Les vrais mecs sont féministes

feminism-women-are-peopleOK, avec tous les remous qui agitent la question du genre, du mariage pour tous à l’article de Mar_Lard sur le sexisme dans le milieu geek en passant par les innommables lois anti-avortement dans les États fondamentalistes du sud des USA, on voit surgir un nouveau machisme en réaction aux progrès acquis par les droits des femmes et sur les rôles en général. Une espèce de patriarcat bon teint, qui ressemble un peu au racisme bon teint, c’est-à-dire la profération d’âneries (voire d’horreurs) comme des évidences bénignes.

Je crois qu’il est temps de dire une bonne fois pour toutes que les vrais mecs sont féministes

Caveat : C’est un peu difficile, quand on appartient à la population dominante comme moi (mâle blanc hétéro), de parler de ce genre de sujet ; on y fait promptement, mais involontairement, preuve de condescendance envers la population qu’on s’efforce de défendre, ce qui est une forme insidieuse de domination. Qu’il soit donc déclaré tout de suite, ô, mes soeurs humaines, que j’ai conscience de la place (chanceuse) que j’occupe, et que toute possible imprécision de ma part n’est pas de la condescendance, mais de l’ignorance – le débat est ouvert en commentaires. Je n’ai volontairement pas fait relire ce article par une femme pour qu’il soit brut de décoffrage, dans son (possible) aveuglement comme sa (réelle) sincérité : ainsi, espérons-le, parlera-t-il aux autres mâles blancs hétéros (auquel il s’adresse surtout, puisque les femmes, en principe, seront convaincues). Je remercie aussi toutes les nanas que j’ai croisées (et espère bien croiser encore !) pour les discussions riches d’enseignements.

Nous prendrons également pour acquis que la domination masculine est un fait indéniable. S’il y en a ici pour en douter, juste deux données françaises piochées sans forcer : droit de vote accordé aux femmes en 1944 en France ; 20% d’écart de salaire à l’heure actuelle1 Enfin les commentaires sont bienvenus, mais, les mecs, merci d’éviter le second degré lourdingue. Vous n’êtes pas drôles. Pour le reste, je rappelle que je modère sans pitié.

Ceci étant dit : dans une formule provoc’ comme celle du titre de l’article, il convient de définir les termes, pour montrer en quoi, finalement, elle n’est pas provoc’ du tout.

Le féminisme

Loin de moi l’idée de me prétendre expert ni même de faire un panorama de la question. J’avoue volontiers une certaine ignorance, et les mouvances sont, par ailleurs, multiples. Voir le caveat. Cependant, il me semble qu’il n’est pas nécessaire de faire un doctorat de sciences sociales pour faire de ce mot une notion opérante au quotidien (ce qui est plus immédiat que des thèses), quand on essaie de se comporter en être humain décent (ce qui est un processus constant semé d’embûches).

xkcd-girls and mathLe féminisme, c’est défendre les droits des femmes, c’est tout. Et les droits des femmes, ce sont les droits de l’homme (en tant qu’espèce biologique). Genre, les mêmes. Traiter les femmes comme des êtres humains (ça semble basique, mais ça échappe à beaucoup). Ça représente, sans se limiter à :

  • Respect et dignité de la personne en tant qu’être humain (tu t’habilles comme tu veux sans avoir peur, par exemple)
  • Liberté, en particulier de disposer de soi (c’est ton corps, tu en disposes comme tu l’entends)
  • Pleine reconnaissance de la différence (eu égard, en premier lieu, aux fonctions biologiques qui sont asymétriques dans notre espèce – je le dis pour ceux qui ont séché les cours de SVT)
  • Égalité des droits

Ha, la fameuse égalité des droits, l’argument de discorde, en général. Promouvoir l’égalité des droits pour les femmes conduit le sexiste de base à redouter une restriction des siens. On se demande comment (comme on se demande comment les chrétiens traditionalistes peuvent se sentir menacés par le mariage pour tous : en quoi donner aux uns des droits relatifs à la personne en priverait les autres ?) – sauf si ces fameux droits sont fondés sur une exploitation ou une domination d’autrui.

Tiens donc.

Je me tiens le plus loin possible de Freud et Lacan, mais je connais un peu mes corréligionnaires masculins, et je crois que la résistance à l’égalité prend principalement racine dans la frustration sexuelle et, inconsciemment, d’une ambiguïté envers la féminité, vécue comme un mystère, et donc anxiogène. (Ce n’est probablement pas la seule cause, mais celle-ci me semble profonde, et quasi-suffisante, en tout cas pour un article de blog crypto-subjectif comme celui-ci.) L’être humain redoute ce qu’il ignore, et tend à dominer ce qu’il redoute.

feminist-damned-ifyoudoPar conséquent, je crois qu’il y a, au coeur de la domination masculine, une angoisse de la frustration sexuelle, voire, au-delà, d’une frustration esthétique (qui englobe tout le reste au sens large, si l’on postule un noyau hédoniste à l’être humain). Sinon, pourquoi la notion de dissimulation du corps féminin serait-il tant répandue à travers le monde et érigée comme principe ? Pourquoi la première forme d’oppression masculine sur les femmes est-elle sexuelle ? Pourquoi les femmes sont-elles tant présentées comme des “tentatrices », en particulier dans le vocabulaire religieux (… où le célibat, d’ailleurs, est la norme) ? (Les mecs sont-ils donc si fragiles qu’ils ne savent résister à la tentation ? Bah alors, mes bichons ?)

