Obsidian promet d’être bien plus réactif sur mobile

C’est rigolo (ou pas), chaque fois que je jure mes grands dieux que j’ai jeté mon dévolu sur une app de prise de notes (en l’occurrence Bear), le côté d’en face (en l’occurrence Obsidian) propose des trucs qui me font à nouveau lorgner dessus. J’avais fini par vous recommander les deux, et l’une des raisons était la lourdeur de l’expérience sur mobile d’Obsidian, mais les dernières notes de mise à jour de la bêta (à laquelle je suis inscrit) font une promesse d’envergure… 

Ça donne quoi avec ma vault ridicule de 6000 notes et 80 plugins actifs ? C’est absolument drastique : je suis passé d’une dizaine de secondes de chargement à 2,5 (la mise à jour inclut également un chronomètre rapportant le temps que l’app met à s’ouvrir). Cela transforme complètement l’expérience, y compris les crashes inévitables quand iOS ferme l’application d’autorité parce qu’elle est trop gourmande en mémoire – attendre 2 secondes que ça redémarre est très différent de 10, bien évidemment, et ça agace bien moins.

Depuis quatre ans que je suis cette app, je reste bluffé au long cours par l’intelligence et l’attention des développeurs au détail, par l’écoute de leur communauté et leur conscience des manquements de leurs produits. Ils savent où sont les points de friction et finissent toujours par y venir en proposant des solutions créatives. Cette mise à jour 1.7.1 n’apporte aucune nouvelle fonctionnalité drastique mais une myriade de petites résolutions de problèmes dans tous les sens qui améliorent énormément l’usage de l’application (du quality of life, comme on dit dans le jargon) et rapprochent toujours plus Obsidian d’une app native. C’est indubitablement la plus mûre, en tout cas, avec bien sûr l’avertissement que c’est un paradis de bricolage dans lequel on peut se perdre à jamais.

Du coup : je suis bien embêté.

Au passage, auguste lectorat, ça t’intéresse que je te donne ce genre de nouvelles sur l’évolution de ce paysage ? Je suis ça de près (surtout entre Bear, Obsidian et le vénérable Evernote) mais 80% des évolutions n’ont guère d’intérêt, donc je filtre ce qui peut réellement se traduire en cas d’usage pour les personnes normalement constituées. Nan, j’déconne, je parle à des auteurs dans la salle.

Bref. Je peux signaler davantage ce genre de petit bidule quand ça me semble pertinent, pour nous, les gnomes.

2024-08-28T02:18:19+02:00mercredi 28 août 2024|Geekeries|5 Commentaires

À nouveau la tempête, en images

De retour d’une petite escapade de vacances bien méritée, nous avons eu la chance de passer entre les gouttes – ou plus exactement avant les grêlons gros comme des balles de golf. Reprise du boulot en douceur forcée, du coup, sans courant à nouveau à la maison, mais ça devrait revenir d’ici la fin de journée (ce qui n’est pas si pire comparé à ce que ça peut être). On prend l’habitude, mais cette fois, de jolies images pour aller avec :

2024-08-26T06:37:56+02:00lundi 26 août 2024|Journal|Commentaires fermés sur À nouveau la tempête, en images

Retomber sur des joies musicales totalement obscures des années 90 (demoscene, tracking et modules)

Quand on déménage, en général, on en profite pour faire un grand tri ; quand on déménage à l’autre bout du monde, on le fait d’autant plus (… en principe. Don’t ask.) Mais si on a une tendance à l’accumulation (qui ? naaan) et qu’on est passé d’un ordinateur à l’autre au fil des ans en étant, disons, pas très rigoureux ni organisé sur les sauvegardes (« j’ai un plus gros disque dur, je colle tout ça là, je ferai le tri plus tard, je récupère seulement ce dont j’ai besoin »), on peut se trouver assis sur des téraoctets de sédiments relatifs à une existence entière qui n’occupent, pour ainsi dire, aucune place (et une charge mentale minime).

