Écrire Guil Redel dans « Les Dieux sauvages »

Recette pour écrire Guil Redel dans « Les Dieux sauvages » :

  • Construire une phrase
  • Penser à la pire manière de la tourner
  • La reformuler sans relâche
  • M’arrêter quand un ricanement à la fois dégoûté et cynique m’échappe tout seul

Et après je me demande pourquoi il est si long à écrire…

2020-05-10T10:15:34+02:00mercredi 13 mai 2020|Brèves, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Écrire Guil Redel dans « Les Dieux sauvages »

Twitter comme démonstration du karma

(Reproduction d’un fil Twitter de la semaine dernière 🙂

Dans chaque abonné.e à Twitter il y a un petit chaton qui veut secrètement des câlins

Twitter est probablement la démonstration la plus évidente des mécanismes du karma. (Sachant que je prends ici karma au sens d’une mécanique d’actions, de causes et de conséquences, qui relient et impactent les êtres vivants – plutôt la version new age, donc.)

Twitter met en relation en permanence des milliers de personnes avec leurs propres problèmes, craintes, angoisses, espoirs du moment, et repose sur leur mise en contact pour générer de l’engagement (read: clash). Twitter est structurellement conçu pour nous pousser à réagir sur l’instant avec nos projections sur ce que nous lisons, même et surtout si ça ne nous concerne pas.

C’est ainsi que les malentendus voire les shitstorms s’installent : quelqu’un a dit un truc dans un certain esprit, né de certaines forces plus ou moins élevées ; une autre personne va réagir selon sa propre lentille, ses propres forces plus ou moins élevées. C’est ainsi que la négativité peut se transmettre comme un virus de personne à personne et souvent entre inconnus totaux : « J’ai lu tel truc qui m’a énervé, j’ai perçu qu’on m’a parlé de travers, je vais répondre énervé parce qu’on ne me parle pas comme ça » – le tout de manière parfaitement inconsciente. That is (pour moi) karma – la somme des impacts les uns aux autres.

Ça n’aide évidemment pas que tout cela aille parler direct à l’ego, qui est celui qui réagit ensuite direct sans passer par la case « raison » ou même – diable – la case « cœur ». C’est hyper difficile (et j’en suis coupable comme la vaste majorité d’entre nous) d’arriver à « arrêter » la négativité à soi, de dire « je ne ferai pas rebondir la peur ou la négativité ou l’agression » vers la personne elle-même ou la personne suivante. On se dit « pourquoi ce serait à moi de le faire ? » Seul l’ego parle ainsi, il raisonne en bilans, en représentations de soi, en images à maintenir. « De quoi vais-je avoir l’air si je laisse passer ? »

Il ne s’agit pas d’absorber, d’endosser la négativité, il s’agit de la diffuser dans l’espace, de la détourner, de la désamorcer, y compris en soi. Du coup, l’ego n’a rien à dire, il ne peut pas se plaindre de devoir en faire « plus » – au contraire, il en fait « moins ».

Par contre c’est vache de difficile, hein, je dis pas. On fait ce qu’on peut, mais essayons de faire mieux, de reconnaître cette réaction des tripes sur laquelle les réseaux commerciaux font leur modèle économique, et de la diffuser dans l’espace, mode aikido. Sachons aussi reconnaître ceux et celles qui ont parfaitement percé ce mécanisme et l’exploitent sciemment pour construire leur e-réputation, afin de nous défendre de leur toxicité – nous sommes peut-être égarés, mais ceux-là sont résolument malfaisants.

Merci à Hekusen
2020-05-08T10:57:15+02:00lundi 11 mai 2020|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Twitter comme démonstration du karma

La photo de la semaine : Silverton

Le temps ne s’écoule pas à la même vitesse partout.

Silverton
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2020-05-02T10:00:51+02:00vendredi 8 mai 2020|Photo|Commentaires fermés sur La photo de la semaine : Silverton

Du processus de construction de « Les Dieux sauvages »

Il m’arrive de recevoir des questions, tant sur l’écriture qu’en réaction à ce que je peux dire ici ou là, et c’est un plaisir, et je me dis souvent : « ah, ça nécessite une réponse un peu fouillée, pour rendre à la personne de la substance, afin de la remercier de l’attention qu’elle a prêté à ce que je peux écrire ou dire » – et puis, life happens, genre une main temporairement invalide, et je termine comme un gros naze à ne pas l’avoir fait.

