Psycho Starship Rampage : la première interview

Pour votre premier jeu vous avez choisi un shooter horizontal, quelles ont été vos motivations et vos inspirations ?

Nous aimons les schmup (shoot them’ up). Nous y avons joué petits, nous continuons encore aujourd’hui à découvrir de très bon shooters. Nous aimons aussi un autre genre classique : le Rogue (inspiré du RPG). Nous n’avons pas trouvé de jeu mélangeant ces deux genres, alors nous avons décidé de faire ce jeu que nous aurions aimé.

Le premier entretien autour du jeu Psycho Starship Rampage (dont je m’occupe de la musique), réalisé avec ses concepteurs, est en ligne ! Pour en savoir davantage sur ce rogue-like employant les mécanismes du shooter spatial, rendez-vous sur cette page du webzine rennais Les Mandragores.

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2014-12-14T11:17:47+01:00lundi 15 décembre 2014|Alias Wildphinn|Commentaires fermés sur Psycho Starship Rampage : la première interview

Nors’klh : atmosphères sombres et SF gothique pour les oreilles

Cette histoire commence simplement : dans une boutique de jeu de rôle à Rennes. Comme beaucoup, j’imagine, je garde vivace l’impact qu’ont eu mes premières découvertes musicales, quand l’oreille se forme, et, comme un camé en manque ou un amoureux éconduit, je cherche désespérément ceux qui parviennent à me faire revivre, intact, le même émoi ; qui apportent la même fraîcheur, la même puissance, que ces premières expériences. Une quête vaine ? Pas sûr.

Car Nors’Klh est de ceux-là.

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Une boutique de jeu de rôle, donc. En pleine phase trailer music, je dévorais gloutonnement tout ce qui passait à portée dans le genre, et je cherchais du son nouveau pour sonoriser quelques parties de jeu de rôle. D’expérience, je trouve les artistes qui me renversent le plus dans les circonstances les plus improbables ; et puis je tombe sur ce CD en digipack d’un projet au nom imprononçable, “Nors’Klh” étiqueté “dark – épique – ambiance film ». Il n’en fallait pas plus que je reparte avec.

Il n’a pas fallu beaucoup d’écoutes pour que je devienne fan absolu et achète tout en mode

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Nors’Klh, c’est ce que devrait toujours être la dark ambient : mélodique, inventive d’un point de vue sonore, intelligente.C’est sombre, c’est lancinant, c’est grandiose, ça ne plaira probablement pas à ta grand-mère, mais si je t’en parle aujourd’hui, auguste lectorat, c’est que nous sommes entre gens de qualité (même si ta grand-mère est quelqu’un de qualité, mais, heu, c’est pas pareil), que Nors’klh est français, qu’il est trop peu connu et qu’il ne peut que plaire aux ambiances de SF gothique et d’horreur lovecraftienne qui se terrent parmi tes rangs, oui, je le sais. Et parce qu’en plus, à travers les silences, les titres énigmatiques, un véritable univers narratif se dessine. Pour découvrir Nors’klh, je te propose donc un petit entretien pour en savoir davantage sur le projet, l’univers, les méthodes de travail. Surtout que le dernier album du maître, Origine(s) – part one, vient de sortir (et c’est probablement le plus accessible). Pour accompagner ta lecture et ta journée, auguste lectorat, laisse-toi envahir par quelques ébats prophétiques :

