Apprenons l’expérience utilisateur avec UPS

Maintenant vous comprenez pourquoi les moines bouddhistes sont vêtus d’orange. Photo Peter Hershey.

« Nous nous sommes présentés pour vous livrer un colis, mais vous n’étiez pas là. Voulez-vous reprogrammer la livraison ? Cliquez ici. »

Le site mobile ne fonctionne pas. Demander la version de bureau.

Le site ne fonctionne pas. Désactiver le bloqueur de pubs qui interfère avec la boîte de dialogue mal programmée.

Le site ne fonctionne pas. Essayer Firefox.

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« Créez un identifiant my UPS ! Plus simple et facile pour tout centraliser et on aimerait vachement bien vos données aussi. »

« Merci d’avoir créé votre identifiant. Pour activer votre identifiant, cliquez sur le lien contenu dans le mail. »

Vérifier ses mails. Ne rien trouver.

Attendre. Rafraîchir.

Rafraîchir.

Rafraîchir.

Recevoir le mail, cliquer.

Le site mobile ne fonctionne pas. Demander la version de bureau.

« Merci d’avoir confirmé votre compte. »

Rechercher le SMS d’origine, cliquer à nouveau sur le lien.

« Connectez-vous avec votre compte my UPS pour reprogrammer la livraison. »

Se connecter.

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Reprogrammer la livraison pour après-demain en constatant que la création de compte n’était finalement pas nécessaire.

Constater dans son tracker de livraisons que c’est bon.

Constater qu’on a les mains tremblantes et le cœur à 130. Boire un shot de whisky.

Le lendemain : on sonne à la porte.

« Coucou, c’est UPS, c’est la livraison que vous aviez programmée pour après-demain. »

Recevoir la livraison avec un sourire crispé.

Sortir acheter des bougies noires et du sang de chèvre.

2018-03-28T11:53:08+02:00jeudi 29 mars 2018|Expériences en temps réel|12 Commentaires

« Les Dieux sauvages » percés à jour

Enfer et damnation ! La vérité a percé ! Je pensais avoir habilement dissimulé les enjeux de la série à travers des titres hautement symboliques, mais ce ticket de caisse envoyé par un lecteur vend la mèche !

Je n’ai plus le choix. Il ne me reste qu’à révéler les véritables titres de la série. Avant La Verrue du Fleuve, le premier s’appelait en réalité La Boulangère du Réel. Les suites s’intituleront respectivement L’Assureur Délétère et le volume 4, Les Rivages du Peer-to-Peer. 

Je suis pas dans la mouise.

2018-03-27T10:18:33+02:00mardi 27 mars 2018|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Expériences en temps réel, bilan 2017

Oooh, un article de bilan, voilà longtemps qu’il n’y en avait pas eu. Mais il me semble que ce pourrait être utile, surtout qu’un blog et un site sont appelés à constamment évoluer avec les usages, avec les envies, avec les demandes, aussi. Et, tout les deux ou trois ans au moins, je pense qu’il est judicieux de regarder un peu le chemin parcouru, ce qui semble s’ouvrir devant soi pour éventuellement infléchir une trajectoire. Et puis aussi ouvrir la discussion avec toi, auguste lectorat, pour voir si on se rejoint à peu près.

Résumé des épisodes précédents

Ce blog existe depuis la fin de l’année 2009 (soit l’ère secondaire en termes Internet) ; le site en lui-même est plus ancien, mais ne présentait guère d’intérêt. Faisons-nous donc peur en voyant comment ouh, c’était moche :

Comment ouh, c’était moche.

Le blog est passé par MySpace (eh ouais) puis Over-blog avant de finir définitivement ici et se joindre au site proprement dit. En 2012, pendant mon volontariat dans les Hébrides, je décide de tenter l’expérience de proposer quelque chose de nouveau (article, interview, chronique) chaque jour ouvrable et, à l’exception des périodes de déconnexion pendant les fêtes et d’une poignée de jours, j’ai tenu parole.

La fréquentation a augmenté régulièrement au fil de ces neuf années, pour arriver actuellement à une moyenne de 10 000 visites par mois, pour 136 000 visites en 2017.

Ces stats ne sont pas là pour me gargariser (on pourrait parler des humbles débuts ou des semi-échecs d’autres expériences que j’ai pu tenter), mais pour cerner un objectif qui a toujours été important pour moi : me faire plaisir sur cette plate-forme mais quand même offrir du contenu susceptible d’intéresser du monde – c’est la métaphore du bar. Je suis content de voir que j’y arrive à peu près, et surtout de manière stable, au lieu de faire du clickbait pour justifier ma présence. Merci à vous toutes et tous de votre fidélité, de vos interactions, de vos retours !

Au fil des ans, j’ai évidemment beaucoup appris, mais la plus importante leçon, je crois, a consisté à trouver comment m’exprimer dans un tel espace. Une expérience qui était partie à la base pour être purement ludique s’est transformée (à ma grande surprise) en un média important pour communiquer tous ensemble, et comme toutes les belles histoires, il y a là une part de coïncidences. Il m’a fallu trouver des ajustements, il y a certains articles dans les archives dont je ne suis pas entièrement fier avec le recul, mais on change en bientôt dix ans, comme écrivain bien sûr, comme être humain aussi, et je n’ai jamais prétendu offrir au monde une façade lisse et parfaite. Un des trucs que j’ai pigé, c’est qu’on n’est ni lisse, ni parfait, jamais, que c’est épuisant d’essayer – que le seul objectif consiste à apprendre pour s’efforcer d’être meilleur demain qu’hier, mais on peut aussi avoir de la tendresse pour hier, car on ne savait pas ce qu’on sait aujourd’hui. Certaines conneries que j’ai pu dire avec le recul figurent toujours dans les archives, elles sont le reflet d’une époque, je ne vais pas réécrire l’histoire; je me suis efforcé de faire amende honorable le cas échéant (et souvent c’est en commentaires).

