Procrastination podcast s05e16 – Les mises en page hors normes

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e16 – Les mises en page hors normes“.

Jouer avec les polices, déstructurer le texte, ajouter des croquis, des illustrations : jusqu’où peut-on aller avec la mise en page ? Et est-ce seulement indiqué ? Lionel bassine tout le monde avec La Maison des feuilles (mais difficile d’aller plus loin que ça), tout en affirmant que derrière toute expérimentation, il faut penser à sa finalité et à ce qu’elle sert. Mélanie n’est pas contre quelques jeux purement gratuits, mais ramène quand même leur pertinence au projet dans lequel ils s’inscrivent et à la maîtrise technique qui va derrière. Estelle rappelle l’intérêt de la portabilité du roman et du texte, et développe le rôle des témoignages type messages, coupures de journaux, extraits de conversation Internet qui peuvent émailler un texte.

Références citées

– John Cage

– Mark Z. Danielewski, La Maison des feuilles

– Johan Scipion, « Le Terrier »

– James Ellroy

– Brandon Sanderson, « Les Archives de Roshar »

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2021-05-17T18:05:51+02:00lundi 3 mai 2021|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e16 – Les mises en page hors normes

Des routines d’écrivains (dont la mienne)

Cyril Destoky s’est lancé sur son compte Instagram dans une entreprise très intéressante (et qui rend bien graphiquement, ce qui est une bonne idée) (pour Instagram, allez, suivez quoi) : compiler des routines et des organisations d’écrivains, en plus de ses conseils et recommandations. Du coup, si vous êtes curieux ou curieuse, pour ma part, ça ressemble à ça :

(Je suis très touché par les mots de présentation de Cyril.)

Donc ouais, je fais de l'”autre travail” le matin (comme écrire ces mots, produire Procrastination, remplir des déclarations absurdes mais obligatoires), parce que, vue la manière dont mon cerveau est vissé, je peine à avoir l’esprit libre pour écrire si je n’ai pas la sensation d’avoir évacué des affaires courantes qui pressent. Cela fait des années que j’essaie d’inverser, de commencer la journée par écrire et de ne passer au reste qu’une fois mon quota rempli, mais je ne réussis toujours qu’à tenir cette promesse que quelques mois au mieux. (Je reparlerai de la manière dont mon cerveau est vissé probablement l’année prochaine, parce que je pense que cela peut aider du monde.) Mais le time-blocking me permet globalement de garder la main sur les rênes et de m’assurer que je ne tombe pas dans des failles spatio-temporelles à poursuivre des chimères pendant des heures sans m’en apercevoir.

Hé, il y a aussi Mélanie Fazi (et mon petit doigt me dit qu’on devrait voir aussi Estelle Faye et Laurent Genefort) :

Bon, y a aussi un certain Flaubert, mais je ne vois pas quelle importance il peut avoir, il n’écrit pas de SF1.

Terminons sur ce joli petit mot d’encouragement.

  1. Votre attention s’il vous plaît, c’est une blague, je répète, c’est une blague, désarmez les toboggans, contrôlez les vis-à-vis
2020-12-15T10:31:15+01:00mercredi 16 décembre 2020|Entretiens|Commentaires fermés sur Des routines d’écrivains (dont la mienne)

Au travail ! (Pep talk NaNoWriMo)

Par un étrange concours de circonstances sanitaire, le NaNoWriMo (ou DRoMA en bon français – bravo pour cette initiative, à suivre ici !) se déroule donc en confinement, ce qui s’y prête donc peut-être bien (fonction de votre situation précise). En 2013 (gloups) on m’avait demandé un pep talk – soit un discours de motivation ? De sergent instructeur ? Un massage de dos ? – pour le NaNo, justement, mais le site concerné a depuis disparu. Donc : revoici.

Au travail !

Vous l’avez peut-être déjà entendu : il n’y a pas de vérité absolue en art, il n’y a donc pas de méthode en création. Pas d’autre méthode que la vôtre, qui sera le fruit de vos expérimentations, de vos aventures et surtout de ce que vous goûterez, et de la façon dont cela vous fera mûrir. La seule façon d’apprendre à écrire consiste à vous connaître ; la seule façon d’apprendre à vous connaître consiste à écrire.

Il existe en revanche une vérité cardinale. C’est la persévérance. Bossez comme vous l’entendez. Mais BOSSEZ.

