Worldcon 2019, jours 2 et 3

C’est chouette et étrange d’entendre parler gaélique dans la rue : je jurerais que ça sonne comme du valyrien. J’ai regardé le ciel au cas où. Dracaris, toussa.

Donc, auguste lectorat, un article ! Un dimanche ! Woah ! Ben oui, parce que sinon lundi je parlerai de trois jours d’un coup, et la nature a horreur de l’asymétrie, ou pas.

Je passe devant tous les jours et J’AIMERAIS VRAIMENT COMPRENDRE POURQUOI PAPA LAPIN EST NATURISTE

J’avoue une certaine fatigue en ce moment, due à tous ces trucs chouettes que je laisse entendre mais qui ne sont pas prêts à être révélés tel le Necronomicron (un livre maléfique mais vraiment imprimé très, très petit) et aussi ça va prendre un peu de temps pour se décanter mais, ça viendra, disais-je.

Je ne nierai donc pas que j’ai fait la connaissance relativement prolongée des moquettes du Centre de Convention de Dublin à certains moments, histoire de regarder intensément le vide, mais à part ça :

C’est génial d’être ici. Les festivals de manière générale me font cet effet (sortir de l’isolement de l’écriture pour s’apercevoir que a) oh y a des gens en-dehors de mon bureau b) on aime tous la SFF c) ooooh DES LIVRES RETENEZ-MOI) mais la Worldcon, avec son aspect organisé par les fans, pour les fans, ajoute une facette communautaire assumée très agréable. Je parlais de mon sac avant-hier (ma vie est passionnante), il ne m’a pas fallu longtemps pour y coller tous les badges de SF du monde sans me dire que j’allais passer pour un gros naze, et bon dieu, ça fait du bien de se plonger dans sa sous-culture. (Sous au sens de : sous-courant, pas inférieure, bien sûr.) Et voir tous les pros du monde entier dans le même esprit, sans gêne, y compris ses idoles secrètes, ça fait tellement plaisir !

Speaking of which, un aspect me frappe particulièrement pendant cette Worldcon, c’est le soin apporté à l’inclusivité. Alors je vois évidemment ça de l’extérieur, donc c’est difficile de juger si c’est suffisant, mais le nombre de sujets et de mentions au code de conduite me semble remarquable ; ces questions n’ont jamais été éloignées de l’esprit des panelistes que j’ai vus, et c’est vraiment chouette. Il y a de quoi reprendre un peu espoir et se dire qu’un jour, peut-être, on n’aura plus besoin de mettre d’accent sur rien, parce que ce sera entré dans les mœurs de, en résumé, foutre une paix simple et sincère aux gens sur ce qu’ils sont ou désirent être. De la SF ? Beh, c’est pour ça qu’on est là.

Speaking of which, encore, je suis allé voir la table ronde sur les auteurs « problématiques » : que fait-on des oeuvres majeures, mais dont on découvre que le créateur n’est pas aussi fréquentable qu’on peut l’espérer (ce qui est parfois un euphémisme) ? Les Lovecraft, Céline, ou même, beaucoup plus proche de nous, les apparences de diversité rentrées un peu au forceps de J. K. Rowling ? J’ai des idées, mais je trouve que ça mérite un article à part.

Le concert symphonique que je ne voulais absolument pas rater, avec du Game of Thrones, du World of Warcraft, et un chef d’orchestre qui dirige Star Wars avec une baguette lumineuse verte en mode sabre laser. CLASSE ULTIME

Je m’efforce forcément de garder un peu l’oreille sur les rails quant à la traduction de littératures étrangères (genres francophones, AU COMPLET HASARD) vers d’autres langues ou évidemment l’anglais, et il semble que peu à peu, la diversité gagne du terrain là aussi, grâce notamment au travail de personnes comme Francesco Verso – éditeur italien de Future Fiction, qui réalise un énorme travail de découverte et de traduction vers l’italien mais aussi l’anglais. Il a récemment compilé, au terme de cinq ans de dur labeur, une anthologie de science-fiction mondiale (avec notre Ugo Bellagamba) en langue anglaise, intitulée World Science Fiction, avec un des meilleurs slogans que je connaisse : « préserver la biodiversité de la science-fiction ». Car c’est l’essence même de la traduction : nourrir la richesse des cultures. Le livre était lancé à cette Worldcon et les stocks sont déjà vides, ce qui est génial (j’ai eu le dernier !)

