Mercredi à Paris : enregistrement de podcast en live

Un rapide petit mot pour dire que mercredi soir, nous serons doublement hébergés avec Mélanie Fazi et Laurent Genefort (avec qui nous publions notre podcast sur l’écriture Procrastination) : de façon sonore, par l’excellent podcast les Voix d’Altaride, qui parle de jeu de rôle mais pas que, dérivant souvent sur les notions de narration et de game design, et aussi de façon géographique, puisque cet épisode des Voix d’Altaride sera enregistré en live à la splendide libraire Charybde !

C’est à partir de 19h30, 129 rue de Charenton, 75012 à Paris.

 

2017-05-27T13:06:23+02:00lundi 22 mai 2017|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Mercredi à Paris : enregistrement de podcast en live

Qu\'est-ce que la chaîne du livre ? 2 – poche et numérique

Suite et fin de ces deux articles sur la chaîne du livre et la rémunération de ses acteurs. Lundi, nous avons considéré le cas général et l’ensemble des partenaires économiques veillant sur la réalisation et la commercialisation d’un ouvrage. Aujourd’hui, nous allons considérer les deux marchés qui, dans l’idée générale, font mentir l’article d’hier : poche et numérique. Nous allons voir qu’il n’en est rien, ou plutôt que leur dynamique est différente. Suspense, teasing, musique de blockbuster.

Et le poche ?

i-read-that-book-before-it-was-a-movieQuand je discute de cela, la contrepartie aussitôt ajoutée généralement est : « Oui, mais le poche ? Le poche se vend moitié, voire deux tiers moins cher que le grand format. Comment cela se fait ? Hein ? Hein ? Réponds-moi ou bien je ne te libère pas l’accès aux saucisses cocktail. »

On commet souvent l’erreur d’équivaloir marché du grand format et marché du poche. Or, ils n’ont rien à voir1. Le marché du poche est un marché de masse (le terme anglais le dit bien : mass market paperback). Qui dit tirage de masse, grosse diffusion, dit risque important. C’est là que se trouve le coeur du marché du poche : si le prix est bas, ce n’est pas principalement en raison d’un format plus petit et d’une qualité de fabrication de l’objet parfois inférieure au grand format, mais parce que le poche se vend à des échelles bien plus vastes, et que le chiffre d’affaires se réalise sur le volume.

Pour cette raison, les éditeurs poche ne prennent en général que des livres qui ont fait leurs preuves en grand format – qui ont déjà bien fonctionné et/ou ont été appréciés, ce qui motive l’éditeur poche à lui donner une deuxième vie pour le porter auprès d’un autre marché. Pour cette raison, auguste lectorat, dire « je vais attendre le poche » quand tu vois un livre qui te plaît n’est pas un raisonnement durable. (Cela résulte cependant, je te l’accorde tout à fait, d’une situation paradoxale, et oui, j’ai parfaitement conscience que le livre est cher et que ce n’est pas forcément un choix pour tout le monde.) Parce que si le livre ne se vend pas en grand format, si tout le monde attend le poche, alors il ne sortira jamais en poche, parce qu’il ne se sera pas assez vendu. Je dis cela car l’idée générale assez répandue semble être que la sortie en poche est automatique, comme on retrouve les films en DVD après leur sortie au cinéma. Dans le cas du livre, c’est faux2. Pire, ce raisonnement peut parfaitement handicaper la vie d’un livre. Bref, si vous avez les moyens et que vous êtes intéressé-e, soutenez les livres que vous aimez en grand format.

Pour mémoire, enfin, la rémunération de l’auteur est généralement deux fois moindre sur le poche que sur le grand format (dans les 5%). Là encore, le volume des ventes est censé rattraper l’écart. Les marges sont beaucoup faibles pour tout le monde sur ce marché.

Et le numérique ?

Les choses évoluent tellement vite dans ce domaine qu’il est difficile d’en donner une vision claire. Mais là aussi, l’idée reçue est qu’un livre numérique ne coûte rien à produire, parce qu’il n’y a pas de copie physique, d’acheminement… (L’idée populaire est généralement que l’impression est ce qui coûte le plus cher dans un livre – idée compréhensible, puisque c’est ce que l’on voit, palpe, soupèse. C’est là encore faux, voir le diagramme d’hier : c’est même une part assez faible du prix de vente final.)