C’est bien qu’il existe une population masculine tragiquement dominée par des pulsions dont elle ne sait que faire, et qu’elle ne sait assouvir que par la violence, trop mal équipée pour imaginer qu’il existe d’autres registres d’interaction2. Comme un enfant frustré et gâté réagit par le caprice. Je m’arrête là, ça nous entraînerait trop loin, mais vous voyez l’idée (j’espère).

Ce que ne voient pas les sexistes de base (en partie, soyons un peu magnanimes, à cause de siècles de façonnement social, ce qui ne se change pas en un an, mais évolue heureusement peu à peu), c’est que les droits ne sont pas une quantité finie, que si on en donne aux uns, on en enlève aux autres. Il faut ici mentionner le rôle qu’ont joué certaines mouvances extrêmistes du féminisme qui ont donné l’impression, par l’emploi d’une rhétorique guerrière, qu’il s’agissait de destituer les hommes de leur situation. On peut tout à fait comprendre la révolte féministe qui conduit à de tels extrêmes, mais non, les gars, détendez-vous, contrairement à ce qu’on entend ici et là, le féminisme ne vise pas à vous dominer. Et vous êtes un peu couillons si vous le croyez, excusez-moi. Si on vous l’affirme froidement et avec le plus grand sérieux, vous avez parfaitement le droit de répondre posément à votre interlocueur ou trice que c’est un(e) idiot(e), et d’aller discuter avec quelqu’un d’un peu plus intéressant.

En revanche, la révolte est, elle, parfaitement compréhensible, et elle n’est pas à minimiser, ni à prendre de haut. Une révolte est un signal qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Know the difference, it can save your life.

Il y a une façon positive de répondre à l’inégalité (de salaire, de traitement, etc.), et c’est en réfléchissant à la façon dont on peut améliorer le sort de tous, et/ou travailler (quand c’est pertinent) à la symétrie.

Case in point

feminaziPour être plus clair, et parce que, comme je l’ai dit, je n’ai pas de définition ni de principe, seulement des questions et une quête de réponses que j’espère opérantes dans l’existence, prenons le cas – pour revenir à la frustration sexuelle et esthétique née de la crainte du mystère féminin – du corps de la femme considéré comme objet. Exemple : une fille nue dans une pub sert à vendre du yaourt. Un groupe féministe s’énerve en râlant qu’on n’a pas besoin de foutre une meuf à poil pour vendre du yaourt. Le sexiste de base répond : “C’est du fascisme ! On ne peut plus rien dire, on est en pays libre, et si on a envie de voir des meufs à poil, merde ? Rentrez à la cuisine, lol, etc.”

Sens-tu, ô auguste lectorat, sous-jacente à cette protestation, la frustration sexuelle et esthétique ? Sens-tu aussi la parfaite incompréhension entre deux discours placés sur des plans qui n’ont rien à voir ?

Ce qu’il faut voir, c’est que si les femmes protestent contre le fait que leur corps soit utilisé comme objet, je crois, il me semble, que c’est avant tout parce qu’il est au service (quasi-)exclusif des hommes et l’héritage de siècles de domination masculine. Une forme de symbole. Ce qui entraîne une protestation que je trouve légitime.

OK, on est là. Que fait-on ?

Soit l’on arrête de montrer le corps féminin, point. C’est illusoire (étant donné les lois du marketing moderne), c’est problématique (parce que la frustration risque certainement de ressortir avec violence, comme en témoigne tristement l’histoire humaine), et bon, c’est esthétiquement dommage, parce que nu et élégance ne sont pas mutuellement exclusifs, comme le prouve le nu dans l’art à travers les âges (l’usage qu’on en fait est plus tangent, mais restons simples).

Mais le problème, éthiquement, vient-il de 1) l’usage du nu féminin en soi, ou de 2) la dissymétrie dans la représentation entre genres ?

Les moralistes répondront 1). Je pense et préfère 2) (et je pense que combattre 1) est un épouvantail rhétorique).

Avant de prôner toute dissimulation, on peut s’interroger sur les notions d’usage en soi du nu et d’égalité. Solution (défendue, presque quotidiennement dirais-je, par Maia Mazaurette) : que diable, faisons du corps masculin un objet aussi, permettons-lui d’acquérir un potentiel érotique qui soit le pendant du féminin ! Hey, du coup, tout le monde peut mater, personne n’est frustré, chacun ses codes, c’est cool, et personne ne se sent plus instrumentalisé que l’autre. On déplace la question de “Faut-il montrer le corps de la femme ?” à “Faut-il montrer le corps ?” ce qui me semble une question plus intéressante et, surtout, dénuée de sexisme et des dérives qui l’accompagnent, parce qu’il n’y a pas lieu d’avoir deux poids, deux mesures. Ce qui est le fond de la question ici.

Évidemment, on n’y est pas. Mais ça progresse un peu, me semble-t-il. Le plus important, c’est qu’on donne à tous le choix d’être instrumentalisé ou pas, comme il le souhaite, si c’est son désir ; le fond du problème, c’est la réciprocité.

Les vrais mecs

voiceless-royDonc, si, au coeur de la domination masculine, il y a une peur née de la frustration, il vient que le sexisme prend racine dans une vision infantile du soi et de l’autre.