Une pile parmi beaucoup d’autres retrouvées à la cave

Est-ce que j’analyse en ce moment tout ça ? Ahahah, non, j’ai autre chose à faire, et puis je ne vais pas déroger à la noble tradition consistant à coller tout ça dans un coin pour plus tard, la version 2024 étant mon serveur domestique. Néanmoins, au passage, certains trucs attirent l’œil, et l’on se retrouve à plonger dans de réelles capsules temporelles. Un vieil installeur de Netscape qui ne doit plus fonctionner sur rien, les drivers mis à jour de mon modem Olitec compatible Minitel. Wahou. Visiblement, je prenais aussi grand soin de conserver mes sauvegardes de ce petit match-3 qui occupait mes pauses en pensant que j’allais y rejouer. Moi, vingt ans plus tard : mec, j’ai un Mac maintenant. On retrouve des souvenirs de vie au passage, des atmosphères d’une époque, de relations passées, de logements anciens, de préoccupations déchues.

Mais on va conserver quand même, hein.

Bref. Par contre, je suis enchanté d’avoir retrouvé un véritable trésor d’où j’avais presque oublié l’existence, et où, classée avec soin et amour, m’attendait figée dans l’ambre la bande-son de mes années 90, bien avant la musique numérique moderne telle qu’on la connaît (mp3 et iPods). C’est simple : soit vous n’avez strictement jamais entendu parler de ça, soit vous connaissez et vous êtes un spécialiste obsessionnel. Pas de juste milieu.

Je vais m’efforcer de résumer rapidement : dans les années 80-90, avec le développement de l’informatique personnelle, on s’est évidemment mis à se servir des ordinateurs pour faire de la musique. Mais à l’époque, un studio nécessitait toute une batterie de synthés et sampleurs externes, où l’ordinateur servait de pilote (c’était la force de l’Atari ST). On était encore très loin de disposer d’assez de puissance pour générer les sons directement dans la station de travail (ce qui est la norme aujourd’hui depuis une grosse quinzaine d’années).

Je résume grossièrement, mais le concurrent de l’Atari, l’Amiga (la seule vraie machine de cette époque, les vrais savent1) employait son architecture différente pour faire un truc rusé : découpler la « partition » d’un morceau des sons correspondants (samples). Il suffisait d’empaqueter les sons samplés avec les instructions pour les jouer, de demander à la machine de lire la partition, et hop, on avait une musique de qualité bluffante pour l’époque. Imaginez un orgue de barbarie mais qui jouerait des samples aux hauteurs exigées par le rouleau de papier perforé. On composait ça (on compose encore ça à l’heure actuelle) avec des soundtrackers, et les fichiers générés d’une extrême légèreté (quelques centaines de Ko) s’appellent des modules.

La scène du tracking est intimement lié à un autre phénomène des pionniers de l’informatique grand public, c’est la demoscene. Très rapidement là encore : les jeux vidéo des années 80 ont été rapidement piratés en masse ; les éditeurs ont mis des mesures de protection ; des groupes de crackers (hackers visant à cracker les protections) sont apparus en réponse, et pour signer leurs méfaits / prodiges techniques en déplombant les protections, ils ajoutaient de petites intros graphiques, sorte de voisin numérique, si on me permet la comparaison audacieuse, du street art.

Ces intros sont vite devenues un phénomène à part entière, la demoscene : indépendamment du cracking, il s’agit à présent de repousser les limites d’une machine (nécessitant donc une grande habileté ) pour proposer un spectacle visuel et sonore – on dirait aujourd’hui une « installation virtuelle » – démontrant la virtuosité graphique, technique et musicale du groupe, juste pour le plaisir des yeux et des oreilles. Ado, j’ai passé des heures chez mon pote Nono (merci, Nono) à mater des démos sur l’Amiga de son grand frère, complètement transcendé, avant d’avoir le mien.

