Petit entretien autour des méthodes d’écriture

Jan Kahánek

Pour ce jeudi, un autre petit entretien demandé par courriel, par deux lycéennes s’interrogeant sur l’écriture et l’apprentissage qui va avec.

Racontez-nous quelles étapes vous avez franchies pour en arriver où vous en êtes aujourd’hui dans votre métier d’écrivain.

Comme dans beaucoup de métiers de la création, j’ai simplement franchi les étapes au fur et à mesure de l’apprentissage et des occasions qui m’ont été fournies. J’ai commencé, autour des années 2000, par participer à une revue amateur, Proscrit, ce qui m’a permis de rencontrer les acteurs du milieu de l’imaginaire, notamment Stéphanie Nicot, qui m’a mis le pied à l’étrier en me faisant entrer dans l’équipe de sa revue, Galaxies, comme critique puis traducteur littéraire (sous la houlette de Jean-Daniel Brèque). Même s’il ne s’agissait pas d’écriture à proprement parler, cela m’a fourni une approche professionnelle de l’écrit extrêmement précieuse. J’avais toujours en tête l’idée et l’envie d’écrire ; je me suis attelé à travailler mes textes, et j’ai commencé à publier professionnellement des nouvelles en 2004. De là, je n’ai pas cessé de chercher à élargir ma palette d’expression et mes outils, apprenant notamment le métier du roman (qui est très différent de la nouvelle), au fil des ans.

A quoi ressemblaient les premières versions de vos œuvres ? Quelles ont été les évolutions pour arriver au résultat final ?

L’écriture est un mélange d’une dizaine de « compétences » fondamentales à apprendre pour fournir un texte à peu près finalisé (au moins sur le plan de l’exécution ; la richesse des idées et de l’émotion relève d’un autre aspect, plus instinctif et aléatoire). Il y a par exemple les dialogues, la description, le rythme… Ces « compétences » pourraient s’apparenter en peinture au choix des couleurs, à la maîtrise de la perspective, de l’anatomie… Les connaître ne garantit pas qu’on sera un bon peintre, mais cela aide à ne pas être mauvais, en tout cas. Mon apprentissage s’est fait (et ne cessera jamais de se faire) sur le plan de la technique comme sur celui de l’écoute de l’instinct, des merveilleux hasards de la création, ce qu’on peut appeler, faute de mieux, l’inspiration.

Avez-vous écrit des brouillons ? Si oui, avez-vous changé votre objectif ?

Je fais un énorme travail préparatoire de plans, de fiches, de réflexions en amont ; je sais toujours comment se terminera un récit avant d’en écrire la première ligne. Sinon, je ne peux pas attaquer ; pour écrire quelque chose, j’ai besoin de savoir un peu à l’avance ce dont il s’agit. (Je suis ce qu’on appelle communément « structurel ».) Mon premier jet est donc assez abouti, puisque j’ai élucidé un certain nombre de questions préparatoires avant même d’attaquer la rédaction. Mais bien sûr, il y a toujours une phase de corrections, pour « resserrer » la mécanique. Et puis, ces derniers temps, j’essaie de lâcher un peu prise sur la structuration à l’avance pour laisser parler davantage les envies et la découverte au fil de l’écriture.

Quel est votre point de vue sur le fait de prévoir ou non le thème principal de l’histoire ? Pensez-vous qu’on peut vraiment écrire une histoire sans connaître le thème ?

Oui, car l’inconscient, quand on le laisse s’exprimer (et je pense qu’on doit) révélera toujours des détours et des chemins de traverse inattendus. L’écriture est un jeu de funambule entre le contrôle conscient de l’auteur et les dimensions parfois inattendues qui peuvent émerger de son inconscient. On peut tout à fait prévoir un thème avant d’écrire, se fixer une trajectoire, mais il faut avoir conscience (et accepter) que le récit final ne parlera jamais « que » de ça. Il parlera de cela, ainsi que d’autre chose de totalement inattendu, mais qui émergera organiquement du récit.

Des événements extérieurs vous auraient-ils influencés durant l’écriture de vos manuscrits ?

Le premier matériau d’un auteur, c’est forcément lui-même ; s’il est capable de se projeter dans d’autres destins et d’autres époques, il part forcément de lui, c’est-à-dire des questions qu’il se pose, des révoltes qu’il peut avoir, etc. Donc, le vécu de la personne – soit, l’extérieur – influence forcément un auteur. Pour ma part, ce n’est pas tant l’actualité immédiate que les grandes questions qui me démangent, les motifs historiques que l’on retrouve à peu près à toutes les époques de l’humanité. C’est ce que j’ai envie de traiter, mais sans forcément de référence particulière et précise à des événements de l’actualité récente.

Faites-vous des plans pour organiser vos idées (personnages, structure…) ? Et est-ce que vous vous y tenez ?

Comme je le disais plus haut, je suis structurel. Mais je ne me tiens pas à mes plans de façon rigoureuse, au contraire. De plus en plus, il m’apparaît que les plans sont un échafaudage qui me permet de faire connaissance avec mes personnages, mon scénario, mon monde, et que cette connaissance intime me libère ensuite, au fil de l’écriture, pour prendre les chemins de traverse qui se présentent, pour réagir aux imprévus fournis par l’histoire, avec liberté et sans crainte de m’égarer car, en cas d’impasse narrative (événement inintéressant, incohérence…), j’ai toujours une trajectoire sûre sur laquelle me rabattre.

Propos recueillis par Océane Déqué et Caroline Saminadin. 

2019-06-04T20:30:13+02:00jeudi 23 février 2017|Best Of, Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Petit entretien autour des méthodes d’écriture

Accélérez drastiquement votre vitesse de frappe avec TextExpander [la boîte à outils de l’écrivain]

L’outil dont on va parler aujourd’hui est un des bijoux venus du monde Mac (mais maintenant sorti sous Windows) et l’une des raisons principales pour laquelle, malgré toute la mobilité de l’iPad, je continue à utiliser un « véritable » ordinateur portable en déplacement dès que possible, une arme secrète pour qui vit (et meurt) par le texte : TextExpander.

