La photo de la semaine : Les racines
Je me demande si elles écriront des tragédies en vers.
Je me demande si elles écriront des tragédies en vers.
Lu How to Set up your Desk de James Christiansen, qui promet de « hacker » son bureau pour améliorer la productivité. Passez votre chemin : que des conseils très génériques et flous qui se limitent à « réfléchissez à votre flux de travail pour vous organiser au mieux ». Ben oui…
J’avais, la bave aux lèvres, hurlé tout l’immense bien que je pensais de La Guerre de l’Art – comment Pressfield, avec un mélange de bienveillance et de secouage de puces, pousse créateurs et créatrices à ne pas céder à la Résistance, cette force nocive qui nous retient d’accomplir le travail (et l’œuvre) de notre vie. Pressfield a décliné ses idées en une série de bouquins après La Guerre de l’Art, qui, me semble-t-il, ne sont pas traduits :
À lire dans cet ordre, d’après Pressfield, sauf le troisième qui peut être lu n’importe quand. Donc, comme j’apprécie qu’on me rappelle qu’un jour je ne serai plus là et qu’il me faut donc accomplir chaque jour mon meilleur travail sans attendre, il fallait forcément embrayer sur Turning Pro à un moment.
Qu’est-ce qu’un ou une pro ?
L’amateur tweete. Le pro travaille.
– Steven Pressfield
Merci, voilà, salut.
Un ou une pro est quelqu’un qui ne cède pas à la Résistance. Quelqu’un qui cesse de se raconter des histoires et de se trouver des excuses ou des raisons extérieures (ce que Pressfield appelle dans ce contexte un amateur) pour affronter l’œuvre de sa vie mais qui l’accomplit, quel qu’en soit le prix, quelle que soit la difficulté. Il ne s’agit pas de nier cette difficulté, ni cette terreur, au contraire ; il s’agit de les reconnaître avec respect – mais quand même de les affronter face à face. Bien sûr, il place « l’œuvre » dans un contexte artistique, mais stipule bien que c’est applicable à n’importe quelle réalisation à laquelle nous nous sentons appelé·es.
Pressfield établit certains parallèles entre la dépendance (quelle que soit la substance ou le dérivatif) et la vie créatrice ; les deux visant à la transcendance et à l’accomplissement, mais la première conduit à la destruction, quand la seconde élève l’être ; il s’agit dans les deux côtés d’un appel puissant de l’inconscient. Je ne connais pas suffisamment les questions de dépendance mais j’imagine que cette vue sera critiquable. En revanche, ce qui est intéressant, c’est quand il débouche sur l’idée plus vaste des shadow lives, des « vies d’illusion » que l’on peut se construire comme dérivatif par terreur d’affronter la réelle création qui nous appelle. Combien la distraction, l’argent, l’échec, les problèmes que l’on se crée tout seul, le sexe, la gratification instantanée, le besoin de validation et j’en passe peuvent accaparer l’attention et former, là encore, de puissants dérivatifs au véritable accomplissement du soi. (*tousse* les réseaux commerciaux *tousse*)
Pressfield ne nie jamais la terreur d’affronter l’abysse, le néant sans forme, et d’en extraire ordre et création. Il met toute la différence sur les raisons de le faire et le processus. Le pro le fait parce que c’est son appel, c’est sa raison, qui se nourrit d’elle-même (je renvoie, ici, à Comment savoir ce pour quoi l’on est fait (comme écrire)). Il ou elle le fait car c’est l’appel supérieur de son être. Le processus du pro ne se relâche jamais et reste un combat constant contre la Résistance, renouvelé chaque jour. Il y a clairement dans cette approche de la philosophie stoïciste voire spartiate, mais moi, j’adhère : le talent est une grandeur inconnue et donc fumeuse ; la seule variable d’ajustement dont nous disposons est notre persistance dans le travail, alors, travaillons (voir aussi Procrastination S02E20 – Talent Vs. Travail).
Ce qui se rattache à cette citation de Frank Conroy :
Commit yourself to the process, NOT the project. Don’t be afraid to write badly, everyone does. Invest yourself in the lifestyle … NOT in the particular piece of work.
Frank Conroy
Soyons clairs : Turning Pro n’est en rien la baffe monumentale et concentrée qu’était La Guerre de l’Art. Si vous n’avez pas adhéré au premier, Turning Pro ne vous convaincra pas davantage (et certainement moins). Turning Pro développe et raffine les idées de La Guerre de l’Art, avec pas mal d’anecdotes tirées de la vie de Pressfield ; il y retrace beaucoup le même chemin, quoique avec des éclairages différents. À moins d’avoir trouvé une révélation dans La Guerre de l’Art, Turning Pro me paraît dispensable. Mais si vous adhérez au discours, vous aurez plaisir à le retrouver sous d’autres angles d’approche. Par contre, si La Guerre de l’Art me semble être un livre de chevet à lire et relire pendant une vie d’artiste entière, je ne crois pas que Turning Pro ait le même impact (mais c’était probablement une attente peu réaliste).
Une brève pour signaler une app toute bête mais géniale : How Long Left fait apparaître dans la barre de menus la durée restante des événements planifiés sur son calendrier. Si vous utilisez le time-blocking, c’est un compagnon indispensable : https://tinyurl.com/ycnw5885
Une question toute simple qui a été posée sur Twitter, mais qui mérite bien qu’on s’y attarde juste un peu. En ces temps étranges et pénétrants, beaucoup de lecteurs et lectrices commandent en numérique, et plusieurs désirent réserver la meilleure marge à l’auteur – joie et salutation, merci à vous.
