Procrastination podcast s04e11 – Les arcs narratifs partie 1

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s04e11 – Les arcs narratifs partie 1“.

Les fils ou arcs narratifs, trajets concernant personnages et intrigues, forment une brique fondamentale de l’évolution d’un récit, tout particulièrement dans le roman choral (à plusieurs points de vue) et la saga. Dans ces deux épisodes, Estelle, Mélanie et Lionel décortiquent la notion, sa construction et ses exigences. Estelle commence par la définir comme le parcours d’une histoire, pouvant – et c’est fondamental – être composé d’intrigues entrecroisées ; Lionel insiste tout particulièrement sur l’aspect de progression, de parcours et d’évolution. Mélanie donne le point de vue de la nouvelle, où l’arc est souvent unique, et où les fils s’entremêlent le cas échéant de façon plus immédiate.

Références citées
– « Game of Thrones », G. R. R. Martin
– Buffy contre les vampires, série créée par Joss Whedon
– Les Simpsons, série créée par Matt Groening
– Monty Python : Sacré Graal !

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Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:19+02:00lundi 16 mars 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s04e11 – Les arcs narratifs partie 1

Comment écrire une histoire grâce au conflit ? [Atelier d’écriture en décembre]

Heads up! En décembre, j’aurai le plaisir de proposer à nouveau un de mes ateliers favoris sur la notion de conflit en narration, qui représente pour moi l’épine dorsale de tout récit (un récit, en son cœur, repose sur une volonté et un parcours, fussent-ils métaphoriques, ce qui sous-entend l’idée de résistance, donc de conflit).

Bien des écoles de création littéraire américaine résument la notion d’histoire à celle de conflit. Où est l’adversaire ? Qui les personnages doivent-ils vaincre ? Mais cette notion est souvent mal comprise, résumée à une opposition binaire entre deux camps et à une confrontation souvent fondée sur la violence. Or, dans le contexte de la création narrative, elle est bien plus vaste : elle représente l’énergie fondamentale de tout récit, tandis qu’elle exprime, de façon globale, la notion de difficulté et de tension, qui sous-tend toute intrigue romanesque. 
À la fois question préparatoire féconde et boussole pour s’extirper d’une impasse littéraire, la notion de conflit en narration forme un socle dont la compréhension profonde aide l’auteur à rendre ses récits plus efficaces, plus prenants, tout en simplifiant son travail en lui fournissant les questions cruciales qui l’aideront à progresser dans son histoire. Et, loin d’un affrontement binaire de film à grand spectacle hollywoodien, elle lui permettra au contraire, s’il le désire, de complexifier ses intrigues et ses personnages sans jamais sacrifier le suspense et l’intérêt du lecteur. 

Cela se déroulera comme toujours à l’école parisienne Les Mots, dans le Ve arrondissement, les samedi 14 et dimanche 15 décembre. Un week-end très studieux en perspective, mais c’est le but, hein ?

Pour les horaires précis et modalités d’inscription, rendez-vous sur cette page. Attention, l’atelier est limité à 12 places.

2019-11-07T23:33:37+01:00mercredi 25 septembre 2019|À ne pas manquer, Technique d'écriture|4 Commentaires

Apprends la magie de jeter 100 pages avec la méthode Marie Kondo

Donc, comme beaucoup de gens qui aiment les bouquins, les jeux vidéo, la musique, la culture geek, les trucs et les machins, qui habitent depuis longtemps au même endroit et donc l’âge commence à monter en dizaines, j’ai comme qui dirait un léger problème de bordel. (Oui maman, je sais, j’ai toujours eu un problème de bordel. Sors de cet artifice rhétorique qui servira juste à me dédouaner si jamais tu tombes là-dessus, steuplaaaaît.) J’ai en plus une propension à l’accumulation, du genre, hé, si ça peut servir, faut garder, non ? J’ai une grande cave. Ça sert à ça.

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En exclusivité mondiale, voici ce qui se passe quand j’ouvre la porte de ma cave.