Ce qu’il fait

En son cœur, TextExpander fait un truc tout bête : il surveille le clavier et, quand il détecte une chaîne de caractères définie par l’utilisateur au préalable, il la remplace par quelque chose d’autre. Par exemple, des titres fréquemment tapés, des liens régulièrement entrés, des abréviations, etc. On tape un truc bref, ça devient un truc plus long. Quelques exemples de listes tirées de mon usage :

  • J’ai des abréviations pour les mots fréquents : je tape « jms », cela devient « jamais », « tjs » devient « toujours », mais aussi, dans le cadre de mon écriture, « dc » devient « dranaclase », « ;Me »devient « Mériane », « -eva » devient « Évanégyre » (avec la majuscule accentuée qui va bien), etc ;
  • J’en ai pour mes titres : rdc devient La Route de la Conquête, pda devient Port d’Âmes, et surtout (mon préféré) fiz devient « Faisabilité et intérêt zootechniques de la métamorphose de masse », etc ;
  • Pour les liens fréquemment utilisés : lsite entre automatiquement http://lioneldavoust.com.

Et j’en passe. Le gain de temps est absolument phénoménal. Au moment où j’écris ceci, soit après sept mois environ d’usage du logiciel, voici ce qu’annoncent mes statistiques :

TextExpander a étendu plus de DIX-SEPT MILLE extraits, me faisant économiser plus de CENT SOIXANTE MILLE caractères. Oui, oui : l’équivalent d’une novella entière. Ce qui, en considérant une moyenne de frappe de quinze mots par minute (ce qui est faible dans l’absolu), représente TRENTE-SIX heures économisées à taper, il faut le dire, des conneries qui ne servent à rien. Une semaine de travail ENTIÈRE. Et encore : je suis toujours en train de l’apprivoiser et de l’alimenter.

Si c’est pas un truc efficace, je ne sais pas ce qu’il faut.

Plus loin encore : extraits, scripting

Mais TextExpander ne s’arrête pas là. La longueur des extraits étendus ne connaît bien sûr pas de limite ; et surtout, il est possible de lui entrer des textes « à trous ». Par exemple, l’annonce sur ce blog des nouveaux épisodes de Procrastination suit toujours le même schéma : les seuls éléments variables sont le titre, le numéro de l’épisode et surtout les notes (qui représentent le cœur du sujet). Tout le reste, les liens avec les abonnements, les illustrations, reste strictement identique.

Créer l’annonce d’un tel article se fait, pour moi, avec cette seule chaîne de caractères : « aprc ». Tout le code HTML reste le même, j’ai juste à remplir les trous. Créer l’annonce de l’épisode me prend, littéralement, cinq minutes en comprenant la planification des réseaux sociaux.

TextExpander sait en plus simuler les frappes de touches spéciales (tabulations pour passer d’un champ à un autre quand on remplit un formulaire, entrée pour valider…). Et il sait réaliser de petites macros comme entrer la date du jour au format souhaité, mais aussi réaliser des opérations mathématiques sur celles-ci (trois jours avant, un mois plus tard…)… Et même carrément exécuter du Javascript dans ses extraits si on le souhaite.

Bien sûr, tous les extraits sont synchronisés par le nuage entre les machines, disponibles sur Mac, iOS1 et maintenant Windows.

Modèle économique

TextExpander existe sous deux modèles économiques différents :

  • L’ancienne version (5) est une application indépendante à acheter une fois pour toutes ; la synchronisation des extraits est gérée par l’utilisateur (moyennant un service type Dropbox) ;
  • L’actuelle (6) fonctionne sur la base d’un abonnement modique (3,33 $ par mois, que je paie avec grande joie pour soutenir les développeurs de ce bijou) ; Smile (les créateurs de TextExpander) se chargent de la synchronisation via leur nuage personnel.

TextExpander est un outil d’une simplicité trompeuse et d’une puissance phénoménale. Quel que soit le métier, je ne vois pas comment il ne peut pas rendre d’incroyables services ; et c’est encore plus valide dans le cadre de l’écriture et de toute forme de texte.

Si vous souhaitez le prendre en main, rendez-vous sur cette page. De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez ainsi à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci !

  1. Moyennant un clavier logiciel tiers, ce que je ne trouve, à l’usage, pas pratique du tout.
2022-12-06T04:28:28+01:00mercredi 22 février 2017|Technique d'écriture|7 Commentaires

Six conseils de survie pour une lecture publique

Voilà une bonne question arrivée en ce joli matin de mai (ouais, on n’est pas en mai, mais les matins de février sont moins jolis, ne serait-ce que parce qu’on n’y voit rien dehors, il fait nuit, duh), et comme le sujet est fort intéressant et rarement évoqué, il vaut une tentative d’article :

Avez-vous une quelconque expérience [de la lecture publique de textes] et si oui, auriez-vous des conseils à partager à un jeune auteur qui n’a jamais lu publiquement ?

Je dis tentative car il est, très honnêtement, difficile de proposer des techniques éprouvées ou miraculeuses pour ce genre d’occurrence. Faire figure convenable lors d’une apparition publique (table ronde, entretien, lecture publique etc.) repose hélas grandement sur l’expérience acquise (parfois dans la douleur) au fil des ans, et du lâcher-prise qui les accompagne souvent. Cependant, j’ai fait de l’improvisation théâtrale pendant plus de quinze ans, et peut-être y a-t-il quelques voisinages et leçons à tirer de cette discipline ; et il y a surtout les lectures avec les Deep Ones, où nous sommes plusieurs à lire nos textes, ou ceux d’autres, sur fond de musique semi-improvisée (à moins que ce ne soit l’inverse).

Et puis j’ai été finaliste du concours d’éloquence de mon lycée, et si ça c’est pas un truc à inscrire en lettres de feu sur un dossier de candidature à une grande école de commerce, hein ?

Ahem.

Que dire, donc, dans le cas présent ?