Les consciences semblent progresser lentement mais sûrement sur la conviction que la diversité mondiale représente la clé de la vitalité des genres, mais il faut pour cela des volontés en béton armé (c’est un travail de titan et de longue haleine) et des financements (de traduction). Cependant, je pense que si les genres réussissent à se développer au sein de leurs marchés intérieurs, qu’ils s’y pérennisent et se renforcent grâce à une forme de projet d’ensemble et (soyons dingue) de collaboration, j’ose croire que cela donnera à chaque culture de quoi s’affirmer un chouïa davantage face au géant anglophone, principalement américain bien sûr.

Le Centre de Congrès de Dublin me paraît tout droit sorti de L’Âge de Cristal (et il y a autant d’escalators)

En tâche de fond, je réfléchis toujours aux réseaux commerciaux et ce qu’ils peuvent apporter, ou enlever, aux interactions et communications. Je me suis fait un programme nourri sur le sujet, de manière à avancer de mon côté sur la manière juste d’utiliser ces outils. Voir certains exemples et entendre certains discours m’alimente beaucoup sur les aspects positifs de la chose (que je ne nie pas !), sur une approche potentiellement différente qui me permettrait de me réconcilier avec mon but premier (contribuer de la valeur à la discussion), bref, j’en reparlerai probablement.

2019-08-17T23:55:26+02:00dimanche 18 août 2019|Carnets de voyage, Le monde du livre|5 Commentaires

Worldcon 2019, jour 1

… soit compte-rendu de la journée d’hier.

Observation 1 : j’ai visiblement choisi le seul hôtel de tout Dublin qui ne fait pas d’oeufs bacon au petit-déj.

Observation 2 : ne pas prendre de sac pour la journée en se disant « boaaaah ils en fourniront bien à l’accueil » est une réflexion idiote.

Observation 3 : 30’ à pied pour aller à la convention, c’est « ça se fait » quand tu réserves, « ça passe » quand tu y vas, « ah bon un peu pfouh quand même » quand tu dois rentrer d’une longue journée.

Observation 4 : la Worldcon, c’est toujours génial.

ACCUEILLI PAR LA DELOREAN DE RETOUR VERS LE FUTUR BON DIEU
Mes partis-pris géographiques sont dignes d’un grand écart facial (le ruban noir est pour la convention de Wellington en 2020)

C’est ma quatrième et je commence à avoir mes marques : l’immense programme de tables rondes, animations et conventions (il n’est pas rare d’avoir 10 éléments en parallèle sur le programme), la grande dealers’ room avec tout le merchandising de tes rêves et des bouquins splendides et pas chers, les animations pour enfants qui ont l’air trop chouettes que tu les jalouses intérieurement de pas avoir leur âge, et puis surtout l’ambiance amicale, les gens de tous horizons et de toutes nationalités qui engagent la discussion dans la rue ou les couloirs en voyant ton badge, les cosplays prodigieux (love aux deux personnes en combinaison de la Beratnas Gas), les thèmes de discussions allant du très sérieux social, économique, scientifique au réjouissant loufoque.

J’avoue que je termine cette journée passablement rincé (trois tables rondes quasiment à suivre, évidemment toutes en anglais), mais avec que du bonheur : j’ai pu dire ce qui me tenait à coeur en faisant des blagues auxquelles les gens ont ri, ce qui, au bout du compte, couvre à peu près tout ce que j’espère accomplir dans cet exercice. (Il n’y a aussi qu’à la Worldcon que tu peux faire éclater de rire une salle entière avec une vielle référence en te présentant comme suit : « I’m French, as you might guess from my outrrrrrrageous accent. »)