Alors donc voilà, j’ai lu le bouquin à la mode, La Magie du rangement1, de Marie Kondo, énorme vente internationale, et maintenant une série Netflix.

Le principe fondamental de la méthode Marie Kondo est globalement connu : “conserve ce qui te donne de la joie“. Mais plus intéressant, elle recommande, quand tu jettes / donnes / supprimes un objet de ton environnement, de le remercier pour le plaisir qu’il t’a donné, et je trouve ça plutôt chouette. Ça ne mange pas de pain, et si l’on considère que les possessions sont d’une certaine manière un reflet de l’individu ou même une projection, cela revient à se remercier soi-même avant de clore le (micro) chapitre de sa vie que représente l’objet. Pourquoi pas ?

Là où ça devient intéressant, c’est qu’elle libère aussi l’individu de la culpabilité des achats impulsifs2… ou du rejet des cadeaux moches. Tu as acheté un pull en promo dont tu aimais vraiment la couleur mais tu te rends compte avec le recul que, franchement, il ne te va pas et ne t’ira jamais, eh bien tu t’en débarrasses, mais tu le remercies du plaisir qu’il t’a donné sur le moment quand tu pensais vraiment que c’était une bonne affaire. De ce point de vue, il a rempli son office sur le moment. Idem pour le pot de chambre de mariage3 qu’on t’a offert et qui, franchement, fait un peu désordre dans ton 350m2 de Bali cinquante ans plus tard. Tu peux t’en débarrasser, Marie t’en donne le droit, non sans le remercier pour l’intention avec laquelle il t’a été offert et le plaisir qu’il t’a donné. Il a, encore une fois, rempli son office.

Le rapport avec l’écriture ?

Aimer le processus et le chemin davantage que la destination.

Une des causes de la procrastination dans le domaine créatif (lire : les sept causes de la procrastination et comment y remédier) touche à la complexité du travail, ce qui le rend intimidant (et donc, on se trouve d’un coup pris d’une irrésistible passion pour la vaisselle). Je tâtonne, j’explore, et parfois, je me plante.

Sauf que c’est déjà assez dur comme ça, alors j’ai pas envie de me planter. Que de temps perdu ! Que de frustration ! Non ?

Quand j’avais vingt ans et que je commençais, j’écrivais assez lentement parce que j’essayais de faire bien du premier coup. J’étais concentré sur le rendu autant que sur le contenu, ce qui est l’équivalent discursif de réfléchir à une réponse avant même d’avoir trouvé comment formuler la question. Ça fait bobo la tête. Alors, à force, ça marchait, mais j’ai vite découvert que travailler le rendu, la forme, l’efficacité, c’était plutôt le rôle des corrections. Comme disait Terry Pratchett, “le premier jet n’est là que pour s’expliquer l’histoire”.

À trente ans, avec davantage d’expérience, j’ai fini par accepter (avec réticence) le fait qu’écrire des trucs “pour rien”, des pages entières qu’on jette (j’élague entre 10 et 30% de mes premiers jets de manuscrits), ce n’est pas du travail inutile. Tâtonner dans une direction dont on se rend compte a posteriori qu’elle n’était pas adaptée au projet n’est pas du temps perdu, c’est écrire ce qu’il ne fallait pas pour pouvoir mieux découvrir ce qu’il fallait. Après, quand t’es à la bourre sur ta date de rendu, la consolation est un peu maigre, et t’aimerais bien tomber juste du premier coup, ça pourrait pas marcher un peu plus comme ça ?

Aujourd’hui, je me suis aperçu d’un seul coup (avec le confort que donne un peu de recul et une date de rendu un peu plus relax, quand même) que je m’en tape d’écrire 100 pages pour rien si je me suis amusé à les faire, ou si, du moins, j’y ai trouvé du sens. Au contraire, presque. Si elles m’ont apporté quelque chose dans l’exploration, si j’y ai trouvé une forme de compte, quelle importance qu’elles ne servent pas le projet ? L’acte est sa propre récompense – le reste forme à mon sens des illusions dangereuses.