Bossez dans un café bondé ou isolé(e) chez vous dans le silence. Bossez dans la sérénité ou en vous tapant la tête contre les murs. Bossez dans les interstices de votre vie, bossez en vous ménageant de grandes plages de temps, bossez sur un smartphone ou un cahier relié de cuir, avec un synopsis, sans synopsis, en vous octroyant une pause au calme, en écrivant pendant un forcené douze heures d’affilée.

Mais, quoi qu’il arrive : BOSSEZ, sans relâche, de la manière qui vous ressemble aujourd’hui (qui ne sera peut-être pas la même demain).

Réfléchissez à ce dont vous avez besoin, mettez-vous en accord avec vous-même, écrivez, raffinez la formule, recommencez.

Créer, c’est dur. Écrire, c’est de la folie. Mais c’est de la magie, et c’est pour ça que vous êtes là. Pour faire naître votre histoire, pour vous immerger dans la vie de personnages et, peut-être, jouer des émotions de vos futurs lecteurs en virtuose, les faire passer par le rire et l’angoisse, par la peine et le triomphe.

Toutefois, nul autre que vous n’a décidé de se lancer dans cette galère, celle de la littérature en général et celle du NaNo en particulier. Et, plus important, nul autre que vous, si vous êtes honnête avec vous-même, si vous allez chercher au fond de vous la vérité qui n’appartient qu’à vous, ne peut dire ce que vous avez à dire. Si vous laissez vos histoires au fond de vous-même, nul ne les racontera pour vous.

Vous êtes seul(e) redevable de votre engagement envers vous-même. Vous vous êtes fait cette promesse. Et pour y parvenir, au fond, il n’y a pas de recette, pas de miracle : il y a de l’effort, de l’entêtement, du serrage de dents, quelques pétages de plombs, de la déprime et de l’extase.

Mais j’ai une bonne nouvelle : c’est normal. C’est le métier. Rassurez-vous. Est-ce que ça ira mieux avec le temps ? Probablement pas. Mais vous saurez une chose : que vous en êtes passé(e) par là, que vous avez survécu, fini, et continué.

Et c’est pourquoi, ce que vous ne devez pas faire, c’est baisser les bras. Vous dire que vous n’y arriverez jamais. (Ou alors, juste un peu. Mais pas longtemps. Prenez un chocolat chaud. Pleurez sur l’épaule de votre mère. Soufflez un peu. Jouez à Mario Kart. Mais ensuite : retournez dans l’arène, le couteau entre les dents, et faites rendre ses chapitres à votre histoire.) Ce que vous devez faire, c’est toujours remonter en selle. C’est insister. Ne vous arrêtez pas. Parce qu’au cœur de l’écriture, il n’y a jamais que cela : l’acte d’écrire, de rester devant la page, et d’aligner les mots. Derrière toute la théorie littéraire du monde – qui a son utilité et fait gagner des années de réflexion, ne vous y méprenez pas – il n’y a toujours qu’une personne, face à la page, qui écrit, sans s’arrêter, et qui, un jour, finit son livre.

Nul ne vous regarde. Nul ne vous relira si vous ne le souhaitez pas. Vous pourrez toujours retravailler plus tard. Alors, laissez-vous aller. Tentez, osez vous planter. Persévérez, même et surtout si ça vous paraît nul, incohérent, plat, pas crédible. Ne revenez pas en arrière. Ne corrigez pas. Notez peut-être sur une feuille à part ce qu’il faudra rattraper ; mais, pour l’heure, avancez.

Pour corriger, il faut avoir une base de travail, et c’est exactement ce que vous êtes en train de construire : ramer, grogner, défricher dans la sueur et une possible consternation le territoire vierge de votre histoire, pour disposer ensuite de matière. Mais vous ne pourrez rectifier le voyage qu’en l’ayant déjà accompli. Ce premier trajet n’est pas parfait. Mais ce n’est pas le but. Le but, c’est savoir les questions que votre histoire pose pour réfléchir ensuite aux meilleures réponses à leur apporter.

Alors, par tout ce qui est juste et bon, ne visez pas la perfection. Avancez, c’est tout. Insistez, toujours. Terminez ce fichu premier jet. Ne lâchez pas ; soyez celui ou celle qui tient bon quand tous les autres abandonnent. Ayez ce courage. Lâchez Facebook, laissez tomber la vaisselle, cloîtrez-vous et ne répondez plus au téléphone s’il le faut. Mettez des mots sur la page. Au bout du compte, malgré toute la technique narrative amassée – qui a sa valeur –, c’est cette persévérance qui est la seule à pouvoir vous conduire au bout de la route. C’est la règle de l’écriture n°1 de Robert Heinlein :
« Tu dois écrire. »

S’il n’y a vraiment qu’une seule chose à savoir, c’est celle-là.