C’est du théâtre. Dans une lecture publique comme dans un café littéraire, les gens viennent voir un truc dans l’espoir qu’il ne les endorme pas. Et donc, les meilleurs enseignements à tirer pour être vivant et intéressant se trouvent du côté des arts scéniques, pas de celui de la littérature. Je disais que j’ai fait de l’impro pendant quinze ans : c’était en partie pour me sortir de ma timidité maladive et de mon introversion chronique. Ça n’a pas tout réglé (sinon ça ne serait pas maladif et chronique) mais ça m’a suffisamment équipé pour ne pas me réduire à l’état de petit cube de gelée tremblotante (à la groseille) dès qu’on me demande mon avis devant plus de trois personnes et même pour apprécier l’exercice et m’y sentir raisonnablement à l’aise. Je ne saurais que trop recommander de prendre le taureau par les cornes et de faire quelques séances d’impro ou de théâtre pour débroussailler le terrain.

L’étape suivante est :

Trouvez votre style. Comme dans tout, la technique est un appui, une fondation pour construire : ce qui compte, c’est qu’elle permette ensuite de laisser transparaître la vérité, la volonté, l’identité de la personne. Je pense qu’il est intéressant de réfléchir à ce que l’on veut réellement faire paraître, transmettre, être dans ce genre d’apparition. Et pour cela, un bon guide reste toujours : qu’est-ce que je veux trouver, moi, dans ce genre de manifestation ? Qui m’a ennuyé, amusé, intéressé, et pourquoi ? Comment puis-je faire coïncider ce que j’aime trouver chez les autres à ce que je peux, veux fournir de moi-même ? C’est de cette rencontre entre les aspirations et la sincérité que naît le style personnel, il me semble.

Tout ça c’est bien beau, mais de manière pratique, on fait comment ? Alors :

Vous allez avoir la trouille. C’est normal. Une apparition publique est une forme de mise en danger, surtout pour les introvertis. Mais c’est parfaitement dans l’ordre des choses. Et même, dites-vous que c’est bon signe : la trouille signifie que vous êtes attaché.e à vouloir bien faire. En improvisation, on a tendance à dire qu’il faut avoir le trac, car c’est là qu’on sort de sa zone de confort et donc qu’on peut puiser de belles choses dans sa vérité personnelle. Considérez la trouille comme une alliée et comme un aiguillon, justement, pour donner le meilleur de vous-même.

Mais ça n’a pas d’importance. Ça semble contradictoire avec ce qui précède, mais seulement en surface, parce que l’expérience prouve que, quand la trouille est là, rien ne l’atténue, de toute manière. Le cœur du sujet est : les gens sont globalement bienveillants. On peut parier qu’aucun des spectateurs n’auraient envie de se plier eux-mêmes à l’exercice parce qu’ils seraient aussi terrorisés que vous, donc ils tendent à être gentils, globalement, et à comprendre que ce soit difficile, impressionnant, etc. Dans ce cadre, si l’on se plante, si l’on hésite, il vaut mieux être très honnête et l’assumer, expliquer la difficulté du truc, que de faire semblant que tout va bien, qu’on a fait ça toute sa vie, parce qu’on passe alors pour un gros mauvais. Quand Adele (pas une débutante sur scène) se plante en live aux Grammy Awards lors de son hommage à George Michael, s’excuse et demande à recommencer, la salle l’applaudit et les réactions sur Twitter ont été très chaleureuses.

Nan, mais des conseils pratiques on a dit. Okay :

Ralentissez… Plus que ça. D’accord, s’il y a un conseil à donner pour une lecture publique, c’est celui-là. On lit tous déjà trop vite, et avec le trac, on accélère encore. Lors des lectures avec les Deep Ones, on s’est tous disciplinés mutuellement pour ralentir, d’un facteur deux ou trois, notre vitesse de lecture personnelle. Il faut que ça respire, que les textes puissent prendre le temps d’être assimilés, vécus. Ralentissez, drastiquement. Et pensez aux silences, aux respirations, à les installer dans la durée ; il ne s’agit pas simplement de reprendre son souffle, mais d’installer une atmosphère, du suspense, une forme de tension à résoudre ; un silence, c’est une question posée au public et dont il attend la réponse.

Exagérez… Plus que ça. Lecture jouée, lecture simplement vécue, lecture neutre ? Il y a bien des façons de lire publiquement un texte, du quasi-théâtre à la simple chaleur. Il y a bien des écoles de pensée, mais pas de bonne ou mauvaise manière ; pour ma part, je m’adapte à ce qui me semble le plus intéressant pour le texte en question. Quels que soient les effets choisis, en revanche, la règle du théâtre est la suivante : pour qu’une intention passe, il faut l’exagérer jusqu’au point où l’on pense que c’est trop poussé, puis aller un cran plus loin. (Un cran plus loin dans la colère, dans la surprise, mais aussi dans la discrétion, la stupeur etc.) Ceci vise à contrecarrer deux effets : d’une, le trac tend à émousser le jeu d’acteur (donc il faut contrebalancer) ; de deux, rester dans sa zone de confort tend à faire jouer « faux », donc, en poussant le truc, on cherche à se surprendre soi-même et à retrouver, là encore, la vérité. Ainsi, un silence doit paraître trop long au lecteur, mais c’est là qu’il crée de la respiration, de la tension, de l’effet.

Il y aurait encore bien des choses à dire sur l’usage du regard, la sémantique de la position du corps, mille choses auxquelles on peut penser au fur et à mesure qu’on s’acclimate à l’exercice (et auxquelles, dans le chaos intérieur du moment, on oublie souvent de penser, moi le premier), mais mille choses font un peu trop pour une première fois, et un premier article sur le sujet. Bonne chance, donc, et quoi qu’il arrive, rappelez-vous qu’on est généralement toujours meilleur que l’impression qu’on en a, donc pas (trop) d’angoisse – c’est-à-dire, juste ce qu’il faut !

2019-06-04T20:29:43+02:00lundi 20 février 2017|Best Of, Technique d'écriture|5 Commentaires

Procrastination podcast ép. 11 : « Les logiciels d’écriture »

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « Les logiciels d’écriture« .

Quantité d’outils informatiques promettent de faciliter ou d’accélérer la création littéraire. Qu’en est-il vraiment ? L’investissement vaut-il la peine, et le cas échéant, quelles qualités faut-il rechercher dans un tel logiciel ? En quoi l’informatique a-t-elle changé le rapport au texte et à sa création ?