Qu’il soit donc pris ici une résolution de nouvelle année en mai (ben quoi ? Si on n’avait pas introduit les années bissextiles, je suis sûr qu’on serait le 31 décembre quelque part, en tout cas ça l’est dans l’univers) : m’efforcer d’être bien meilleur là-dessus et donner à tes questions, auguste lectorat, la plus haute priorité ici. (Ceci ressemble dangereusement à une promesse électorale, mais comme vous n’avez pas à voter pour moi, on est en sécurité)

Couv. Alain Brion

Avanti. Pour commencer, un retour et des interrogations sur le processus de construction de « Les Dieux sauvages »1. Le tout garanti sans divulgâchage (donc en restant plutôt autour du tome 1).

Merci pour cette lecture et ces questions.

Dans quelle mesure tu avais prévu quels personnages seraient des personnages points de vue à l’avance et quels personnage le sont devenu au fil de l’écriture?

En gros, dans la manière dont j’approche les choses, il y a d’une part la trame de l’histoire (les événements) et de l’autre la manière de la raconter (le découpage scénique et les points de vue). La première concerne plutôt ce qui se passe, la seconde la façon de le faire vivre au lecteur de la façon la plus intéressante et efficace possible (et amusante à écrire, aussi !).

Du coup, il y a globalement dans « Les Dieux sauvages » deux types de personnages à la construction : ceux dont il était évident qu’ils ou elles seraient point de vue (Mériane, Erwel, Luhac, Ganner, plus tard Maragal…) parce qu’ils se trouvent au centre du maelström, et ceux qui se sont présentés sur la scène en disant « je figure dans cette histoire, et ça serait vachement plus intéressant que tu la racontes à travers moi » (Juhel, Izara, même Leopol…). C’est sans lien aucun avec la densité de chaque fil scénaristique, d’ailleurs. La preuve en est le cas de Chunsène, qui a failli ne jamais apparaître dans la série du tout. Mais elle m’a tiré la manche, tellement fort que j’ai dit « okay, on va faire un bout d’essai » et… elle s’est révélée l’un des personnages les plus importants et les plus intéressants de la saga.

La morale de ça ? La pensée consciente, c’est bien, mais toujours faire très, très attention à ses tripes et aux personnages qui s’imposent à vous.

Quand tu as écrit La Messagère du Ciel, dans quelle mesure ton histoire était proche des personnages, par rapport a une approche par événements ? En gros est ce que t’as travaillé l’histoire de Mériane, puis entremêlé celle de Juhel puis celle de Chunsène… ou alors tu as défini les événements majeurs de l’histoire (et l’implication des personnages dans ceux-ci) puis ajouté le liant pour que les personnages aient chacun des arcs intéressants ?

Un peu des deux. Comme je disais plus haut, il y a les grands événements, les grands temps de l’histoire (sachant que je sais très exactement où je vais et quel est le fin mot de tout ça). J’ai donc une vision « macro » de l’histoire, mais cela revient à préparer une rando pour un groupe en étudiant une carte. Tu te dis que tu vas passer par là, que tu vas t’arrêter pour la nuit ici, que tu vas montrer tel paysage à ton groupe, etc.

Et puis tu pars sur le terrain, et là y a un de tes touristes qui finalement n’a pas pu venir, remplacé par un autre ; le chemin que tu voulais prendre s’avère beaucoup plus escarpé parce que tu as mal lu les courbes de niveau ; tel camp a été ravagé par une inondation et tu ne peux pas t’arrêter là ; le paysage que tu voulais montrer à ton groupe (tes personnages) est finalement naze parce qu’il y a de la brume par contre tel autre champ de fleurs s’avère magnifique par total hasard et tu décides de rester plutôt là pour la journée… 

Il y a les intentions, la direction, le cap, l’impulsion, et il y a la réalité de ce que vivent les personnages et ce qu’ils vont vivre, désirer, accomplir dans la réalité de l’écriture, d’une phrase à l’autre. Et à un moment, quelle que soit ta préparation, tu dois descendre sur le terrain aux côtés des personnages et découvrir le voyage. Il est vital, à mon sens, de savoir les accompagner là dans ce qu’ils te servent, parce que c’est là que se trouve la vie, l’inconscient, le mystère créatif. (C’est comme ça qu’une trilogie devient une pentalogie, aussi…)