J’ai aussi pas mal recentré le blog vers les questions d’écriture, de productivité, de technique. À la fois parce que ce sont les sujets qui m’occupent vraiment beaucoup en ce moment, donc mécaniquement cela se reflète ici, mais aussi parce que j’en ai un peu saturé de descendre dans l’arène d’Internet et de me prêter à l’exercice du billet d’humeur. Il y en a et y en aura toujours (j’aurai toujours un côté rageux et j’assume, je l’aime, mon côté rageux), mais ces temps-ci, je voudrais porter une parole plus « positive », en création et dans l’optique d’ajouter de la valeur, plutôt qu’en contradiction et en révolte. Attention, la contradiction et la révolte ont éminemment leur place, et elles sont nécessaires dans le monde ; je dis juste que, pour ma part, j’en ai eu à un moment ras-le-bol de voir mes paroles « travesties par des gueux pour exciter des sots » (gloire à Rudyard Kipling pour cette parole des plus sages). Je me sens moins dans la confrontation et davantage dans la construction – mais, encore une fois, c’est mon rapport au monde à ce moment-là ; peut-être qu’à soixante-dix ans, je braquerai des lances à incendies sur ces sales jeunes qui viendront fumer de l’herbe sur ma pelouse.

Parfois, on se demande où un photographe a eu l’idée d’une photo.

Bon, alors déjà, ça suppose qu’un jour, j’aurai une pelouse.

Les limites actuelles et là où l’on va aller

On grandit, en neuf ans, on évolue comme auteur, et je suis très heureux, touché et reconnaissant de voir les livres trouver leur public, certaines initiatives s’installer dans la durée. Merci ! 

Forcément, cela implique quelques changements de fonctionnement. Notamment, il y a dans le site et le blog actuels des trucs qui commencent à coincer voire à être ridicules, dont j’ai conscience, et qu’il va falloir changer – ce sur quoi je n’ai pas toujours des idées très arrêtées, mais discutons, justement.

La revue de presse. C’est probablement le truc le plus absurde à l’heure actuelle. J’ai toujours tenu à relayer, au moins sur les réseaux sociaux, les articles intéressants sur mon boulot qui parviennent à ma connaissance, mais j’ai toujours pris soin de ne pas non plus submerger le monde avec ; un blog / réseau social, c’est comme une pizza, faut un subtil équilibre des saveurs. Clairement, la formule actuelle est devenue ridicule – j’ai toujours douze (vraiment douze) articles de retard dont certains remontent à six mois. Il faut que je sois plus réactif là-dessus. Action : Cela veut dire que ces informations doivent sortir du programme de publication du blog, ce qui m’amène à…

Périodicité et sujets du blog. L’approche ici est tellement poussiéreuse que j’ai une crise d’éternuements chaque fois que je m’en approche : la liste des thèmes est vieille comme mes robes, et ne reflète plus l’équilibre du contenu (sans parler qu’elle est un peu absconse). Surtout, l’idée de proposer quelque chose de nouveau chaque jour ouvrable a probablement atteint ses limites (voir la revue de presse ci-dessus). Cela me jette depuis quelque temps dans l’impératif de proposer quelque chose à tout prix et je peine à mêler les articles sur l’actualité des bouquins (car il faut bien les relayer un peu aussi, c’est mon boulot) de manière harmonieuse avec les articles plus didactiques sur l’écriture. Action : je vais probablement m’astreindre à un, deux articles de qualité dans la semaine (pas forcément sur l’écriture, mais souvent, bien sûr), et le reste à l’avenant en fonction de l’actualité du moment. Cela signifiera qu’il pourra peut-être y avoir un ou deux jours ouvrables dans la semaine sans rien… mais ce sera déporté sur les réseaux sociaux. C’est surtout là que j’ai besoin de ton retour, auguste lectorat : est-ce une haute trahison passible de pendaison ? Tu me dis. 

La newsletter. Là aussi, c’est pas terrible. Une liste pour les infos, une liste pour le blog, on peut être sur l’une et pas l’autre, mais pas l’inverse… Sur ce point, j’ai des idées assez abouties. En gros, faut simplifier tout ça dans les grandes largeurs. J’en reparlerai dès que j’aurai trois secondes pour mettre les idées à plat et les proposer dans un article à part.

Le site actuel et ses problèmes. Nous sommes à la v8 de ce site et j’aimerais qu’il tienne jusqu’à la fin de « Les Dieux sauvages », mais je crains que ça ne soit pas possible. La base technique sur laquelle je l’ai construite est un peu bancale et plus le temps passe, plus il fait vieillot par rapport aux standards actuels du web. Je n’aime pas ces énormes bannières qui bouffent tout l’espace, mais je crains qu’il faille y passer, surtout en une ère de navigation principalement mobile – c’est pour l’intérêt de la clarté, et c’est bien, la clarté. Il y a de petits bugs dans tous les coins qui montrent les limites de ce que j’ai voulu faire, les portails sur les univers sont repoussés depuis une éternité, bref – ça a besoin d’un vraie période de travaux de fond. Un site d’auteur en 2018 avec plusieurs livres, deux univers, une grosse bibliothèque d’articles sur l’écriture n’a rien à voir avec un site de nouvelliste en 2009, et je paie le prix de l’existant ; si je veux continuer à proposer une information qui soit pertinente, et utile à ceux et celles qui me font le plaisir de venir se balader ici, à un moment, va falloir fermer le bar et péter un ou deux murs. Action : C’est en cours de réflexion, j’ai une jolie carte heuristique qui s’étoffe peu à peu, mais pour l’instant, je n’ai pas le temps1. Mais ceci explique pourquoi certains petits bugs ne sont pas corrigés depuis longtemps – ça ne sert à rien de refaire le dessus du comptoir si on refait tout dans six mois de toute manière.

N’hésitez pas à donner votre avis

En général, écrire cette phrase est un moyen très sûr de voir deux commentaires se battre en duel et de passer pour un gros égocentrique qui est persuadé d’avoir intéressé du monde, mais peu importe, la démarche est sincère : à mesure que je réfléchis à comment amener cet endroit d’une manière qui intéresse tout le monde (vous et moi), autant que j’essaie un peu de savoir ce que je peux faire de mieux. J’ai toujours dit que le blog est aussi pour moi une manière de payer ma dette karmique et de partager, d’expérimenter sur ce que j’ai pu apprendre, mais si je paie cette dette en emprunts russes parce que le média qui la porte est mal fichu, c’est un brin idiot.

