Le rapport à la distance en Australie

Reçu cette semaine un mail tout à fait anodin du consulat, annonçant l’ouverture d’une nouvelle antenne à Melbourne permettant la réalisation d’un certain nombre de démarches. C’est bienvenu, car autrement, il faut les faire à Sydney ou attendre une tournée consulaire (le bureau se déplace au fil de l’an d’une capitale d’État à l’autre, tel un cirque itinérant du formulaire Cerfa).

Le message stipule en passant que, si c’est plus pratique, tu peux continuer à faire tes démarches à Adelaide… 

… à 750 km d’ici.

Ce n’est pas une blague ni une bêtise, c’est normal. On parle souvent du rapport aux grands espaces des États-Unis, combien il est possible de conduire des heures sans jamais rencontrer personne, que le pays est taillé pour la voiture ou les vols intérieurs… 

Cela n’a rien à voir avec l’Australie.

Les États-Unis font environ 9,8 millions de km2 pour une population d’environ 330 millions de personnes. Par comparaison, l’Australie a une superficie de 7,7 km2… pour 26 millions de personnes. La densité de population est dix fois moindre.

Par comparaison, la France mesure 670 000 km2… pour une densité de population TRENTE fois supérieure à celle de l’Australie (plus de 100 contre… 3 habitants au km2).

Melbourne skyline
Melbourne Central Business District, sur la Yarra.

Ça n’est pas seulement parce que l’Australie comporte un énorme désert au beau milieu et que les deux centres de population principaux sont Melbourne et Sydney ; ce qui surprend réellement un Européen, c’est combien, partout, il n’y a juste rien. On peut traverser des centaines de kilomètres à travers des forêts en Western Australia sans tomber sur quoi que ce soit, alors qu’en France, on trouve un bled et trois rond-points (surtout trois rond-points) toutes les trois bornes. (Le plus comparable à ma connaissance en Occident serait le Canada.)

Le rapport à la distance et donc au temps s’étirent. À moins d’habiter dans les environs proches de Melbourne ou sur une ligne de train, le moindre déplacement exige de prendre la voiture ; nous habitons déjà trop loin du bled pour que la Poste nous livre le courrier. (Un jour, avant d’avoir une voiture, et impatient d’avoir le colis qui était arrivé, je suis descendu à la Poste à pied depuis la maison : 1h30 aller-retour. Ce jour-là, quand L. m’a demandé ce que j’avais fait de ma journée, j’ai répondu : « je suis allé à la Poste. ») Aller au cinéma ? 30’ de route, voire 1h pour l’IMAX. Faire un bowling ? 40’ de route. Tout cela est normal et extrêmement courant ; mais replacé en France, cela revient à habiter à Rennes et aller faire un bowling… à St-Malo. Quand j’ai passé mes niveaux de plongée, le seul centre offrant la formation qui m’intéressait était à Granville – habiter à Rennes et aller se former à Granville ? Quelle idée ! Mais prenant ma persona australienne, c’est devenu « seulement » une heure de route, un déplacement qu’ici, je fais parfois plusieurs fois par semaine juste pour aller faire un truc.

Wallaby

L’étirement de la population entraîne nécessairement un étirement des infrastructures ; dans notre banlieue de Melbourne, la 5G vient seulement d’arriver ; la « fibre » à l’australienne (NBN) est en réalité un ADSL glorifié (la fibre arrive quelque part dans le coin et tout le monde tire dessus, parce que tout est tellement étendu que cela ne semblait pas pertinent de fibrer chaque baraque1). Et nous sommes bien servis, avec 90 mégas réguliers (ce qui fera glousser sans aucun doute les citadins parmi vous). Tout est adapté à cet étirement : les coupures de courant dans les banlieues de Melbourne sont légion, surtout en cas de tempête : un site web permet de pister en temps réel l’état du réseau et l’heure (ou la date…) de retour estimée. Le risque de feu de forêt en été est extrêmement important et là aussi, des applications permettent de suivre l’évolution des feux ou de recevoir des instructions d’urgence du gouvernement local. Je suis en train d’écrire cet article avec un câble USB de 5m pour attraper du réseau mobile dans la maison, notre Internet fixe étant en rade en raison des vents violents de cette semaine.