Pas de captations hélas, mais nous avons parlé de communication et de langage dans le monde animal, ainsi que de séries télé hors de la sphère américaine, et… j’avoue que l’intervention qui m’inquiétait le plus était le « Fantastical Travel Guide », où nous étions censés roleplay un personnage de nos mondes imaginaires pour donner envie à de potentiels lecteurs / touristes de venir visiter. Sachant que je suis en plein dans « Les Dieux sauvages » et que la Rhovelle n’est clairement pas une destination de vacances super recommandable, je frémissais un peu, mais j’ai résolu de jouer une Mériane complètement blasée (un peu hybridée avec Chunsène pour les besoins de l’exercice, je l’admets) en mode humour noir. Et malgré quelques difficultés (pas facile de sortir des vannes dans une autre langue après avoir arrêté l’improvisation théâtrale depuis bientôt trois ans), j’ai eu quelques jolies rencontres avec des personnes qui ont eu envie de lire le livre – ce qui dépassait amplement mes espérances ! (Lesquelles se définissaient très précisément comme suit : « ne pas se vautrer horriblement en endossant en public un rôle féminin ».) J’ai également beaucoup ri en écoutant mes camarades (fantastique roleplay d’un dieu assez pragmatique par Karolina Fedyk !)

Elle est pas trop meugnonne cette roussette, elle te dit, va cliquer sur le site, steuplaît

Par la suite, visiblement incapable de lire correctement un programme passé trois heures de discussion publique, j’ai raté toutes les tables rondes que je voulais suivre, mais ça a été bien, car l’occasion de discuter avec les Français (nous sommes 86 de la délégation cette année – sur 6918 participants, dont 206 Allemands ou 359 Finlandais… allez, faisons un effort !), notamment les très motivés organisateurs du projet Worldcon française en 2023.

Le site semblait en sommeil, mais le projet est plus que jamais d’actualité, le temps d’amener beaucoup plus de précisions et une nouvelle identité graphique qui devraient tomber très bientôt. Pour voir ce qui a déjà été fait, et suivre l’action, c’est ici. Le centre de congrès de Nice paraît idéalement placé avec des lignes de tram directement reliées à l’aéroport, et une logistique solide constitue la fondation de toute proposition de Worldcon. Avec en prime les atouts de la Côte d’Azur, le projet a beaucoup d’atouts pour séduire le public international, mais majoritairement américain, de l’événement.

Demain, je me suis prévu un programme beaucoup plus riche en tables rondes, comme des propositions de sociétés sortant de la féodalité et de la colonie spatiale chères à la fantasy et la SF, l’appropriation culturelle, ou encore le rôle magique de la beauté dans le conte et donc, par filiation, nos genres.

Et puis j’ai prévu d’emporter un sac.

2019-08-15T23:03:24+02:00vendredi 16 août 2019|Carnets de voyage, Le monde du livre|5 Commentaires

Worldcon 2019, jour 0

J’aime voir tout écrit en gaélique.

À l’heure où ces photons viendront s’imprimer sur votre rétine pour y créer du sens, je serai en train d’affronter le premier défi de toute Worldcon : récupérer mon badge, forcément. Déjà vu des copains à l’aéroport (yeah !) et donc, tu en déduis, auguste lectorat, car tu es suprêmement puissant, que je suis bien arrivé et vivant. Ce qui est toujours une bonne chose. En général. Dans mon cas précis, je ne peux pas me prononcer pour l’opinion de tout le monde. Mais je vais partir du principe que si. Parce que je suis un optimiste.

Si tout va bien, demain matin à la même heure, compte-rendu d’aujourd’hui (qui sera beaucoup passé en tables rondes).

Vers l’horizon et au-delàààààà

2019-08-14T19:28:40+02:00jeudi 15 août 2019|Carnets de voyage, Le monde du livre|3 Commentaires

Rétrospective de volontariat : les Hébrides en 2012

Photo (c) HWDT

Entre deux avions et le grand écart entre la nuit et le jour, la faute au décalage horaire (si la Terre était plate, bon sang, on n’aurait pas le problème), je te propose, auguste lectorat, une petite rétrospective de volontariat comme je l’ai déjà fait pour le Pays de Galles en 2011 et l’Islande cette année. En 2012, j’étais en Écosse, dans les Hébrides : j’ai appris à tenir une vraie caisse enregistreuse, j’ai vendu des aigles en peluche et des sirènes qui font peur, j’ai mangé du fish and chips sur le port en compagnie d’une armée de chats orange, et surtout, j’ai vu des orques en liberté lors de dix jours en mer loin de toute civilisation. C’est ici :

