Donnez de l’impact à vos textes en supprimant les verbes d’indirection

L’indirection, c’est un horrible anglicisme venu du monde de la programmation : c’est une technique pour accéder à l’adresse d’un objet. Dans le monde réel, ça pourrait donner ça : au lieu de dire « le ministère des Armées », on dirait « le ministère installé rue Saint-Dominique à Paris ». C’est exact, mais ça nécessite quand même un petit effort mental pour savoir de quoi on parle. C’est indirect. (Je précise que l’expression « verbe d’indirection » n’existe absolument pas dans l’analyse littéraire respectable, c’est juste mon propre terme pour le truc.)

Le rapport avec l’écriture de fiction ? Tous les verbes qui induisent une médiation entre l’action et les personnages créent le même effet indirect. Comparez :

Jean-Eudes vit que le compte à rebours de la bombe n’indiquait plus que sept secondes.

Avec, pour la même action exactement :

Le compte à rebours de la bombe n’indiquait plus que sept secondes.

Niveau tension, c’est quand même autre chose. Dès que l’on place un intermédiaire entre l’action et le personnage, et donc le lecteur, on éloigne les événements – c’est mécanique. Donc, ils perdent en impact. Dans vos relectures, pensez-y : passer le point de vue en induit est une manière très simple et efficace de donner de l’immédiateté à votre action.

Bien sûr, c’est comme tout, ça n’est pas forcément à systématiser. Si vous avez bien compris l’effet, vous pouvez choisir dans certaines circonstances, au contraire, de désirer une indirection pour établir une distance clinique, ralentir le rythme, que sais-je encore.

Dans ce contexte, l’indirection était peut-être indiquée.
2022-09-03T02:00:54+02:00jeudi 8 septembre 2022|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Donnez de l’impact à vos textes en supprimant les verbes d’indirection

Certaines questions d’écriture sont des solos de guitare

En lien avec l’article de la semaine dernière sur la construction des opinions personnelles avant la consultation d’autrui, une observation sur des questions d’écriture en particulier, artistiques en général, que je vois souvent circuler en ligne. Elles se formulent à peu près toutes de la même manière :

Comment puis-je faire x dans mon histoire ? Quelle technique pour accomplir y ? Vous pensez quoi de faire z ?

Ce n’est pas parce qu’on est en écriture et que l’approche technique a (heureusement) traversé l’Atlantique depuis les États-Unis que l’écriture est devenue une science ; qu’il existe une bonne réponse, un code (ou une poignée) garantissant le succès dans l’exécution. Ça serait trop simple. Je dirais même, au contraire, que chercher cela est prendre le problème à l’envers. Cela revient à demander :

Comment puis-je faire un solo de guitare qui déchire ?

Ben, au-delà de te muscler les doigts, faire des gammes et comprendre l’harmonie, la réponse devient très vite éminemment subjective, tant pour toi que le public, et donc, elle ne peut connaître de réponse objective. En chercher une, je le crains, est même une manière assez sûre de tuer la vie et le naturel d’un projet.

D’accord, mais quand même, comment accomplir un effet donné dans une histoire ? Alors, on peut parler de pistes, bien entendu, on peut étudier des approches, partager son expérience. Mais il est fondamental de se rappeler qu’elles sont une voie parmi une infinité, juste un point de départ pour l’exploration. Trouver la manière d’accomplir quelque chose dans une histoire est nécessairement consubstantiel des événements, des personnages, du stade de l’histoire, et surtout, surtout, de la sensibilité et des intentions de l’auteur ou autrice. De la même façon qu’un solo de guitare émerge de sa chanson, et la nourrit en retour. Au bout du compte, c’est indissociable. Et surtout, ça ne connaîtra jamais de réponse absolue.

La question est légitime. Mais pour y répondre, je crois qu’il faut partir avant tout de son projet, de son envie personnelle, et de creuser en soi la manière dont on veut procéder dans cette instance précise. Car c’est de la création : une réponse ne servira qu’une fois telle quelle dans un contexte donné. Oui, les leçons acquises à cette occasion viendront nourrir les projets suivants, la clairvoyance, de manière à cerner peut-être un peu plus vite ce qui fonctionne ou pas ; mais à nouveau projet, nouvelles réponses, nouvelles exécutions subtilement ou très différentes.