Telle Marie Kondo, je remercie alors ces pages pour le plaisir et le sens qu’elles m’ont apporté sur le moment. Et je les supprime sans une once de regret. Car elles ont rempli leur office.

Et le plus merveilleux, c’est qu’en général… elles restent. Car, écrites dans la joie et la vérité, ce sont souvent les plus intéressantes. Mais pour ça… il faut être sincèrement prêt à les bazarder. On ne peut pas faire semblant de lâcher-prise.

  1. Je m’aperçois à cet instant que j’ai une abréviation TextExpander pour le mot « rangement », ça ressemble à un appel désespéré de mon inconscient.
  2. Ok, oui, faire des achats impulsifs c’est pas terrible d’un point de vue environnemental, et même financier, donc autant éviter, mais que celui ou celle qui n’a jamais acheté un truc qu’il a regretté ensuite me jette la première paire d’escarpins qui font mal aux pieds.
  3. Ça existe. Je vous laisse chercher.
2019-08-30T19:31:13+02:00lundi 2 septembre 2019|Best Of, Technique d'écriture|6 Commentaires

Procrastination podcast S03E22 : “Les ateliers d’écriture”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Les ateliers d’écriture“.

Cercles d’écriture, de (re)lecture, une pratique ancienne du monde littéraire et prenant de plus en plus la forme d’ateliers à visée professionnalisante. Comment cela fonctionne-t-il, et que peut-on en attendre ? Après un rapide tour d’horizon de Lionel, Mélanie présente les formules, en insistant sur les différents publics auxquels elles s’adressent. Pour Laurent, le plus intéressant dans le système consiste à affronter la difficulté de produire en se confrontant au regard immédiat d’autrui.

Références citées

– L’atelier Clarion http://clarion.ucsd.edu

– CoCyclics https://cocyclics.tremplinsdelimaginaire.com

– Le club Présences d’Esprits https://www.presences-d-esprits.com

– Les Mots, école d’écriture https://lesmots.co

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2020-10-19T11:37:32+02:00jeudi 1 août 2019|Procrastination podcast|2 Commentaires

« Créer un monde imaginaire » : atelier à distance avec Les Mots

J’ai eu le plaisir de proposer plusieurs conférences et des stages (intensifs) d’écriture à l’école parisienne Les Mots, principalement autour de la création de monde imaginaire et ma marotte personnelle, le conflit. Mais, dites-moi, comment on fait si on n’habite pas à Paris ? Ou que c’est loin ? Ou que c’est pas les bonnes dates ?

Ma foi, tu as amplement raison, internaute fictif rhétoriquement commode. C’est ainsi que Les Mots pensa à toi, et inventa les ateliers d’écriture à distance.

J’ai ainsi le plaisir de vous proposer un atelier d’écriture à distance fondé sur la création de monde imaginaire.

De la Terre du Milieu du Seigneur des Anneaux à la luxuriance de la planète Pandora dans le film Avatar, la création de nouveaux espaces géographiques, de nouvelles règles du monde, constitue depuis toujours une des caractéristiques définissant les littératures de l’imaginaire (fantasy, science-fiction, fantastique).

À la fois terrain de jeu sans bornes et exercice intellectuel où la rigueur doit organiser et cadrer ce foisonnement, la création de mondes imaginaires constitue peut-être la forme suprême de créativité littéraire, où toutes les libertés sont accessibles, et dont l’héritage remonte aux grandes mythologies. Ces mondes différents entraînent le lecteur dans une évasion sans précédent, tout en l’invitant à s’interroger sur sa propre humanité, sa vision du monde. Véritables paraboles modernes, ils permettent de s’affranchir des a priori culturels et historiques pour aborder d’un œil neuf des problématiques potentiellement graves comme la guerre, l’écologie, le pouvoir, tout en préservant la dimension épique d’une aventure romanesque.