L. D. : Comment est né le projet Nors’Klh ? Pourquoi ce nom ? 

N. : Commençons donc par la partie la plus bizarre de ma vie et par celle qui me met un peu mal à l’aise, il faut l’avouer. En 2001, Nono, comme je l’appelle, est né un soir où dans mes veines se baladait trop de substances illicites. Beaucoup trop. J’ai vécu un monstrueux bad trip dans mon lit qui encore aujourd’hui me donne des sueurs froides quand j’y repense un peu trop (et pas mal d’excitation, il faut bien l’avouer). Dans ce trip, j’étais debout, droit comme un “I », dans un désert à la couleur grisatre, un ciel noir étoilé au dessus de ma tête. Au loin une gigantesque montagne avec à sa base des tentacules se balançaient lentement et pointaient vers les astres. Plus près de moi, d’immenses colonnes à moitié organiques et à moitié… autre chose se dressaient vers l’infini. Autour d’elles, des tornades de sable naissaient et se mouvaient lentement vers moi. J’avais l’impression que mes yeux brûlaient. J’ai été happé par ces vents violents, ballotté entre ces étranges colonnes et me suis retrouvé propulsé dans l’espace. J’ai vu alors cette planète “vivante” et tentaculaire au dessous de moi, gigantesque et monstrueuse. J’avais l’impression qu’elle dévorait l’univers. Les échelles étaient totalement folles. Il me semble alors avoir hurlé. Que ce soit dans ma tête ou non (le hurlement…), cela m’a rappelé à la réalité. En reprenant ma respiration, j’ai ouvert les yeux. Je n’y voyais absolument rien et ai cru être aveugle. C’est alors qu’une voix totalement difforme et caverneuse vibra dans ma tête. “Nors’Klh », c’était le mot qu’elle avait prononcé. J’étais effrayé et excité à la fois. J’ai cru être passé dans une autre dimension le temps d’un instant tellement tout me paraissait réel et absurde à la fois… un trip entre Terry Gilliam et Lovecraft en somme. C’est dans ces moments là que tu te dis : “la drogue, c’est mal !”. Cela a calmé mes ardeurs avec ces substances et j’ai fini par ne plus y toucher durant six années. En 2007, j’ai tenté un petit joint, comme ça, juste pour voir. Cette nuit là, j’ai vu deux de ces planètes copuler ensemble. Leurs tentacules entremêlement d’une façon vraiment très sexuelle ! Le lendemain, je me suis dit “cette fois, on ne m’y reprendra plus !”. Depuis ce jour, j’ai totalement lâché tout ça. En lisant tout ceci, on pourrait me prendre pour un dingue (ce qui est peut être le cas), mais je m’en moque un peu. Cette expérience à fait naître l’univers et le son que vous entendez aujourd’hui. Pour finir, notez que j’ai écrit “Nors’Klh” de cette manière pour retranscrire la difformité de la voix entendue cette nuit là.

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L. D. : Ce qui frappe dès la première écoute de vos albums, c’est la profondeur sonore et la richesse de la composition. Comment en êtes-vous arrivé là au fil du développement de votre musique ? Quel est votre parcours ? 