PS : Si vous ne rencontrez aucune des difficultés susnommées, félicitations ! Bravo, et bon NaNo ! Par ailleurs, sachez que je vous hais. Gros bisous.

2020-11-02T12:41:12+01:00mardi 10 novembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Au travail ! (Pep talk NaNoWriMo)

Procrastination podcast s05e04 – La course à la perfection

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e04 – La course à la perfection“.

Les innombrables ouvrages de développement personnel et les conseils sur Internet tendent à accumuler les injonctions et les recommandations pour une vie saine – promettant donc une écriture saine. Cette quinzaine, passage au microscope de cette tendance, et de son ancrage dans la réalité ; car Estelle relève qu’un certain nombre de jeunes auteurs ont peut-être une vision fantasmée de la vie d’auteur qui peut prendre le pas sur l’acte même d’écrire. Mélanie rappelle qu’il n’y a pas de méthode absolue, et qu’il est capital de connaître son propre fonctionnement ; Lionel, qui est davantage immergé dans les techniques de productivité, rappelle que toutes les injonctions ne sont que le symptôme d’une vraie cause : comment réserver du temps et de l’énergie pour écrire ?

Références citées :
– Le coût cognitif de changer de tâches et faire plusieurs choses à la fois : https://www.apa.org/research/action/multitask
– S’organiser pour réussir, la méthode Getting Things Done, David Allen
– zettelkasten.de
– Ableton Live
– Big Magic (Comme par Magie), Elizabeth Gilbert

Procrastination est animé par Mélanie Fazi ( https://www.melaniefazi.net ), Estelle Faye ( http://www.estellefaye.fr/ ) et Lionel Davoust ( https://lioneldavoust.com ). Diffusion : Elbakin.net.

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2020-11-15T10:57:22+01:00lundi 2 novembre 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e04 – La course à la perfection

Procrastination podcast s04e17 – Écrire tous les jours

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s04e17 – Écrire tous les jours“.

(Épisode enregistré en confinement.)
C’est un conseil classique qui se retrouve partout et sous bien des formes, parfois prôné comme règle absolue, mais aussi battu en brèche par les professionnels : cette quinzaine, désassemblage de l’injonction !
Mélanie rappelle que tout le monde n’a pas le même rapport à l’écriture, donc que le conseil ne peut s’appliquer à tout le monde ; le seul contexte où elle y trouve une valeur réelle est dans l’avancée régulière sur un projet au long cours. Lionel replace les intentions derrière l’injonction : elle s’adresse premièrement aux débutants qui ont besoin de discipline et de trouver la place d’écrire, mais c’est pour lui le fait de « toucher son projet » qui compte davantage que d’écrire. Enfin, Estelle vante les vertus de la pause et du fait de s’aérer l’esprit, mais rappelle que l’on n’a pas toujours des conditions idéales pour créer. C’est là qu’un ou une professionnel.le œuvrera à créer les conditions qui lui permettront de poursuivre son métier et à transcender les circonstances négatives.

Références citées
– Steven Pressfield, La Guerre de l’art
– Stephen King, Écriture
– American Conservatory Theatre (San Francisco)
– Robin Hobb
– Le Limousin

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2020-10-19T11:35:15+02:00lundi 15 juin 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s04e17 – Écrire tous les jours

Procrastination en confinement : les prochains thèmes de la saison 4

Défi réussi ! (En même temps c’était pas la mort, à peu près tous les podcasts de la Terre enregistrent à distance, nous faisions partie des rares dinosaures à nous retrouver en vrai avec un magnéto numérique entre nous.)

Donc, en période de confinement, nous avons ressorti nos casques de gamerz, nos micros de l’époque Sacrée Soirée, et :

(Montage Mélanie Fazi)

… nous avons six épisodes de plus dans la boîte, ce qui conclut pour nous l’enregistrement de la saison 4. Au programme des semaines à venir :

  • 15 avril : L’identification du lecteur au personnage
  • 1e mai : Décider que c’est terminé
  • 15 mai : Tell, don’t show
  • 1e juin : Les réactions des éditeurs
  • 15 juin : Écrire tous les jours
  • 1e juillet : Retours des poditeurs 07

Nous rempilons d’ores et déjà pour une saison 5 (déjà…) qui débutera, comme toujours, le 15 septembre. Et cette expérience nous a ouvert quelques horizons que nous allons explorer… Restez à l’écoute !