Donc : dans la grande trame, j’avais forcément l’histoire de Mériane autour de qui tout tourne, celle de Ganner, les coulisses politiques donc Juhel, Luhac, Izara, mais chacun.e m’a aussi apporté sa vision, en particulier Juhel. Chunsène a fait son truc, rencontré des gens intéressants (ahem), et m’a montré tout ce qu’elle était. Dans pas mal de cas, dans ma vision macro, j’ai le « quoi » (il se passe tel événement, par exemple le premier chapitre de La Fureur de la Terre a toujours été prévu de très longue date) mais pas forcément le « comment ». Mon boulot consiste beaucoup à voir ce que l’inconscient / la Muse / le mystère m’a « servi » comme images, comme visions, comme impulsions, et à comprendre consciemment comment les pièces sont déjà en place et comment elles s’emboîtent vraiment (Chunsène et tout ce qu’elle vit s’est avéré absolument fondamental à l’équilibre de la série – je ne sais pas comment j’aurais fait sans elle – mais il se serait peut-être passé autre chose). Tout Évanégyre est comme ça, d’ailleurs : une recherche archéologique pour révéler ce qui veut exister.

Alors parfois, effectivement, il faut creuser un peu plus un arc narratif pour comprendre comment le personnage se rattache individuellement à la grande histoire, et cela veut dire l’étudier, mais souvent, cela revient toujours à la question « okay, où en es-tu, et qu’est-ce que tu veux maintenant et comment vas-tu t’y prendre ? »

Et après, mais c’est plus une discussion qu’une question, je conseille souvent « Les Dieux sauvages » avec beaucoup d’entrain, et les gens sont heurtés par le premier chapitre de La Messagère du Ciel. Moi j’ai trouvé ça très cohérent avec ce qu’il s’y passe, mais ya des gens que ça rebute assez fortement et je les pousse à lire la suite parce que c’est génial. Moi dans ce premier chapitre j’ai vu un parlé divin, qui était du coup onirique et supérieur dans le ton, parce que c’est des dieux et que c’est normal, ça me parait opportun et juste comme style pour ce chapitre. Je suppose que des gens ont déjà dû te parler de ce premier chapitre, et je me demandais comment tu les a reçu, ce que tu a pu en tirer comme conclusions, et quelle avait été ton intention réelle sur ce départ.

Aha.

D’abord, merci beaucoup pour ta recommandation et ton enthousiasme pour la série. Et content que tu aies marché.

On a un peu discuté de ce premier chapitre (pour mémoire : deux pages et demi un peu ésotériques et conceptuelles de débat entre deux divinités) avec Critic, et la question m’a été posée : « tu es sûr que tu veux commencer comme ça ? » J’ai dit « oui » – et le débat s’est arrêté là, parce que chez Critic, ils sont super, ils me font confiance.

Sur le moment : je le sentais absolument comme ça. Parce que je voulais que dès la toute première page de cette saga, les réponses soient déjà présentes, dissimulées, mais capables de prendre tout leur sens quand tu as enfin trouvé les clés en faisant le voyage avec les personnages. C’est pour moi un plaisir de lecteur de voir tout ce qu’un auteur a semé sur son chemin et de voir la signification me sauter au visage quand je sais enfin, alors forcément, c’est une chose que j’aime faire aussi.

Après, oui, ce passage est un peu nébuleux – mais c’est le jeu. Je suis toujours le premier à dire que notre travail doit être accessible – qu’il doit emporter le lecteur dans l’histoire. Je suis aussi le premier à critiquer l’interminable prologue de Tolkien dans Le Seigneur des anneaux. Mais « le lecteur » n’est pas un absolu. « Les Dieux sauvages » est une saga complexe, avec beaucoup de personnages (six à huit points de vue par tome), de la stratégie militaire, de la politique, des alliances, dans un univers sombre et dur. (Et beaucoup de révolte contre celui-ci, du coup.) Il y a de l’humour, mais c’est un humour plutôt noir, celui avec lequel on se défend face à une opposition qui semble irrépressible à première vue.

Et donc ce que je vais dire est une analyse a posteriori, mais : ces premières pages forment aussi une sorte de promesse narrative, d’avertissement. En gros, ça dit : ça va être complexe, il va falloir faire un peu gaffe, et surtout, je vous invite à faire gaffe, justement, parce qu’il y a des miettes dans tous les coins, et si vous voulez jouer à essayer de piger le fin mot de l’histoire, ça promet d’être rigolo, parce que je vais quelque part. Voilà peut-être la promesse narrative importante des chapitres « Ailleurs » dans La Messagère du Ciel : accrochez-vous à votre siège, parce qu’on va quelque part. Il y a une vraie fin qui viendra justifier tout le voyage (et qui est, pour moi, la raison d’être de cette saga). Je pense que le pari était le bon, parce que par la suite, aucun lecteur n’a critiqué ces pages en me disant qu’elles étaient superfétatoires ; on les a trouvé parfois complexes, c’est vrai, mais toujours intrigantes, ce qui est le but.