N. : J’ai commencé à bidouiller le son vers mes 12 ou 13 ans avec un Amiga 500+ que mon père m’avait offert (gloire à lui), le soft ProTracker et un boitier de digitalisation. Ce fut une mini révolution pour moi bien qu’à cette époque les termes techniques s’apparentait plus à du chinois de Mars qu’à autre chose. Mais cela ne m’empêchait pas de triturer les sonorités dans tout les sens, d’expérimenter à outrance et de faire des arrangements que je trouverais aujourd’hui bien improbables. En 1999 ou 2000 j’ai découvert le soft “coup de boule” qui a commencer à titiller ma fibre mélodique. Et c’était sur Playstation 1 que cela se passait ! Le logiciel en question était Music 2000. Cela peut faire sourire, mais il était extrêmement complet, facile d’utilisation en surface, et diablement complexe dans ses entrailles. Seule les limites de la machine de Sony freinait mes ardeurs. Avec ce soft, et jusqu’en 2001, je faisait dans l’Industriel dans son plus simple appareil : du bruit, des hurlements, de la machine, et re du bruit derrière. Je travaillais de manière mécanique, sans vraiment penser le son. Je bossais de manière instinctive. C’était extrêmement violent et très simple la plupart du temps, même si quelques titres mélancoliques ou symphoniques sortaient du lot. Bref, cela a boosté de façon spectaculaire mon envie de faire du son, et sans ce logiciel je n’en serait surement pas là aujourd’hui. en 2007, j’ai décidé de passer à l’étape supérieure et me suis procuré un soft d’entré de gamme sur PC, Magix Samplitude 2007. Et là, le pied ! Je me suis mis à composer comme je dessine : d’abord, commencer par les détails, les petits trucs que seul l’auditeur attentif ou receptif à mon travail entendra (et les détails, il m’en faut. Partout et tout le temps). Vient ensuite la mélodie, le coeur du titre. Ce sera un air qui me trotte dans la tête depuis bien trop longtemps, ou bien comme quatre-vingt pour cent du temps, de l’improvisation. Mes anciennes ou fraiches visions font surface durant le processus de créa et advienne que pourra ! Ensuite le background, les sons que je qualifierais de support : les nappes electro ou les mélodies de moindre envergure. Pour finir, la partie je préfère, la rythmique. Selon mon humeur du jour, elle sera douce ou bien violente. Là aussi, totale improvisation. A la fin, si tout s’accorde avec ce que je vois pendant le processus, je valide. Si tout fout le camp, de manière tendue et énervée, j’essaierai de rectifier tout ce bazar pendant quelques jours et si rien ne se passe, je le placerais “délicatement” et “amoureusement” dans mon dossier “vomi”. Depuis 2010, je travaille autrement : j’attends les visions et essaye de les faire vivre au maximum. La Montagne Hurlante est le premier album à être intégralement né de ces images qui hantent mon esprit. C’est devenu un processus de composition très long, excitant et frustrant à la fois et je suis devenu complétement dépendant d’elles que ce soit dans la musique, l’écriture ou le dessin,  d’où le fait qu’il se soit déroulé presque quatre ans entre La Haine Primordiale et Origine(s) – part one.

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L. D. : On a tendance à vous classer en “dark ambient”, mais l’étiquette “ambient” ne rend guère justice à l’envergure épique, à la complexité et à la variété sonores de votre travail?. “Dark” est probablement juste, en revanche. Comment décririez-vous, vous-même, votre univers musical et quelles explorations ont votre faveur ? 

N. : Mes plus grandes inspirations viennent du cinéma de science fiction, du compositeur au réal. Que cela soit une série B ou bien la dernière grosse production hollywoodienne, je mange. Je dévore. Je suis très bon public et vraiment très friand de ce genre. Je m’inspire pas mal de sonorités ou de bruitages entendus ici ou là. C’est pour moi des sources intarissables d’éléments qui nourriront mon univers. En marge de ces ambiances, les B.O. de Conan le Barbare, d’A la Poursuite d’Octobre Rouge ou bien même celle du Dernier Samouraï font parties des œuvres qui m’inspirent le plus, même si j’admets volontiers que ce n’est vraiment pas flagrant. Mais elles abreuvent mon puits qui se tarit vraiment très rapidement. Ajouté à cela, une touche d’Indus et d’Electro, et plus particulièrement de Front Line Assembly, et vous obtiendrez mes parents musicaux. A ce titre, Les albums Hard Wired et Implode ont très influencé mon architecture sonore. J’essaye aussi quelques expérimentations mais je reste très sage de ce côté. Mon son est très loin d’être élitiste et est accessible à toutes les oreilles. Bref, je fais ce qu’il me plaît, mélange tout ce qui me touche et au final, si cela reste facile d’écoute et qu’une touche dark en ressort tant mieux, mais de là à me cataloguer “Dark Ambient”….

L. D. : Les titres de vos morceaux semblent évoquer une histoire et un univers plus vaste – comme les trois albums de la trilogie AnT. Y a-t-il effectivement un monde autour de votre musique ? Comment l’avez-vous conçu, et pensez-vous le développer sous d’autres formes ? Tous les albums sont-ils subtilement reliés ? 