Je sais, c’est pas pratique. Mais en fait, si on se laisse le loisir d’explorer et de se faire plaisir, c’est plutôt cool ! Comme dit le proverbe, on ne se baigne pas deux fois dans le même solo de guitare (ou un truc du genre). Vos réponses, votre personnalité, votre humeur à un moment (et même les difficultés qui peuvent être reliées à l’exécution d’un passage) sont mille fois plus intéressantes que tous les modes d’emploi du monde.

Veuillez ne pas en prendre ombrage, mais dorénavant, je crois que j’appellerai cela des « questions solo de guitare » avec cet article comme point de départ à la conversation – parce que ce genre d’interrogation sur l’approche revient assez souvent.

2022-08-28T08:17:48+02:00lundi 29 août 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Écrire en musique : Eōn, musique procédurale par Jean-Michel Jarre

Je trouve qu’écrire en musique représente toujours un dilemme : d’un côté, le son distrait la part anxieuse de l’esprit, envoie la part critique s’occuper dans son coin à l’écart de la part créative pour ne pas l’étouffer – c’est un des principes derrière mon bien aimé Focus@Will. Mais de l’autre, très rapidement, la musique dans les oreilles couvre celle des mots et il devient difficile de s’entendre penser. D’où la quête sans fin pour écrire en musique (avec des tas de recommandations passées dans les archives) : il en faut juste assez pour apaiser l’esprit.

Dans ce voyage, l’une des découvertes qui m’a certainement le plus convaincu est l’application Eōn, conçue par Jean-Michel Jarre, sortie il y a quelques années. J’étais assez méfiant du principe : des algorithmes génèrent une musique continue et procédurale, accompagnée de visuels évolutifs, le tout fondé sur des séquences conçues par le maître. Si vous utilisez des services de ce genre, vous connaissez le problème : ça finit par tourner en rond à force d’usage intensif, quand le but est justement d’occuper l’esprit sans lui donner d’accroche reconnaissable. Du coup, si ça se répète, c’est loupé. Et quand ça ne se répète pas trop, la musique associée est souvent trop aléatoire, c’est-à-dire moche et dissonante (je n’arrive à me faire à Endel, par exemple).

Eh bien justement, dans ce style, Eōn est spectaculaire. Cela aurait pu être un jouet coûteux et extrêmement limité vendu sur la réputation de Jarre, c’est tout le contraire. Après plus d’une centaine d’heure à utiliser l’application, j’ai éprouvé une familiarité passagère une poignée de séquences vraiment typées, et les combinaisons sont si nombreuses que ça n’est pas vraiment gênant. Toute l’idée de l’app est de ne jamais se répéter tant sur le plan visuel qu’auditif, les combinaisons de séquences étant virtuellement infinies (et toujours éphémères), et en plus, c’est extrêmement écoutable, dans le genre textural : pas de mélodie, mais de bête bruit non plus.

Bref, hautement recommandé pour les longues sessions de concentration (et ça marche évidemment sans connexion Internet). L’app coûte une dizaine d’euros, sur iOS ou Mac. Une capture ci-dessous pour se faire une idée :

2022-08-10T04:10:54+02:00lundi 15 août 2022|Décibels, Technique d'écriture|2 Commentaires

Comment paramétrer Scrivener comme une machine à écrire Freewrite

Tout l’intérêt et la promesse de la Freewrite, c’est de pouvoir écrire sans distraction. On pense souvent, de nos jours, aux distractions nombreuses de la vie connectée (coucou Facebook), mais ça n’en est pas la seule source : une importante cause de doute, qui casse le flow de la création, consiste à juger en permanence les lignes précédentes et à les réécrire sans cesse, jusqu’à l’engourdissement et au dégoût.

Dans ce contexte, l’écran très limité d’une Freewrite est un atout, car il dissimule une grande partie du texte précédent, ce qui empêche de le triturer sans fin (pour ne corriger le premier jet que dans une phase ultérieure et distincte). Après, la Freewrite présente bien des désavantages : le prix d’abord, mais aussi l’absence de tous ces jolis outils bien pratiques que propose l’ordinateur comme la typographie automatique ou bien la correction orthographique à la volée.