Les sexistes de base ne sont rien de plus, psychologiquement que des petits garçons. Des petits garçons, car ils ont peur des femmes ; parce qu’ils n’ont pas conquis et réalisé leurs pulsions ; parce qu’au lieu de mener des combats constructifs (c’est-à-dire en réfléchissant à ce qu’ils sont et en réalisant leur potentiel), ils se défaussent par la bêtise, la discrimination et l’oppression et appellent ça être un “vrai mec” (ce qui colle la honte à tout le reste de la compagnie, pas merci, les gars). Psychologiquement, seul un enfant, un petit garçon, est impressionné par une femme, soit l’archétype à la fois tout-puissant et protecteur de la mère, envers qui il est placé en position de dépendance affective3.

Alors, si la notion – absurde et bancale, c’est clair – de vrai mec définit, disons, une situation mûre et adulte dans l’existence, indépendance et liberté, alors il vient que le “vrai mec » n’est pas gouverné par la peur, mais par la réalisation. Un vrai mec, selon cette acception, n’est autre qu’un vrai être humain, en définitive. En particulier, il n’est pas gouverné par la peur de perdre des prérogatives dominatrices, parce qu’elles ne le définissent pas ; il ne domine pas autrui, il se domine lui-même, et c’est de là que viennent ses accomplissements ; s’il peut bien sûr éprouver la peur, il la reconnaît, l’affronte et s’efforce de la conquérir.

Un vrai mec – un vrai être humain – est féministe parce qu’il a une identité suffisamment robuste pour ne pas se sentir menacé dans sa psyché infantile, parce qu’il accueille au contraire l’égalité des droits comme un progrès pour tous. Ce qui aligne le féminisme à l’intérêt de la personne, quel que soit sa situation.

En définitive

need-feminist-menÀ mon sens, et de mon point de vue de mâle blanc hétéro :

Être féministe, c’est choisir un employé ou un collaborateur sur la compétence du boulot qu’il/elle sera amené(e) à faire, homme ou femme.

Être féministe, c’est considérer que quand on refuse aux femmes le droit de disposer d’elles-mêmes, c’est un peu de l’épanouissement de tous qui s’évanouit.

Être féministe, c’est avoir le droit de penser d’une femme qu’elle est idiote, non pas parce que c’est une femme, mais parce que c’est un être humain idiot.

Être féministe, c’est trouver que tenir la porte à une fille, c’est cool, tout simplement parce que c’est sympa d’être sympa. Et oui, peut-être que la fille est jolie. Et alors ? C’est sympa d’être sympa avec une jolie fille. Moi aussi j’apprécie qu’on soit sympa avec moi. Faut-il que les choses soient plus compliquées que ça ? Être féministe, c’est aussi trouver qu’une jolie fille court vêtue qui se promène dans la rue est magnifique – point barre. Et que c’est cool. Merci d’avoir illuminé ma journée. (Pour être clair : non, ce n’est pas une s*****, elle fait ce qu’elle veut.)

Être féministe, c’est considérer que quand on force les femmes à se taire, c’est une diversité de parole et d’opinion, salutaire et nécessaire, dont on se retrouve tragiquement privé.

Diminuer les droits des femmes, c’est restreindre les droits de tous ; c’est infantiliser, ultimement, une population masculine qui ne sait comment résoudre son insécurité. Si tout cela n’est pas une raison amplement suffisante4 de défendre ces droits, je ne sais pas ce qu’il faut. Il n’est pas besoin d’aller jusqu’à la manifestation publique pour se dire féministe. Simplement, déjà, agir soi-même, soit surveiller ses actes et son langage, les questionner en particulier quand on est un mâle blanc hétéro, pour se demander si actes et langage ne viennent pas de présupposés ataviques et non de la vérité de soi, il me semble que c’est un bon début quand il est sincère5.

J’entends d’ici, encore, les petits garçons qui hurleront à la censure. En ce qui vous concerne, on va être clairs, il s’agit juste 1) d’arrêter d’être con 2) de piger qu’en vous remettant en cause et en cherchant sincèrement comment contribuer à la communauté, vous contribuez à améliorer votre propre condition et 3) de consacrer votre énergie à devenir ce que vous voulez être au lieu d’empêcher les autres de le faire par misère intellectuelle et affective. Vous êtes capables ne serait-ce que d’essayer, ou bien vous êtes trop faibles et peureux pour ça ?

  1. En revanche, contrairement à la légende, il n’y a jamais eu de Concile pour déterminer si les femmes avaient une âme. Mëme si j’avoue que l’anecdote est savoureuse.
  2. Sur la violence comme principe, je ne la fustige pas en soi. Nietzsche affirmait que “tout ce qui est important vient en surmontant quelque chose ». La violence est potentiellement créatrice, tant qu’elle est orientée de façon juste, tout comme l’atome ou le marteau, c’est-à-dire par sur le(a) voisin(e).
  3. Je ne parle pas de l’OEdipe freudien, lequel est – à ma connaissance – fondamentalement sexuel.
  4. Car qui relève de l’intérêt personnel et immédiat de l’individu ; bien qu’égocentré, c’est toujours le motivateur à la fois le plus simple et le plus efficace.
  5. Je ne prétends d’ailleurs pas y arriver, et ce n’est pas à moi de le déclarer de toute manière ; je ne peux que m’y efforcer, l’opinion et le ressenti sont, par définition, l’affaire des autres, qui – truc de dingue – communiquent alors
2018-07-17T14:17:49+02:00mercredi 31 juillet 2013|Humeurs aqueuses|56 Commentaires

Léviathan : Le Pouvoir sur la Bibliothèque de Jake

Couv. service artistique Seuil d'après (c) Hannah Stouffer / fstop / Corbis et (c) Bill Varie / Getty Images

Couv. service artistique Seuil d’après (c) Hannah Stouffer / fstop / Corbis et (c) Bill Varie / Getty Images

Un livre qui tient ses engagements en tant que thriller fantastique mais également vaste et riche d’enseignements sur des questions fondamentales et profondes sur l’âme et la psychologie de l’être humain. Impressionnant !