Donc, s’il y a des choses que vous voulez voir changer, mieux fichues, des protestations ou des envies sur la manière dont ça (ne) marche (pas), c’est totalement bienvenu. (Ne vous ennuyez juste pas avec les bugs ponctuels du site actuel, puisqu’il va certainement évoluer.)

Merci !

  1. J’avoue que je temporise un peu aussi jusqu’à la release de Gutenberg dans WordPress 4, ça risque de changer pas mal de choses. Si vous n’avez pas compris cette phrase, rassurez-vous, c’est pour ça qu’elle était en note de bas de page.
2018-01-21T23:41:18+01:00lundi 22 janvier 2018|Journal|13 Commentaires

Une installation autour de Tuning Jack

« Tuning Jack », c’était ma première publication professionnelle dans la revue Galaxies ancienne série en… 2004. (Mon dieu.) C’est l’une des premières nouvelles dont je me sois dit « cette idée est trop idiote pour que je ne l’écrive pas », et j’ai été aussi stupéfié qu’honoré de la voir terminer directement finaliste du prix Rosny Aîné. Depuis, le texte a été repris dans L’Importance de ton regard, et placé en diffusion libre (lisible gratuitement ici).

Aujourd’hui, j’ai envie de partager avec toi, auguste lectorat, le travail fantastique de Noémie Desard, diplômée du Master NUmérique et Médias Intéractifs pour le Cinéma et l’audiovisuel (Numic) qui, pour son mémoire, a conduit toute une réflexion autour de la lecture à l’ère du numérique, de l’augmentation possible de celle-ci tout en respectant le cœur de l’expérience de lecture, en s’appuyant pour cela sur « Tuning Jack ». Elle a recomposé le texte en véritable plasticienne, tourné avec ses camarades (bravo et merci, les gens !) des tas de petites vignettes incroyables autour des publicités idiotes présentes dans la nouvelle, et les voir m’a fait rire comme un imbécile (le texte commence à être ancien dans ma mémoire) tout en étant super ému. Je me souviens en revanche parfaitement des conditions d’écriture il y a presque quinze ans, quand je prenais des notes sur l’essai des Techniques du corps de Marcel Mauss sur ma petite table d’étudiant dans le coin cuisine, alors que j’avais des cheveux, et que cette idée à la con (y a pas d’autre mot) a germé dans mon cerveau malade ; je n’imaginais pas un seul instant à l’époque qu’un jour, quelqu’un de talentueux comme Noémie aurait envie de s’emparer de cette histoire et de lui donner vie de façon aussi cinglée que j’y pensais.

Je ne dévoilerai pas en détail les mécaniques auxquelles elle a pensé pour « augmenter » la lecture, parce que c’est son travail et c’est à elle de le faire si elle le souhaite – voir la présentation du concept ici –, mais je dirai juste que c’est l’un des très rares projets qui m’aient semblé pertinent dans ce domaine (d’où le fait que sois doublement ravi que « Tuning Jack » ait servi de support à ses idées). Il y a six ans, j’écrivais ça sur le livre enrichi, partie 1, partie 2 – et je reste assez d’accord avec moi-même (preuve de constance ou de rigidité intellectuelle ?), mais Noémie a très intelligemment contourné ces embûches en se rappelant les raisons pour lesquelles on lit, et propose une vraie voie intéressante avec des tas de mécanismes inédits sur le sujet. J’espère qu’elle pourra les développer et les creuser comme ils le méritent, parce que , je trouve qu’il y a des idées, de la matière, une voie.

La soutenance s’est déroulée sous la forme d’une installation de salon de body tuning, pour se rendre beau en se faisant mal :

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Merci encore pour ton travail, Noémie, qui m’a quasiment mis la larme à l’œil en retrouvant toutes ces idées et cet univers ancien, et en le voyant prendre vie de la sorte… Et bravo ! 

2017-09-13T16:34:12+02:00jeudi 21 septembre 2017|Journal|Commentaires fermés sur Une installation autour de Tuning Jack

Worldcon 2017, jours 3, 4 & 5

Et wala, auguste lectorat, me voici dans ma chambre d’hôtel avec du Master Boot Record en fond à m’efforcer de récapituler ce que je pourrais bien raconter et partager d’intense tant il y a de chose…

https://www.instagram.com/p/BXn1kQmDaE6/?taken-by=wildphinn

De manière générale, je pense qu’il faut vraiment saluer l’organisation. Organiser une Worldcon est un défi, le faire dans un pays européen peu connu des Américains multipliait les difficultés. J’avoue que le premier jour, devant les nombreuses difficultés d’accés aux tables rondes et un espace de vente assez dépeuplé, j’ai eu un peu peur. Mais en une seule journée, l’organisation a réagi avec une efficacité exemplaire et cette Worldcon, il me semble, se termine sur un succès qui n’aurait à envier à Londres et Montréal que davantage d’affluence étrangère – mais ce n’est certainement pas la faute de l’organisation ici qui a fait, en tout cas vu de l’extérieur, tout le nécessaire pour rassembler les conditions du succès.

https://www.instagram.com/p/BXsxPjrDCcx/?taken-by=wildphinn

J’ai résolument placé l’accent, pour moi, sur trois dimensions : le plaisir, l’écriture et (un peu) de « boulot » quand même (c’est-à-dire, le versant plus éditorial et économique) pour me tenir au courant de ce qui se fait hors de nos frontières géographiques et linguistiques.