N. : Il y a effectivement un monde autour de tout ça, et comme écrit plus haut, tout ceci est né de visions et de sensations. J’ai ensuite puisé au fond de mes ressentiments et de mon imagination pour écrire un background. Cela raconte donc l’histoire de créatures devenant un gigantesque astre sableux tentaculaire. Il n’a qu’un seul but et ne sert qu’à une chose : dévorer l’univers. Chaque album raconte une étape de sa vie ou de ce qui en est directement lié. Bien que les opus n”aient pas été composés dans l’ordre à mon grand désarroi, tout se suit et a une cohérence. Dans l’ordre chronologique, il y a donc Origine(s) – part one qui vient tout juste de sortir et qui raconte la genèse du tout premier astre et sa destruction par ses apôtres. Étant donné que je risquais de faire un album fleuve, j’ai préféré le scinder en trois parties. Vient après La Haine Primordiale – Préface au Néant sorti en 2011, premier chapitre de l’astre ayant pour nom Nors’Klh et qui suit l’évolution d’un humain choisi par des êtres d’un autre monde (les fameux apôtres) et qui, ayant assassiné sa femme et sa fille un soir de grande détresse psychologique, se métamorphose en cette apocalypse sous le poids de la culpabilité et de la haine envers lui même. La Montagne Hurlante, seconde chapitre sortit en 2009 (!), est la suite directe de La Haine… où nous continuons à suivre la métamorphose de cet homme dans la souffrance, la rage et le désespoir. C’est à ce jour mon album le plus violent. Quand aux AnT, ce ne sont rien de bien plus que des compilations de titres abandonnés soit parce qu’ils n’étaient pas à mon goût, soit parce que je ne savais pas où les incorporer dans l’histoire. Mais ils méritaient tout de même une vie, du moins pour certains…  Pour finir, la forme de mon univers évoluera dans les prochaines années sous la forme d’un jeu vidéo. Mais étant donné que le projet n’en est qu’au stade embryonnaire je ne peux pas m’étaler dessus pour le moment.

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L. D. : Une autre caractéristique frappante de votre musique est la qualité sonore. Entrons un temps dans les coulisses. Comment travaillez-vous à la composition et à la production ? Avec quels outils ? 

N. : Je travaille avec un simple ordinateur, le soft Samplitude Studio que je mets à jour chaque année ou presque, et tout un tas de VST en tout genre. Je vous avouerai que je n’aime pas trop parler de ma façon de travailler. Quand je vois que la plupart de mes amis (ou pas) travaillent avec un camion de matos, je me sens bien bien con.

L. D. :  Vous vous montrez très critique avec votre propre travail; comme avec AnT.1, que vous ne proposez pas à l’achat sur votre page Bandcamp, par exemple. Que faut-il pour qu’un morceau franchisse votre propre examen critique ? Jetez-vous beaucoup de matériel inachevé, ou bien travaillez-vous la matière jusqu’à en être satisfait ? 

N. : Je mets souvent des mois pour être satisfait de mon travail. Je pinaille, je râle, je détruis, je recommence, c’est un processus horrible. Il faut que le son soit carré, que tout concorde avec ce que je vois. Tout ça est presque maladif et me pourrit souvent la vie. L’aboutissement d’un morceau est vraiment un processus très difficile chez moi : à chaque naissance d’un titre, dites-vous qu’une dizaine de versions en moyenne sont nées avant elles. Il faut que je peaufine toujours et encore. Une véritable obsession. Hormis pour Origine(s), ce sont mes amis ou ma famille qui m’ont poussé à sortir mes opus. Cela ne tiendrais qu’à moi, je serais probablement encore sur mon premier album. 80 à 90% de mon travail pourrit sur mes disques durs et je pourrais sortir 75 AnT si j’en avais envie. Il n’y a que pour les collaborations où je me pousse au cul. Je sais que quelqu’un attend après moi alors je me fais violence et croise les doigts pour que ça plaise. Pour finir, l’immonde AnT.1 est une aberration de ma part, et c’est pour cela que je ne le propose pas sur ma page. AnT.3 n’a pas non plus survécu à mes humeurs et l’ai effacé du site. Je le regrette parfois d’ailleurs.