2020-04-12T15:34:05+02:00mercredi 8 avril 2020|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Procrastination en confinement : les prochains thèmes de la saison 4

Persister, chaque jour (Steven Pressfield)

Je l’avais envoyée aux abonnés de la lettre d’informations, mais je me rappelle si souvent cette citation, alors que ma date de finalisation pour L’Héritage de l’Empire arrive à grands pas, et surtout, j’ai pu tellement en vérifier la vérité :

[W]hen we sit down day after day and keep grinding, something mysterious starts to happen. A process is set into motion by which, inevitably and infallibly, heaven comes to our aid. Unforeseen forces enlist to our cause; serendipity reinforces our purpose. This is the other secret that real artists know and wannabe writers don’t. When we sit down each day and do our work, power concentrates around us. The Muse takes note of our dedication. She approves. We have earned favor in her sight. When we sit down and work, we become like a magnetized rod that attracts iron filings. Ideas come. Insights accrete.

Steven Pressfield, The Art of War

(Livre chroniqué ici.)

Le plus difficile dans l’écriture est souvent de s’y mettre. Mais dès que l’on prend la résolution sincère de le faire, réellement, ou que l’on prend au moins soin de maintenir le projet présent à son esprit, alors les efforts de chaque jour s’accumulent et le total est supérieur à la somme des parties. Combien de sessions ai-je entamé à reculons pour découvrir une super idée une heure plus tard, qui valait à elle seule l’effort ? N’aurait-il pas été dommage de céder à la Résistance, aux bonnes excuses, au fait de me dire que “je ne suis pas dans l’esprit aujourd’hui” ?

Est-ce facile ? Oh diable, non. Mais j’ai décidé que c’était important. Alors, je le fais, quoi qu’il arrive. En ce qui me concerne, c’est ainsi qu’au bout d’un moment, je me retrouve avec une nouvelle, un livre, une saga écrits. (… et j’en suis souvent le premier étonné, pour tout dire.)

(J’avais dit que je partagerais des choses plus brèves et aléatoires ici cette année. Considère, auguste lectorat, que c’est une tentative en ce sens.)

2020-01-22T00:53:24+01:00mercredi 22 janvier 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Persister, chaque jour (Steven Pressfield)

“Touche ton manuscrit tous les jours” : vous savez, c’est si vous voulez, hein

Cette femme peut écrire malgré l’hypoxie de 4000 m d’altitude. Et toi, qu’as-tu fait aujourd’hui, HEIN ? (Photo Tyler Nix)

Comme je vois ce truc refaire régulièrement surface dans mes mentions alors qu’il a plus d’un an, je me disais que je pourrais revenir dessus. Le truc en question est l’article “La seule habitude indispensable de toute pratique créative” – avec un enthousiasme probablement empreint de candeur (mais si l’on ne peut pas être un peu candide et joyeux dans les pratiques artistiques, je doute qu’on puisse l’être en remplissant un formulaire estampillé Cerfa), je développais et adaptais à mon sens le conseil fréquemment répandu “écris tous les jours” en “touche ton projet en cours tous les jours” (parce que ça te permet de prendre une bonne habitude, de conserver le lien avec ton projet et de combattre la procrastination – pas le podcast, hein). C’est à mon avis – je n’ai jamais prétendu dire vrai, mais uniquement donner un point de vue – c’est la nature d’un, vous savez, blog.

Or cet article a suscité quantité de réactions positives, mais aussi une frustration, voire une violence qui me laissent songeur (et je constate que ça gratte du monde encore aujourd’hui). Des tas de réactions ultra enthousiastes ravies de lire ça ; ce qui est merveilleux (et merci). Mais aussi quelques hostilités franches et nettes (jusqu’à un tombereau d’insultes venu de nulle part reçu en privé et qui m’a laissé groggy). Beaucoup se sentent obligé.es d’argumenter en détail que non, ça n’est pas vrai, ça n’est pas nécessaire, on travaille différemment, etc.