Dans ce contexte, il est pertinent de vouloir répliquer dans son logiciel d’écriture (Scrivener, hein, évidemment) la limite artificielle de la Freewrite. Et bien sûr, c’est possible dans toute application digne de ce nom, avec une fonctionnalité appelée, selon les contextes, focalisations ou mode focus. Le focus est appliqué à un niveau du texte (paragraphe ou phrase), et le reste est estompé pour guider le regard là où ça compte. Ce qui ressemble à ça :

Les couleurs de l’éditeur sont bien entendu en Solarisé

Pour ce faire :

  • Présentation > Édition du texte > Focus > Sentence (oui, ils ont oublié de traduire « phrase »)
  • Tant qu’à faire, activez le défilement machine à écrire pour que la ligne courante reste sous vos yeux : Présentation > Édition du texte > Mode défilement

C’est là que brille le soin du détail apporté à Scrivener :

  • Les réglages de l’éditeur peuvent être distincts en mode normal (avec l’inspecteur et le classeur sous les yeux) et composition (avec seulement le texte en plein écran), ce qui permet de conserver deux paramétrages différents pour deux modes de travail, pour la correction et la rédaction par exemple ;
  • Si vous faites défiler le texte à la souris bien que le mode focus soit activé, tout le texte redevient visible, ce qui permet de relire quand même à la volée.

Et voilà. Notons que ça existe aussi sous Ulysses (Présentation > Mode machine à écrire et, de là, Contraste et Défilement sur place ; là aussi, les réglages sont distincts selon que l’application soit maximisée ou non). Même si j’aime beaucoup mes Freewrite, surtout la Traveler en déplacement, et que je n’écris jamais aussi vite qu’avec elles, cela a du sens de travailler direct sur l’ordinateur si l’on sait résister aux distractions externes. Et pour évacuer les distractions internes, voici une manière à mi-chemin (et moins coûteuse).

2024-03-19T05:36:57+01:00lundi 8 août 2022|Technique d'écriture|4 Commentaires

Ayez toujours de quoi capturer les idées vagabondes quand vous écrivez

OK, une astuce vraiment toute simple mais qui peut faire une énorme différence au cours de la rédaction. Vous savez comment, quand vous écrivez, des tas d’idées relatives à la suite de votre histoire (ou même aux scènes précédentes, tandis que votre narration s’affine) peuvent venir vous parasiter et vous tirailler dans toutes les directions alors que, sacré bon dieu, vous voulez juste arriver à écrire ce moment-là de l’histoire pourrais-je rester concentré sur un truc à la fois s’il vous plaît merci ?

Truc tout simple, donc : adoptez le mode de capture immédiat hérité de GTDayez toujours sous la main une manière ultra rapide de capturer ces idées vagabondes, sans les juger, pour les savoir archivées au chaud. Vous y reviendrez plus tard pour les évaluer, et les intégrer à votre manuscrit si elles sont pertinentes ou non.

Parmi les manières toutes simples de procéder :

  • Gardez une feuille et un crayon réservés à cet effet à côté de l’ordinateur / machine à écrire / vélin et plume d’oie ;
  • Associez à un raccourci clavier à votre app de notes préférée (on mentionnera notamment Drafts, dont le seul but est de capturer du texte aussi vite que possible, ou bien Bear, qui fait ça très bien aussi) ;
  • Ou même une entrée rapide dans votre app de tâches (je crois quand même que ça n’est pas idéal, puisque ça n’est pas une tâche, c’est une idée – cela a davantage sa place dans des notes, mais ça marche aussi).

Évidemment, ça ne fonctionne que si vous revenez réellement traiter ces notes par la suite. Mais si vous en faites une routine, peut-être pour entamer votre session d’écriture et reprendre corps avec votre projet, cela permet d’économiser beaucoup de distractions tout en satisfaisant votre inconscient, qui continuera à vous envoyer des idées chouettes pour étoffer votre histoire au lieu de se sentir contraint, de vous faire la gueule, et de couper le robinet à idées.

Exemple d’une idée ainsi capturée avec Drafts pour « Les Dieux sauvages ».
2022-07-31T04:01:28+02:00mercredi 3 août 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Quelques rapides conseils pour écrire du roman à points de vue multiples

Je retombe là-dessus dans mes archives, une réponse à une stagiaire faite en atelier d’écriture, et je me dis, ben, autant l’archiver dans l’éther du vaste monde, en mode noté sur un coin de table, histoire que ça profite si ça peut. Quelles bases recommander pour l’écriture de romans choraux (= à points de vue multiples ?)