Côté plaisir, c’était très chouette d’assister par exemple à une présentation sur la demoscene – avec laquelle j’ai grandi à l’époque de l’Amiga, mais quel meilleur endroit que le pays de l’Assembly pour entendre parler de prouesses artistiques et technologiques ? Je garde le souhait lointain de m’investir un jour davantage dans le milieu, côté musique évidemment, parce que niveau codage, je suis un tout petit peu largué. J’ai été bluffé par une démo réalisée sur… une console de mixage, où les faders eux-mêmes étaient animés par le programme.

https://www.instagram.com/p/BXpq3Lijgqt/?taken-by=wildphinn

Le plaisir, dans les Worldcons, c’est aussi et surtout les rencontres et les retrouvailles, des contacts que l’on voit parfois une fois tous les trois ans ou plus, avec qui l’on continue à échanger tout au long de l’année grâce à Internet, mais avec qui on se retrouve avec la même chaleur ; et puis les nouveaux amis qu’on se fait après une table ronde ou en discutant dans les couloirs. Pas de name-dropping, auguste lectorat, tu sais que ce n’est pas mon genre (ça me donne l’impression de me la raconter), mais voilà, c’était chouette, et je veux juste dire un grand kiitos à Sini pour avoir merveilleusement brisé les glaces et comblé les distances géographiques.

https://www.instagram.com/p/BXr5tizDvPT/?taken-by=wildphinn

Un autre côté agréable des Worldcons est l’accent sur la technique de l’écriture et la disposition des intervenants à entrer dans le détail de leurs processus de travail. Ainsi que l’existence de présentations parfois très techniques pour transmettre des connaissances aux auteurs présents (on a beaucoup ri – heureusement – à la conférence sur la mécanique des blessures plus ou moins mortelles et les manières de les représenter de façon réaliste). La Worldcon proposait aussi beaucoup d’interventions sur l’écriture pour les fictions interactives (textuelles ou jeux vidéo) et j’en ressors avec quelques applications supplémentaires sur mon iPhone ainsi que des idées bien consolidées sur ce qu’il est intéressant ou pas de faire dans ce contexte. Ça m’a aussi parfaitement expliqué pourquoi la série de jeux Lifeline, bien qu’intéressante en surface, m’a rapidement lassé.

https://www.instagram.com/p/BXvCEQ_DRrR/?taken-by=wildphinn

Niveau éditorial, il semble que la traduction de fictions étrangères en anglais connaisse un frémissement. Alors attention, ce n’est pas la porte ouverte à toutes les fenêtres, c’est juste un frémissement, mais la reconnaissance d’une nécessité d’ouverture des marchés (principalement de langue anglaise) est, en tout cas, exprimée. Ça ne change pas grand-chose à ce que je disais il y a trois ans (pour être traduit, la voie royale reste de faire un best-seller ou de la payer soi-même), mais au moins, le sujet est évoqué, et aussi de la part d’intervenants des maisons américaines majeures. Une statistique pour mettre les choses en contexte : 3% de la littérature publiée aux USA provient de traductions – dont probablement moins d’1% de littérature de genre.

https://www.instagram.com/p/BXs7iRGD3UF/?taken-by=wildphinn

Il reste à ce que ces intentions soient suivies d’effet, bien entendu ; un de ces quatre, dans un futur billet, je serai assez remonté pour parler de déséquilibres linguistiques mondiaux et de la nécessité de sauvegarder les langues, mais là, je comate un peu trop.

https://www.instagram.com/p/BXvJM9xDRgb/?taken-by=wildphinn

Comme toujours, une Worldcon est épuisante, mais une telle fête de l’imaginaire, totalement décomplexée, sous toutes ces formes, est toujours une célébration pleine de positivité, d’énergie et de frat/sororité. La prochaine est en Californie, mais 2019, ce sera à Dublin, et j’ai déjà mon accréditation (surtout que l’Eurocon suivra juste après). 2020 promet d’être la Nouvelle-Zélande… mais là, c’est un peu plus compliqué. Et rappelons que la France, avec Nice, propose sa candidature pour 2023.

Maintenant, retour au boulot, j’ai des signes à écrire (beaucoup…), mais cela fait vraiment du bien de sortir un peu la tête du guidon !

2017-08-13T20:03:31+02:00lundi 14 août 2017|Carnets de voyage|4 Commentaires

Worldcon 2017, jour 2

OK, auguste lectorat, je rentre donc à mon hôtel et je l’annonce, je n’ai plus de pieds. Bien sûr, on passe son temps à déambuler en convention, mais là, en plus, parce que j’aime la complication et parce que c’est bon pour ce que j’ai, et aussi parce que prendre le bus en finnois me paraît plus compliqué que de déambuler avec mes pieds sans rien dire, je ne fais que marcher pour aller partout. Ce soir, j’ai participé au AfterDark Motel – une animation théâtrale mi-horreur mi-escape room, qui était super bien mais donc je ne dirai rien pour ne pas divulgâcher – et c’était à une heure de mon hôtel, donc, pieds.

https://www.instagram.com/p/BXn1kQmDaE6/?taken-by=wildphinn

Cette deuxième journée de convention a été largement plus satisfaisante que la précédente : il semble que l’organisation ait reçu un certain nombre de retours concernant la gestion de l’affluence et a réagi très rapidement pour fluidifier les choses. Bravo !

https://www.instagram.com/p/BXnE9stjbDw/?taken-by=wildphinn

Parce qu’on apprend à tout âge, à tout moment, et qu’il n’y a guère que dans les conventions d’ascendance américaine où je retrouve l’approche technique que j’affectionne, je me suis humblement inscrit comme stagiaire à l’atelier d’Ellen Kushner et Leena Likitalo sur les scènes. Un certain soulagement de constater que les outils que j’ai mis au point tout seul dans ma cabane avec l’expérience et des lectures techniques glanées ici et là tiennent le choc et sont opérants. Je me donne donc le droit de transmettre tout ça, auguste lectorat : on est à peu près d’accord sur les notions fondamentales de la narration. (Après huit bouquins, faut l’espérer un peu quand même, mais l’auteur est parfois une petite chose fragile qui se dit qu’elle n’a jamais rien compris à rien.) Ellen et Leena ont fait preuve d’un enthousiasme et d’une générosité fantastiques pendant les échanges et rien que ça, ça vous donne envie de rentrer chez vous, d’écrire et de transmettre à votre tour cet enthousiasme à ceux à qui vous pouvez enseigner des trucs. (Pour mémoire, demain c’est mon tour : à midi, salle 215, je propose ma conférence sur les outils informatiques de l’écriture.)

https://www.instagram.com/p/BXndyrwDLD1/?taken-by=wildphinn

Doute et chose fragile : la table ronde la plus émouvante et la plus forte pour moi a été celle sur les méthodes de motivation des auteurs. Un certain nombre d’outils ont été passés en revue, des choses dont on a parlé sur ce blog comme la méthode Pomodoro, mais je veux tirer mon chapeau à Sebastien de Castell qui a partagé avec une grande sincérité et une grande générosité (là encore) ses propres difficultés, son syndrome de l’imposteur, les luttes qu’il affronte pour avancer, et comment il les transcende simplement en étant doux et bienveillant avec lui-même, en cherchant le ravissement chaque jour dans ce qu’il fait, au lieu d’éprouver la culpabilité du manque de productivité. Pour attaquer ses blocages au lieu de s’attaquer lui-même, selon ses mots. Ses paroles ont profondément résonné avec le public, et si l’on sait intellectuellement que tout auteur, à n’importe quelle étape de sa carrière, galère et que c’est NORMAL, je t’avoue, auguste lectorat, que ça fait toujours du bien de commisérer un peu collectivement.