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L. D. : Parlons un peu de votre dernier album, Origine(s) part one. Un nouvel ensemble musical s’ouvre donc; quel est votre projet ici ? 

N. : Étant donné qu’Origine(s) se passe chronologiquement avant la naissance de Nors’Klh, il me fallait tout réinventer, que cela soit en terme de sonorités ou bien de façon de procéder. J’avais dans l’idée de faire quelque chose de beau et d’aérien (tout l’inverse des précédents opus), faire voyager l’auditeur aux confins de mon imagination et lui donner son lot de frissons, la nuit, un casque vissé sur les oreilles, lui montrer l’incroyable beauté de notre univers ainsi que sa puissance tout en le guidant sereinement dans mon monde. Imaginez-vous dans un trip spatial épique, grandiloquent, intimiste et sincère à la fois. La Haine Primordiale est comme un journal intime ou j’y ai mis toutes mes désillusions, mes rancœurs et mon mal être. Origine(s) en est le parfait opposé et c’est à ma femme que je le dois. C’est une déclaration d’amour que je lui fais, ainsi qu’à la SF et à notre incroyable existence.

L. D. : Savez-vous déjà où vous conduiront les parties suivantes, et quand pouvons-nous les espérer? Avez-vous d’autres projets? 

N. : Dans la droite ligné du premier : je reprendrai là où je me suis arrêté, tout simplement. Le voyage continuera et aura son lot de surprises, d”émotions…et de peurs ! Je ne m’éloignerai pas de ma ligne directrice, du moins en ce qui concerne Origine(s). J’ai beaucoup aimé travailler dessus, et c’est bien la première fois ou j’ai été zen tout le processus durant. Rien n’a été jeté, tout est là, exactement comme je le voulais. Une fois achevé, je reprendrai l’écriture des Chapitre 2 et 3 sur lesquels je bosse depuis 5 longues années.  Ce sera alors pour moi la fin de l’âtre Nors’Klh mais pas de mon univers. J’ai tellement d’idées à explorer, comme ces fameux apôtres qui grattent dans ma tête… Sous quelles formes, ça je ne le sais pas encore.

L. D. : Pouvons-nous espérer vous voir un jour en concert ? 

N. : Absolument pas ! Je suis un sauvage qui n’aime pas trop la foule.

Pour suivre Nors’Klh et en découvrir davantage (beaucoup de morceaux en accès direct) – n’hésitez pas à suivre, partager, soutenir :

 

 

 

2014-11-06T09:43:30+01:00mercredi 17 septembre 2014|Décibels|1 Commentaire

La meilleure façon de faire connaissance

Attention, cette entrée comporte des scènes de ménage.

Photo G. Leaper

La meilleure manière de faire connaissance, c’est de se frotter. Frotter à genoux, en extension, les bras tendus, dans les recoins obscurs. Frotter du sol au plafond.

Lui, c’est Silurian. Lui, ou elle. Car les navires, en anglais, n’ont pas le genre neutre (« it ») mais féminin (« she »), ce qui constitue une entrave majeure à la grammaire de la langue (la seule du genre – lulz -, à ce que je sache), ce qui n’est pas dénué d’une certaine poésie, et contribue à personnaliser l’engin comme une maîtresse ou une compagne, depuis l’époque où la marine était principalement masculine.