La photo satellite de Melbourne montre à quel point, très rapidement, il n’y a juste… plus rien.

Échelle en bas à droite. Photo Google Maps.

Alors on prend les réflexes, petit à petit, sans s’en apercevoir. On organise son temps différemment, voir un film ou un concert devient l’occupation de tout l’après-midi. On fait le plein de sa voiture largement avant d’approcher la réserve (les pompes automatiques 24/24 n’existent pas en-dehors des grands centres de population). On télécharge cartes routières et musique en avance parce qu’on ne peut pas compter sur le réseau cellulaire hors des villes. On s’assure de bien avoir un Melway (atlas routier de Melbourne) dans la voiture en cas d’urgence, si le réseau mobile devient indisponible.

Rentrer en France me montre combien le rapport à l’espace est, bien sûr, fonction du temps, mais aussi du médium de transport. La France est suprêmement bien desservie en train, mais la complexité nécessaire du réseau hyperlocal des transports (métro, bus) engloutit en même temps des parenthèses de temps vide en correspondances, attentes, changements qui deviennent ici plus rares. Impossible ici de se poser dans un train et bosser quelques heures pour aller quelque part, mais la quasi inexistence des autoroutes ou quatre voies rend le moindre déplacement d’envergure à la fois long et intéressant. La nature et la route sont omniprésentes, le moindre café te propose toujours de prendre ta commande « here or take away » parce que tout le monde peut être au milieu d’un road trip, même s’il s’agit juste d’un artisan faisant 30km pour son prochain chantier. Tu es en rade avec ta voiture planté sur le bord de la route, tout le monde s’arrêtera pour te proposer de l’aide, parce que, par défaut, tu es loin de tout, et ça peut vite devenir compliqué. Prendre un vol intérieur avec Qantas est à peine plus compliqué que le TGV en France. Alors que la Boîte à Pizza de Rennes Sud refusait de me livrer à Rennes Ouest parce que « j’étais beaucoup trop loin », la pizzeria du coin australienne, c’est la pizzeria qui se trouve à deux bleds de toi. Les supermarchés livrent à peu près partout, parce que si on ne livre pas partout, on ne livre personne2.

Et quand tu reviens à Roissy et que tu remets le pied dehors pour la première fois, il devient inévitable de penser : « waouh, les gens sont vénères, ici… »

Plus de photos australiennes sur Flickr.

Vanishing point
  1. Ce qui est en train de revenir mordre le pays, d’ailleurs – le déploiement du NBN est un désastre politique.
  2. Le rapport à l’espace doit quand même être modéré par rapport à une crise du logement absurde – avec tant de place, on ne devrait pas manquer à habiter – et pourtant, c’est le cas, pour des raisons trop complexes à détailler ici et que, pour être honnête, je ne crois pas maîtriser de toute façon.
2024-09-04T02:29:40+02:00mercredi 4 septembre 2024|Carnets de voyage|3 Commentaires

L’administratif des artistes-auteurs en France est d’une complexité scandaleusement absurde (ou : c’est infiniment plus facile d’être auteur francophone à l’étranger)

Je suis maintenant posé en Australie depuis un moment, j’ai effectué mon premier tax return, j’ai reçu mes droits d’auteur, j’ai facturé des interventions avec la France et le monde, et j’ai donc un peu de recul sur la manière dont ça fonctionne entre les deux pays.