La plus célèbre, peut-être, de toutes les démos est Second Reality de FutureCrew (j’y étais !). Dites-vous que ça tourne sur un PC de 1994 :

Et souvent, les morceaux étaient accessibles directement dans l’archive de la démo, et si vous aviez le tracker correspondant, les lire était entièrement possible (je me suis fait quantité de mixtapes en collant la sortie de ma carte son sur un magnéto ; j’ai commencé l’électro avec le tracking avant le MIDI, et tout mon apprentissage musical du genre s’est fait à travers cette lentille, quand les gens normaux de ma génération passaient en général par la house). Soit dit en passant, à mes yeux, c’est de cette mouvance que naît le chiptune moderne et ses dérivés en dance (je pense notamment à No Mana). Bien des artistes actuels sont passés par cette école (dont deadmau5).

Récupérer le son de modules en 2024

Évidemment, retombé sur ce trésor, j’ai tout de suite voulu en sauvegarder les plus belles pièces pour les remettre dans ma bibliothèque musicale. Certains artistes de premier plan (Purple Motion, LizardKing, Allister Brimble, Rob Hubbard2, Chris Huelsbeck…) ont placé leurs anciens travaux sur les services de streaming, parfois en remasters conservant le grain de l’original, mais j’ai des tas de trucs trop obscurs (récupérés à droite et à gauche, parfois dans les tréfonds de CD de Joystick…).

Heureusement, époque moderne oblige, deux ressources centrales archivent ces bijoux : Pouet.net pour la demoscene et ModArchive pour la musique pure. (Tous les modules ne sont pas nécessairement adossés à une démo, loin de là ; la musique existait en releases indépendantes, parfois même sous forme de Music Disks, très difficiles à se procurer avant Internet, équivalent tracker d’un album, parfois distribués même sous forme d’applications3).

Maintenant, il faut lire ça. Vous ne le savez pas, mais tous les lecteurs de média modernes (VLC en tête) sont compatibles avec tous les formats de modules (mod, it, s3m, xm etc.). Par contre, cela ne veut pas dire qu’ils les jouent correctement et sachent retranscrire les subtilités des instructions de certains morceaux comme les changements de rythme, les volumes des pistes et les glissando ; on n’aura pas toujours la vraie expérience voulue par le compositeur·ice4.

On évitera donc VLC pour se tourner vers un « vrai » lecteur. OpenMPT est la référence sous Windows, et permet même un export automatique du son (pratique). Sous Mac, c’est un peu plus compliqué, mais j’ai déniché le vieux Foobar 2000 qui est fidèle aux sons d’origine, j’en atteste. Il restera à capter la sortie de l’application avec une app comme Piezo ou même Audio Hijack.

Une rapide initiation au genre

Vous êtes encore là ? Wahou. Dans ce cas, et si vous êtes curieux·se de ce son qui, à mon sens, ne ressemble à rien d’autre (ça n’est pas vraiment du chiptune, ça n’est pas non plus de la house rétro, c’est… la musique de jeu vidéo des années 90 est probablement ce qui s’en rapproche le plus, mais avec une qualité de production sans rapport), vous avez bien mérité quelques morceaux, parmi mes favoris absolus depuis trente ans :

Libertine par Zodiak, pour Hex Appeal par Cascada (1993) :

Necros, Point of Departure5. Profitez de l’aperçu d’Impulse Tracker au passage… C’est autre chose qu’Ableton, hein ?

Laxity, Desert Dream trilogy (pour la démo du même nom par Kefrens) :

Eon par Hoffman, pour la démo éponyme par The Black Lotus. Là, ça nécessite une mention spéciale, parce que c’est une démo contemporaine (2019) qui tourne… sur un Amiga d’époque !

Je finis peut-être par le plus grand maître, Purple Motion, dont l’album Tracked (1991-2000) est disponible sur tous les services de streaming (préférez-le à MusicDisk, ces versions conservent la couleur de l’original, mais avec une qualité maximale) :

Et si vous êtes vraiment arrivé·e jusque là, et que vous avez envie de creuser :

C’était censé être un article court. Ah. Vous me connaissez.