Mais un livre électronique coûte de l’argent à produire. Les postes évoqués hier existent toujours, pour la majorité. Notamment :

  • Il faut toujours faire retravailler le texte ;
  • Il faut toujours produire des fichiers de bonne qualité, lisibles, légers, compatibles ;
  • Il faut toujours mettre ces fichiers à disposition du lecteur là où il est susceptible de les trouver – et cela veut dire, entre autres, les grandes enseignes, qui prennent leur part au passage ;
  • Enfin, il faut toujours faire connaître le livre… écueil que découvrent souvent les auteurs auto-publiés avec beaucoup de déconvenues : ce n’est pas parce qu’on sort un livre que tout le monde va l’acheter…

Est-ce que la rémunération de l’auteur devrait augmenter ? Sans aucun doute, puisqu’un certain nombre d’étapes disparaissent tout de même dans l’équation. Mais le livre électronique est moins cher (parfois de beaucoup)… Et l’on retombe sur la logique de masse du poche. Et dire que l’électronique ne décolle pas en France à l’heure actuelle est un aimable euphémisme. L’usage que l’on commence généralement à trouver acceptable aujourd’hui est toutefois en train de converger vers une rémunération d’environ 30% (plus ou moins 5-10, en fonction des conditions) si le livre est distribué par un tiers et 50% si le livre est distribué directement par l’éditeur sur sa plate-forme. De toute façon, le volume ne représente pas encore grand-chose aujourd’hui. Un gros ou un petit pourcentage de pas grand-chose équivaut toujours à environ que dalle. Ce qui est important, à l’heure actuelle, c’est de prévoir la renégociation des droits, plus tard. Mais on entre là dans du technique qui dépasse le cadre de ces articles.

Donc…

Donc, auguste lectorat, te voilà bien armé pour répondre (d’un petit air hautain et sûr de son fait, bien entendu, car c’est beaucoup plus drôle) dans tes cocktails et vernissages aux objections et idées reçues sur le prix du livre et le fonctionnement de son économie. Il ne s’agit pas là de critiquer ni même de proposer d’autres solutions ; ces articles ne constituent qu’un tour d’horizon du système actuellement. Et qui, tout bien considéré, malgré ses imperfections, reste quand même celui qui donne à l’auteur le meilleur revenu et la meilleure visibilité.

Et si on ne te libère toujours pas l’accès aux saucisses cocktail, considère l’éventualité d’un atemi.

  1. Du moins à l’heure actuelle. Nous ne sommes plus tellement à l’époque où beaucoup de livres sortaient directement en poche, parce que les chiffres de vente sont généralement trop bas aujourd’hui pour permettre ce genre de stratégie.
  2. Bien sûr, cela ne s’applique pas aux immenses locomotives des genres, G.R.R. Martin, Robin Hobb, J.K. Rowling, où là, la sortie en poche est quasiment certaine.
2014-10-21T14:42:06+02:00mercredi 24 septembre 2014|Best Of, Le monde du livre|9 Commentaires

Qu\'est-ce que la chaîne du livre ? 1 – les acteurs

« Tu vois, Canard PC, il se vendent 4,30 € et c’est en couleurs, alors qu’un livre c’est 20 € et y a même pas d’images dedans. C’est bien la preuve que les éditeurs se foutent de nous. »

Ne hurlez pas, ce sont des paroles vraiment entendues à la queue du supermarché. (Et si vous trouvez cette phrase frappée au coin du bon sens, vous avez besoin de lire ce qui suit.)

mysterybooksAlors qu’on réfléchit beaucoup à l’avenir, à la stabilité du marché du livre, que les questions du coût public et de la rémunération des auteurs se posent de plus en plus, et qu’on constate, globalement, une méconnaissance des mécanismes économiques du marché, je pensais qu’il pourrait être utile d’exposer très rapidement comment, au juste, fonctionne l’économie du livre, de l’auteur au point de vente (et donc au lecteur). Dans l’espoir de répondre à la question : pourquoi un grand format coûte-t-il 20 € (en moyenne) ?

La réponse est assez simple : la présence d’un livre sur le marché (donc accessible à toi, auguste lectorat) n’est pas le fruit du travail d’une seule personne, l’auteur. Note bien la formulation : « la présence d’un livre sur le marché » et « le fruit du travail ». Le livre, en soi, résulte principalement du travail d’une seule personne, son auteur (avec le concours de l’éditeur et de ses correcteurs, qui, par leur regard extérieur, amènent l’auteur à retravailler son manuscrit afin qu’il soit le meilleur possible, et dont le regard, à mon sens, est indispensable.)