Du coup : où l’auteur gagne-t-il le mieux sa vie en numérique ?
Par ordre décroissant, et en règle générale :
Incroyable !
Contes hybrides est finaliste non pas une, mais deux fois du Vampires & Sorcières award. Okay, la deuxième fois, j’y suis pour rien, puisque c’est Victor Yale, le plasticien qui a réalisé la superbe couverture, qui est nominé – et un immense merci à lui (la sculpture de couverture existe réellement).
Ça vous fait déjà quelque chose de voir un de vos bouquins dans une sélection, mais alors là, deux fois ! (La première étant dans la catégorie recueil / anthologie. Bon, okay, là, j’y suis pour quelque chose.)
Un immense merci au jury pour cette présélection ! C’est super de voir ces textes retenus (et merci aux éditions 1115 qui leur ont redonné vie). Le vote final se fera sur vote du public sur cette page.
Les chouettes initiatives se poursuivent !
Les Imaginales, les éditions Mnémos et les auteurs ont le plaisir de vous offrir un texte par jour pour une anthologie gratuite spéciale, concoctée par Stéphanie Nicot à partir de dix ans d’anthologies annuelles !
« Frontières », prévue pour être l’anthologie des Imaginales 2020, est bouclée, et en cours de correction ; mais elle ne sera publiée que lors des prochaines Imaginales (27-30 mai 2021).
Le festival des mondes imaginaires d’Épinal n’a cependant pas voulu faire l’impasse sur ce panorama annuel de la fantasy (2009-2016), puis, plus largement, des littératures de l’imaginaire (depuis 2017). Nous avons donc choisi, pour vous aider à vivre le plus sereinement possible cette période de confinement, onze auteurs et autrices de talent, dont quatre « coups de cœur » des Imaginales (Charlotte BOUSQUET, Lionel DAVOUST, Estelle FAYE, Rachel TANNER), sans oublier Julien d’HEM, la révélation de la première anthologie, dont nous avons publié la première nouvelle.
Nous avons également mis l’accent sur les récits humoristiques, entre vraie drôlerie (Silène Edgar) et rire grinçant (Maïa MAZAURETTE, Philippe TESSIER). Nous aurions aimé intégrer certaines grandes signatures de la fantasy, mais leurs textes ont, depuis, été repris en recueils, quand d’autres étaient trop longs…
Cette « anthologie du confinement n’est donc pas un « best of », mais plutôt une déambulation parmi les signatures de qualité qui se sont succédé de 2009 à 2019 ; elle vous donnera peut-être l’occasion de découvrir de nouveaux écrivains, et ainsi, lors de la réouverture de vos librairies préférées, de vous procurer leurs romans et recueils, voire l’une ou l’autre de nos anthologies thématiques.
Bonnes lectures !
J’ai l’honneur d’y figurer avec « Une Forme de démence », initialement parue dans Destinations en 2017, un hommage cryptique à vous-savez-qui en fantasy, un texte qui me tient à cœur à travers ce qu’il raconte sur la création, qu’elle soit littéraire ou collective.
Merci à Stéphanie Nicot de l’avoir retenu, et à tous les partenaires qui rendent possible cette anthologie virtuelle !
Rois et Capitaine (2009)
Julien D’HEM, Le Crépuscule de l’Ours
Magiciennes et Sorciers (2010)
Maïa MAZAURETTE, Exaucée
Victimes et Bourreaux (2011)
Charlotte BOUSQUET, La Stratégie de l’araignée
Reines et Dragons (2012)
Érik WIETZEL, Le Monstre de Westerham
Elfes et Assassins (2013)
Rachel TANNER, La Nature de l’exécuteur
Bardes et Sirènes (2014)
Régis GODDYN, Tant qu’il y aura des sirènes
Trolls et Licornes (2015)
Silène EDGAR, Le Troll médecin
Fées & Automates (2016)
Estelle FAYE, Smoke and Mirrors
Destinations (2017)
Lionel DAVOUST, Une Forme de démence
Créatures (2018)
Jean-Claude DUNYACH, Casser la coquille
Natures (2019)
Philippe TESSIER, Qui se souvient des hômlas ?
Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « S04e13 – L’identification du lecteur au personnage« .
… est un conseil fréquemment mis en avant, parfois au point d’être affirmé comme une nécessité pour parvenir à intéresser le lecteur à l’histoire. Qu’en est-il ? Mélanie commence par rappeler que le projet de beaucoup de livres c’est qu’on s’identifie pas, justement. Estelle entre en détail dans le sujet la présence de l’identification dans la littérature jeunesse, à la fois dans son rôle d’inspiration mais aussi de validation de la diversité. La notion d’identification apparaît ainsi sous deux facettes sur lesquelles conclut Lionel : la neutralité d’un personnage censément servir de support de projection, et la représentation par l’exemple de toute la diversité de l’expérience humaine.
Références citées
– American Psycho, Bret Easton Ellis,
– Voyage au centre de la Terre, Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne
– Doctor Who, série dirigée en 2020 par Chris Chiball
– Dexter, série créée par James Manos Jr. (Adaptée de Jeff Lindsay)
– Alexandre Astier chez Jean-Marc Morandini https://www.youtube.com/watch?v=pdREfg7ZXIM
– Bruce Holland Rogers
Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :
Bonne écoute !