Créer de nouvelles règles du monde selon ses envies profondes ; en dérouler les conséquences naturelles, sociales, technologiques ; ménager l’équilibre entre cohérence et étonnement ; introduire ce contexte puis, enfin, le mettre au service d’une bonne histoire, tels sont les outils auxquels cet atelier se propose de sensibiliser ses stagiaires.
Car, comme le dit G. R. R. Martin, l’auteur célèbre de Game of Thrones : « ce qui m’intéresse dans l’Histoire, ce sont les histoires » ; si le monde représente l’outil central de l’imaginaire, il ne saurait être le seul, et surtout, il ne saurait prendre l’ascendant sur l’impératif de narration indispensable à une lecture agréable.

Les participants de cet atelier seront invités à approcher ces problématiques par une conjonction d’éclairages et de techniques afin de construire les premières briques d’un canevas narratif unique qu’ils pourront par la suite explorer à l’envi, que ce soit en approfondissant ses mécanismes, ou bien en y situant une, ou plusieurs histoires originales. Et, même s’ils choisissent de ne pas poursuivre ce voyage, ils se confronteront à une technique fondamentale de l’écriture : la maîtrise et la mise en scène du temps et de l’espace fictionnels.

Comment cela fonctionne :

Chaque vendredi, vous recevez dans votre boite email un exercice d’écriture autour du thème. L’exercice est à faire de son côté ; il s’agit donc d’un atelier où l’on écrit quand on veut, dans le train, tard la nuit, tôt le matin… mais en solitaire.

Le vendredi suivant, vous envoyez votre texte et je vous propose un retour personnalisé sur les points forts et les points faibles du texte, en vous donnant des conseils pour la suite.

Par ailleurs, à travers une adresse dédiée, vous pourrez partager vos textes avec les autres participants de cet atelier à distance, et lire les leurs, rejoignant ainsi une petite communauté qui se formera autour de l’atelier. (Astuce : c’est un excellent moyen de rencontrer des bêta-lecteurs.)

L’atelier débutera le 23 août et durera deux mois (fin le 25 octobre). Le tarif est fixé à 450 € (payable en trois fois ; réduction de 10% pour les étudiants et personnes au chômage).

Toutes les infos et inscriptions sont disponibles via le site de Les Mots : à voir sur cette page.

2019-07-10T07:38:36+02:00jeudi 30 mai 2019|Technique d'écriture|1 Commentaire

Procrastination podcast S03E14 : “Un personnage doit-il toujours réussir ?”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Un personnage doit-il toujours réussir ?“.

Les notions de héros et d’antagoniste dans les littératures populaires portent souvent en filigrane celles de réussite et d’échec, respectivement. S’agit-il d’absolus dont l’on peut tirer des codes, des règles, des motifs ? Comment les utiliser pour servir son projet ? Mélanie commence justement par les battre en brèche, arguant qu’ils ne s’appliquent pas à tous les genres ni tous les récits ; Laurent, en revanche, considère que la réussite et l’échec revêtent une grande importance narrative dans la progression de l’histoire, son réalisme et ses enjeux. Pour Lionel, une des grandes forces de la littérature consiste à rôder dans les nuances de gris, à interroger l’interprétation du lecteur, et c’est probablement l’une des formes narratives la mieux armée pour cela.

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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2020-10-19T11:37:37+02:00lundi 1 avril 2019|Procrastination podcast, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S03E14 : “Un personnage doit-il toujours réussir ?”

Au secours, j’ai l’impression que mon projet me dépasse, c’est normal ?

Par le pouvoir du crâne ancestral / J’arrive trop tard pour le réchauffement global. (Photo Nikko Macaspac)

Or doncques, en ce joli mois de mai (on est toujours en mai quand les mois sont jolis, ce qui est étrange, car en mai, il peut encore te grêler sur la tronche, ce qui n’est quand même pas très civilisé, mais ça va, on n’est pas en mai de toute façon), je reçus cette question qui, je dois le dire, a frappé une corde sensible en moi (le fa bémol) :

[dans le contexte de l’écriture d’un roman à venir…] J’ai décidé de passer à l’action en préparer le terrain avec un carnet “préparatoire”. Je voudrais préparer une sorte de story board, définir les enjeux, les lieux… Et c’est la que ma question intervient. Plus j’avance, plus j’ai l’impression que le projet me dépasse, comme si j’avais mis le doigt dans un engrenage que je ne peux arrêter. Est ce que ce type de chose est normal ? Est ce juste que le projet est trop gros et que je suis trop gourmand ?