Mais un livre achevé existe-t-il pour autant sur le marché ? Non, absolument pas.

Il manque plusieurs choses à cela :

  • Il faut, évidemment, fabriquer le livre (le mettre en page, puis l’imprimer) ;
  • Il faut transporter le livre jusqu’au point de vente, et pour cela, il faut convaincre le point de vente de le prendre ; ce rôle, souvent mal connu, revient à la diffusion / distribution, au cours d’une opération dite de mise en place1. Si personne ne propose le livre, qui le verra, et si personne ne le voit, qui l’achètera ? Car la place sur les étals est limitée ; et la vie d’un livre sur une étagère est de plus en plus courte.
  • Il faut vendre le livre au lecteur susceptible de l’acheter ; c’est évidemment le rôle du libraire, qu’il soit indépendant ou appartienne à une chaîne ;
  • Il faut promouvoir le livre ; en parler, en faire parler, c’est le rôle de l’attaché de presse, qui travaille en interne chez l’éditeur ou bien en consultant. Si personne ne donne envie de l’acheter, personne (ou presque) ne l’achètera.

Tous ces maillons de la chaîne (d’où le fait qu’on parle de chaîne du livre) ont évidemment besoin d’être rémunérés ; il y a des salaires, des charges, des loyers, etc.

Alors, qui gagne quoi ? La réponse en images, sur le prix de vente public du livre :

Source; SNE

Source; SNE

On constate aussitôt que l’auteur gagne le moins, alors que sans lui, le livre n’existe pas. C’est un état des choses regrettable, mais c’est le reflet de la complexité de la vente du livre aujourd’hui : notamment le porter à la connaissance du public, en une ère de production et d’information pléthoriques. (Sur ce danger potentiel pour la survie de la création de qualité que fait peser la généralisation de la distribution, en distordant le marché du côté de la commercialisation pure, je te renvoie à cet article de 2010, auguste lectorat : « Comment la libération de la diffusion fait le lit des publicitaires » ) Un suivi commercial de qualité se paie – et l’on espère tous se rattraper sur les chiffres de vente. Pour ma part, je n’émets aucune opinion sur l’état des choses. Bien sûr, j’aimerais gagner davantage, mais si j’ai le choix, je préfère gagner davantage parce que mon livre se sera mieux vendu, et pour cela, je suis prêt à gagner moins, en proportion, tant que je gagne ma vie au bout du compte.

En particulier, on entend souvent s’interroger, notamment, sur la part prise par le détaillant. Mais il faut savoir que le détaillant, le libraire, est celui qui paie le plus de charges fixes, en proportion (locaux, salaires), plus une gestion très lourde d’un inventaire, en particulier pour un petite structure.

Voilà pourquoi un livre en grand format coûte une vingtaine d’euros. Il faut rémunérer tous ces acteurs (plus le traducteur, le cas échéant, et un bon traducteur coûte cher) ; or, l’on connaît à peu près les chiffres de vente sur lesquels on peut tabler en moyenne, ou que l’on espère. Les grands groupes d’édition disposent de logiciels de planification très savants intégrant toutes ces charges (les plus petits le font à la main) de manière à cerner le point d’équilibre ou point mort, là où le livre se soldera par une opération blanche (tout le monde est payé, mais le livre ne réalise pas de bénéfices). Il réalise ainsi son budget, sur le livre, en prenant en compte aussi l’intégralité de ses activités (il peut accepter de perdre de l’argent sur un livre qu’il estime important s’il a de bons vendeurs par ailleurs ; ne cognez donc pas l’éditeur qui sort du gros succès qui fait grimacer l’esthète que vous êtes, regardez l’intégralité de son catalogue ; s’il publie par ailleurs des livres exigeants, ce n’est pas un putassier, c’est, tout au contraire, un bon gestionnaire).

Voilà qui est déjà bel et bien pour aujourd’hui ; mercredi, suite et fin du sujet, où nous parlerons plus spécifiquement du poche et du numérique.

  1. Camarades du milieu, je simplifie un peu, je sais, mais c’est un article à vocation didactique.
2014-10-14T16:54:55+02:00lundi 22 septembre 2014|Best Of, Le monde du livre|7 Commentaires

Le conseil liseuse de l’été

badamazonC’est une question qui revient fréquemment : « je voudrais m’acheter une liseuse, tu n’as pas un conseil à me donner ? » En conséquence, j’avais rédigé pour Noël 2012 un gros guide sur les questions principales à se poser : quel constructeur, quelle attitude vis-à-vis des verrous numériques, etc. Je terminais par donner – pour ce que ça valait – mon choix de l’époque : le Kindle d’Amazon en raison de mon profil d’utilisateur (beaucoup de lecture en anglais).