On pourrait écrire des manuels entiers sur la question (et nous avons un double épisode de Procrastination sur le sujet dans la saison 4 : part 1 / part 2) mais à mon sens, les premiers éléments auxquels penser sont :

  • Faire en sorte que chaque ligne soit « saine » narrativement (chaque personnage doit avoir une raison d’être là, avoir des conflits et des volontés qui lui sont propres, des actions à réaliser), du début à la fin, avec des promesses narratives « payées » convenablement…
  • … tout en s’assurant de son interdépendance avec les autres ou, a minima, le monde (sinon, pourquoi avoir ce point de vue-là, ou pourquoi avoir les autres si un seul suffirait ?)
  • S’assurer autant que possible que chaque scène « fonctionne » à part entière en faisant à chaque fois avancer l’histoire (voir le jeu des conjonctions de coordination entre scènes)
  • Panacher subtilement les ambiances pour conserver de la variété (par exemple, utiliser les alternances de points de vue pour varier le rythme entre fils narratifs promet de maintenir davantage l’attention à long terme, au lieu, mettons, de mettre toutes les scènes de combat de tous les fils narratifs au même endroit. L’histoire ne le permet pas toujours, mais quand on peut moduler un peu, c’est une bonne chose à réfléchir. Par exemple, si A se bat à la scène n, je peux avoir une scène plus calme avec B en emplacement n+1 pour marquer le contraste… ou bien, résolument, mettre toute la tension au même endroit – ce qui compte, c’est que ce soit des choix conscients)
  • Utiliser un studio d’écriture qui permette une vision globale de son récit me paraît indispensable pour y voir clair (Word en mode plan, ou bien mieux, une application type Scrivener ou Ulysses, mais plutôt Scrivener pour ces raisons)

Un point d’importance à noter sur le roman choral (j’en sais, ahem, quelque chose) : c’est mécaniquement plus long qu’un récit avec un seul personnage (car on multiplie les interactions et les expositions). Et il faut prendre garde à avoir autant de points de vue que nécessaire pour servir l’histoire, mais pas davantage : car à chacun, on augmente mécaniquement le nombre d’interactions, de fils narratifs à maintenir tant pour soi que pour le lecteur, et le risque est de voir l’histoire s’effondrer sous le poids d’une complexité qui ne la sert pas. Mais on peut quand même monter pas mal en nombre (j’en ai entre 6 et 8 par volume de « Les Dieux sauvages », et ce n’est rien à côté du célébrissime extrême de La Horde du Contrevent, où Alain Damasio en fait intervenir une vingtaine).

2022-07-12T09:22:00+02:00lundi 18 juillet 2022|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Quelques rapides conseils pour écrire du roman à points de vue multiples

Une comparaison très informelle des fonctionnalités des apps des notes en ce moment

Donnez une app de notes à un écrivain, il prendra des notes toute sa vie, donnez-lui Google et il ne s’en servira qu’une journée – comme le disait à peu de choses près le proverbe chinois.

La révolution des apps de notes par liens (découlant de la redécouverte de la fameuse méthode Zettelkasten, abordée dans la série Geekriture) a donné lieu à une pléthore presque invraisemblables de nouvelles compagnies, applications, programmes donnant autant d’approches. Évidemment, mon côté savant fou (© Léa Silhol) se trouve comme un gosse de cinq ans avec une carte Gold dans une boutique de bonbons – ou comme un fou, vraiment, et pas savant, du tout, parce qu’on le sait, la mort de la productivité réside dans le changement constant d’outil.

Mais, hé, le système de notes, c’est le second cerveau, et dans ce boulot, le cerveau, c’est vraiment tout ce qu’on a, donc forcément, je passe ma vie à chercher la perle rare, l’app qui répondra à tous mes souhaits et me permettra de fédérer toutes mes idées, notes, références dans le système pour les gouverner tous et dans le Zettelkasten les lier. Tous les trois à six mois, je pars en quête chamanique à la recherche de l’app de notes parfaite, et j’en reviens griffé par les cactus, cramoisi de coups de soleil, avec une gueule de bois à la tequila frelatée et le portefeuille vide, sans avoir trouvé grand-chose, en me disant plus jamais – jusqu’à la prochaine fois.