  1. Depuis trente ans, je m’efforce de ressusciter cette guerre de tranchées, sans succès.
  2. Non, c’est pas le même.
  3. J’en ai retrouvé dans mes archives, mais pour faire tourner ça, va me falloir fourrager dans DOSBox.
  4. Libertine de Zodiak, bande originale de Hex Appeal par Cascada, sonne par exemple faux dans la plupart des lecteurs modernes – j’avais la démo d’origine, je sais à quoi elle ressemble. Même les compilations comme Retrovibes ne proposent pas la « bonne » version.
  5. J’ai littéralement découvert l’existence d’Orbital à travers son remix de Girl with the Sun in her Head, intitulé Shadow Caster, c’est vous dire si j’étais complètement immergé là-dedans, et comme souvent dans ces cas-là, cela reste sa version que je préfère.
2024-08-16T03:35:47+02:00mercredi 21 août 2024|Best Of, Décibels|3 Commentaires

Parce que ce n’était pas assez compliqué, l’URSSAF Limousin refuse à présent les connexions de l’étranger et recommande… un VPN

J’ai attendu un petit moment en me disant, ah, ils vont revenir à leurs sens, ça ne peut pas être aussi ridicule, mais testé la semaine dernière, et c’est toujours le cas.

Retour rapide : parti vivre en Australie, sorti du système administratif français, il me reste évidemment quelques obligations à solder, dont la redoutée déclaration artiste-auteur URSSAF Limousin (j’ai fait la dernière cette année, hosanna sur terre et dans les cieux). Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, vous avez bien de la chance :

  • On écrit un livre, publié par une maison d’édition.
  • La maison d’édition verse des droits d’auteur usuellement annuels, sur lesquels sont retenues diverses cotisations, et fournit un justificatif de ce précompte.
  • On déclare évidemment ces revenus dans sa déclaration de revenus habituelle.
  • Mais on doit en plus remplir une autre déclaration trois mois plus tard, ladite déclaration URSSAF Limousin, où l’on répète les mêmes chiffres, et où l’administration compare avec ce qu’elle a reçu des maisons d’édition pour vérifier que tout colle.

Elle demande alors ce qui manque le cas échéant, ou rembourse le trop-perçu s’il y a lieu. Sur le papier, ça semble pas mal, mais on peut quand même s’interroger fortement sur la pertinence d’un système qui nécessite une double vérification de la sorte1.

Bref. La semaine dernière, je reçois un rappel de cotisation de la retraite complémentaire obligatoire (je sais, c’est concept) des artistes-auteurs (l’IRCEC, qui a l’une des plus mauvaises réputations possibles, mais expliquer pourquoi nous emmènerait beaucoup trop loin) me traitant à moitié de criminel échappé aux Galapagos parce que j’ai un arriéré non-versé correspondant à 2022 (sauf que c’est l’URSSAF Limousin qui transmet les chiffres et qu’il y avait eu désaccord dessus, j’y peux pas grand-chose si la déclaration a mis du temps à être validée de leur côté).

Ils me demandent une somme colossale et donc suspecte, mais comme ça remonte pas mal, je me dis, c’est peut-être legit, j’avais fait quelques très bonnes années en droits d’auteur, merci « Les Dieux sauvages », je vais vérifier mon assiette fiscale sur le site de l’URSSAF Limousin2

Ah ben non.

Depuis des mois, mystérieusement, le site de l’URSSAF Limousin est injoignable depuis Melbourne. J’avais fini par les joindre via… Instagram (c’est possible) et je vous le donne en mille :

(En passant, ça m’énerve toujours quand on me dit « votre URSSAF ». C’est pas mon URSSAF, je l’ai pas choisi, c’est l’URSSAF de personne, c’est l’URSSAF que nous subissons tous, c’est l’URSSAF du Léviathan de Hobbes.)

Donc voilà. L’IRCEC n’a pas cette mesure, impots.gouv.fr n’a pas cette mesure, aucun service administratif australien n’a cette mesure mais pour une raison obscure connue seulement d’un responsable tech abyssalement nullard, l’URSSAF Limousin t’empêche de remplir tes obligations administratives si tu n’as pas un VPN ?! Parce que c’est pas gratuit, et il faut savoir s’en servir, hein.

En même temps, que voulez-vous que je vous dise ? Je pense qu’il y a là une opportunité de partenariat qui n’a pas encore été explorée.