On m’a déjà fait remarquer à l’époque que c’était un peu malaisé, parce que cela donnait l’impression que je recommandais le Kindle et la plate-forme d’Amazon. Non. J’ai un profil et des besoins particuliers. Par contre, je suis forcé d’avouer que cela donne, malgré moi, une sorte de blanc-seing à l’entreprise. Or, je n’ai pas d’amour particulier pour celle-ci, plutôt l’inverse ; et, au fil des ans, il apparaît que cet acteur majeur du secteur culturel se comporte non seulement d’une façon hautement déloyale, prêt à toutes les bassesses pour arracher sa clientèle, mais qu’en plus, ses agissements sont délétères au milieu qu’il prétend servir, contribuant toujours davantage au morcellement des revenus, à la fragilisation de l’économie, à la rupture de la confiance entre acteurs.

La liste est trop longue, mais l’on pourrait citer

Je travaille dans le milieu littéraire, la chaîne du livre est mon alliée, de l’éditeur au libraire. Amazon dépasse le stade de la concurrence acharnée (qui est le jeu du capitalisme) pour entrer dans le foutage de gueule généralisé, de l’employé, de l’auteur, de l’éditeur, et de vous, clients, lecteurs. On le sait, s’il y a un truc qui m’agace, c’est qu’on me prenne pour un imbécile ; je ne suis pas bégueule sur les facilités de la vie moderne, mais à prouver, à répétition, qu’Amazon n’a aucune morale autre que de trouver une nouvelle façon de baiser la gueule du système (je pèse mes mots), cette entreprise nuit à mes intérêts d’écrivain et à ceux de mes alliés économiques.

Je respecte le choix de chacun d’aller chez eux, en toute connaissance de cause – c’est pourquoi je ne vais pas non plus m’opposer bec et ongles à ce que mes ouvrages soient disponibles en commande dans leurs rayons. (Je ne choisis pas, de toute manière.) J’ai toutefois toujours incité à préférer les commerces de proximité, les librairies où l’on vous offre un vrai conseil, où l’on trouve des passionnés qui connaissent vos goûts et savent vous recommander le roman qu’il vous faut, et que vous ne trouverez jamais ailleurs.

Je ne suis pas du genre à appeler publiquement au boycott ni à dire quoi faire à qui, mais j’aimerais quand même aller plus loin et te décourager très ouvertement, auguste lectorat, d’aller chez Amazon, pour toutes les raisons précitées. Fais vivre tes commerçants de proximité ! Et si tu ne les connais pas, va à leur rencontre ! Dans un système capitaliste, choisir chez qui l’on achète un acte politique. Si tu es un accro du commerce électronique, ton libraire a probablement un site (comme Critic) ! Et si tu tiens absolument aux grandes enseignes, il y en a quand même d’autres qui sont – au minimum – domiciliées en France comme la Fnac et représentent un moindre mal. Enfin, si tu es comme moi un fondu de musique numérique, je porte à ton attention les alternatives que sont Qobuz, CDBaby, Beatport, etc.

Pour en revenir au sujet des liseuses : alors, quid du Kindle ?

Le Kindle, c’est comme Apple (iOS) : ça marche tout seul, ma grand-mère pourrait s’en servir, et en plus c’est pas cher (pas comme Apple). Mais toutes les données sont verrouillées, bien sûr (voir cet article). Dans le cas d’Apple, il est concevable de céder un peu d’ouverture du système en échange d’une facilité d’emploi. Amazon fournit la même facilité, certes. Mais il n’est pas le seul sur le marché, très loin de là. Si vous n’avez pas envie de vous lancer dans l’aventure d’une liseuse multi plate-formes (comme les Sony), les Kobo sont d’excellente facture, par exemple, et proposent un service tout aussi simple d’emploi (avec DRM également), joint à la Fnac.

Bon, j’ai un Kindle. Je m’en sers, je ne vais pas le balancer aux orties. Mais une chose est sûre, quand celui-là tombera en rade, je n’en rachèterai pas.

2018-07-17T14:15:35+02:00lundi 14 juillet 2014|Le monde du livre|43 Commentaires
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