Repentirs : en raison du format, nous sommes passés rapidement sur quelques points et de petits compléments ou précisions s’imposent a posteriori :
– Entre LibreOffice et OpenOffice, il vaut mieux préférer le premier, plus régulièrement mis à jour et donc plus avancé ;
– Word dispose d’une version mobile utilisable sur tablettes et téléphone, mais nécessite un abonnement Office 365 ;
– Depuis l’enregistrement de cet épisode, la version iOS de Scrivener est disponible.

Logiciels cités (sites éditeur) :
– Microsoft Word https://products.office.com/fr-fr/word
– LibreOffice https://fr.libreoffice.org
– OpenOffice http://www.openoffice.org
– Ulysses https://ulyssesapp.com
– Evernote https://evernote.com/intl/fr/
– Scrivener https://www.literatureandlatte.com (articles détaillés et astuces sur http://lioneldavoust.com/item/scrivener/ )
– yWriter http://www.spacejock.com/yWriter5.html
– Writer’s Café http://www.writerscafe.co.uk
– Liquid Story Binder XE http://www.blackobelisksoftware.com
– Final Draft http://www.finaldraft.com

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

tumblr_n7wj8rqhsm1qenqjeo1_1280     soundcloud_logo-svg     youtube_logo_2013-svg     rss-feed
Bonne écoute !

2019-05-04T18:48:39+02:00mercredi 15 février 2017|Procrastination podcast, Technique d'écriture|2 Commentaires

Vaincre l’angoisse de la page blanche avec la méthode Pomodoro

Dennis « DieTa » Klein

OK. Comme je reprends l’écriture pour attaquer le volume 2 de « Les Dieux sauvages », le moment me paraît très bien choisi pour parler de cette astuce / technique (déjà évoquée lors de l’été de la productivité en 2013) qui, semble-t-il, a sauvé bien des étudiants en retard sur leurs mémoires et qui m’a permis, en 2016, d’écrire très régulièrement 20 000 signes par jour : la méthode Pomodoro.

La méthode

Pomodoro signifie « Tomate ». (La méthode Tomate, c’est le meilleur nom du monde.) La légende voudrait que son inventeur, Francesco Cirillo, ait fait partie de ces étudiants en retard sur un mémoire à produire ; il ne savait pas par quel bout prendre la chose et, en conséquence, procrastinait terriblement tandis que la date de remise approchait. Pressé par l’urgence, il a fini par se dire : « OK, je n’arrive pas à attaquer, mais je peux bien travailler dix minutes concentré dessus, non ? Et après, je m’octroie une pause ; mais travailler dix minutes, ce sera déjà mieux que rien. »

Lo and behold, Cirillo a été productif, et a réussi à enchaîner les sessions de travail courtes sur la promesse de cette pause, ce qui lui permettait d’avancer sur ses projets. À force d’essais / erreurs, il a cerné que la bonne alternance était : 25 minutes de travail, 5 minutes de pause (suivies avec un minuteur de cuisine en forme de tomate, d’où le nom).

Le contrat est le suivant : 25 minutes de travail concentré, sans interruption aucune, pour 5 minutes de totale liberté.

Application à l’écriture

Un livre est un immense édifice qui prend des mois, des années à se rédiger, sans parler de la construction. Par définition, la tâche est sans forme, donc plutôt intimidante, et certains auteurs – surtout les structurels, me semble-t-il – peinent tout autant à savoir par quel bout prendre le projet ; des tas d’angoisses inconscientes peuvent venir se greffer là-dessus, comme la nécessité d’être productif et d’être bon – deux impératifs profondément anti-sexe pour la liberté présidant à la créativité. (C’est en tout cas mon expérience, surtout quand j’ai une date de rendu qui s’approche.)

Du coup ? On procrastine.

La méthode Pomodoro vient alléger ces craintes en n’imposant qu’un seul impératif : « coucou, cerveau, on passe un contrat, toi et moi : tu dois travailler là-dessus 25 minutes, sans interruption mais sans impératif autre que de rester concentré, et après tu auras cinq minutes totalement libres pour lire les dernières rumeurs sur d’éventuels futurs Mac Pro ».

En général, tout ce qui manque à une bonne session d’écriture, c’est de s’y mettre pour lancer les idées, pour créer les conditions présidant à l’état de flow ; en supprimant les tergiversations, en se donnant une obligation de moyens plutôt que de résultats, on libère l’esprit – et c’est exactement ce dont il a besoin pour fonctionner. (Robert Sheckley avait une méthode très personnelle pour régler ce problème.)

C’est pour cela que le minuteur est un outil nécessaire de la méthode. Il y a une forme de validation du contrat dans le fait de l’actionner manuellement qui ne s’émule pas rien qu’en regardant une horloge et en se disant « je fais ma pause à 16h47 ». Pour ma part, je préfère un truc silencieux (un chronomètre de montre fonctionne très bien) mais j’ai récemment passé mes Pomodoros sous l’application Due, qui présente l’avantage de disparaître de mon champ de vision une fois le compte à rebours lancé, et ne se signale qu’à son terme avec une notification.

Cela ne fonctionne évidemment que si le contrat est respecté. Si un Pomodoro est interrompu, il reprend à zéro, et la pause doit bien durer 5 minutes, pas plus. Je ne développe pas davantage, on en avait parlé ici.