Silurian va être mon abri, ma maison et mon refuge pendant dix jours, avec sept autres personnes (quatre volontaires ponctuels, et quatre membres d’équipage, dont je fais partie au titre d’assistant de recherche et de photographe). Nous partons en relevé demain à travers les Hébrides, îles habitées et rochers pelés battus par les vents et les pluies, parfois abandonnés par l’homme depuis des décennies et rendus aux oiseaux, parfois intouchés depuis toujours. Notre but consiste, comme à l’accoutumée, à guetter baleines et dauphins en milieu sauvage, à noter tout ce que nous pouvons sur leur comportement, et surtout à prendre des photos dans le but d’identifier les individus, car les motifs et cicatrices des nageoires dorsales forment une empreinte unique. Grâce à cette technique très simple, il est possible de connaître l’utilisation que les animaux font de l’habitat, d’appréhender leurs structures sociales, leur succès reproducteur, etc.

J’ai approché Silurian pour la première fois la semaine dernière avec révérence : cette belle dame de 16 mètres – car je préfère l’emploi du féminin au masculin “neutre” français, et c’est ainsi qu’on me l’a présentée -, qui a beaucoup navigué, arbore sa coque blanche et ses deux mâts avec une tranquillité à la fois rustique et benoîte.

La meilleure manière de faire connaissance avec un navire, c’est de le briquer.

Et nous l’avons briqué, oh oui. Non sans mal, dans l’espace exigu que représente l’entrepont mais, en ce qui me concerne, avec révérence et amitié, comme si je soulageais un  éléphant placide de ses tiques et démangeaisons. Évacuer poussière, terre, boue récupérée pendant les expéditions précédentes ; faire l’inventaire des provisions et jeter tout ce qui est périmé ou paraît suspect – un navire est, bien sûr, un environnement suprêmement humide et tout pourrit très vite ; passer tous les plafonds à l’eau chaude et savonneuse pour combattre l’apparition des moisissures dans la charpente ; débarquer ce qui est hors d’usage, inutile, trop usé ; aérer et préparer la literie des quartiers ; frotter le pont ; remonter des dizaines de seaux d’eau de mer et rincer.

Cela semble une liste de corvées mais, pour moi au moins, cette contribution à préparer l’expédition me donne plutôt l’impression de présenter mes hommages à celui, ou celle, qui sera notre plus important ami de ces dix jours et dont nous dépendrons entièrement. À New Quay l’année dernière, un opérateur de whale watching m’avait expliqué que le nettoyage constant d’un navire va au-delà de la fierté ou de la maniaquerie : c’est une tâche de maintenance, qui permet, par l’attention prêtée aux détails, de remarquer au plus tôt ses faiblesses, de noter ce qui a besoin d’être renforcé, et ainsi de prévenir les avaries. Toutefois, en ce qui me concerne, au-delà de cette nécessité, plus que mon travail à terre ou lors des excursions en mer où j’ai pu participer (et dont deux mille photos prises pendant quatre semaines attendent déjà un traitement…), c’est là que j’ai l’impression de gagner ma place à bord – dans l’attente de mon travail en mer.

Plus prosaïquement, cela signifie que je pars dans des endroits de plus en plus difficiles à trouver : ceux qui n’ont pas de couverture 3G ni même GSM, ce qui implique une absence totale des réseaux et du mail. Cependant, je compte tenir pendant ce temps un journal quotidien que je publierai ici même à mon retour. Univers, entends-moi : c’est le moment de me donner le prix Nobel, de me relancer pour mes factures, de m’apprendre que mon chat imaginaire est mort, de déclencher des invasions de zombies ou de conclure la paix mondiale parce que, quoi qu’il arrive, je n’en saurai strictement rien. La maison reste cependant ouverte, j’ai quelques articles en actus en réserve qui se posteront automatiquement pendant les jours à venir, n’en profitez pas disparaître – et n’en profitez pas non plus pour glander sur les déclencheurs, parce que je vais rentrer un jour, et ça va barder si je découvre que vous n’avez pas pris votre écriture au sérieux.

Soyez sages ! (ou pas)

2012-08-01T19:50:22+02:00mercredi 1 août 2012|Carnets de voyage|3 Commentaires

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