Tous les articles relatifs au volontariat chez le Hebridean Whale and Dolphin Trust, à Tobermory

2018-09-23T15:14:32+02:00jeudi 27 septembre 2018|Carnets de voyage|2 Commentaires

Je suis de retour, vivant et même pas cramoisi

Grid, est-ce que tu dev ? (Par pitié, dites-moi que vous comprenez la blague et qu’elle vous fait glousser.)

Juste un mot rapide pour donner signe de vie : je suis bel et bien de retour de l’outback australien, avec plein de poussière rouge entre les dents de mon grand sourire. Comme me l’a dit quelqu’un d’ici : « Australia is a lot of driving to get nowhere » (l’Australie, c’est conduire très longtemps pour aller nulle part) – mais ce nowhere est fantastique, immense et très, très loin de toute civilisation, une sensation rare et vertigineuse de nos jours. Ce n’est pas dans beaucoup d’endroits – pas même en Islande – qu’on peut faire 2000 km de pistes sans accrocher le moindre réseau ni croiser plus de deux véhicules en une journée. Et se faire coucou au volant. Parce qu’on est des gens sympas.

Si j’étais un vrai travelogue, je ferais un compte-rendu de voyage, mais je crois de plus en plus que ce genre d’expérience, si elle doit être relatée, sort mieux dans mon cas dans un roman, transformée par la poésie et l’imagination. Ce que j’en partagerai sera peut-être, paradoxalement, plus total et fidèle en étant totalement déformé par la liberté de la fiction, alors que parler de la réalité (puissante !) de l’expérience ne pourrait, je le crains, que l’amoindrir. Représenter, c’est tuer, etc.

Sache en tout cas, auguste lectorat, que je rentre rêveur, connecté et qu’il devrait y avoir bientôt, de semaine en semaine, plein de photos de désert sur Flickr.

2018-09-12T09:20:15+02:00mardi 11 septembre 2018|Carnets de voyage|7 Commentaires

Rétrospective du volontariat Orca Guardians 2018

C’est un truc que j’avais fait avec le volontariat de 2011 au Pays de Galles, et c’était une bonne idée que j’avais oubliée (c’est quand même ballot d’oublier les bonnes idées) – proposer avec un seul lien, une seule page, l’ensemble des carnets de voyage relatifs à mon volontariat à Grundarfjörður, en Islande, avec la fondation Orca Guardians en avril 2018.

Donc, les photos, les humeurs du moment, les articles scientifiques ou rêveurs, tout se trouve compilé sous ce même lien (qui viendra s’étoffer au fil du traitement des photos) :

> Revivre l’aventure 2018 auprès d’Orca Guardians <

2019-06-01T14:38:25+02:00lundi 13 août 2018|Best Of, Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Rétrospective du volontariat Orca Guardians 2018

Rechercher baleines et dauphins en mer

Comment recherche-t-on orques et baleines en mer ? Pourquoi les connaître est-il si difficile ? Dans ce dernier article en anglais de ma série sur le blog d’Orca Guardians, un petit tour d’horizon de la réalité de l’observation en mer, et des outils qu’on utilise. Pour faire très web moderne : « la vérité va vous étonner ! »

C’est ici : The Spotter’s Job.

2018-05-15T11:42:11+02:00mercredi 16 mai 2018|Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Rechercher baleines et dauphins en mer

Peut-on démontrer l’intelligence des baleines et dauphins ?

… est le sujet d’un article que j’ai proposé et écrit pour le blog d’Orca Guardians. La thèse que j’y propose me tient assez à cœur : à travers les différentes natures de l’intelligence, elle creuse en particulier ce que l’être humain désigne dans cette question et ce qu’il y projette.