Merci à Lolo pour cette chronique, et pour être entré dans le livre sans avoir lu les deux premiers tomes ! À lire sur la Bibliothèque de Jake..

2013-07-31T09:18:44+02:00mardi 30 juillet 2013|Revue de presse|3 Commentaires

Productivété (5) : la méthode Pomodoro, vaincre la procrastination sans effort

(Retrouvez tous les articles de l’été sur organisation et productivité ici.) 

On continue le tour d’horizon des méthodes et des astuces pour mieux jongler entre les priorités et réaliser ce qui nous tient à coeur par un problème tout simple, résumé ci-dessous :

procrastination-flowchart

… vous avez la liste des projets en cours, vous savez quoi faire, et, pour une raison que vous ne parvenez pas à vous expliquer, vous glandez sur Facebook, tondez la pelouse, faites les courses au lieu d’attaquer l’écriture de ce roman… ou votre déclaration d’impôts. La journée file, vous n’avez rien fait, et la culpabilité vous ronge…

Pourquoi ?

procrastinationLes causes de la procrastination sont encore sujettes à débat entre les spécialistes. Il est probable que ce comportement ne soit pas la conséquence d’un profil psychologique défini, ni ne s’enracine dans un seul ensemble de causes, quand l’on constate la variété des situations où elle intervient. .

Tout d’abord, certaines pratiques empirent le problème : notre cerveau n’est pas multi-tâches, et met un léger délai à s’accoutumer au travail auquel on l’applique. Par conséquent, en changeant régulièrement de tâche, on paie une “taxe” fixe en terme de concentration, que l’on ne paierait qu’une fois en groupant en une seule plage les travaux connexes. Par exemple, il vaut mieux réserver une heure entière au courriel que six pauses de dix minutes. Nous en avions déjà parlé ici.

La procrastination surgit fréquemment dans le cadre de projets d’envergure, comme écrire un roman, une thèse, monter un événement… qui tiennent pourtant à coeur à ceux qui les montent. On peut raisonnablement isoler deux causes (parmi d’autres) à cela :

1. Un manque de définition de la tâche. “Écrire un roman” n’est pas une action réalisable d’un coup ; cela comporte plusieurs sous-actions, comme “Définir le personnage du héros” et “Faire des recherches sur l’époque concernée ». Dans les mots de David Allen, “nous ne pouvons pas accomplir des projets, seulement des actions” ; réduire la taille d’une entreprise à un (peut-être grand) nombre d’actions unitaires réalisables représente déjà un grand pas.

2. La taille même du projet. Nous l’avons abordé, l’énergie doit se gérer avec intelligence : de la même manière qu’un athlète ménage sa forme physique et l’entretient, un travailleur intellectuel doit prendre garde à sa motivation et son énergie, et la protéger. Une liste de choses à faire, bien définies, mais interminable, peut agir comme repoussoir. “Regardez-moi tout ça ! J’en ai déjà marre avant de commencer. Je n’y arriverai jamais.”

C’est là qu’intervient la méthode Pomodoro, un petit hack tout simple et pourtant d’une redoutable efficacité.

Travaillez, soufflez

pomodoro-techniqueCette méthode vise précisément à répondre au point 2.) du paragraphe précédent. La procrastination prend souvent sa source dans le découragement : je dois faire tout ça ! Une résistance naturelle s’installe alors. Cela conduit à ne pas commencer du tout, à se mettre la tête dans le sable, plutôt que prendre le risque de se lancer et se confronter aux problèmes qui ne manqueront pas de surgir. La procrastination est une position de repos et de sécurité. 

Mais le rhum ne se fait pas en un jour, et vos gros projets non plus. Plutôt que de se fatiguer l’esprit d’avance en affrontant un tunnel de travail de 4h qui ne débouchera pas sur l’achèvement du projet, quand le cerveau voudrait juste se reposer, la méthode Pomodoro propose de passer avec soi-même un contrat simple :

Je définis ce que je cherche à accomplir dans la demi-heure qui vient. 

Je travaille 25 minutes là-dessus, d’arrache-pied. Pas plus. 

Ensuite, je peux me reposer 5 minutes. 

Attention, c’est un contrat ferme. Pas de passage sur Facebook, de courriel, de téléphone (sauf si cela concerne le travail à accomplir), de caresse au chat. Il faut tenir 25 minutes.

Mais la contrepartie, c’est que ce n’est que 25 minutes. Et ensuite, le cerveau aura toute latitude pour buller sur Facebook, le courriel, etc. pendant 5 minutes.

Affronter un tunnel de 4 heures sans distraction est rédhibitoire surtout quand on mêle deux boulots, qu’on est fatigué, que les tâches pressantes s’accumulent. Mais 25 minutes ? C’est facile.

  • Le repos est en ligne de mire (et ne porte aucune culpabilité : ces 5 minutes ont été méritées)
  • Ce sont 25 minutes efficaces (de concentration réelle et absolue)

Une fois le cycle d’une demi-heure terminé, on recommence, autant de fois qu’on le peut dans la plage horaire disponible. Et si vous êtes lancé(e) et certainement pas prêt à vous arrêter après les 25 minutes ? Continuez ! La méthode Pomodoro est un starter mental, pas une règle rigide.