Par exemple, et pour nourrir votre propre quête : Tiago Forte, personnalité renommée mais controversée du domaine, a passé en revue SOIXANTE-HUIT apps de notes (en mode avance rapide) dans cette vidéo, et je peux vous dire, parce que j’ai à peu près tout testé au fil des ans, qu’il en manque, en plus. Autre outil si vous voulez filtrer les apps par fonctionnalité : ce site web tente de tout répertorier, mais il en manque aussi, et il y a certaines erreurs – cela dit, maintenir ce site à jour représente une tâche titanesque. C’est déjà une première approche.

Soupir. Wouep.

Bref. Trouver app de notes à son cerveau est une affaire profondément personnelle, mais il y a un certain nombre de fonctionnalités générales qui peuvent être considérées comme importantes, selon vos exigences. J’ai les miennes, qui ne sont pas les vôtres, mais voici, de façon complètement informelle (comme le dit le titre) ce que j’ai retiré de ma dernière quête chamanique, pour laquelle j’ai adopté une approche différente :

  • établir les fonctionnalités importantes à mes yeux
  • m’arrêter dès que l’app présentait un vrai dealbreaker (toutes les apps ne sont donc pas répertoriées dans chaque cas, mais je n’ai pas que ça à faire m’voyez)
  • mais relever quand même quand une app brillait spécialement par sa qualité sur un point. Cela ne veut pas dire, dans ce qui suit, que Bear ne respecte pas ma vie privée (la synchro se déroule via iCloud), en revanche, Obsidian chiffre les données de bout en bout, ce qui mérite une mention spéciale. Il y a aussi probablement des mentions spéciales qui manquent. C’est, comme dit plus haut, informel.

Voici donc les dealbreakers du moment – et vous constaterez, AHAHA, que rien n’est parfait en ce bas monde.

Je veux…Dealbreaker chez…Mention spéciale qualité pour…
Une app mobile semblable à la version de bureauThe ArchiveBear, Craft, Noteplan, Agenda
Respect de ma vie privéeRoam ResearchObsidian, DEVONthink
Des tableauxAmplenote, Reflect, Noteplan, Bear1Evernote
Travailler sur plusieurs notes en parallèleAgendaObsidian
Une app jolie, stable et facile d’emploi (bonne UX)Joplin, Keep It, Roam Research, DEVONthinkBear, Craft
Des liens inter notes rapides et fiablesApple Notes, Evernote2, Joplin3Obsidian
Accéder à mes notes hors ligneNotionObsidian, Bear
Consulter mes attachements hors ligne (ex : documents de voyage sans accès à Internet)Craft, Notion, Coda, UpnoteBear
Importer et gérer facilement des documents attachésObsidian4, NotebooksBear, Evernote
Exporter mes données dans un format interopérable pour les réimporter ailleursNimbus Notes, Evernote5Obsidian
Synchronisation rapideObsidian6, DEVONthinkBear, Craft7
Typographie native macOS et intégration profonde au systèmeObsidian, Evernote… (toutes les apps Electron, en fait)Bear, (Craft)
Surlignement du codeEvernoteBear, Obsidian, Craft
  1. On peut émuler des tableaux un peu mochasses dans Bear avec des tabulations, comme dans l’informatique à Papa. La version 2.0, actuellement développée avec un train de sénateur, inclura des tableaux.
  2. Evernote supporte les liens entre notes, mais il faut les intégrer manuellement (chercher la note, copier le lien, le coller dans une autre note). Trop lent.
  3. Uniquement supporté avec des plugins qui n’ont pas l’air de marcher sur mobile. Trop compliqué.
  4. Rien ne l’empêche dans Obsidian (Obsidian fait quasiment tout), mais il est dangereusement facile d’encrasser sa vault avec des attachements devenus orphelins. Obsidian est génial pour gérer ses idées, pas ses réservations de vacances.
  5. La nouvelle version de l’app permet d’exporter soit 50 notes à la fois, soit toutes les notes d’un carnet de notes. Si vous avez des liens entre notes qui ne font pas partie de l’export, ils seront perdus. En passant, je signale l’existence de YARLE pour convertir ses données rescapées d’Evernote vers des formats plus interopérables.
  6. Obsidian se synchronise raisonnablement vite, mais nécessite quand même plusieurs dizaines de secondes pour des fichiers texte (c’est relou), à comparer avec la synchro iCloud de Bear qui est quasiment instantanée, même avec l’app fermée sur iOS.
  7. En utilisant les serveurs de Craft. La synchro par iCloud est, dans les faits, juste inutilisable sur cette app.

