(Articles précédents dans cette série : 1) les bases, 2) le formatage classique.)
Formatage moderne que j’appelle ainsi avec moi-même, car j’ai l’impression qu’on le trouve de plus en plus dans l’édition contemporaine. D’autre part, il évacue entièrement les guillemets, un signe parfaitement respectable de notre langue, et c’est bien un truc de moderne, ça, de virer des signes qui ne vous ont rien fait, tiens, ma bonne dame.
Le formatage moderne est donc en apparence plus simple à manier (mais en apparence seulement) :
- Chaque réplique démarre par un retour à la ligne et un tiret cadratin ;
- Les didascalies se mettent entre parenthèses (dès lors qu’il s’agit d’une phrase autonome, comme dans le formatage classique).
Ce qui donne, pour reprendre le même exemple que mercredi :
— Ceci est un exemple de formatage de dialogue, annonça Jean.
Pierre fit la moue.
— Vraiment ? Et nos répliques sont donc artificielles… ? s’étonna-t-il.
— Parfaitement. (Jean avait l’air content de lui.) Dis donc n’importe quoi, pour voir.
— Je ne suis pas d’accord avec cette manipulation (il frappa du poing sur la table) et je tiens à le proclamer !
— Proclame ce que tu veux, ricana Jean avec un sourire mauvais dont une longue description ne servirait qu’à montrer la possibilité de rallonger autant qu’on veut l’incise à partir du moment où cela reste clair pour le lecteur. L’exemple est déjà terminé.
Ça semble facile, hein ? Ça l’est, à première vue.
En résumé
- Pas de guillemets, toute nouvelle réplique commence automatiquement à une nouvelle ligne par un tiret cadratin
- Guillemets inusités
- Incises et didascalies entre parenthèses
- Ce formatage est plus répandu… Mais il oblige certains parti-pris qu’on peut trouver malvenus :
Sauf que…
Ce formatage présente, à mon sens, un piège majeur : puisque toutes les répliques doivent démarrer par un retour à la ligne, cela force à une mise en page qui peut s’avérer handicapante. En effet :
Il est possible que la même personne parle deux fois de manière rapprochée, mais avec deux tirets (dans les faits deux “répliques” à suivre), on peut croire à deux personnes différentes, ce qui induit une confusion ; il faut alors rééquilibrer en prévoyant une didascalie supplémentaire (« Bob dit : »), pas forcément pratique ;
Le retour obligatoire à la ligne que nécessite ce formatage plaque un rythme haché sur le dialogue, ce qui n’est pas forcément opportun (en exagérant, une scène romantique peut se trouver haletante comme un interrogatoire à Guantanamo) ;
Enfin, la construction de la phrase peut parfois pousser à des parenthèses incohérentes. Par exemple :
— Halte là ! s’écria Joss Carter. (Elle tira son arme et la pointa vers le suspect.) Arrêtez-vous ou je tire !
La didascalie se trouve coupée en deux (le verbe de dialogue et l’action de dégainer son arme1). Cela dérange ceux qui, comme moi, qui aiment bien la cohérence typographique.
Après, je connais quantités d’auteurs de renom et de talent qui adoptent ce formatage avec brio et se l’approprient sans mal. C’est évidemment une question de choix esthétique. Si vous me suivez un peu, vous aurez vite deviné que je préfère le formatage classique – paradoxalement assez proche du rythme anglais, mon autre langue.
Quoi qu’il en soit, on discerne en quoi le choix d’un formatage de dialogue n’est pas neutre et pourquoi il convient de respecter le choix de l’auteur ; les deux formes ne sont pas facilement interchangeables. Et les maîtriser donnera force, naturel et énergie à la narration de ces passages fondamentaux de la fiction.
Vous écriviez ? Eh bien, dialoguez, maintenant !
- Un cookie point à qui me dira qui est Joss Carter. ↩
Personnellement, j’ai beaucoup de mal avec ces parenthèses au milieu du dialogue… en plus, ça peut donner lieu à des smileys malvenus ! Bref, je préfère le classique aussi. Hélas, les éditeurs pour qui j’aimerais traduire ont tous tendance à chosir cette option… Tristesse infinie.