Le plus agréable est que tout le matériel sur cette technique est disponible gratuitement (en anglais) sur le site http://www.pomodorotechnique.com/. On y trouve davantage de raffinements, mais le coeur est là.

  • Travaillez sans interruption pendant un temps donné.
  • Prenez un temps de repos.

Essayez. Vous serez étonné(e) de ce que vous aurez accompli (… alors que vous n’auriez certainement rien fait sinon !).

Et pour l’écriture ?

Le bénéfice de la méthode Pomodoro est double dans le cas de l’écriture :

  • Se forcer à s’y mettre. C’est fréquemment le plus difficile. En se fixant comme but de travailler 25 minutes au lieu de réaliser 10 pages, on abaisse notablement l’enjeu et donc la résistance. Je connais une romancière de talent, productive, qui m’a confié se fixer un seul objectif quand elle s’installe devant le clavier pour écrire : rédiger 20 lignes. C’est souvent tout ce qu’il lui faut pour aller au-delà et réaliser une bonne session de travail. Mais son contrat est simple, et accessible : 20 lignes.
  • Se forcer à se concentrer. L’inspiration ne vient pas immédiatement, en général. Il faut réfléchir à ce que l’on veut dire, s’installer dans une scène, pour commencer à la décrire. Mais ce travail peut être long, et peiner à écrire les premières lignes peut être démoralisant. En s’engageant à ne pas lâcher le morceau dès que se présentent des embûches, on augmente les chances de les surmonter au lieu de remettre au lendemain, en espérant que l’inspiration viendra. 

On notera toutefois que 25 minutes représentent souvent une durée trop faible pour vraiment bien rentrer dans une scène un processus d’écriture. On pourra avec profit augmenter la durée du pomodoro en une heure, ou 1h30, en fonction des habitudes de travail, et se ménager une pause en conséquence.

2014-08-05T15:18:26+02:00lundi 29 juillet 2013|Best Of, Technique d'écriture|24 Commentaires

Léviathan : Le Pouvoir sur IfIsDead

Couv. service artistique Seuil d'après (c) Hannah Stouffer / fstop / Corbis et (c) Bill Varie / Getty Images

Couv. service artistique Seuil d’après (c) Hannah Stouffer / fstop / Corbis et (c) Bill Varie / Getty Images

[…] Cela reste un très bon livre et fait de Léviathan une excellente trilogie. Toutes les intrigues sont résolues et cela permet d’éviter un dernier sentiment de frustration. Cette série est vraiment réussie et il serait dommage de passer à côté.

Merci à LuxtExMachina pour cette chronique, à découvrir sur le webzine IfIsDead.

2013-07-19T19:33:29+02:00vendredi 26 juillet 2013|Revue de presse|Commentaires fermés sur Léviathan : Le Pouvoir sur IfIsDead

Oui, la critique peut être objective (2)

philosophy_kitteh1Résumé des épisodes précédents : hier, je me suis lancé dans l’exercice casse-gueule de décortiquer l’exercice de critique narrative selon trois axes. Après m’être demandé ce que je venais faire dans cette galère, je conclus par le troisième axe, soit… 

L’impératif d’intention

Toute oeuvre narrative a une démarche, une intention. (Même de s’affranchir de toute oeuvre et de toute intention, comme certaines veines du surréalisme, voire du Nouveau Roman.) C’est-à-dire qu’en tant qu’objet fictionnel, elle présente une grammaire narrative (son image, son style, son discours, même) qui déclare ce qu’elle cherche à être. “Voici ce que je raconte, et comment.” Cette intention va ensuite la placer dans une mouvance ou un genre, qui sont des catégories arbitraires décidées par les analystes pour découper les continuums en tranches, parce qu’à un moment, pour analyser les trucs, il faut bien discrétiser les ensembles : c’est un processus naturel et classique de l’analyse – mais pas de la création, du moins, me semble-t-il. (Mais ça nous entraîne bien trop loin.)

Il s’agit, en un sens, d’une extrapolation de l’idée de promesse narrative (et là je me rends compte que j’aurais dû écrire un article sur cette notion d’abord, tant pis, on verra, circulez.) Rapidement, tout récit fait des promesses à son public : si je prends de longues minutes pour établir un personnage, je fais la promesse que cela servira (ou bien je le tuerai arbitrairement pour choquer, mais il aura, là aussi, rempli sa fonction). Trop chercher l’utilité des éléments ou le paiement des promesses conduit à une fiction mécaniste où rien n’existe seulement pour la beauté de la chose ; c’est encore une autre histoire, considérons simplement, pour l’instant, que si je vire ce personnage sans plus jamais rien en dire, j’aurai échoué dans ma promesse. Très basiquement, toute promesse appelle un paiement (de la promesse)1.

L’impératif d’intention n’est rien d’autre que la somme des promesses faites par l’oeuvre en tant qu’objet, et la concrétisation (ou non) de celles-ci. 