Non, si tu galères, ce n’est pas que tu n’es pas taillé pour ça. Respecte ton processus et ton rythme. Et, selon les mots de Rob Carlos, « deviens la meilleure version de toi-même qui soit ». Des choses qu’on sait, mais qu’il est doux, et réchauffant, d’entendre redites par d’autres. Et rien que pour le soulagement, l’émotion ressentie par certains dans la salle en s’entendant dire que oui, ils peuvent bosser comme ils l’entendent, et que oui, parfois c’est difficile, je continuerai à défendre l’enseignement de la technique de la création littéraire, n’en déplaise aux esprits chagrins. Si je peux moi aussi avoir, humblement, un peu de cet effet positif dans le monde, à aider à propulser comme on m’a propulsé moi-même il y a des années, cela contribue à rendre mon séjour en ce monde un peu moins vain. Et puis flûte, c’est quoi, la littérature, à part une conversation millénaire ?

La Worldcon, c’est aussi des conférences sur des sujets incroyables :

https://www.instagram.com/p/BXnT3UJj2vS/?taken-by=wildphinn

J’y suis entré un peu par hasard, et si les parallèles étaient parfois un peu ténus à mon goût, ce n’est pas grave ; c’était l’occasion de célébrer, dans les deux univers, ce qu’il y a de positif, d’héroïque et d’altruiste ; la foi et la confiance, non pas dans les puissants, mais dans ceux auxquels nul ne prête attention de prime abord, et qui ont néanmoins en eux le pouvoir de sauver le monde, qu’ils s’appellent Bilbon Bessac ou Donna Noble. Et ça aussi, ça réchauffe le cœur.

À tel point que dans le AfterDark Motel, plutôt que de partir en hurlant comme tu dois faire quand tu joues le jeu, j’ai essayé de montrer de la compassion aux monstres. Que ferait le Docteur dans ce cas-là ? Oh, hello. You’re beautiful. 

(J’ai aussi vu un cosplay juste incroyable du 10e Docteur, j’ai vraiment cru un instant avoir affaire à Tennant – j’aurais bien pris une photo, mais j’étais à la bourre.)

Bref, que de la chaleur, de la gentillesse, de la joie, de la communauté dans cette journée, et j’espère en rendre un peu à mon tour demain.

2017-08-10T21:56:43+02:00vendredi 11 août 2017|Carnets de voyage|13 Commentaires

Worldcon, jour 1

Me voilà de retour à mon hôtel pour un bilan de ce premier jour de Worldcon en Finlande. Déjà, il me faut tout de suite mentionner que c’est un pays à la pointe de la civilisation, car LE CARRELAGE DE LA SALLE DE BAINS EST CHAUFFANT. Oui madame. Rien de meilleur quand tu prends ta douche les yeux pas en face des trous et que le monde te paraît hostile et froid sorti de la couette.

https://www.instagram.com/p/BXkOLgxDbrs/

Mais ces considérations n’intéressant guère que Jacob Delafon, la convention en elle-même, donc. Le Messukeskus (centre de congrès) (j’ai toujours tendance à lire « mais qu’est-ce qu’y a ») se situe dans un sympathique parc de loisirs et terrains de sport, et on y retrouve les étapes habituelles de toute Worldcon qui se respecte : salles de conférence, expositions, stands d’éditeurs et vendeurs en tous genres…

Eh bien, cela m’embête un peu de te dire ça, auguste lectorat, parce que je mesure tout le travail que représente l’organisation d’un événement de cette ampleur, et rien que l’audace de le faire mérite le respect ; peut-être suis-je fatigué, blasé, aigri, trop vieux, mais, voilà – je retire de ce premier jour une petite impression de frustration que je n’avais pas eue à Montréal et Londres. Alors attention, ça reste un splendide événement et les premiers visiteurs en auront indubitablement plein les mirettes – mais certains aspects sont venus un peu se mettre en travers du wow factor. En premier lieu, le rapport entre l’affluence et la taille des salles : sur tout le planning que j’avais prévu, je n’ai pu faire que la moitié des débats (ce qui est assez courant dans une Worldcon) mais souvent pour découvrir au dernier moment, après une demie-heure de queue scrupuleuse en tête de file devant la salle, que non c’est toujours complet en fait merci de trouver autre chose à faire (ce qui là, n’est pas top). L’espace commercial et les expos sont nettement en retrait par rapport aux Worldcons en territoire au moins partiellement anglophone, ce qui soulève clairement à la fois le courage et le risque d’organiser une convention mondiale en Europe dans un pays peu connu des Américains (certains d’entre eux ayant probablement eu peur du voyage).