Et la France est d’une complexité absurde qui touche au criminel. Je n’emploie pas ce mot à la légère : d’une part, une langue n’est aussi solide que la santé des industries culturelles correspondantes (regardez le rayonnement de l’anglais américain), d’autre part, l’immense majorité des artistes-auteurs touchent des clopinettes (41% d’entre eux ne dégagent pas un SMIC). En gros, on emmerde des gens qui galèrent déjà à se payer correctement avec des litiges sur des dizaines d’euros et un système d’une complexité abyssale qui ne les protège même pas correctement (l’AGESSA a, de triste mémoire, « perdu » les cotisations retraite de dizaines de milliers de personnes).

Le système français (beaucoup trop court résumé)

Dans le cas le plus général, être auteur en France implique des cotisations retenues à la source sur les droits d’auteur, revenus qu’il faut déclarer tous les ans avec ses revenus (OK). Mais aussi, il faut faire une seconde déclaration à l’URSSAF Limousin qui vérifie que tous les chiffres sont bons. Et quand ils ne le sont pas, va comprendre où ça coince.

Les interventions et les ateliers d’écriture se facturent avec un régime légèrement différent, nécessitant aujourd’hui un SIRET d’artiste-auteur, dont la déclaration est tellement compliquée que les organismes de défense des droits doivent publier des guides à suivre à la lettre. Mes droits d’auteur sont-ils des traitements et salaires ? Des bénéfices non commerciaux ? Dois-je retenir ou facturer la TVA ? Est-ce que la CSG déplafonnée est encore prise en charge par la SOFIA ? Et si je donne des ateliers d’écriture ? C’est une activité accessoire, dans la limite de 5 par an, donnés dans les locaux de l’auteur (!). Un sixième ? Ah non, c’est interdit.

Puis vient la retraite complémentaire obligatoire (ouais, je sais), ponctionnée à obligatoirement 8%, à moins que l’artiste-auteur ne décline ce prélèvement impérativement avant l’automne, à une hauteur corrélée aux droits qu’il a touchés, sinon il paie plein pot.

Tout ça, on le rappelle, pour une profession globalement précaire qui se bat de toute manière pour trois francs six sous.

Je veux dire, regardez la section fiches fiscales-comptabilité de la Ligue des Auteurs Professionnels (qu’elle soit mille fois bénie pour son travail). C’est beau comme du Lacan : je comprends les mots individuellement, mais la phrase entière échappe à tous sens intelligible :

Extrait choisi au hasard :

La partie versante est tenue de détenir et d’honorer la facture en bonne et due forme établie par l’artiste-auteur :

  • Si l’artiste-auteur facture avec TVA, le montant à régler est toute taxe comprise (TTC).
  • Si l’artiste-auteur est en franchise en base de TVA, le montant à régler correspond au montant sans TVA. Sa facture doit obligatoirement mentionner : « TVA non applicable article 293 B du code des impôts ».
https://ligue.auteurs.pro/fiches/7253/

Un interlude : une conversation avec ma banquière australienne

Conscient de la complexité française et avec ma naïveté, oserais-je dire, charmante, j’ai eu la conversation ci-dessous avec ma banquière australienne il y a quelques années maintenant tandis que son chef validait mon état-civil (puisque j’ouvrais un compte en tant qu’étranger, il fallait s’assurer que je n’étais pas un trafiquant de poneys magiques de contrebande).

Moi : Au fait, je me demandais, puisqu’on attend, je suis artiste-auteur, vous savez comment ça fonctionne en Australie, pour les revenus des droits d’auteur et des interventions ?

Elle : Vous les déclarez.

Moi : Ahaha, lol, oui, j’imagine, mais au niveau du régime, des facturations, des pourcentages, de la TVA, des activités autorisées, vous savez comment ça marche ?

Elle, me regardant comme un demeuré : Oui, vous les déclarez tous les ans dans votre tax return avec vos autres revenus, à partir de là on regarde combien vous avez gagné, et on vous impose en conséquence.