Attention, l’intention n’est en aucun cas un jugement de valeur. L’intention peut être aussi variée que

  • Je suis un gros blockbuster décérébré qui poutre
  • Je suis une réflexion profonde sur la condition humaine
  • Je suis léger, amusant, je veux faire rire
  • Je suis un divertissement sans prétention pour passer simplement quelques heures
  • J’envoie balader toutes les notions d’intention et je fais n’importe quoi pour montrer en quoi c’est stupide (… ce qui est une intention)
  • Je veux surprendre en mélangeant ce qui n’est pas mélangeable et produire quelque chose de différent, mais potentiellement appréciable et nouveau

Il n’est nullement question de juger du discours (c’est là que la notion de goût intervient : si l’on n’aime pas les blockbusters, on évite d’en voir, mais il y a des gens qui aiment, et ce genre de film marche plus ou moins) mais de savoir si, oui ou non, l’oeuvre accomplit son objectif, remplit sa promesse en tant qu’objet, qu’il s’agisse de proposer une réflexion profonde et philosophique ou un bon moment d’amusement. De plus, l’intention n’est pas forcément exprimée dans l’esprit du créateur, qui est peut-être le jouet de son oeuvre ; mais le critique, en la recevant, doit décoder. C’est son travail (de critique aspirant à l’objectivité).

Est-il savonneux d’essayer de décoder l’intention d’une oeuvre rien qu’en la voyant ? Fichtre, oui, c’est horriblement risqué, et quasiment grossier. A-t-on des chances de se planter ? Évidemment. Néanmoins, si l’on veut sortir du “j’aime / j’aime pas” (ce qui n’est encore une fois pas répréhensible, mais une différente sorte de lecture), si l’on cherche à savoir si une oeuvre peut être recommandée, je ne crois pas qu’il existe d’autre clé de lecture.

Pour résumer

La fiction est un rêve dont le maintien (ou le questionnement) constitue sa nature même. 

  • La fiction doit employer les moyens qui la servent ; 
  • La fiction doit être cohérente (ou maîtriser son incohérence) ; 
  • La fiction doit remplir les promesses qu’elle SEMBLE se fixer. 

Ceci étant le point de vue du consommateur / critique qui sommeille en moi (et ma grille de lecture quand je me corrige moi-même). Quand vous tomberez sur des critiques sur ce blog, c’est à la jonction de ces trois impératifs que je me place. Ce qui a ses forces, ses faiblesses, et sa part inhérente de subjectivité, mais qui me permet, je crois, de porter un avis potentiellement positif même sur ce qui ne me parle pas. Tout désaccord est évidemment recevable. Mais, au moins, vous saurez ce dont il retourne ; pourquoi j’affirme que L’Écume des jours est un mauvais film, mais Avatar un bon ; pourquoi Sucker Punch est un triste échec, mais Tron : Legacy une réussite.

Nota : Si l’on voulait être réellement exhaustif, il faudrait ajouter l’impératif de progrès (cette oeuvre apporte-t-elle quelque chose à son genre, à sa forme ?), qui fait avancer la culture dans son ensemble. Je ne pense pas que cela soit nécessaire – impératif au sens des trois axes proposés ici – mais que cela constitue une valeur ajoutée. Il faudrait encore une discussion de profondeur là-dessus, mais cela s’écarte du sujet souhaité, car faire de cette considération un impératif, ou non, me semble, finalement, esthétique, et sans réel lien avec le maintien du rêve fictionnel. Ce qui n’est pour dire que l’innovation est partie négligeable, au contaire, elle est vitale à la santé de la création, mais ne constitue pas, je pense, un critère de critique aspirant à l’objectivité. J’aurai peut-être changé d’avis dans un mois, notez. C’est ça qui est confortable quand on est écrivain et pas théoricien – je m’en rends bien compte. 

  1. Clin d’oeil aux copains des Films à Réaction pour les discussions sur le sujet.
2014-08-30T16:42:24+02:00jeudi 25 juillet 2013|Best Of, Le monde du livre|13 Commentaires

Oui, la critique peut être objective (1)

Walk-a-Mile-in-My-Shoes-criticismAlors, tiens, on parlait de Pacific Rim sur Facebook, et, comme c’est souvent le cas quand les avis divergent sur un film / livre / concert / gâteau à la framboise, à un point de la discussion, est venue sur le tapis la question du goût.

La critique (de fiction) est-elle objective ? N’est-elle condamnée qu’à dire “j’aime” ou “je n’aime pas” et sommes-nous voués à n’exprimer que nos goûts, privés de grille de lecture, naviguant à vue dans un univers d’oeuvres indécodables ? 

Hein ? Hein ?

Ce suspense est insoutenable.

Bien, tout d’abord, je ne fustige en rien ceux qui exposent goûts et appréciations personnelles, aussi arbitraires soient-ils (ce qui est, ahem, contenu dans la défintion). Nous faisons tous cela au quotidien. “J’kiffe Naruto parce qu’il est, tu vois, intestable.” 1 Bien des blogueurs de renom et de talent fondent leurs billets sur ce ressenti, et l’assument parfaitement. Aucun problème : c’est la première grille de lecture et la plus valide de toutes, car éminemment personnelle. Et, au final, pour savoir si une oeuvre nous parle, il faut la voir / lire / entendre, n’est-ce pas ?

La clé est là : l’assumer. Là où cela ne fonctionne pas, c’est qu’il existe aussi des critiques qui opèrent selon ce mode, mais prétendent juger depuis les hauteurs suprêmes du Bon Goût (TM). Sauf que le Bon Goût est éminemment, lui aussi, personnel.