Parce que ça n’est pas comme si les mauvais acteurs qui pourraient éventuellement s’en prendre à l’institution (on se demande bien pourquoi) allaient utiliser leur propre IP, hein ? Ce sont probablement ceux qui savent le mieux utiliser des VPN, mes lapins, et du coup, qu’est-ce qui les empêche de tous se mettre sur des IP françaises ?

À part emmerder la vie des honnêtes gens, et requérir donc des compétences d’informaticien en plus des compétences d’expert-comptable, je ne vois pas.

  1. Comme toujours ici, je m’en prends à la machine et non aux personnels qui, globalement, s’efforcent au maximum de corriger les absurdités de ladite machine ; qu’ils soient remerciés. J’en profite aussi pour remercier publiquement au passage ma chère maman expert comptable à la retraite qui m’a filé un coup de main maîtresse absolument colossal là-dessus pendant des années – constatez quand même qu’il faut une experte comptable pour démêler ce bazar.
  2. Pour la petite histoire : le courrier simple – arrivé avec quatre mois de décalage, Australie oblige, quand un mail aurait été tellement plus direct, mais bon, ne chamboulons pas l’attachement de la France à ses courriers papier – me demandait deux fois trop. On peut choisir un régime de cotisation réduit avec l’IRCEC – ce que j’ai toujours fait, d’autant plus sachant que je partais –, or le site de l’IRCEC me demandait justement deux fois moins, soit la bonne somme, mais que s’est-il passé entre l’envoi du courrier et la mise à disposition de l’avis sur le site web ? C’est quand même dommage que le réflexe, quand je reçois des courriers des organismes sus-cités, soit la suspicion d’une erreur ?
2024-08-13T02:21:03+02:00lundi 19 août 2024|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

Créer n’équivaut pas à produire. Les chantres de l’IA ne pigeront jamais (ou : pourquoi on joue à Demon’s Souls)

Il ne se passe guère de semaine en ce moment sans qu’un énième chantre de l’IA vous explique combien ceux qui refusent de s’en servir sont des néo-luddites, que le basculement est inévitable, et rendez-vous compte ! Grâce à ça, ils ont pu produire cent cinquante morceaux de musique dont ils ont inondé les services de streaming, c’est le futur, imaginez tout ce qu’on peut produire qui est à la portée de tout le monde.

L’IA génère un tas de confusions en mélangeant des tas de sujets (souvent par des gens qui les maîtrisent mal), mais ici, et dans une grande partie des discours concernant la création artistique, on trouve une ignorance qui consiste à équivaloir créer avec produire. C’est-à-dire équivaloir le résultat (et souvent les fantasmes de célébrité, de statut et d’identité qui vont avec : moi, j’ai produit une symphonie, moi, j’ai produit un livre) avec le processus.

Il se trouve que créer, en effet, vise souvent la production d’un résultat, et c’est la motivation première, mais ça n’est pas le processus. Le processus, et l’immense récompense de la création, j’oserais dire sa raison même, c’est le chemin. C’est tout ce qu’on apprend et réalise au fil des difficultés successives ; c’est presque une initiation à chaque fois.

Holà, Davoust, t’es vraiment un néo-luddite pour tenir un discours pareil, en plus t’es new age maintenant – 

Tut tut. Pourquoi vous jouez à Demon’s Souls ? Pourquoi ce jeu, initialement destiné à un public restreint au Japon, a fini par devenir un succès planétaire, fondant un genre à part entière jusqu’à engendrer l’un des titres les plus marquants de la décennie, Elden Ring ?

Le plaisir de l’accomplissement. Le plaisir de faire, de réaliser quelque chose. Le plaisir du parcours.

Cet exemple, ce monstrueux succès commercial, prouve magnifiquement pourquoi il est crétin d’équivaloir création (accomplissement, chemin) et résultat (j’ai fini le jeu).

Les techbros chantres de l’IA s’imaginent que la difficulté de créer représente un ennemi à abattre ; j’adhère entièrement au discours consistant à accélérer les apprentissages, donner les outils, mais ça ne signifie pas détruire le chemin au passage.