Adaptations à l’écriture

Mais attention : écrire un livre est une tâche plus agréable et amusante que remplir sa déclaration d’impôts (normalement – le contraire pourrait indiquer un problème plus grave). Le but de la méthode Pomodoro est d’obtenir, au pire, 25 minutes de productivité en cas de difficultés. Pas seulement 25 minutes. C’est une sorte de starter de la créativité, un hack pour accélérer l’entrée en flow1, pas une fin en soi, et surtout, les pauses ne doivent pas (trop) sortir l’esprit du projet en cours. J’ai développé l’année dernière quelques stratégies supplémentaires fondées sur le travail de Cirillo (et cette série d’articles de Kourosh Dini) pour adapter la méthode au cas particulier d’un travail de création, et voici donc quelques petites recommandations pour faire fonctionner la chose :

Ne respectez pas le moment de la pause avec une obsession procédurière. La pause fait 5 minutes, pas plus, mais le Pomodoro fait 25 minutes au moins. C’est très important : si vous êtes en état en flow, que ça fonctionne bien, que l’écriture a décollé, ne vous arrêtez pas en pleine envolée lyrique (ou même en pleine phrase) juste parce que l’heure de regarder des chatons sur YouTube a sonné. Ne cassez pas cette concentration si durement acquise ; finissez à tout le moins votre phrase, voire votre scène si c’est bien parti ; ne vous laissez pas obligatoirement interrompre. (Il m’arrive régulièrement d’être tellement pris par ma tâche que j’en oublie de prendre la pause, et c’est la situation idéale.) Reconnaissez seulement qu’au prochain coup de mou, vous aurez gagné une pause. Et peut-être sera-t-elle plus longue, même, si vous avez bien avancé. L’humain n’est pas une machine, soyez attentif.ve à vos rythmes et respectez-les. Le but est de démarrer.

N’invitez pas l’inconnu dans la pause. (Formulation piquée à Kourosh Dini.) La concentration est fragile, donc ne profitez pas de la pause pour faire quelque chose qui vous sortirait complètement de la tâche en cours. Cela veut notamment dire (je sais, c’est dur, on n’a pas une vie facile) : pas de mails ni de Facebook. Les mails contiennent des tâches à faire et donc du stress, Facebook peut entraîner l’envie de répondre à ses notifications, messages etc. et (d’expérience) cela prend bien plus de cinq minutes. (Twitter, je trouve, passe encore en raison de la brièveté et de la volatilité du contenu.). A la place, allez aux toilettes, faites-vous un thé, méditez deux minutes, marchez un peu, rafraîchissez ce fil RSS qui vous passionne tant à condition qu’il n’y arrive pas quinze articles par demi-heure, mais, en gros : faites ce qui vous permet de poser le cerveau sur la table et qui n’invite pas du stress dans votre pause, au risque de flinguer la concentration.

Respectez le format préconisé par Cirillo. Pourquoi 25/5, vous demandez-vous ? (Vous ne vous le demandiez pas ? Allez, faites un effort, sinon je passe pour un crétin.) Cirillo dit que c’est, à l’usage, le bon format (qui compose, en plus, des heures complètes). J’ai tenté de faire plutôt 50/10 pour rester concentré plus longtemps – après tout, c’est la même chose, non ? Eh bah non. S’engager à plancher 50 minutes quand on est en difficulté, psychologiquement, ce n’est pas 25, c’est presque une heure ; et quand on a l’esprit dans la choucroute, ça ne fonctionne pas. 10 minutes de pause, c’est encore pire : cela laisse amplement le temps à l’esprit de sortir du projet et s’y remettre est bien plus difficile. 5 minutes est le bon format pour éviter de divaguer, tout en se donnant un réel moment pour souffler.

À mesure que je m’engage dans l’écriture de La Fureur de la Terre, donc, mes Pomodoros sont prêts, et je commence à pratiquer suffisamment la méthode pour que mon inconscient sache que je respecte ses envies de divaguer, et nous travaillons donc lui et moi en bonne intelligence. Il sait que je ne lui demande pas de produire quelque chose de génial d’emblée, juste de rester concentré sur des tranches raisonnables et qu’il aura le loisir de se reposer régulièrement, de procrastiner à loisir pour satisfaire son petit syndrome de déficit de l’attention. Et depuis, lui et moi, nous avons une relation bien plus harmonieuse et, paradoxalement, productive, parce qu’il est sait quand travailler et quand se reposer.

  1. En maximisant le ROI sur un cash-flow de la timeline buffée du computer online, évidemment.
2019-06-04T20:29:37+02:00mardi 14 février 2017|Best Of, Technique d'écriture|14 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain : minimiser les distractions avec Fluid

Bientôt un an que j’ai (re)mis le doigt dans les produits Apple – après avoir été aussi farouchement que stupidement réfractaire – et que j’ai vu ma productivité s’envoler littéralement, sans parler du plaisir que j’ai retrouvé à utiliser un ordinateur (plaisir disparu depuis longtemps avec mon utilisation de MS-DOS 6 – oui madame – où j’avais toujours eu la sensation de lutter contre mon ordinateur au lieu qu’il m’aide et soit mon fidèle compagnon). Je découvre encore aujourd’hui de petites merveilles d’automatisation, d’optimisation, de nouvelles applications qui me font gagner un temps fou.

Fluid est l’une de ces gemmes. Très simplement, Fluid permet d’encapsuler un site web dans une application autonome. C’est une sorte de « super-signet » qui se lance indépendamment du navigateur et offre la possibilité d’employer le site concerné de façon séparée.

À quoi ça sert ? À réduire les distractions, pardi. La limite entre les applications et le web purement informatif s’amincit toujours davantage. Accéder à une application web sur le navigateur, c’est s’exposer à tous ces onglets laissés ouverts qui réclament l’attention, c’est se tenter avec Facebook ou YouTube au lieu d’écrire (ou autres). Fluid transforme un site en application séparée, ce qui change l’état d’esprit : on utilise le service comme un programme réel, dans une fin précise, au lieu d’ouvrir la boîte de Pandore des autoroutes de l’information multimédia 2.0 participatives et citoyennes.

Je m’en sers tout le temps pour Focus@Will, par exemple, avec lequel je t’ai rabâché les oreilles (ce qui est paradoxal) (si tu ne comprends pas la blagounette, voir ce dont il s’agit), auguste lectorat. Bien que ce soit un site web, Focus@Will trône dorénavant comme une application indépendante dans ma barre de menu, lancée au démarrage de mon Mac, avec une jolie icône, ce qui me dispense de chercher Safari parmi toutes mes applis ouvertes pour trouver le contrôle de lecture. À la manière d’iTunes, je peux lancer et arrêter la musique à mon gré :

Créer une application Fluid est d’une simplicité absolue, il suffit d’entrer l’adresse du site web, de laisser le truc mouliner, et l’on dispose d’une application toute neuve à placer où l’on souhaite :

Cliquez pour agrandir

Utilisant l’adresse du lecteur de Focus@Will, j’obtiens très simplement ce résultat, qui n’est pas une capture d’écran de mon navigateur mais bel et bien le résultat de l’application « Focus@Will.app » que je viens de créer en deux clics :

Et, depuis le menu de mon application, je peux la réduire simplement dans la barre supérieure, comme un simple tableau de bord système :

Fluid a toutefois un petit défaut : jusqu’ici, je n’ai pas réussi à l’obliger à retenir mes informations de connexion concernant un site donné ; à chaque rallumage du Mac, par exemple, je dois entrer à nouveau mon mot de passe dans la fenêtre de mon application Focus@Will. J’ignore si c’est un bug de l’application ou moi qui n’ai pas trouvé la bonne option, mais je ne me soucie guère de ces quelques secondes perdues par rapport à l’efficacité que je retire de l’astuce.