J’ai décidé de passer à l’action en préparer le terrain avec un carnet “préparatoire”. Je voudrais préparer une sorte de story board, définir les enjeux, les lieux… Et c’est la que ma question intervient. Plus j’avance, plus j’ai l’impression que le projet me dépasse, comme si j’avais mis le doigt dans un engrenage que je ne peux arrêter. Est ce que ce type de chose est normal ? Est ce juste que le projet est trop gros et que je suis trop gourmand ?

Caveat tristement habituel avant qu’on ne m’accuse bêtement de prêcher ma parole comme l’Évangile (ce qui ne manque pas de poivre, quand on me connaît un peu) : ce que je dis n’engage que moi, n’utilisez pas mes paroles comme embarcation sans gilet de sauvetage, tenez-les à l’abri de l’air et de la lumière de crainte QU’ELLES VOUS SAUTENT À LA GUEULE comme le lapin de Sacré Graal (pour mémoire). Donc :

… mais quand même. Là, il me faut insister plus lourdement que d’habitude sur le fait que ces sensations, ces intuitions viscérales ne peuvent être jugées comme a/normales que par celui ou celle qui les vit. Es-tu trop gourmand ? Je ne sais pas. Toi seul sais. Mais le problème, avec les sensations viscérales, c’est que parfois, elles représentent des avertissements vitaux ; parfois, elles représentent également des craintes irrationnelles, ancrées, face à une adversité nette, mais que l’on veut conquérir pour aller au-delà et accomplir quelque chose de chouette. Nos tripes ne savent pas faire la différence. Et dans le second cas, notamment, il faut passer outre si l’on veut accomplir ses désirs (comme disait Nietzsche, rien de ce qui important ne vient sans surmonter quelque chose).

Je dis cela car, pour te répondre à mon avis précisément : est-ce que c’est normal de ressentir ça ? Très honnêtement, je ressens ça quasiment tous les jours. Quasiment tous les jours, je vais au clavier un peu comme à l’échafaud, parce que ouais, j’ai la trouille, et que je ne me lance pas dans un projet qui ne recèle pas une part de défi, une part d’inconnu, quelque chose que je n’ai encore jamais fait. Et que je vais, donc, devoir apprendre à faire. Je suis vissé comme ça ; je carbure à la difficulté, parce que j’aime les franchir. Je suis potentiellement un peu masochiste. J’avoue aussi.

Quand je constate l’envergure d’Évanégyre, même de la série « Les Dieux sauvages » qui est passée trois à cinq volumes parce que j’en avais sous-estimé l’ambition, ou encore tous ces autres projets que j’ai en stock et que j’ai envie d’essayer, je pourrais me dire : bien sûr, je suis trop gourmand. Il y a des jours plus difficiles que d’autres où je me le dis, où je me dis “rhaaaa, j’aimerais bien écrire un truc facile de temps en temps” – mais je sais aussi que je vais être ravi de trouver, cette fois encore, comment raconter mon histoire.

“Comment raconter” : c’est là la part vitale de l’équation. Car à mon humble avis, il est impossible de tenir un récit entier, même une nouvelle (a fortiori un roman ou une saga) dans son esprit, de la même façon qu’on ne se rappelle pas les mots d’un livre après l’avoir lu – on se souvient d’un ensemble, d’un trajet. Donc, il est normal, je pense, de sentir qu’on n’a pas une prise ferme sur son récit. C’est probablement impossible. (Nous sommes en bonne compagnie.) Et même : ce n’est peut-être pas souhaitable. Parce qu’un récit, une histoire, une fiction qui arrive à des gens, c’est un morceau de vie, ou du moins l’illusion de celui-ci ; c’est un matériau qui doit pouvoir respirer, évoluer, grandir et suivre les chemins qu’il lui faut – et pour parvenir à accomplir cela, il faut nécessairement abandonner une part de contrôle. Le “comment” se crée à chaque instant. 

