négatif, comme l’empire romain qui, je le vois sur Babelio, continue à générer des commentaires parfois admiratifs et parfois dédaigneux et critiques. Et je trouve que cela participe à la richesse et à la vraisemblance de ton univers.

Comment considères-tu cet Empire d’un point de vue “portage de valeurs”?

Déjà, merci beaucoup pour ces compliments sur la richesse d’Évanégyre !

L’histoire est un sujet complexe et rares sont les questions qui connaissent des réponses uniques. Il y en a, bien sûr ; il existe certains cas où le jugement des siècles est (heureusement) sans appel. Mais l’humanité échappe dans nombre de cas à des jugements binaires ; bien ou mal ; positif ou négatif. Dans les faits, bien de longues périodes ont amené les deux (à mesure que les forces de l’histoire prenaient leur propre vie).

Tu parles d’Asreth, qui renvoie aux impérialismes de l’histoire (à commencer effectivement par Rome). Est-ce que Rome est positif ou négatif ? En Europe, nous héritons, au sens large, de Rome ; nous utilisons son alphabet ; la Renaissance, sur laquelle se fonde notre modernité, remonte directement aux classiques. Pour Rome, il fait bon être romain, et en plus, on t’installe des aqueducs.

Alors, Rome, positif ou négatif ?

Pose maintenant la question à Vercingétorix.

De mémoire, je ne crois pas avoir dit dans Procrastination qu’il fallait “toujours” être “positif”, ou si je l’ai exprimé en ces termes, je m’y suis mal pris. Je pense cependant résolument que, quand on a la chance de disposer d’une parole publique (y compris dans le cadre de la fiction), il convient d’en faire un usage responsable ; c’est-à-dire qu’il faut avoir conscience des valeurs qu’on véhicule, et qu’il faut s’efforcer de faire progresser la conversation littéraire de manière constructive.

Pour moi, cela commence par prendre garde à toute forme de complaisance envers ce que l’univers relate. Il ne s’agit pas de se censurer ; il ne s’agit pas non plus de nier l’aspect potentiellement fantasmatique, pour reprendre l’exemple dans le cas d’Asreth d’un soldat mécanisé disposant d’une puissance considérable – après tout, la fiction est aussi le domaine de l’exploration du fantasme, et le fantasme, par définition, est un jeu qui n’est pas destiné à la concrétisation.

En revanche, il s’agit de prendre spécialement garde à ce que la narration, derrière cela, cautionne. Tu dis qu’Asreth entraîne des conséquences à la fois positives et négatives : c’est donc que mon but est atteint. Tu ne verras pas de jugement de valeur de ma part t’expliquant ce que tu dois penser parce que ce serait trop simple et l’humanité ne fonctionne pas de la sorte (… et que cela ne m’intéresse pas à écrire. Même à mes propres idées, j’aime trouver des contradictions.). Ce qui est fondamental, c’est que tu ne peux pas adhérer à Asreth sans réserve. Ce sont pour moi ces réserves qui, justement, font qu’Asreth est, d’une part une force historique crédible (merci encore !), d’autre part une invitation à s’interroger sur les faillibilités humaines dans le cadre relativement inoffensif de la fiction (et on peut le faire avec des dragons et des robots géants, au passage).

Pour aller plus loin, voir Compassion, mais prison et Pourquoi la fantasy est un genre moderne.

2020-06-21T22:48:25+02:00lundi 22 juin 2020|Best Of, Entretiens|Commentaires fermés sur La conscience de l’ambiguïté

Persister, chaque jour (Steven Pressfield)

Je l’avais envoyée aux abonnés de la lettre d’informations, mais je me rappelle si souvent cette citation, alors que ma date de finalisation pour L’Héritage de l’Empire arrive à grands pas, et surtout, j’ai pu tellement en vérifier la vérité :

[W]hen we sit down day after day and keep grinding, something mysterious starts to happen. A process is set into motion by which, inevitably and infallibly, heaven comes to our aid. Unforeseen forces enlist to our cause; serendipity reinforces our purpose. This is the other secret that real artists know and wannabe writers don’t. When we sit down each day and do our work, power concentrates around us. The Muse takes note of our dedication. She approves. We have earned favor in her sight. When we sit down and work, we become like a magnetized rod that attracts iron filings. Ideas come. Insights accrete.

Steven Pressfield, The Art of War

(Livre chroniqué ici.)

Le plus difficile dans l’écriture est souvent de s’y mettre. Mais dès que l’on prend la résolution sincère de le faire, réellement, ou que l’on prend au moins soin de maintenir le projet présent à son esprit, alors les efforts de chaque jour s’accumulent et le total est supérieur à la somme des parties. Combien de sessions ai-je entamé à reculons pour découvrir une super idée une heure plus tard, qui valait à elle seule l’effort ? N’aurait-il pas été dommage de céder à la Résistance, aux bonnes excuses, au fait de me dire que “je ne suis pas dans l’esprit aujourd’hui” ?