Fluid est gratuit à l’essai (et propose déjà beaucoup de fonctionnalités), la version complète coûte seulement 4,99 $. Je n’ai pas hésité une seule seconde en voyant tout le potentiel du principe ; en fonction des besoins de chacun, je suis sûr qu’il existe des centaines de petites astuces et d’utilisations productives à trouver pour minimiser les distractions.

C’est pour ce genre de gemmes et d’optimisations magiques que je ne regrette pas un seul instant d’être passé sous Mac. Certes, l’achat m’a fait mal au portefeuille, mais je considère que la différence d’investissement m’a déjà été remboursée avec ce que j’ai gagné en plaisir et en efficacité au quotidien.

[Site web de Fluid]

2019-06-04T20:29:30+02:00jeudi 9 février 2017|Best Of, Technique d'écriture|7 Commentaires

L’inconscient, cette machine à régler des problèmes

C’est un peu mon fil personnel dans l’écriture en ce moment : je creuse les mécanismes curieux et inconscients qui président à l’écriture (et toute forme de création). Restant structurel (et m’appuyant donc fortement sur des plans et la préparation de mes récits à l’avance), j’explore néanmoins davantage les aspects du lâcher-prise : c’est une notion que nous avons pas mal abordé avec Mélanie Fazi et Laurent Genefort dans le podcast Procrastination (entre autres avec le double épisode sur le rêve et la création).

Sur le sujet, j’ai raconté une petite anecdote il y dix jours à Decitre Grenoble qui semble avoir bien plu, du coup, la revoici, en version un peu plus étoffée.

L’inconscient est une fantastique machine à résoudre des problèmes : c’est une notion assez bien connue des neurosciences, mais il vient un moment où cette notion passerait presque dans le mystique (je ne dis pas que ça l’est ; mais on peut s’interroger). Un certain nombre d’auteurs décrivent parfois leur travail de création de mondes imaginaires, pas tant comme une invention, mais comme une forme de « souvenir », une recherche du sens « logique », qui s’emboîte avec le reste, avec le projet désiré. Insérez là-dessus l’explication spirituelle ou psychanalytique de votre choix ; je n’en plaque aucune, pour ma part, je constate simplement le mécanisme, à savoir que, concernant Évanégyre, j’ai parfois davantage l’impression d’agir en archéologue qu’en démiurge.

Entre l’anecdote.

Dans Évanégyre, il y a deux nouvelles qui agissent en quasi-miroir l’une de l’autre : « Bataille pour un souvenir » et « Au-delà des murs » (reprises toutes deux dans La Route de la Conquête). Sans spoiler (divulgâcher), « Bataille pour un souvenir » raconte, surprise, une bataille selon le point de vue d’un des camps. « Au-delà des murs » relate le point de vue du camp opposé, après la bataille.

« Bataille pour un souvenir » a été écrite aux alentours de 2007 (de mémoire) puis publiée en 2009 dans l’anthologie Identités dirigée par Lucie Chenu chez Glyphe (le tout premier récit d’Évanégyre à être publié, d’ailleurs, et merci à Lucie à qui je devrai toujours cette première possibilité de présenter cette brique de l’univers au public). À l’origine, la nouvelle était donc parfaitement indépendante ; c’est une règle de l’univers que je me suis fixé peu de temps après, soit l’indépendance des ensembles narratifs. Une nouvelle (comme « Bataille pour un souvenir »), un roman (comme Port d’Âmes), une trilogie (comme « Les Dieux sauvages »), tout cela doit pouvoir se lire parfaitement indépendamment du reste et dans n’importe quel ordre, car chaque récit doit se suffire à lui-même (même si l’on retrouve parfois des lieux, des personnages, voire l’évocation d’événements différents sous des éclairages nouveaux, mais il s’agit du petit bonus pour le lecteur fidèle de l’univers, lequel peut voir, par transparence, émerger un autre récit sous-jacent avec le recul – ce qui est visible notamment sur La Route de la Conquête).

Donc. Avance rapide deux ans plus tard : Stéphanie Nicot m’invite à participer à l’anthologie Victimes & Bourreaux. Une « suite » ou du moins une reprise des guerriers-mémoire de « Bataille pour un souvenir » m’ayant été fréquemment demandée, et le thème de l’anthologie s’y prêtant bien, il me vient l’idée de revisiter la bataille des Brisants. Mais je reste fidèle à mon précepte d’indépendance absolue des ensembles narratifs, et l’écriture de ce qui deviendra « Au-delà des murs » se présente alors comme un défi personnel à relever : reparler d’un événement qui a plu aux lecteurs d’Évanégyre, dans un texte qui pourra les satisfaire, tout en satisfaisant aussi les lecteurs qui découvriraient le monde via cette nouvelle. (Ce n’est pas à moi de dire si ça fonctionne ou pas, mais le blog IfIsDead, à l’époque, n’avait pas du tout vu que le récit participait d’un univers plus vaste, ce qui est pour moi une marque de succès.)