Moi : Euh, vous me décrivez le régime général de l’impôt sur le revenu, là. Mais, je veux dire, pour…

Elle : Ben oui, le régime général des impôts. Vous voudriez quoi d’autre ?

Moi, comprenant le fossé d’incompréhension culturelle qui vient de se former : Ahaha bis, c’est que je suis français, vous comprenez, chez nous c’est un peu plus compliqué… 

Elle, me lançant un regard en biais, ultra sérieuse : Ah, oui, j’ai eu quelqu’un comme vous il y a quelques années. Il paraît que chez vous, vous avez même l’impôt sur la télé.

… J’ai toujours été plutôt favorable à la redevance pour financer l’audiovisuel culturel national, mais je peux comprendre la vision des choses. L’impôt sur la télé. Wahou.

Comment ça se passe en Australie

Auguste lectorat, en tant que français d’origine, ayant effectué mon activité des années sur le sol français, je vais t’avouer un truc : je n’ai jamais entièrement pigé le système. J’avais la chance d’obtenir l’aide de ma chère maman experte comptable à la retraite qui, elle-même, se grattait parfois le scalp avec perplexité dans le but de comprendre quelque missive absconse de l’administration.

Par comparaison, j’ai pigé le système australien en un quart d’heure. En résumé :

  • Tout le monde a le même système.
  • Tout le monde est imposé sur la grille générale des impôts.

C’est tout. Je suis un artiste-auteur comme je serais un plombier, un charpentier, une infirmière à domicile ou un prof de yoga.

Tout le monde peut ouvrir un Australian Business Number (équivalent SIRET) sur n’importe quelle activité. La philosophie est : tu veux bosser, gagner des sous et les déclarer pour payer des impôts ? On ne va peut-être quand même pas te faire chier, non ? Ah OK, très bien.

En tant que sole trader, tu factures librement, sans obligation de tenir la moindre compta, de payer la moindre charge : tu déclares ça avec tes revenus de l’année, sur lesquels on t’impose, et tu peux décompter 30% de tous tes frais professionnels. Tu travailles de chez toi ? Tu peux déduire 67 cents de l’heure au titre d’Internet / électricité / chauffage. Et on t’impose sur l’ensemble de ce que tu as touché. Merci, bonsoir1. La plupart des gens (dont ma pomme) confient tout ça à un tax agent, dépense qui entre aussi dans mes frais pro, qui est l’interlocuteur avec l’Australian Taxation Office. J’ai juste à lui transmettre mes factures. Il fait tout.

Point. Barre.

Un ABN peut contenir jusqu’à trois objets (dans mon cas, auteur, musique et développement logiciel). Un peu inquiet de la complexité française, j’envoie un jour à mon tax agent une demande : je donne aussi parfois des des ateliers d’écriture, et à présent des conférences, comment ça s’organise avec l’objet « auteur » ? Je peux le faire aussi ?

Réponse : tu es auteur, évidemment qu’on se doute que tu as des activités annexes, évidemment que tu as des activités publiques, évidemment que c’est couvert dedans. Duh.

Ahaha, non mais vous voyez, l’impôt sur la télé… OK, je me tais.

Demander et obtenir mon ABN a juste pris le temps de remplir le formulaire. Je l’ai obtenu directement en ligne (au lieu de nécessiter un putain de courrier envoyé avec quinze jours de délai comme si on était encore en 1970).

Je donne maintenant des conférences et des ateliers avec les USA : alors qu’en France, je n’aurais eu aucune idée de la manière de facturer ça, je facture ici comme je facture tout le monde – sur mon ABN, et ça finit dans mes impôts. C’est tout. Je les paie avec joie, et je suis heureux de prendre tous les contrats qu’on me donne, même les petits, parce que je sais où ça va dans mon admin, la rédiger prend cinq minutes, envoi de mail inclus.