En revanche, il apparaît qu’il existe quelques critères selon lesquels il est possible de jauger une oeuvre. Quand je faisais de la critique – et que j’en fais encore -, je m’efforce d’opérer selon ceux-là. (Évidemment, vous aurez repéré que je suis en train de vous dire que mes critères, à moi, sont objectifs. Je le pense, mais je reconnais tout l’égocentrisme de la situation, et je vous signale aussi que vous pouvez ne pas être d’accord. À tout le moins, je référencerai cet article pour expliquer sur quelle base théorique se fondent mes critiques sur ce blog.) Pour rendre à César la petite monnaie sur le pain, je les pique à / remixe de l’école de critique littéraire.

J’en discerne (à l’heure actuelle) trois : l’impératif de moyens, l’impératif de cohérence et l’impératif d’intention. Ils ne suffisent pas à jauger du plaisir suscité par une oeuvre puisque, par définition, celui-ci est subjectif, mais au moins – et c’est, je crois, l’obligation de toute critique qui aspire à l’objectivité – ils fournissent une grille d’analyse qui permet d’élargir la lecture et la perception dès lors que l’on cherche à prendre de la hauteur. En tout cas, c’est ma façon de faire ; mutatis mutandis, etc.

Je précise que je me place dans le cadre de la fiction, et que pour moi, la fiction aspire à narrer une réalité imaginée destinée à impliquer son spectateur (ou lecteur, ou auditeur, etc.) dans le déroulé de ses événements, dans un état s’apparentant au rêve, à la transe, voire à une fugue dissociative bénigne2. Vonarburg et Gardner l’ont dit avant moi, et c’est une définition qui me plaît en plus de me paraître fonctionnelle (ou fictionnelle ? Ha ha.).

shatner-bad-actingL’impératif de moyens

Le plus facile. Si les trucages d’un film sont visibles, si les acteurs jouent comme des patates, si le style est indigent, alors il y a faute (au sens du manque) de moyens. Ce manque de moyens agit comme autant de dissonances qui sortent le spectateur (au sens large) du rêve fictionnel.

Évidemment, il y a une part esthétique là-dedans. Les trucages de Méliès n’ont rien à voir avec le blue screen et l’animation de synthèse moderne, mais cela ne les empêche pas d’être empreints de poésie et de servir leur fin.

Laquelle dépend de l’impératif d’intention (voire plus bas).

Par Camille Harang (source)

Par Camille Harang (source)

L’impératif de cohérence

Facile aussi.

L’univers dépeint dans le rêve fictionnel obéit à un certain nombre de règles, tacites (la gravité, les gens doivent manger et boire, si on leur tape dessus on peut les tuer) ou établies (nous sommes en 2040 et une civilisation de presse-purée galactiques a envahi la Terre, les dinosaures n’ont jamais disparu mais ont fondé une société secrète dans la terre creuse et pilotent l’histoire en sous-main, nous vivons dans une civilisation parfaitement éclairée).

Quand l’oeuvre enfreint ces règles, elle crée une incohérence, un trou de scénario plus ou moins gros (et visible), susceptible encore une fois de rompre le rêve fictionnel. Là aussi, il y a une considération esthétique : Bruce Willis peut dégringoler du 15e étage et survivre dans un film d’action sans problème, dans un compte-rendu réaliste de la vie des financiers pendant la crise de 1929, ça passera beaucoup moins bien.

Ce qui nous amène au principal, et aussi au plus polémique : l’impératif d’intention, qui nécessite son propre article, demain.

  1. Je suis navré mais cette phrase est authentique, entendue un jour dans le métro.
  2. Ça ne mange pas de pain de préciser aussi que tout cela est une réflexion en cours, et que je n’ai la prétention d’être professeur mais de faire un usage opérant des signes qui font des mots – ah ouais, les lettres.
2014-08-05T15:18:27+02:00mercredi 24 juillet 2013|Best Of, Le monde du livre, Technique d'écriture|12 Commentaires

Léviathan : Le Pouvoir sur Reflets de mes lectures

Couv. service artistique Seuil d'après (c) Hannah Stouffer / fstop / Corbis et (c) Bill Varie / Getty Images

Couv. service artistique Seuil d’après (c) Hannah Stouffer / fstop / Corbis et (c) Bill Varie / Getty Images

Ce roman voit les choses bouger et, arrivé à son terme, une partie de l’univers de l’échiquier du monde de Léviathan n’est plus le même… J’ai beaucoup aimé cette trilogie. Arrivé à son terme j’ai hâte de pouvoir y retourner […].

Merci à Cédric Jeanneret pour cet avis positif à lire sur son blog !

2013-07-02T11:43:20+02:00mardi 23 juillet 2013|Revue de presse|Commentaires fermés sur Léviathan : Le Pouvoir sur Reflets de mes lectures

Productivété (4) : La matrice d’Eisenhower, ou trier ses priorités

gtd_kitteh(Retrouvez tous les articles de l’été sur organisation et productivité ici.) 

Quatrième semaine de cette série d’articles estivaux sur l’organisation du travail et la productivité personnelle. Nous avons parlé de lifehacking, de GTD, puis de Personal Kanban dans l’optique de mieux organiser son travail et ses priorités. J’en profite pour vous remercier de votre suivi de cette série d’articles, et surtout de vos commentaires. Lesquels vont, d’ailleurs, me faire dévier de mon plan d’origine pour pour traiter plus en profondeur les questions qui sont apparues au fil des publications.

Nommément, le choix des priorités, l’organisation en un moment donné des choses à faire, l’inventaire des projets et le tri entre ceux-ci. L’article de la semaine dernière donne des pistes, mais je pense qu’un complément peut servir.