Vous savez quoi, les amis ? Je ne suis le père de personne (j’ai travaillé jusqu’ici très dur pour éviter que ça arrive). By all means, si vous travaillez différemment et que vous terminez les projets qui vous tiennent à cœur dans de bonnes conditions, c’est parfait. J’ai toujours répété en atelier qu’avant toute chose, apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître. Nul n’a de compte à rendre à personne. Vous n’avez pas besoin de revenir vers moi pour m’expliquer à quel point j’ai tort, y compris un an plus tard. Et si j’étais un enfoiré (et je vais donc l’être un peu), je pourrais dire : d’où vous vient ce besoin ? Qui cherchez-vous à convaincre, au juste ?

Si je dis “touche ton projet tous les jours”, c’est que d’une : cela a aujourd’hui un impact positif sur mon propre travail (voir caveat plus haut) et de deux : les jeunes auteurs ont fréquemment besoin d’un déblocage. Combien de fois entends-je “je veux écrire, mais j’ai pas le temps” ? Si, mon pote, tu l’as : écris une phrase par jour, tu peux bien le faire, non ? L’implicite étant : non, tu n’as pas besoin d’avoir quatre heures devant toi car d’une, tu ne les auras que rarement voire jamais, de deux, tu peux progresser sur ta décalogie un mot à la fois. En résumé : tu as le droit de te détendre. Et c’est le truc le plus important qui soit pour créer, je pense.

On me répond parfois “si ces gens veulent écrire, ils trouveront le temps, la motivation, sinon tant pis”. Selon l’humeur, on peut considérer que c’est soit a) une vision très bukowskienne de l’écriture (voir la vidéo plus bas), b) une vision très égoïste en mode “en vrai, qu’ils se démerdent”. Soyons clairs : en ce qui me concerne, je ne règle les problèmes de personne ; ce n’est pas moi qui vais écrire les bouquins des gens à leur place et ce temps, il faut quand même qu’ils l’investissent. Juste : je m’efforce de transmettre ce que j’aurais aimé entendre étant plus jeune (je constate avec les années que j’ai apparemment cette étrange faculté de me rappeler nettement comment j’étais plus jeune – mais c’est peut-être parce que j’étais déjà vieux). Cela a toujours été ma ligne directrice ici. Je voyage dans le temps, mais à l’endroit. (C’est hyper novateur.)

Toucher son projet tous les jours, pour moi, c’est comme la méditation ou la musculation : de petites habitudes de ce genre s’additionnent les unes aux autres et la régularité entraîne des bénéfices exponentiels. Je le dis parce que je pense que ça fait du bien, comme avoir l’esprit libre et un corps capable de faire à peu près ce qu’on lui demande dans la limite du raisonnable. Après, personne n’est obligé de faire l’un ou l’autre. Chacun ses responsabilités. Et plein de gens mènent des vies parfaitement saines sans faire l’un ou l’autre. Parfait ! Mais j’imagine que la réaction est la même : je tiens le rôle de l’emmerdeur qui rappelle qu’on devrait manger plus de salade verte ou arrêter d’insulter le conducteur qui vient de nous faire une queue de poisson. Eh bien, auguste lectorat, par la présente, sache que j’ai toujours pensé que tu faisais ce que tu voulais, que tu n’as pas de comptes à me rendre, et que tant que tu es content de ta façon de faire et qu’elle fonctionne, c’est parfait ; et si ce n’est pas le cas, tu peux y travailler si tu le souhaites et aussi déboucher sur une autre solution que la mienne. Tant que tu es content ! Churchill a tenu un pays sous les bombes en fumant comme un cendrier. Il aurait pu arrêter de fumer, mais bon, il a eu des résultats, quoi.

Il s’agit juste de trouver comment écrire du mieux possible ce que l’on porte en soi – et ce, seulement si on veut le faire.

Je dis juste qu’il faut pas venir chouiner sur le manque de résultat si on n’écrit jamais. Non seulement j’approuve à 100% la vidéo qui suit (encore merci pour la recommandation, @elatheod) mais elle m’a fait un bien fou. Si ça vous fait du bien aussi, c’est cool. Et si non, cherchez juste votre manière, à vous, de vous faire du bien1.