https://www.instagram.com/p/BXkgFwCDLNw/

Ce qui souligne d’ailleurs la vivacité de la communauté finlandaise – et suscite le respect, ainsi, que j’avoue, venant d’un pays à la langue largement plus répandue que le finnois, une pointe d’envie. Alors certes, la Finlande a pour texte fondateur, entre autres, le Kalevala quand la France a les Rougon-Macquart, ça vous sensibilise assurément un inconscient collectif à l’épopée et à la fantasy, mais quand même. Avec tout ce que le bruit que l’on fait avec la Francophonie, je pense qu’on est en droit de se demander pourquoi, chez nous, bon sang, on n’a pas d’équivalent de la SFWA (les Finlandais en ont un, la STK), des traductions plus nombreuses à l’étranger (les Finlandais y arrivent – un peu), des éditions reliées cartonnées qui semblent faire partie du circuit normal (et pas que des éditions luxe)… Bref, ce sont des questions qui nous agitent en ce moment dans le milieu français – la reconnaissance de l’imaginaire dans les médias (laquelle influe nécessairement sur le rayonnement économique du secteur). C’est très difficile d’avoir une opinion intelligente sur la question quand on n’est là que pour quatre jours et qu’on voit les choses par le petit bout de la lorgnette, et ma perception est peut-être faussée ; mais le fandom finlandais semble assurément avoir un rayonnement à l’international que nous n’avons pas. C’est tant mieux pour eux ; mais cela pousse à se poser des questions pour soi-même – sans réponses, on est d’accord.

https://www.instagram.com/p/BXkcK31DHAQ/

Bon, sinon, l’ambiance est toujours aussi agréable, où votre connaissance de dix minutes à un workshop se met à discuter avec vous avec le naturel de si vous étiez un pote de dix ans. Cela m’avait fait ça la première fois à Anticipation en 2009 à Montréal, huit ans plus tard, je pense toujours, sans cesse, en déambulant dans les couloirs, à l’expression de Roland C. Wagner, « le peuple de la SF ». Et mon camarade de workshop, américain, a probablement eu le bon mot qui m’a fait, pour ma part, ma journée : « La tristesse de notre pays, c’est qu’on a élu un président chaotique mauvais. Et le pire, c’est que son vice-président est certainement loyal mauvais. »
Il n’y a que dans une Worldcon qu’on peut échanger des analyses aussi claires et incisives de la politique internationale (et qu’on peut les partager avec des gens qui les comprennent).

Bon, demain (enfin, aujourd’hui pour toi, auguste lectorat), je vais m’efforcer de voir si je peux mieux louvoyer avec le programme.

2017-08-10T15:52:45+02:00jeudi 10 août 2017|Carnets de voyage|7 Commentaires

Worldcon 2017, jour 0

Et voilà, auguste lectorat, fidèle à la tradition, voici un premier petit mot pour signaler que je suis à pied d’œuvre. (Ce qui ne veut pas dire que je loge en bas d’un monument.) Long trajet pour faire Rennes – Helsinki, deux trains et un vol, beaucoup de temps morts, mais je loue à nouveau la mobilité acquise avec les appareils mobiles – un iPhone, un iPad Pro, et j’ai pu écrire mes mails, continuer à prendre des notes sur La Fureur de la Terre au crayon avec presque autant de facilité que si j’étais posé chez moi. Et avec la fin des frais d’itinérance, je débarque à Helsinki avec mon forfait 4G identique à celui de la France.

C’est peut-être (certainement) un détail pour vous, mais c’est à ce genre de petits détails que je mesure l’évolution du monde (un truc dont on ne se rend pas forcément compte – le smartphone moderne n’a que dix ans). En 2009, à ma première Worldcon à Montréal, j’avais trimballé un gros ordi portable, je luttais pour transférer mes photos depuis mon smartphone pourrave et j’étais tributaire du wi-fi payant à la demi-heure (oui madame) de l’hôtel. Aujourd’hui, je suis quasiment parti les mains dans les poches, confiant en la capacité de Google Maps à m’indiquer la bonne ligne de métro à l’arrivée et en celle de mon Apple Watch pour me guider discrétos à pied jusqu’à l’hôtel. Ce qui a marché, puisque je suis là et vivant (enfin, je crois).

 

Je n’ai pour ainsi dire rien vu d’Helsinki à l’arrivée, la faute au décalage horaire +1 qui m’a mangé une partie de la soirée ; mais une supérette a le bon goût d’avoir élu domicile en face de mon hôtel, ce qui signifiera que je ne serai jamais mort de faim, sauf à minuit, mais si je rentre à minuit sans avoir mangé en ville, c’est que je l’aurai cherché, hein, on est d’accord. Observation quand même, je dis ça je dis rien, mais les trains de banlieue d’Helsinki sont juste impeccables de propreté, sentent bon, et tu peux charger ton téléphone dedans. Je commence à avoir assez voyagé pour quand même ressentir une petite pointe de teuhon quand je rentre à Roissy, j’avoue, surtout pour le pays qui se veut capitale du tourisme.

 

Bref. Maintenant le touriste c’est moi, et demain, je vais essayer d’arriver assez tôt pour récupérer mon accréditation et voir des trucs et des machins, à suivre sur Instagram (ou le lendemain matin si tu es allergique à l’info en temps réel, et ça se comprend, ça se comprend). J’annonce la couleur, j’ai prévu d’aller surtout voir des tables rondes bien pointues au point que ça pique sur la technique d’écriture. Faudra donc que je meuble ces articles avec des blagues. On est mal barré.

2017-08-09T11:46:03+02:00mercredi 9 août 2017|Carnets de voyage|10 Commentaires

En route pour la convention mondiale de science-fiction !

Terve!

Cette semaine, c’est la convention mondiale de science-fiction, la Worldcon pour les intimes. Si nos Imaginales et Utopiales sont les grands-messes de l’imaginaire en France, les worldcons le sont pour le moooonde. Entier. De la planète.

J’avais eu le plaisir d’aller à celles de Montréal en 2009 et Londres en 2014, et j’avais chroniqué un peu comme j’avais pu ce que j’avais vu et découvert de rigolo et/ou intéressant (perds-toi dans les archives, auguste lectorat, en 2009 et en 2014, mon dieu, je suis vieux de l’Internet). Je vais cette année encore tenter de bloguer, avec un jour de décalage (vous saurez le lendemain matin ce qui a pu se passer la veille) et sans promesse pour le week-end (c’est le jour du Seigneur. Ou celui, d’expérience, de la fatigue). Ça veut probablement dire aussi que les déclencheurs de la semaine prochaine seront reportés au mardi, et il n’y aura pas de photo de la semaine, mais hey ! C’est ça, le journalisme ! On est prêt à tout, y compris chambouler le planning du blog.