Au moment de l’écriture de « Bataille pour un souvenir », je n’avais donc aucune idée ni perspective de revenir à cet événement ni à ce peuple. Construisant « Au-delà des murs », je suis donc lié par l’écriture de « Bataille pour un souvenir », les événements tels qu’ils y sont décrits, et si l’on pourrait considérer que Thelín Curmerial, le narrateur de ce texte, n’est pas fiable et donc ment, je préfère ne pas abuser de cet artifice narratif et me lier très fermement, au contraire, à sa description de la bataille des Brisants. Laenus Corvath, le vétéran protagoniste d’« Au-delà des murs », s’y trouvait lui aussi ; construisant cette deuxième nouvelle, je dois donc trouver à insérer son propre destin dans le déroulé de l’affrontement. Pas difficile à première vue, après tout, un champ de bataille, c’est vaste, et Thelín et Laenus ne se sont pas forcément croisés.

Sauf que si ; il apparaît très vite que Laenus et Thelín doivent être tous les deux présents au cœur de l’affrontement qui décidera plus ou moins du sort du conflit, l’un dans le rôle du témoin (Laenus, « Au-delà des murs »), l’autre dans le rôle d’acteur (Thelín, « Bataille pour un souvenir »). Là, je me dis que ça va forcément coincer. Au moment d’écrire « Bataille pour un souvenir » par les yeux de Thelín, je n’envisageais absolument pas d’écrire un autre récit autour de cet événement ; ce n’est que trois à quatre années plus tard (en temps d’écriture) que l’idée d’« Au-delà des murs » se présente. Quand je décris la bataille des Brisants du point de vue de Thelín, Laenus n’existe pas encore.

Songeant que cette scène-là sera donc, finalement, impossible, je reprends quand même attentivement le passage concerné de « Bataille pour un souvenir » par acquit de conscience, pour voir si je ne peux pas caser Laenus dans les non-dits de Thelín.

Et là, je tombe – avec un certain vertige cognitif, je dois l’avouer – sur ce passage, décrit par Thelín, au moment de l’affrontement :

Je grimace de dégoût. [L’adversaire de Thelín] tend la main dans le dos et dégaine son arme inhumaine. Je raffermis ma prise sur mon sabre. Derrière Erdani, à moitié dissimulé par le char, un soldat en armure rouge se tient prêt à dégainer.

Et là, comme on dit au Café de Flore, OMG.

Laenus Corvath a toujours été là. Il était là depuis le début, depuis l’écriture, trois-quatre années plus tôt, de « Bataille pour un souvenir ». Je connais suffisamment mes mécanismes internes : ce petit morceau de phrase n’a pas grand-chose à faire là, il ne sert guère de finalité (hormis peut-être l’atmosphère) : j’ai juste suivi l’envie du moment. Surtout, ce soldat n’est pas seulement présent : il est « à moitié dissimulé », signifiant qu’il n’est pas tant un intervenant de la bataille qu’un témoin discret, voire qui ne se trouve pas tout à fait là où il de faudrait (les autres gardes d’élite présents dans la scène – qui sont, eux, à leur place – portent une armure vermeille, comme tous les Valedànay ; celui-là est en armure rouge, c’est un soldat du rang).

J’ai écrit Laenus Corvath dans la scène à une époque où je n’imaginais même pas son existence. Je – le moi conscient, qui croit maîtriser ce qu’il écrit et les histoires qu’il construit – n’y suis absolument pour rien ; cela fait partie des bonheurs ? vertiges ? miracles ? de l’inconscient et de l’écriture. Cela m’a été servi par autre chose.

Je n’ai aucune idée de ce que c’est, mais j’en suis reconnaissant, et je « le » laisse faire. Il y a un côté assez réjouissant et qui rend humble en même temps à comprendre que, malgré toute la préparation et la technique (que je ne désavoue absolument pas), on reste le vecteur de… trucs… qui nous échappent.

La technique en art est indispensable. Mais j’ai toujours pensé qu’elle devait seulement être le support qui donne les outils au créateur de laisser transparaître sa création de la manière la plus limpide qui soit, tant pour le lecteur qui la reçoit, que pour lui-même, en ôtant le maximum d’obstacles dans la réalisation entre le média qu’on s’est choisi et la création brute, ce qui émerge à travers la conscience et qui, pour ce que j’en sais, représente peut-être une transmission extra-terrestre en provenance d’Alpha du Centaure.

2019-06-04T20:29:19+02:00lundi 6 février 2017|Best Of, Technique d'écriture|7 Commentaires

Procrastination podcast ép. 10 : « La place du rêve dans la création (2) »

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « La place du rêve dans la création (2)« .

Après une tentative de définition de l’inspiration et du processus du rêve dans la création, Mélanie Fazi, Laurent Genefort et Lionel Davoust partagent leur expérience et proposent des encouragements ainsi que des techniques pour nourrir l’inspiration. Et il ne s’agit pas que d’exercices d’écriture, mais au contraire de prendre conscience de ses rythmes personnels !

Références citées :
– Stephen King, Écriture
– Elisabeth Vonarburg, Comment écrire des histoires, guide de l’explorateur

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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Bonne écoute !

2019-05-04T18:48:39+02:00mercredi 1 février 2017|Non classé, Procrastination podcast|2 Commentaires

Prix Alain le Bussy 2017

Alain le Bussy. Photo Ifisdead

Une information qui me paraît fortement intéressante pour les auteurs de toute expérience, le prix Alain le Bussy 2017 (ex prix Infini-Galaxies) est ouvert et il est primé (150 euros), avec une publication dans Galaxies et deux ans d’abonnement à la revue. Attention, il est réservé à la science-fiction.

La revue Galaxies organise en 2017 un Prix littéraire : le Prix Alain le Bussy (ex Prix Infini-Galaxies). Ce Prix, offert par la revue Galaxies, est d’une valeur de 150 euros. Toutefois, le jury pourra décider de partager cette somme entre les premiers lauréats. S’y ajoutent une publication dans Galaxies et un abonnement de deux années à la revue. Le Prix Alain le Bussy est ouvert à tous, dans la limite d’un seul texte soumis par candidat.

Les oeuvres soumises seront des nouvelles inédites de science-fiction (les textes relevant de la fantasy, du fantastique ou d’autres genres ne seront pas retenus), d’une taille maximale de 30 000 signes et espaces (trente mille), rédigées en langue française. Le jury est seul juge de l’application de ces critères. Les textes déjà présentés à une édition précédente seront éliminés d’office.