En gros, malgré son âge, on remarque que la lenteur de développement de Bear sert toujours cette app dont le souci du détail est sans égal sur le marché. Mais ma recommandation de base pour ceux et celles qui se lancent dans cet espace reste toujours Obsidian, en raison de son ouverture, de sa puissance et de sa gratuité pour l’usage individuel (une proposition difficile à battre).

Le résumé de tout ça est finalement assez simple –

  • Si c’est vous lancer dans le mode merveilleux des notes reliées qui vous tente avant tout, ne cherchez pas plus loin qu’Obsidian. Toutes les autres apps qui ont cette fonction lui sont inférieures sur un ou plusieurs points. Donc, c’est le meilleur compromis, et vous gagnez en plus tout un écosystème foisonnant de plugins qui vous donne une pléthore de fonctionnalités que vous n’imaginiez même pas.
  • Si vous voulez avant tout une belle app parce que vous êtes dans l’écosystème Apple et que ça n’est pas pour avoir des apps laides pensées pour Windows ou Electron, Bear ou Craft me semblent les meilleurs compromis, à choisir selon un aspect non mentionné dans le tableau : la collaboration. Craft propose de partager ses notes. Pas Bear.
2022-07-11T09:36:50+02:00mercredi 13 juillet 2022|Geekeries, Technique d'écriture|10 Commentaires

L’écriture, ce muscle à entretenir + le but des « conseils » d’écriture [entretien vidéo]

Un super grand merci à SyFantasy de m’avoir proposé une longue et belle interview aux Imaginales autour de Comment écrire de la fiction ? Rêver, construire, terminer ses histoires !

En 25 minutes, on clarifie les notions de conflit en narration, de nature des histoires et de discipline. C’est également (merci) l’occasion pour moi de clarifier une bonne fois, j’espère, la place des conversations sur la technique narrative et le rôle d’un bouquin tel que Comment écrire de la fiction ? : le but ultime, c’est d’écrire ce qu’on souhaite avec le maximum de plaisir et de compétence.

2022-07-11T08:34:05+02:00lundi 11 juillet 2022|Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur L’écriture, ce muscle à entretenir + le but des « conseils » d’écriture [entretien vidéo]

Découvrez le programme de la saison 7 de Procrastination – focus spécial autoédition

Cela nous a été longtemps demandé, nous y voici enfin ! Nous allons parler en profondeur d’autoédition à la saison 7 de Procrastination, avec une invitée exceptionnelle, Morgan of Glencoe.

Morgan est musicienne professionnelle et évidemment autrice, avec un parcours passionnant pour le sujet : elle a commencé sa carrière en autoédition avant d’être publiée par ActuSF, et continue à gérer parallèlement sa carrière selon les deux systèmes. Elle est uniquement placée pour parler sans fard ni idéalisme de chacun d’entre eux, ce qui a donné une conversation passionnante découpée pour cette saison en trois volets pour autant d’épisodes.

Alors, du coup, à quelle sauce allons-nous vous manger pour la saison 7 ? Procrastination reprend comme toujours le 15 septembre, demandez le programme :

  • 15 septembre, 701 : Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe
  • 1e octobre, 702 : Organiser ses notes d’écriture
  • 15 octobre, 703 : Organiser le déroulé de son histoire
  • 1e novembre, 704 : Sur nos bureaux
  • 15 novembre, 705 : Commercialisation et promotion dans l’autoédition, avec Morgan of Glencoe
  • 1e décembre, 706 : L’impératif d’intertextualité
  • 15 décembre, 707 : La quatrième de couverture
  • 2 janvier, 708 : Captiver l’attention du lectorat
  • 15 janvier, 709 : Plier son traitement de texte à son écriture
  • 1e février, 710 : L’autoédition, l’édition traditionnelle ou les deux ? avec Morgan of Glencoe
2022-09-12T09:08:53+02:00mercredi 6 juillet 2022|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Découvrez le programme de la saison 7 de Procrastination – focus spécial autoédition

Comment j’organise mon classeur Scrivener

C’est compliqué d’organiser ses notes et ses idées quand on écrit de la fiction. C’est normal : les idées viennent dans tous les sens, tapant à tous les moments de la narration, dans des passages écrits (« j’aurais pu faire ça… ») ou pas (« il pourrait se passer ça… »), et même, la plupart du temps, vous ne savez pas si cette image, cette réplique, cette scène que vous imaginez sont pertinentes, s’il faut les suivre, les développer, ou bien s’il s’agit d’un fil narratif complètement annexe qui pourrait plutôt figurer, avec un décor et des personnages différents, dans cet autre projet qui vous ronge l’esprit et que vous brûlez d’écrire plutôt que le manuscrit actuel qui s’enlise et vous sort par les yeux et… 

Bref. C’est compliqué.