Est-ce facile ? Oh diable, non. Mais j’ai décidé que c’était important. Alors, je le fais, quoi qu’il arrive. En ce qui me concerne, c’est ainsi qu’au bout d’un moment, je me retrouve avec une nouvelle, un livre, une saga écrits. (… et j’en suis souvent le premier étonné, pour tout dire.)

(J’avais dit que je partagerais des choses plus brèves et aléatoires ici cette année. Considère, auguste lectorat, que c’est une tentative en ce sens.)

2020-01-22T00:53:24+01:00mercredi 22 janvier 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Persister, chaque jour (Steven Pressfield)

Procrastination podcast s04e06 – Le syndrome de l’imposteur

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s04e06 – Le syndrome de l’imposteur“.

L’impression de ne pas être à sa place, que ce que l’on fait ne vaut rien ou pire, que chaque réalisation est un coup de chance qui n’a pas été mérité : voilà le syndrome de l’imposteur, un ennemi public à combattre car il empêche les créateurs et créatrices d’avancer, et d’offrir leurs voix au monde.
Mélanie, Estelle et Lionel sont d’accord : ce syndrome est extrêmement fréquent et tous l’affrontent sous une forme ou une autre. Mélanie rappelle qu’il est normal ; que la question n’est pas tant de l’avoir ou pas, mais qu’il ne paralyse pas. Lionel rappelle que l’impression n’est absolument pas limitée à la création artistique, et que publier ne la résout pas forcément. Estelle met l’accent sur la double temporalité étrange de la vie d’auteur et d’autrice : les retours des lecteurs arrivent sur des livres publiés, qui appartiennent déjà au passé de la création, tandis que le présent est fait, par définition, du projet prochain qui n’a pas encore trouvé sa forme définitive.

Références citées
– Sarah Bernhardt

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2020-10-19T11:35:22+02:00mardi 7 janvier 2020|Procrastination podcast|4 Commentaires

Savoir ce pour quoi l’on est fait (comme écrire)

L’atelier à distance sur la création de monde imaginaire s’est récemment conclu, avec beaucoup de travail et de réflexions pour tout le monde, moi y compris (merci à tous les participants pour leur fidélité et leur dur labeur). Un certain nombre de questions ont été soulevées bien au-delà de la thématique, et parmi celles-là, l’une d’elles m’a semblé particulièrement importante et universelle, sur la vocation et le bien-fondé d’écrire, au point de mériter un développement à part entière (la “résistance” évoquée est en référence à La Guerre de l’Art, chroniqué ici, soit : cette force qui bizarrement nous détourne de toutes les tâches créatrices que nous sommes censés vouloir faire).

Quand on écrit que la résistance est souvent présente quand on veut se réaliser en tant qu’artiste, qu’en est-il de ce principe qui dit qu’on devrait faire ce pour quoi on est doué, ce qu’on fait facilement sans trop d’effort, en gros savoir où est notre talent ? (Un des 4 piliers de l’Ikigai). La résistance masque-t-elle le talent ? La résistance est-elle la preuve que l’activité ne doit pas être poursuivie selon ce principe ? Comment sais-tu que tu es fait pour écrire ?

Photo by Florian Klauer on Unsplash

De manière très frontale, je ne crois ni

  • Au talent
  • Ni à la vocation.

C’est-à-dire que je ne crois pas à des forces externes, “imposées” d’en-haut par une forme de prédestination, qui dicteraient ce qu’il est recommandé, ou, disons, possible de faire avec plus ou moins de facilité1. Je n’y crois pas de la manière suivante : je ne crois pas que ces forces, si elles existent, soient accessibles et donc opérantes pour former un parcours qui a du sens. Donc, autant les remiser avec le mystique – c’est comme l’idée de dieu : si il ou elle existe, okay, mais mon sentiment et ma quête vis-à-vis de ce concept, pour le bien que je peux en retirer, ne m’aidera pas à changer ma roue crevée ni à écrire mon livre (à part, précisément, par le bien que ça me fait d’y penser).

Le sens, le talent, la vocation, à la place, se recherchent (et, pour part, se décident).

Sur la question du talent. Les facilités existent peut-être cependant, mais elles ne servent à rien tant que l’on ne cherche pas à les mettre en application ; elles ne sont par ailleurs rien, à mon humble avis, devant le travail (Mozart a quand même dû apprendre le solfège). Or, comme le travail est la seule variable d’ajustement à notre disposition (voir l’épisode s03e20 de Procrastination, “Talent Vs. Travail”), que le talent existe peut-être, ou pas, mais qu’on ne l’influe pas, alors il vient que la question, pour moi, ne sert pas la pratique créatrice, et qu’il sera toujours plus pertinent de consacrer un éventuel temps perdu à s’interroger sur l’existence ou pas d’un talent à travailler dur, c’est-à-dire non pas se demander ce pour quoi l’on serait fait, mais à travailler ce que l’on veut faire.