Le jury se prononce au vu de textes rendus anonymes avant leur transmission au jury. Le fait pour un auteur de révéler sa participation, de proposer l’oeuvre à un autre prix ou à un éditeur avant la proclamation des résultats, de se signaler ou de demander à être signalé auprès d’un ou plusieurs membres du jury vaudra élimination. En soumettant leur texte, les auteurs s’engagent à en réserver la première publication à Galaxies ou aux autres revues parties prenantes au concours, avec une exclusivité d’une année. Ils s’engagent également à ce que le texte soit entièrement original, et ne comporte que des citations courtes, attribuées, d’une longueur maximale de 1 000 signes.

Les résultats seront rendus publics lors de la 44e Convention nationale française de science-fiction, en août 2017. Le jury se réserve le droit de ne désigner aucun texte si pas un de ceux qui lui ont été soumis ne lui semble d’une qualité suffisante, et à l’inverse de désigner un second, voire un troisième prix, si la qualité des textes le justifie. Dans ce cas, le second prix sera doté d’un abonnement de deux ans à Galaxies, et d’une publication dans la revue Galaxies ou dans la revue Géante rouge, le troisième d’un abonnement d’un an à la revue Galaxies, et d’une publication éventuelle. Le jury pourra également décerner des accessits.

Ces textes seront envoyés sous forme électronique, en pièce jointe à un message portant obligatoirement le titre « PRIX ALAIN LE BUSSY », sans nom d’auteur ni signe de reconnaissance dans le texte de la nouvelle, et adressé de manière exclusive à lebussy2017@gmail.com. Un accusé de réception sera systématiquement envoyé aux candidats. En cas de non-réception de cet accusé dans un délai de dix jours, adressez une réclamation à galaxiessf@gmail.com.

La date limite fixée pour cet envoi est fixée au 31 mars 2017 à minuit.

Suivre l’actualité du prix : voir sa page Facebook.

2017-01-24T10:59:19+01:00jeudi 26 janvier 2017|Technique d'écriture|2 Commentaires

Jack M. Bickham, Scene & Structure

C’est une petite question posée par mail qui m’y a fait penser : cela fait une éternité qu’il n’y a plus eu de chronique de manuels d’écriture par ici. Réparons donc ce manquement de ce pas.

Scene & Structure, publié en 1993 (non traduit à ce jour), fait partie de ces ouvrages dont le titre revient fréquemment dans les cercles d’écriture anglophones ; pas autant que The Art of Fiction, mais quand même. Scènes et structures, un titre qui va droit au but et qui promet des heures de plaisir aux auteurs qui aiment planifier leur scénario, comme ton humble serviteur, auguste lectorat.

Sauf que cet ouvrage représente un excellent exemple de la dérive ultra-mécaniste de la narration à l’américaine : il expose un modèle assez rigide, une formule à tout faire. De telles prémisses doivent déjà susciter la méfiance – aucune formule n’est universelle en art, c’est pour ça que c’est de l’art et pas des maths –, mais, avec un regard critique, peut-être y a-t-il des éléments à en glaner ?

Eh bien, non seulement la formule exposée dans ces pages est rigide, mais, à mon humble avis, elle n’a pas de sens. Ou, du moins, elle est suffisamment mal exposée pour complètement égarer un auteur peu expérimenté et le faire aller contre son instinct.

Le cœur du propos de Bickham est le suivant : un récit suit un mouvement de balancier entre scene (scène) et sequel (conséquences). Au-delà du bon sens dictant qu’évidemment, toute action narrative est suivie d’effet, il soutient que ces deux temps doivent figurer explicitement dans le récit. La scene est le moment d’action, de conflit, où les protagonistes s’efforcent d’agir pour résoudre le problème que le récit leur pose ; dans la sequel, ils prennent le temps d’assimiler ces bousculements et d’évaluer leurs options pour leur prochain mouvement, ce qui conduit à la nouvelle scene.

En traçant une démarcation aussi tranchée entre les deux temps d’un récit (accélération, respiration), il laisse entendre à la lecture qu’ils sont de nature fondamentalement différente.

Or, je ne crois pas. Du tout.

Le rythme s’accélère ou ralentit, un mystère s’épaissit ou s’éclaire, on respire après qu’on échappe à une tentative d’assassinat ; mais le trajet des personnages reste constamment dicté par leurs impératifs, et leurs décisions varient de manière bien plus organique qu’un rythme binaire tel que Bickham le dépeint. Il faut, en somme, trop de concessions au modèle pour le calquer sur la pratique réelle de l’écriture ; dès lors, il n’apporte pas grand-chose.

Pire encore, Bickham met bien en garde son lecteur contre les sequels vides ou lentes, arguant qu’il faut maintenir la tension narrative, que les sequels ne doivent pas se réduire à un résumé de ce que le lecteur sait déjà, qu’elles doivent inclure une composante d’action afin que les personnages avancent à l’étape suivante – certes. Mais j’affirmerais que, d’une, on se trouve quand même là dans le domaine de l’évidence, de deux, l’expérience montre que les jeunes auteurs ont déjà tendance à récapituler un peu trop souvent les événements passés de leur récit. (C’est normal, surtout au premier jet ; on peine soi-même à trier où l’on en est, et il arrive qu’on répète un peu trop souvent les mêmes choses – éléments qui doivent sauter, avec le recul, aux corrections.) Ce n’est vraiment pas la peine d’encourager ce qui se présente clairement comme un défaut dû au manque d’expérience.

Même pour un structurel, j’avance que le rythme est aussi une affaire d’intuition, de la vie qui naît des personnages quand on parcourt leur trajet à leurs côtés. En présentant ce processus de manière si rigide, Scene & Structure menace de corseter un jeune auteur dans un modèle inopérant et qu’il n’a pas encore l’expérience pour critiquer. Peut-être fonctionne-t-il pour un type très particulier de thriller ou de polar « à l’américaine » ; et encore.

À éviter, donc. À part une discussion vraiment intéressante en tête d’ouvrage sur les causes et les conséquences en narration, les jeunes auteurs risquent d’être déboussolés, et les plus expérimentés, il me semble, ne pourront que désapprouver le propos.

2019-06-04T20:35:59+02:00jeudi 19 janvier 2017|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires
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