(Joss Carter, c’est l’inspectrice dans Person of Interest, série que j’ai découverte la semaine dernière… ça tombe bien !)
Bien jouré, et un cookie point ! 😉 Et je regrette également la prolifération du formatage moderne…
Moi non plus, je n’aime pas les didascalies entre parenthèses. Dans ton exemple, j’aurais esquivé par un gérondif, jugé moche par certains, mais toujours moins laid que l’autre option :
— Halte là ! s’écria Joss Carter en pointant son arme vers le suspect. Arrêtez-vous ou je tire !
Et si l’action est plus longue, tant pis, on revient à la ligne. En formatage classique, je le fais de toute façon, quand je ferme les guillemets.
moi c’est mon préféré, les guillemets m’emmerdent^^
Autre façon de régler ce petit problème (également valable avec le formatage classique):
— Halte là ! (Joss Carter tira son arme et la pointa vers le suspect.) Arrêtez-vous ou je tire !
Cela dit, d’accord à 100% avec toi. En appendice, vous me traiterez l’usage du demi-cadratin chez certains éditeurs (pas tous).
Comme je l’avais signalé, j’emploie le “style moderne” car les guillemets m’emmerdent. Et effectivement, une utilisation modérée du gérondif permet de s’absoudre des parenthèses briseuses de rythme.
et puis casser le rythme ça peut être fun
(note : ok quand je fais ça, je place un “gérondif”)
Oui, c’est fun de casser le rythme, mais j’aime que mon outil de rédaction m’en laisse le choix 🙂
perso, je me laisse pas enfermer par rien (surtout pas par les guillemets^^)
Quand c’est toi qui écris, tu as toujours le choix : pavé de narration, didascalies glissées entre les dialogues… Quand tu traduis, ça devient vite plus compliqué.
J’aime pas trop cette façon de ponctuer, mais tu exagères dans ton exemple :
— Halte là ! s’écria Joss Carter. (Elle tira son arme et la pointa vers le suspect.) Arrêtez-vous ou je tire !
devrait s’écrire :
— Halte là ! s’écria Joss Carter.
Elle tira son arme et la pointa vers le suspect.
— Arrêtez-vous ou je tire !
Et +1 avec le côté smiley malvenu.
Lucie : Ca dépend fortement. La version avec parenthèses est appliquée par des grands éditeurs reconnus et prescrite dans leur fiche typographique.
Alors il faudrait parler de formatage 2A et 2B ! (c’est pas parce que des grands le font que c’est pas totalement incohérent)
Est-ce qu’on n’arrive pas là à la frontière entre typographie et écriture? Parce que pour moi les 2 versions citées par Lucie sont assez différentes. Celle avec les parenthèses fait beaucoup plus… comment dire… télé, quoi.
— Je mixe un peu toutes les méthodes.
— C’est-à-dire, demanda le puriste.
Le défenseur de la typographie s’enfonça dans son fauteuil, dans l’attente des explications de son intelocuteur.
— Je n’aime pas les guillemets. De même les parenthèses pour les didascalies me dérangent.
Moi j’ai résolu le problème.
Y aura plus de dialogues dans mes textes, à partir de maintenant.
Nan, les parenthèses, c’est juste pas possible. Mes yeux me brûlent ! Je… je…
ARRRRRRGH !
Intéressants articles, c’est toujours bon de rappeler les règles et c’est fait ici très clairement !
Je me demandais : quelle est la règle pour la mise en forme de loooongues répliques (ex : un personnage qui raconte une histoire à un autre) lorsque qu’il devient trop artificiel de mettre une réplique de l’interlocuteur ou une ligne de narration juste pour couper et justifier le retour à la ligne ?
On peut placer des guillemets fermants au début d’un nouveau paragraphe, du genre :
« Très longue réplique, premier paragraphe.
» Suite de la réplique, second paragraphe. »
Mais c’est optionnel.
bin merde alors… je viens de regarder mes textes récents et je suis en moderne. Jamais fait attention que j’avais viré les guillemets, c’est grave quand même…! Avec un procédé à la con pour éviter les parenthèses, ft que je regarde si t’en parle dans les posts précédents.
ohlalalalala, merci pour ces articles, je suis en train de corriger mon manuscrit et je m’arrachais… https://t.co/ACkk1LUg9E