OuI MaIs lE sSYtèME sOciAl FrAnçAIs

OK, c’est vrai que la France présente (encore pour l’instant) un système social qui demeure un modèle du genre, et ça exige des cotisations – la Sécurité Sociale en première ligne. Cependant, l’Australie n’est pas non plus les USA, et le système social français ne justifie pas toutes ces complications. Je dirais même qu’à ce stade, nous avons atteint un tel degré labyrinthique que la société française perd collectivement une énergie absurde qui serait mieux investie dans des activités réelles de production ou de service. (Bosser et/ou aider les gens au lieu de remplir des formulaires, puis de comprendre pourquoi ils ont été mal remplis.) Non, la complexité administrative n’est pas une exigence nécessaire à la présence d’un système social digne de ce nom, quoi qu’on en dise.

En Australie, tout citoyen et résident permanent bénéficie de Medicare (rien à voir avec la version américaine) qui, en résumé, prend en charge l’intégralité des frais de santé d’urgence et de long terme menaçant la vie de la personne (je résume). En gros, si tu te fais renverser dans la rue, tu iras à l’hôpital et on te traitera sans se préoccuper de ton assurance, et tu ne recevras pas une facture astronomique. C’est pris en charge, quelle que soit la dépense2.

Et la retraite ? C’est une retraite par cotisation, ce qui signifie que je dois cotiser à ma superannuation et que j’en suis responsable. C’est simplement obligatoire pour tout salarié (une retenue à la source avec les impôts). Pour moi, en tant qu’indépendant, puisque je touche directement mes revenus, personne ne peut me forcer à cotiser, mais c’est là que ça touche au génie : tous les ans, au lieu de payer les impôts que je dois, je peux simplement dire « en fait, vous savez quoi, cette somme, je la mets de côté sur mon plan épargne retraite à la place3« .

En conclusion

Le constat est clair : il m’est plus facile d’être auteur francophone vivant à l’étranger qu’en France. Et si je suis ravi d’être dans cette situation, je suis désolé, mais ça n’est pas du tout normal, surtout que le pays ne cesse de se regorger du rayonnement de la francophonie et de ses industries culturelles. Pardon, mais les industries culturelles, elles sont d’abord composées de gens extrêmement précaires qui ont besoin de vivre et de fonctionner.

Ignorer cette réalité la conduira, la conduit déjà, à une érosion constante et une disparition programmée (voir cet article). Que fait la Chine, quand elle pousse ses auteurs à l’international ? Elle travaille son soft power, ce que la France ne fait pas : elle reste, pour prendre cette merveilleuse expression québécoise, assise sur son steak, en s’imaginant que la réputation de Lavoisier est bien assez suffisante pour maintenir son influence à l’étranger. Je vois de plus en plus de jeunes auteurs faire le choix de l’anglais comme langue de travail, et ça me fend le cœur, mais putain, je les comprends. Un collègue lui aussi à l’étranger vient de me dire la semaine dernière : « c’est trop compliqué de bosser avec la France, je vais arrêter. » Soit : ça ne vaut pas le coup.

HELLOOOO IL FAUT FAIRE UN TRUC LÀÀÀÀÀ

  1. Tu es tenu de facturer la TVA à partir de 75 000 $ de CA annuel, mais si j’atteins ce chiffre, je serai ravi de la payer.
  2. Bien sûr, au quotidien c’est quand même moins bien qu’en France, le périmètre est plus faible, le remboursement des médicaments inférieur, mais je préfère la simplicité administrative qui va avec, parce que le temps et l’énergie, mes amis, c’est aussi un coût, cf plus haut.
  3. En toute rigueur, l’ATO prend quand même 15% au passage, mais ça signifie quand même que je paie seulement QUINZE POURCENT de mes impôts, le reste allant sur un plan d’épargne qui m’appartient et qui, dans l’intervalle, est quand même réinjecté dans l’économie.
2024-09-01T03:46:10+02:00lundi 2 septembre 2024|Humeurs aqueuses|3 Commentaires
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