Aussi, sans davantage de tergiversations, vous proposé-je (fond sonore : Ainsi Parlait Zarathoustra) : la matrice d’Eisenhower.

Oui, on parle bien d’Eisenhower, le président. Vaguement moins connue que ses autres petites réalisations, genre ses victoires pendant la Seconde Guerre Mondiale ou son discours de fin de mandat1, sa matrice organise les tâches et projets selon deux axes : l’urgence et l’importance.

Les projets sont donc, au choix :

  • Urgents et Importants (je dois rendre ma déclaration d’impôts demain, la Française des Jeux m’appelle pour dire que j’ai gagné au loto, ma maison est en feu)
  • Urgents et Non Importants (les Témoins de Jéhovah sonnent à ma porte, un collègue me propose un café, je reçois une lettre-chaîne à renvoyer à tous mes contacts dans les dix minutes sous peine d’attraper le tibouti transcendental)
  • Non Urgents et Importants (mon Grand Roman dont je repousse l’écriture depuis 15 ans, rénover mon appartement, me documenter sur les pistes présentées par Davoust pour parfaite mon système d’organisation)
  • Non Urgents et Non Importants (glander sur Facebook, vérifier mon mail toutes les deux minutes, me perdre en recherches inutiles pour le livre que je cherche à écrire)

Ce qui se résume ainsi :

CC-By-SA par Infofiltrage

CC-By-SA par Infofiltrage

… ce qui constitue un outil à la fois très simple et élégant pour faire l’inventaire des tâches à un moment donné, et décider de ce qui doit être traité aujourd’hui et dans les semaines à venir, selon le principe de limitation des tâches concomitantes introduit par Personal Kanban.

Les tenants de cette matrice mettent en avant que les deux quadrants “Pas Important” doivent être minimisés autant que faire se peut. Notamment les interruptions (Urgent et Non Important) et les distractions (Non Urgent et Non Important). C’est vrai dans la mesure où jouer à Candy Crush Saga ne vous fera pas écrire de pages, mais le livre Personal Kanban avance que ces quadrants ont leur utilité, à ne pas négliger. Repos et distractions permettent à l’esprit de garder de la fraîcheur et du dynamisme et sont donc aussi vitaux à l’existence que la réalisation brute de tâches. Tout est, bien entendu, histoire de dosage.

En août, une fois les méthodes et systèmes passés en revue, nous verrons en détail les multiples outils qui facilitent la vie et font gagner du temps, mais je dois d’ores et déjà faire un aparté. Quasiment aucun outil (à part un bon vieux tableau effaçable ou votre tête) ne propose l’approche selon la matrice de l’oncle Dwight, à part Sandglaz, une application web qui organise d’elle-même les tâches de cette manière, et couple le tout à un calendrier, afin de classer ce qui compte et ce qui est facultatif de semaine en semaine :

sanglaz_screen

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La méthode est incroyablement simple mais permet, d’un seul coup, d’acquérir une grande clarté d’esprit quand on la couple à un inventaire à la GTD.

Hélas, Sandglaz reste à mon sens bien trop rudimentaire pour fonctionner comme application centrale d’un système d’organisation. Il manque notamment une vraie application mobile utilisable hors connexion. Personnellement, je préfère un gestionnaire de tâches / projets plus flexible où je peux émuler cette approche comme bon me semble. Néanmoins, bien des utilisateurs sont conquis. À vous d’essayer ici si cela vous chante2, le compte basique est, comme toujours pour ce genre de service, gratuit.

Et pour l’écriture ?

Je ne reviens pas pour la quatrième fois sur la valeur qu’une telle hauteur de vision procure quand il s’agit d’organiser une vie bien remplie pour trouver le temps d’écrire.

Dans l’écriture, la matrice s’avère, à mon sens, profondément utile quand il s’agit de préparer une histoire ou de se sortir de l’ornière quand on travaille de façon instinctive. Je citais l’abus de recherches pour écrire des livres, un piège de procrastination très répandu. Quand on bloque dans l’écriture, il me semble qu’une approche féconde consiste à se demander : “pourquoi bloqué-je ?” Y a-t-il un personnage que je ne “sens” pas assez ? Le décor ? L’action ? Une fois des débuts de réponses trouvés à ces questions, la matrice fournit un plan de bataille tangible selon lequel agir, et de différencier le réel travail de recherche des dérivatifs.

Exemple fictif…

sandglaz_writing

… Il ne reste plus qu’à traiter les problèmes un par un, et de continuer à abattre des pages.

  1. “Dans les conseils du gouvernement, nous devons prendre garde à l’acquisition d’une influence illégitime, qu’elle soit recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le risque d’un développement désastreux d’un pouvoir usurpé existe et persistera.” Sachant que c’est un général cinq étoiles qui parle.
  2. Lien parrainé.
2014-08-05T15:18:27+02:00lundi 22 juillet 2013|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Léviathan : La Chute sur Bulle de Livre

lachute-pointsEn conclusion, un univers plus qu’intéressant, fascinant même, que ce soit coté maritime ou coté des Voies. Un Léviathan qui commence à se montrer. Une fin qui ne donne qu’une envie : ouvrir la suite.

Grand merci à Snow pour cet article sur La Chute (Le Mystère Léviathan vol.1), à lire sur son blog !

2013-06-27T16:15:04+02:00jeudi 18 juillet 2013|Revue de presse|Commentaires fermés sur Léviathan : La Chute sur Bulle de Livre
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