Et, si j’en juge par l’intérêt que le sujet soulève, organiser et canaliser cette créativité non seulement d’une manière qui permette de l’exploiter, mais même, qui permette de ne pas l’oublier tout court, est une question centrale. Sur les notes d’écriture, j’avais commencé à parler de Zettelkasten et de pensée en réseau dans la colonne Geekriture ; là, on va parler d’organisation dans Scrivener. Bien sûr, c’est ma façon de faire aujourd’hui, appelée à évoluer, mais comme on me demande de loin en loin comment exactement classer les infos à l’écriture, je me suis dit que ça pourrait peut-être donner quelques idées. Voyez si ça vous nourrit.

Nous allons supposer que j’écris actuellement une saga fleuve d’imaginaire appelée « Les Entités farouches », un exemple évidemment totalement pris au hasard, hein, toute ressemblance et cetera. Supposons également que j’en suis en ce moment au tome 12, sur un total à venir de 15. Bien sûr, si cela devait arriver, nous sommes d’accord qu’il faudrait m’injecter une copieuse dose de sédatif avant de m’envoyer pour un séjour thérapeutique à la plage.

Voilà théoriquement à quoi ressemblerait le classeur Scrivener d’une telle série.

Déjà, première observation : je conserve la plupart des notes de construction globale dans mon Zettelkasten – c’est-à-dire dans mon application de notes (quelle que soit celle que j’utilise à un moment donné, Obsidian, Evernote, Bear, Craft, et autres jouets brillants qui me fascinent). La raison, c’est que je trouve cet environnement beaucoup plus adapté à l’idéation, et surtout à la pensée par liens (Scrivener permet de relier des fichiers entre eux, mais c’est lourdingue). Techniquement, pour moi, Scrivener est purement réservé à l’écriture et à la production : dedans, je mets principalement des signes destinés à la publication ou à l’exploitation.

De manière générale :

J’ai plusieurs dossiers de haut niveau :

  • Le manuscrit en cours (j’y reviens).
  • Un dossier de notes construit au fur et à mesure, d’où la mention « au fil », comportant également les notes de correction accumulées au fil de l’écriture.
  • Un dossier appelé « High level » comportant la vision d’ensemble du manuscrit, ce qui se chevauche avec le Zettelkasten, parfois de manière bordélique. Ce n’est pas parfait, mais justement, c’est l’intérêt d’employer Scrivener : l’application grandit et s’adapte à mon bordel, au lieu de me pousser dans un carcan donné. Et oui, je m’y retrouve. Toujours. Presque. Un peu.
  • Un dossier appelé « Suites » comportant des notes éparses et surtout des brouillons de scènes ultérieures déjà bien vivantes dans ma tête concernant les volumes 13 à 15 de « Les Entités farouches » (et probablement les tomes 16 à 28 puisque je vais déborder par rapport au plan initial).
  • Un dossier contenant un PDF de chaque tome publié, de façon à pouvoir m’y référer si j’ai un doute sur la couleur des cheveux de Là-Bas-Paulo ou la formulation de l’insulte préférée de Chien de Sienne.
  • Un dossier avec les briefings illustration, les croquis préliminaires, les essais de rédaction de quatrièmes de couverture, principalement parce que je ne sais pas où les mettre autrement.
  • Un petit dossier de ressources utiles (inspirations ou éléments de worldbuilding spécifiques relatifs à l’univers plus vaste où se déroule la saga « Les Entités farouches », nommé Panégyrique).

Concernant le manuscrit en cours :

Même si je planifie mes histoires assez précisément, « Les Entités farouches » comporte beaucoup trop de personnages pour qu’il me soit possible de tout structurer avant l’écriture. Les détails des scènes, la dynamique effective de l’action va beaucoup influencer la construction finale, et ça, je ne l’ai qu’en parcourant réellement le chemin de la narration. Du coup :

Il y a ce que je suis en train d’écrire (dans cet exemple, je suis au tout début, dans le chapitre 1 de l’Acte I). Chaque scène mentionne le nom du personnage point de vue (ici M pour Marianne). Je pourrais employer les mots-clés ou les étiquettes de Scrivener, mais je trouve plus simple de le mentionner en toutes lettres. Cela me permet aussi d’expérimenter avec des points de vue plus inhabituels et ponctuels si l’envie me prend sans avoir à me plonger dans de la configuration.