Par rapport à ces facilités (ce “talent” ?), faisons également une distinction entre l’activité et l’ambition. À quarante balais, avec une protrusion discale et des épaules qui rouillent, c’est probablement foutu pour me lancer dans une carrière internationale d’haltérophilie, en revanche rien ne m’empêche, si je le souhaite, de pratiquer dans mon garage, dès lors que je suis réaliste vis-à-vis de mes ambitions. Heureusement, l’activité intellectuelle offre beaucoup moins de limitations (presque aucune, suis-je tenté de dire). Mais attention : tout le monde peut-il écrire ? Oui, bien sûr, et y trouver du plaisir et du sens, tout à fait. Tout le monde peut-il écrire quelque chose susceptible d’intéresser des lecteurs qui paieront pour – en gros, en faire une activité professionnelle ? Je n’en sais rien, mais je sais une chose : pour y parvenir, il faudra un certain investissement de travail (que, pour ma part, j’ai toujours pensé accessible à toutes et à tous). Bref, tout le monde peut dessiner des bonshommes bâton, mais on s’accordera pour dire que ça ne fera pas forcément le concept art du prochain Disney sans un boulot conséquent pour relier le départ à l’arrivée.

Sur l’idée de vocation. Beaucoup de travaux récents tendent à montrer que l’on n’est pas tant passionné par quelque chose dont l’on peut ensuite faire une activité, mais que l’on devient passionné par ce que l’on fait bien – soit, ce que l’on travaille.

En résumé, je ne sais pas que je suis fait pour écrire, parce que je ne sais pas si je suis fait pour quoi que ce soit dans l’absolu ; la question ne m’intéresse pas, ne m’intéresse seulement que ce que je veux faire, et ce pour quoi je suis prêt à me donner les moyens d’avancer (cela va ensemble ; le désir doit s’accompagner d’une bonne dose de volonté).

Il vient ici un point capital à préciser : je ne sais absolument pas si j’ai même raison de fonctionner ainsi. En revanche, je sais que cette façon d’agir m’offre de l’expérience, c’est-à-dire à l’enseignement retiré de l’action, ce qui est, en fin de compte, la seule chose que l’on puisse tester, observer, ressentir, et donc apprendre, pour évoluer. J’aime les trucs opérants qui m’enseignent des leçons parce que cela dessine l’étape suivante.

Soit :

  • L’action commence toujours par une certaine mise en danger, suscitée par une sortie de la zone de confort ;
  • L’enseignement est ce que l’on retire de l’action, informant les actions suivantes.

Or, l’enseignement est à la fois

  • Externe (que faire pour mieux agir sur cette chose que je veux faire – qu’ai-je appris ?)
  • Interne (que ressens-je à l’application de cette action ; en gros, a-t-elle du sens ?).

J’écris parce que je repère, dans cette activité pourtant difficile qui appelle très largement mes Résistances personnelles, une forme de sens, que je ne saurais pas définir, mais qui est, faute de mieux, important. C’est ainsi que je les surmonte, jour après jour. Peut-être s’effritera-t-il un jour ; si c’est le cas, il sera temps de passer à autre chose. Mais pour l’heure, je sens que l’écriture a encore bien des choses à m’apprendre, et m’offre l’occasion de partager toujours mieux un certain nombre de questions nécessaires. (J’insiste – de questions, pas de réponses.)

Pour moi, il y a deux types de difficultés :

  • La difficulté dans la réalisation, parce que l’on s’attaque à quelque chose de complexe et de difficile, mais où le sens se trouve, est bonne. J’adhère à la vision nietzschéenne selon laquelle « rien de ce qui est important ne vient sans surmonter quelque chose » (Ainsi parlait Zarathoustra) ; je pense en outre que la difficulté est inhérente à la création car il s’agit, justement, de défricher des terrains inédits, en tout cas pour soi (… c’est bien pour cela que c’est de la création – si le territoire était cartographié, où serait la création ?)
  • La difficulté viscérale, qui crie la révulsion, le hérissement, l’hostilité est mauvaise – elle est le signe d’une déconnexion entre, disons, l’aspiration personnelle et le moment. Cette révulsion (plutôt qu’une difficulté) est un indicateur précieux, tant dans la création (ce que je fais en ce moment ne correspond pas à mon intention, donc ça ne vaut rien) que dans l’activité (si écrire / peindre / jouer du violon ne m’apporte pas un sens ou une joie finaux, dans le sens de Marie Kondo2, en dépit de la difficulté, alors peut-être faut-il lâcher cette activité).

À chacun de savoir, de tester où il ou elle se trouve entre les deux ; mais cela, avancerais-je encore, ne se fait qu’au prix d’un peu d’effort et de persévérance, de confrontation au monde. Je pense fermement qu’agir, écrire, créer – et même, vivre – ne vient pas sans une forme d’effort et d’action.

En résumé : deux intellectuels assis vont toujours moins loin qu’un con qui marche. J’ignore si je suis intellectuel ou con donc, dans le doute, je marche.

  1. Pressfield va plus loin et dit même que la Résistance est un indicateur sûr de l’importance d’une tâche : qu’il faut aller là où elle est la plus forte. Je suis quand même partisan d’un certain principe de plaisir dans l’action ; voir plus bas.
  2. Citer Nietzsche et Marie Kondo dans le même article : check.
2019-11-12T07:59:35+01:00mercredi 13 novembre 2019|Best Of, Technique d'écriture|7 Commentaires

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