Selon cette logique, toujours plus facile à comprendre dans le cadre de la musique, il n’y aurait aucun plaisir, aucune finalité à jouer d’un instrument, à chanter, à danser ; seul le résultat, la production comptent. Quelle vision de la vie asséchée et stérile. Selon cette logique, pourquoi chanterais-je sous la douche, puisque Hatsune Miku le fait à ma place ?

Parce que, je ne sais pas, c’est nourrissant ?

Cette vision est plus que stupide, cela témoigne d’une ignorance fondamentale de la création : c’est le chemin qui constitue la finalité, pas le résultat. Le résultat est l’outil qui motive à élaborer une forme aussi achevée que possible de ce chemin.

L’IA n’est pas un outil créatif au même titre que l’est, par exemple, un sampleur qui fournira une matière sonore qu’on manipulera au-delà du reconnaissable (comme avec la synthèse granulaire). J’ai joué avec des outils de création musicale et textuelle ; on va beaucoup plus vite droit au résultat voulu en faisant le boulot soi-même pourvu qu’on accepte de prendre un temps minime d’apprentissage. Et surtout, telle qu’elle est vendue, promise, cette IA voudrait ôter l’étape de création artistique qui représente le but même de toute l’entreprise.

Les techbros vendent la promesse d’un mensonge à des gens qui veulent se déclarer musiciens, écrivains, peintres, mais ne veulent surtout pas l’être – c’est-à-dire accepter l’effort, mais aussi les récompenses qui l’accompagnent (cf Demon’s Souls). L’ado qui écrit des poèmes maladroits avec son cœur pour le seul bénéfice de son tiroir sera toujours mille fois plus créatif que le producteur de hits de pop à la chaîne qui demandera à une quelconque IA musicale future de lui sortir à la chaîne des resucées de recettes qui marchent.

Et surtout, l’ado vivra cent fois plus dans ce processus émotionnel que le producteur, et personnellement, je trouve que l’intérêt de la création réside avant tout dans la vibration émotionnelle fondamentale qu’elle procure. Je n’ai pas envie que ChatGPT écrive à la ma place ; pas envie qu’un algorithme compose ou code pour moi ; je veux comprendre, apprendre, et faire moi-même. C’est tout le fucking intérêt.

Dans les mots de Zach Weinersmith, de Saturday Morning Breakfast Cereal :

Et là aussi, quantité d’amoureux de la discipline (et de professionnels) pourront répondre qu’ils ne veulent pas non plus qu’on automatise leur plomberie, et more power to them. Pourquoi les cours de bricolage du dimanche ont-ils tant de succès, si ce n’est pour s’approprier un savoir-faire ?

2024-08-15T01:18:21+02:00mercredi 14 août 2024|Humeurs aqueuses|2 Commentaires

Le Time Timer, la version peut-être originale du minuteur de la semaine dernière

Suite à l’article de la semaine dernière, on m’a signalé sur Facebook (merci) l’existence du Time Timer : un site qui se défend comme la version « originale » du concept de minuteur visuel pour la concentration, une section scientifique avec quelques articles en peer review, bref, ça semble être la version originale du minuteur à trois balles que je recommande. Et vu le raz-de-marée de clones chinois d’à peu près tout et n’importe quoi qu’on peut trouver en Australie, ça ne m’étonnerait qu’à moitié.

Après, vous me direz, un minuteur visuel, c’est un minuteur visuel, hein, c’est marginalement plus original que la roue ou un couteau à beurre, donc bon, y a pas mort d’homme, et je dirais : mouais. Je suis quand même attaché aux efforts fournis pour développer un concept, surtout que le Time Timer semble avoir été conçu à l’origine à destination des enfants neuroatypiques, et ça me cause, donc je m’en voudrais de ne pas les mentionner et vous rediriger potentiellement vers eux à la place des références citées la semaine dernière. Dont acte.

2024-08-10T10:51:00+02:00lundi 12 août 2024|Geekeries|4 Commentaires
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