Maintenant, note bien que quand on m’a proposé de publier le premier chapitre en ligne pour donner envie, j’ai expressément dit de ne pas commencer par les premières pages mais de démarrer directement sur le « vrai » chapitre 1, où l’on découvre Mériane dans la forêt relevant ses collets et se confrontant aux dangers de la zone instable – la narration plus classique. Les premières pages n’ont de sens que si tu as acheté le livre et donc décidé, au moins pour un temps, de faire l’effort de t’investir dans la saga. Donc, s’il s’agit de donner envie rapidement entre deux portes, ignorer ces premières pages n’est pas une mauvaise idée. Par contre, si l’on fait le choix de faire ce voyage, de s’y investir, alors elles prennent tout leur sens.

Et puis, franchement, ce n’est que deux pages et demie. Je sais que nous vivons dans une époque d’immédiateté absolue, mais justement, j’ai envie d’espérer qu’on peut encore survivre à seulement deux pages et demi un peu nébuleuses, qui suscitent le mystère, sans avoir la moindre réponse servie prémâchée tout de suite, surtout si elles servent une finalité narrative !

Merci pour tes questions et ta lecture !

  1. Par défaut, je conserve l’anonymat de ceux et celles qui s’interrogent, ce n’est pas un oubli
2020-05-08T10:56:19+02:00jeudi 7 mai 2020|Best Of, Entretiens, Technique d'écriture|2 Commentaires

La publication de L’Impassible armada redux est repoussée

Pour info: vue la situation, la republication enrichie de L’Impassible armada est repoussée (probablement à 2021). Le travail est terminé, mais nous voulons donner au livre le plus de chances d’exister, en salons et chez les libraires! Plus d’infos quand on y verra plus clair!

2020-05-02T11:22:31+02:00mardi 5 mai 2020|Brèves|Commentaires fermés sur La publication de L’Impassible armada redux est repoussée

Ressources et discipline pour écrire, aborder les éditeurs en speed dating [vidéo Imaginales]

Nous n’avons pu nous retrouver en vrai cette année, mais les Imaginales se poursuivent en ligne de tas de manières différentes : anthologie virtuelle, prix littéraires, speed dating avec les éditeurs pour les jeunes auteurs. À ce sujet, en direct depuis la Loge Noire où j’écris tous mes bouquins (ça explique des choses), quelques idées et recommandations générales sur l’écriture (qui ne vous étonneront pas si vous écoutez Procrastination !)

https://www.youtube.com/watch?v=fWq-RrwRj7Q
2023-02-04T07:06:40+01:00lundi 4 mai 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Ressources et discipline pour écrire, aborder les éditeurs en speed dating [vidéo Imaginales]

Procrastination podcast s04e14 – Décider que c’est terminé

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s04e14 – Décider que c’est terminé« .

Mettre le point final sur une histoire ne marque souvent que le début des corrections… Mais sur des projets que l’on a parfois portés puis construits pendant des années, il peut être difficile de gagner suffisamment de hauteur pour cesser de les retravailler et les déclarer « achevés ». Cette quinzaine, exploration de cette notion : comment lâcher prise ? Pour Mélanie, cela dépend du niveau d’expérience, entre autres parce que les écrivains qui publient ont fréquemment des dates de rendu qui leur forcent la main ! Et elle introduit tout de suite l’importance de la bêta-lecture et du regard extérieur, ce sur quoi Estelle insiste aussi, tout en parlant également de la prise de risque inhérente et parfois nécessaire aux projets artistiques afin qu’ils gardent vie et surprises. Lionel approuve, et insiste sur le raffinement de l’esthétique personnelle de l’auteur – notamment à travers la lecture – pour parvenir à acquérir un semblant d’objectivité sur ses réalisations, au moins en termes de technique, et sur la maturation inhérente à l’être humain derrière la création.

Références citées
– Fil du forum Elbakin de la saison 4 : http://www.elbakin.net/forum/viewtopic.php?id=9594 (http://www.elbakin.net/forum/viewtopic.php?id=9594)
– Steve Jobs
– Ernest Hemingway

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:17+02:00vendredi 1 mai 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s04e14 – Décider que c’est terminé
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