Cette année, level up, parce que je participerai à une table ronde sur la traduction (des joies et difficultés de traduire l’imaginaire), mais je donnerai aussi une conférence sur les outils informatiques pouvant aider à l’écriture. Si vous étiez au cours du soir des Utopiales l’année dernière, c’est à peu près la même, à de petits raffinements près, un peu de plus un peu de moins, et en le tout en anglais, évidemment. Fun!

Cliquez pour agrandir si nécessaire. Ouais. Probablement nécessaire.

C’est aussi, évidemment, le genre de voyage qui se prête totalement à plein de bêtises sur Instagram et Twitter. Je sais que mon compte Insta (comme on dit) est un peu en jachère, mais c’est pas hyper oufissime, la vie d’un auteur chez lui qui passe le plus clair de son temps à regarder défiler son document Scrivener. Bref, on va essayer de voir ce qu’on peut faire ce week-end. Et oui, Maman, tu peux suivre aussi si tu as peur que je me fasse enlever par des vikings1.

Ah, et puis le site officiel de l’événement est .

https://www.youtube.com/watch?v=hBNH8qub_vI

  1. Je déconne, hein, on sait tous que les vikings c’est pas là-bas.
2017-08-03T23:06:38+02:00mardi 8 août 2017|Carnets de voyage|12 Commentaires

Écrire le féminisme quand on est un homme

Quand j’ai commencé « Les Dieux sauvages », j’avais exprimé l’intention de partager un peu plus les dessous de l’écriture. Je l’ai un peu fait, mais je m’aperçois que je suis globalement incapable de conter par le menu les dessous de l’écriture, parce qu’une part de moi reste convaincue que, eh bien, c’est profondément inintéressant quand il s’agit de mon cas particulier. Ce qui est plus intéressant, ce sont les prises de conscience, les histoires d’écriture, et il n’y en a finalement pas tant que ça, du moins pas tant que ça qui méritent d’être contées.

Mais là, j’en ai quand même une, et c’est une histoire d’humilité, ce qui me semble toujours valoir le coup d’être partagé.

Je suis donc dans La Fureur de la Terre, deuxième tome de « Les Dieux sauvages »1. J’ai dit il y a quelque temps que je ne me réclamais plus activement du féminisme mais que cela ne m’empêchait nullement d’en appliquer les principes tels que je les perçois et de les défendre ; les étiquettes m’ont toujours engoncé et apporté plus d’ennuis qu’autre chose, quand ce qui importe, ce sont les actes, et je préfère rendre des comptes à ma conscience qu’aux gardiens des morales ; d’agir plutôt que dire.

Or doncques, même si j’évite de le revendiquer en vertu de ce qui précède, j’admets totalement que s’il venait à quelqu’un de trouver que « Les Dieux sauvages » a un discours féministe, j’en serais grandement honoré, et j’espère contribuer, de mon humble point de vue, à continuer à interroger les choses.

La toute clé se trouvant dans l’expression « mon humble point de vue ».

Je m’efforce depuis plusieurs années de m’informer sur le féminisme, mais surtout, à travers ce que je lis ici et là d’ami.e.s et camarades investi.e.s bien davantage que moi dans les luttes, dans les réflexions, dans, aussi, la défense des causes LGBT, d’interroger au quotidien mes présupposés de comportement et de voir en quoi les acquis du patriarcat et les privilèges de ma position dont je peux avoir conscience (blanc, cis, hétéro) peuvent influencer, inconsciemment, vision du monde, actes, etc.

Or, il y a peu de choses qui m’énervent autant que les moralisateurs et prosélytes de tout poil, et c’est pourquoi, à travers « Les Dieux sauvages », j’ai eu envie de me replonger (comme je l’avais un peu fait dans Léviathan) dans les questions de religion, mais en ajoutant, cette fois, interrogations (et plutôt énervements) sur le rôle et la place des femmes. Jeanne d’Arc m’a toujours semblé un savoureux (c’est ironique) paradoxe sur ce plan : voici une jeune fille, qui est l’envoyée de Dieu, qui mène les troupes à la bataille, sauve son royaume et son roi, et qui finit, pouf pouf, jugée pour hérésie et brûlée par les représentants de ce même Dieu. (Oui, je sais que c’est plus compliqué et politique que ça, mais il ne me paraît pas dingue d’avancer que, de base, un homme n’aurait jamais connu ce destin.)

Bref. Je pense résolument que l’écrivain peut tout écrire. Je pense que l’empathie est la base de toute création, de tout art, plus encore s’il est narratif, tant de la part du créateur que du lecteur / spectateur etc. et que l’empathie, dès lors qu’on s’y applique avec respect, fait partie des ressources humaines sans bornes. Je me suis aussi toujours fixé des défis d’écriture, j’aime écrire des femmes pour questionner mes propres présupposés du monde, et j’ai toujours été très honoré quand on les a trouvées réussies, c’est-à-dire, simplement humaines. Tiens, je fais un détour, là, mais peu importe : un jour, on m’a posé la question : comment faites-vous pour écrire ces femmes réussies ? (Les exemples cités actuellement étant Masha dans Léviathan et Stannir Korvosa dans « La Route de la Conquête ».) Ma réponse : déjà, merci beaucoup. Je veux vraiment réussir à leur rendre justice au même titre que je tiens à rendre justice à n’importe quel personnage. Ensuite, comment je fais ? Je n’en sais rien. Je n’écris pas des femmes, j’écris des gens. J’écris des êtres humains qui se trouvent être parfois des femmes, ce qui peut influencer un certain nombre de choses dans le parcours, dans l’origine, et donc dans la vision du monde et la façon de l’aborder, potentiellement. On ne naît pas femme, on le devient, dit le titre ; en tout cas, pour moi, et de mon petit bout de lorgnette, c’est aussi le cas pour les personnages.