Elle aurait dû former le centre d’un court essai qui ne se fera finalement pas avec l’éditeur pressenti (la faute, disons, à des méthodes de travail incompatibles). Peut-être l’écrirai-je quand même un jour mais, dans l’intervalle, il commençait à me sembler pressant de contribuer ces idées à la noosphère tandis que nous continuons à fuckupper la planète. Je suis content que ça soit dans l’air, et merci à Orca Guardians de l’avoir hébergé.

C’est ici sur le blog de la fondation : Proving cetacean intelligence.

2018-05-06T19:26:25+02:00mardi 8 mai 2018|Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Peut-on démontrer l’intelligence des baleines et dauphins ?

Une assemblée de baleines

Les rencontres qu’on fait dans le plus grand fjord d’Islande, Breiðafjörður, sont nombreuses et toutes fascinantes. La seule vision d’un pod d’orques voyageant à vive allure dans une direction donnée, sans ralentir, comme décidés à se rendre à une destination connue d’eux seule pour des raisons insondables, suffit à distraire l’humble volontaire un temps de son appareil photo pour la recherche et à rester un instant hébété, prenant la pleine mesure de l’ignorance de l’espèce humaine.

J’avais espéré pouvoir bloguer davantage sur mon travail pour Orca Guardians, et je me rends compte que le temps file – dans quelques jours, je rentre déjà. Alors aujourd’hui, auguste lectorat, j’aimerais te parler un peu d’une des rencontres les plus bizarres que j’aie faite sur l’eau récemment.

Eux.

Whale assembly

Les cachalots (Physeter macrocephalus) sont d’immenses cétacés à dents solitaires qui peuvent mesurer jusqu’à 20 m. Ils ont été lourdement chassés pour l’huile contenue dans leur crâne, le spermaceti, ainsi que pour leurs concrétions intestinales servant notamment en parfumerie (le fameux ambre gris) ; Melville les a faits entrer dans la légende (Moby Dick est un cachalot). Ils restent très rares, et les voir est un grand privilège. On les rencontre cependant parfois dans Breiðafjörður, en ce qu’on appelle des « bachelor pods » – des troupes de mâles célibataires. Ces animaux assez peu sociaux, champions de la plongée (ils peuvent rester jusqu’à 2 h en apnée) sont pourtant régulièrement vus en groupe toutefois sans interaction visible. Que font-ils là ? On n’en sait rien. Ils se nourrissent probablement, mais de quoi ?

Voir un cachalot pour la première fois est une expérience étrange. Le cachalot a tendance a hyper-ventiler avant ses longues plongées – il se repose en surface, flottant telle une bûche, et souffle à intervalles réguliers un panache de vapeur incliné sur le côté. En voyant pour la première fois ce souffle puis l’immense animal bercé par les vagues en-dessous, on comprend sans mal comment les marins d’autrefois pouvaient les considérer comme des îles vivantes. Puis ils sondent, sans signe avant-coureur à part la caudale dressée dans l’air, et on ne les revoit plus avant un minimum de vingt minutes.

C’est pourquoi la photo ci-dessus est particulièrement insolite, en tout cas à mes yeux, après une poignée de premières rencontres avec eux. Ces huit cachalots flottaient, à peine séparés de quelques mètres, sans qu’aucune interaction ne soit visible, comme de vieux camarades bougons qui s’apprécient sans rien se montrer. Ils soufflaient à tour de rôle, une étrange symphonie visuelle qui donnait à mes yeux de primate avide de motifs l’impression d’un rythme parfait.

Puis ils ont sondé, les uns après les autres, dans l’ordre – les plus proches d’abord. Là aussi, à intervalles parfaitement espacés, suivant le battement d’un métronome imaginaire, ou peut-être imaginé – car rien ne permet de dire que ce ballet était volontaire. Le bon sens, d’ailleurs, et la parcimonie scientifique, obligent à dire qu’il n’en était rien. Ce qui ne rend pas le phénomène moins fascinant, au contraire. Il montre qu’au-delà des esprits, de l’homme ou du cétacé, le monde est d’une étrangeté presque inconcevable, et que ce n’est pas parce que la mélodie échappe à tous ou qu’elle est involontaire qu’elle n’existe pas. 

2019-06-04T20:24:16+02:00jeudi 3 mai 2018|Best Of, Carnets de voyage|3 Commentaires
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