Ce qui est terrifiant, on est d’accord. Surtout quand on est un fichu structurel comme moi VA, INTRIGUE, VA LÀ OÙ JE L’AI DIT s’il te plaît sois gentille j’ai peur à l’intérieur.

Un corollaire / une conséquence / la suite / je ne sais pas laissez-moi tranquille / de cette équation, du “savoir comment raconter”, ou plus exactement : de partir à la découverte, à la recherche du comment raconter, c’est l’enthousiasme. C’est peut-être le compas le plus précieux de l’auteur : avoir envie, et aller là où cette envie le dicte (et c’est la clé toute simple qui permet de réconcilier la peur de l’inconnu avec l’assurance que tout va bien se passer tant que tu avances). C’est plus facile certains jours que d’autres. Certains jours, on a davantage confiance (ou on est davantage merveilleusement inconscient) que d’autres. Mais c’est normal. Et si l’on parle de sensations viscérales, celle-ci est bien plus précieuse que la peur : oui, c’est dur, oui, j’ai peur, oui, je galère, mais bordel, là où je vais, ça me parle. Et tant qu’il y a ça, ne pas perdre la foi : on va y arriver.

Un mot quand même pour tempérer tout ce que je viens de raconter, et qui laisse peut-être entendre qu’un auteur débutant, tel la fillette et le petit chien foufou du générique de la Petite maison dans la prairie (pour mémoire1), est invité à gambader n’importe où dans les hautes herbes de son imagination en abordant tout et n’importe quoi sans aucune hiérarchie : il est probablement judicieux de faire preuve d’ambition… mais dans une certaine mesure. C’est-à-dire, de sortir de sa zone de confort dans la mesure du raisonnable (tu l’as vu, mon gros paradoxe ?).

Des auteurs ayant commencé par des sagas complexes qui fonctionnent, il y en a. Je ne suis pas en train de dire que si tu commences, tu dois forcément te faire la main sur des nouvelles (même si cela me semble un bon conseil pour appréhender, dans une mécanique à la fois brève et très exigeante, les techniques de l’écriture sans s’épuiser dans un roman, lequel représente un travail, ben, plus long). Cependant : tous les projets ne sont pas égaux en terme d’ambition et de complexité narrative (et je ne mets nullement là une étiquette de qualité : simplement, écrire « Les Dieux sauvages », une série de cinq volumes avec huit à dix points de vue par tome, ben c’est forcément plus compliqué que Les Questions dangereuses, une novella avec un protagoniste clairement identifié). Savoir ce qui est à ta portée, ou bien juste au-delà (si tu es masochiste comme moi), pour en apprendre ce qu’il faut, il n’y a que toi à le savoir.

Par définition, le projet le plus simple sera toujours celui que tu auras terminé, car tu auras défriché le chemin, et le projet suivant semblera toujours un peu trop vaste, je pense. Donc, courage et persévérance. Vivre avec cette sensation au quotidien et avancer malgré tout est le défi principal d’une attitude professionnelle et d’une carrière qui persiste des années. Quittons-nous sur cette vidéo que je citerai jusqu’à ce que mort tiède de l’univers s’ensuive.

  1. D’ailleurs, le lapin de Sacré Graal est blanc comme le chien – coïncidence ? JE NE CROIS PAS.
2019-06-01T14:35:52+02:00mercredi 20 février 2019|Best Of, Technique d'écriture|9 Commentaires

Boîte à doutes, gueuloir ou… Relaxation tantrique : mes trucs d’écrivain [table ronde aux Imaginales]

© ActuSF

Ce débat aux Imaginales 2018 a été capté par le site de référence ActuSF et faisait participer Marie Caillet, Gabriel Katz et moi-même. Modération et animation : Silène Edgar. Il peut être écouté librement en ligne ou bien téléchargé sur cette page.

2023-02-04T07:07:00+01:00jeudi 7 juin 2018|Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Boîte à doutes, gueuloir ou… Relaxation tantrique : mes trucs d’écrivain [table ronde aux Imaginales]

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