Tout ça pour dire : fort de cette perspective et, espérais-je, de cette humilité, malgré tout, je me suis heurté à un plafond de verre que je ne soupçonnais pas dans l’écriture de La Fureur de la TerreLa Messagère du Ciel (volume 1 de « Les Dieux sauvages », pour ceux et celles qui découvrent – lisez-les, c’est vachement bien – je ne vais pas vous dire le contraire, hein) parle évidemment beaucoup de la société weriste et de son patriarcat institutionnel et religieux, avec trois points de vue féminins principaux dont deux tout particulièrement en butte contre ladite société (Mériane et Izara), au long d’1,2 millions de signes (c’est déjà pas mal beaucoup, c’est à peu près deux romans de taille « conventionnelle ») – dans La Fureur de la Terre, je suis à peu près à 680 000 signes au moment où j’écris ce billet, soit un livre de taille « conventionnelle » de plus, et voici l’écueil : arrivé à ce stade du voyage, je me rends compte de quelque chose. J’ai beau espérer avoir tout l’élan de fraternité / sororité humaines pour la cause féministe, j’ai beau m’efforcer de faire tout mon possible pour rendre justice et hommage à mes personnages humains qui se trouvent être des femmes, je n’en suis pas une. Et j’ai beau constater les oppressions du patriarcat tous les jours ou presque dans les infos (si ce n’est pas tous les jours, c’est que je ne regarde pas les infos tous les jours), je ne vis pas, dans ma chair, au quotidien, depuis ma prime jeunesse, ce point de vue et cette oppression. Et je sens donc une sorte de barrière invisible qui m’empêche, dans les détails les plus fins, les perspectives les plus subtiles (au bout, donc, de 1,8 millions de signes sur ces sujets – ça ne parle pas que de ça, mais la société weriste est fondée sur un péché originel prêchant l’inégalité des sexes – non, je n’ai pas fait exprès – sérieusement, le parallèle n’était pas intentionnel –, donc ça informe forcément le monde à tous les échelons), de pouvoir parler du connu, et donc avec intelligence et efficacité. Peut-être, tout simplement, me manque-t-il du vécu en tant que personne (car je reste résolument convaincu qu’il n’existe aucun sujet hors de portée de l’auteur ou autrice s’il applique sa volonté à s’en saisir).

Ce n’est pas un drame ; prendre conscience de cela me permet de creuser plus loin encore, et le retravail du livre, avec la perspective que donne un manuscrit terminé, devrait m’accorder suffisamment de hauteur pour, je l’espère, réparer d’éventuelles balourdises (en plus de soumettre certains passages à des bêtas-lectrices qui, je n’en doute pas, me recadreront / rencarderont si besoin est). Mais aussi, après avoir quand même pas mal parlé de l’oppression patriarcale dans le volume 1, j’ai l’impression – surtout pour les lectrices – qu’il n’est pas forcément besoin de creuser encore davantage le sillon ; ça va, c’est bon, on sait que cela existe. De plus, c’est de la fantasy, il s’agit peut-être de poser des questions grâce à la dimension métaphorique apportée par l’imaginaire, mais il s’agit aussi de passer un bon moment, potentiellement intéressant, et s’enfoncer dans la noirceur juste pour s’y enfoncer me paraît une forme assez pernicieuse de masturbation intellectuelle – la noirceur sert l’histoire, sert les enjeux, sert le monde, mais elle n’est pas une fin en soi. (J’ai d’autres idées là-dessus, mais… je vais finir « Les Dieux sauvages » pour voir si elles survivent à la pratique avant d’en parler.)

Ce qui apparaît donc au fur et à mesure dans La Fureur de la Terre, informé également par mon intention, forcément, et qui était peut-être déjà en germe depuis tout ce temps, c’est que ce volume 2, même s’il parle forcément, toujours, du sort et de la place des femmes, eh bien, il parle davantage de féminisme sous l’angle masculin, parce que, forcément, cela, je peux en parler avec le vécu. J’ai été, môme, le petit intello à lunettes avec un an d’avance, qui était nul à la baballe et qui trouvait ça puissamment ininitéressant de toute façon, préférait la compagnie des filles (largement plus intéressante car souvent plus intellectuelle, quand elles n’étaient pas stéréotypées elles aussi), et était premier de la classe – pas le cocktail le plus bankable de la Terre au collège (mais ça va très bien, hein, la vie a été, et continue, d’être extrêmement clémente avec moi, et je lui en rends grâce. Je m’amuse régulièrement d’avoir cette tête-là aujourd’hui et de peser 90 kg).

Le livre veut parler, il m’y guide, je m’en rends compte et je le laisse donc faire, de masculinité toxique ; si La Messagère du Ciel établissait peut-être les fondations d’un féminisme en révolte notamment à travers Mériane, La Fureur de la Terre parle beaucoup d’en quoi le patriarcat handicape émotionnellement les hommes, les empêche d’avoir une relation saine avec leur cœur, leur corps, et toute une moitié de l’humanité, les rendant incapables de voir les femmes autrement que comme des trophées, des putains, des mères ou des déesses. Ce n’est rien moins, là aussi, que du féminisme, bien sûr, dans l’esprit de l’appel d’Emma Watson à l’ONU, en tout cas je le pense, et l’espère. Si je ne veux certainement pas éviter de continuer à traiter la question du point de vue féminin (car je le vivrais comme une lâcheté d’auteur et d’être humain, en plus d’être stupide et incomplet), je m’aperçois que je peux totalement offrir la contrepartie, a fortiori dans un monde d’hommes, écrit du point de vue d’un homme, d’en quoi le patriarcat oppresse et enferme l’ensemble de l’humanité – notamment la moitié qui, sur le papier, est censée bénéficier du système.

Et la beauté, c’est que ça va totalement dans le sens final du récit – ce qui est l’injonction suprême dans le cadre de la fiction. Encore une preuve qu’il faut faire confiance à son inconscient, et que le travail principal de l’auteur consiste peut-être à mettre au jour et à exprimer ce qu’une partie ineffable de soi-même sait déjà, a toujours su, et nous montre avec bienveillance et patience.

Et ma foi, s’il m’est déjà donné, dans cet esprit, de faire de la littérature déjà vaguement convenable, je n’aurai pas entièrement gâché mon séjour en ce monde.

  1. À ce sujet, je rappelle que la barre de progrès est un peu aléatoire en ce moment, parce que la taille finale du roman reste encore assez mystérieuse, donc ne la croyez pas : je suis probablement plus loin que je ne le dis, et pas moins. Enfin, j’espère.
2017-08-03T14:27:16+02:00mercredi 26 juillet 2017|Humeurs aqueuses|3 Commentaires
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