Chaque scène (et parfois le chapitre, voire le fil narratif) comporte systématiquement deux fichiers :

  • Go back file : les notes prises en cours d’écriture sur ce que j’aurais pu faire de mieux à la réflexion, ou bien sur les questions que je me pose. « Ai-je bien rendu le mystère de la belle Zéphyr ? Ne me suis-je pas emmêlé les pinceaux sur la chronologie ? Vérifier si le début n’est pas un peu chiant. » Et ainsi de suite : j’écris rapidement, en doutant le moins possible, et en laissant au recul de la correction le soin de resserrer les boulons, de juger si mes craintes sont fondées. La plupart du temps, non. Mais ça me rassure de me laisser une note à moi-même, la crainte est capturée, et j’avance sans me laisser paralyser.
  • Cutting floor : Quand je coupe, quand je remanie un paragraphe ou que je vire une idée potentielle, j’ai toujours peur de me tromper. Dans 99% des cas, là encore, non, et je n’en aurai jamais plus besoin, mais du coup au lieu de la supprimer, je la colle dans ce fichier, où elle ne sera pas perdue : là encore, ce n’est pas tant un besoin réel qu’une question de tranquillité. Et pour la fois sur cent où je pars la repêcher, ça ne coûte pas cher.

Évidemment, aucun de ces fichiers ne font partie de la compilation finale, ce qui me permet de continuer à estimer correctement la taille de mon manuscrit, quel que soit le volume de notes (il y a une case à décocher dans l’inspecteur pour les fichiers concernés, voir ci-contre). Une fois la scène terminée, go back file et cutting floor passent dans les notes de correction, classés en fonction de l’emplacement de la scène. Quand le manuscrit sera fini, je les reprendrai et les comparerai avec l’effet produit par le premier jet, pour corriger alors si nécessaire.

Enfin, parce qu’à mesure qu’on s’approche d’une scène, les idées se condensent et prennent forme, je note globalement la suite de ma structure, avec les scènes déjà bien calées comme ici la suivante avec le roi Ernest ; ainsi que les chapitres déjà construits mais dont la place n’est pas encore tout à fait claire (comme le « Z » avec ici les personnages Izigoing, Zomig et Martabac), le tout pouvant se déplacer à mesure que le tracé de l’écriture élucide les choses. Pour davantage de clarté, je repère les scènes « à faire » d’une étiquette rouge et les notes pures (hors compilation) d’une étiquette bleue (pour les voir dans le classeur, c’est dans le menu Présentation > Afficher les étiquettes dans > Classeur). Ça m’est spécialement précieux quand je dépasse le million de signes, que j’ai l’équivalents de post-its dans tous les sens et que je choisis d’écrire plusieurs scènes du même fil narratif de suite, créant l’équivalent de trous à remplir dans la structure.

Une fois tous ces passages écrits, les notes afférentes iront elles aussi dans le dossier « au fil ». Il est presque certain que je ne les regarderai plus jamais, mais là aussi, elles sont au chaud, si besoin.

La supériorité absolue de Scrivener (sur, par exemple, Ulysses) est sa flexibilité totale. Rares sont les apps d’écriture à donner à la fois une vision d’ensemble aussi complète de son récit (il est aisé de dérouler et refermer les dossiers dans l’exemple ci-dessus) ainsi qu’une totale ouverture quant à la manière de structurer. Le fait que chaque document puisse avoir des sous-documents est spécialement précieux pour le travail de détail ; la différence dossier / document est finalement purement cosmétique. N’hésitez pas à en user et abuser.

Si je devais écrire une série fleuve comme l’exemple pris ici, je pourrais ainsi vous dire d’expérience que Scrivener gère sans aucun problème un fichier projet de plus d’1 Go, créé six ans plus tôt, incluant plus de 2000 documents pesant 15 millions de signes. Mais bien sûr, tout cela serait purement théorique. Je ne suis pas assez inconscient pour me lancer dans un truc pareil. (« Les Entités farouches » ? RLY ?)

2022-07-01T09:29:30+02:00lundi 4 juillet 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires
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