  1. Et soyez pas dégueulasses.
2019-06-01T14:41:33+02:00jeudi 21 juin 2018|Best Of, Technique d'écriture|34 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017

Yeepee ! Auguste lectorat, je te propose cet été encore, comme en 2012 et en 2015, d’écrire régulièrement, pour le plaisir, sur une petite contrainte qui n’est pas à prendre au pied de la lettre : c’est un déclencheur, c’est-à-dire qu’il ne sert qu’à lancer ton imagination, à la nourrir, et à te donner envie de partir là où tu le souhaites. J’ai argué que la meilleure habitude de la création consiste à toucher son projet tous les jours, un petit peu, car il me semble que la régularité est supérieure au volume – la régularité permet de conserver le lien avec son envie, son histoire, et donc d’éviter les difficultés inhérentes à la remise du pied à l’étrier. Évidemment, régularité et volume, c’est encore mieux, mais si l’on doit choisir (surtout quand on ne peut consacrer tout son temps à sa pratique créative), je pense qu’il faut pencher vers le premier. (Caveats d’usage, hein, je ne refais pas l’article.)

Donc, cet été encore, je propose la consigne suivante : vingt-cinq minutes d’écriture par semaine à partir d’une liste de dix éléments avec un thème commun. Choisissez celui qui vous parle, qui vous branche, qui vous intrigue. Combinez-en plusieurs. N’en prenez aucun mais partez sur une tangente qui vous amuse. Tirez-en un avec un dé à dix faces. Combinez-les tous. Peu importe.

L’idée, c’est d’écrire de façon décomplexée, sans interruption, sans correction, sur un laps de temps de taille raisonnable (il n’est pas question d’écrire une décalogie ni même une histoire complète). Les plus attentifs parmi vous auront reconnu que vingt-cinq minutes, c’est la durée d’un pomodoro, et que vous aurez ensuite bien mérité cinq minutes de pause… pour continuer ensuite, peut-être, pourquoi pas ? Le prix Nobel de littérature est au bout de la route. (Promesse non contractuelle.)

On ne commence pas encore cette semaine, car cette semaine, auguste lectorat, tu as un exercice à faire. Tu dois regarder ton emploi du temps et tu dois trouver un créneau avec ces vingt-cinq minutes dans la semaine pour le consacrer à ton écriture. Tu éteins le chien et les enfants, tu dis à ton téléphone d’aller jouer dans le jardin. Si ton désir d’écrire est sérieux et authentique, tu trouveras ces vingt-cinq minutes, et tu en feras un espace sacré. Je sais, ça fait peur, mais rien ne s’écrira tant que tu ne mettras pas tes doigts sur le clavier pour faire quelque chose. On s’en fout que ce soit génial, ça ne le sera pas, les premiers jets ne le sont quasiment jamais. Il s’agit de faire, de se connaître, de se comprendre, de chercher l’inspiration, le plaisir, de se lâcher. Il faut se mettre au boulot, et tu n’as pas le droit de dire que tu n’as pas le temps.

Parce que ce n’est pas que tu n’as pas le temps : tu as peur. Je comprends. Je vais te dire un truc : nous avons tous peur. (Quasiment tous. Il y a aussi des fous. Enfin, des plus fous encore. Ou moins ? Je ne sais plus.) C’est pour ça que je te laisse une semaine pour te retourner, prévenir ta famille que non tu n’es pas mort si tu ne réponds pas dans la minute à tes messages Facebook. Tu fais un truc méga plus important : tu travailles pour toi.

Alors, va définir ton espace, acheter ton Moleskine préféré, acheter ce stylo plaqué titane de carbone dont tu as tellement envie, et on se retrouve lundi prochain pour bosser.

Quoi ? Qu’est-ce que c’est… ? “Oui, mais…” Non. Il n’y a pas de mais. Fais-le, ou ne le fais pas. Il n’y a pas d’essai.

2017-07-09T12:00:23+02:00lundi 10 juillet 2017|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017

La seule habitude indispensable de toute pratique créative

On entend régulièrement dire que l’écriture est un muscle qui se travaille. On entend toujours dire qu’il est difficile de trouver du temps pour s’y consacrer avec les impératifs du quotidien. Il semble que la plus grande difficulté pour une majorité d’auteurs, quel que soit leur niveau d’expérience, leur habitude, leur facilité, reste toujours de rassembler la volonté d’affronter ce qui, par nature, est anxiogène : une page où il n’y a rien, un parcours inconnu et incréé, où il faut tracer un chemin unique, imparfait, qui sera appelé en plus à quantité de corrections ultérieures. (On a parlé récemment de l’angoisse de la page blanche dans Procrastination, d’ailleurs.)

Je veux dire, y a de quoi déprimer. Et pourtant, quelle joie dans les moments de fulgurance, et même hors de cela, quel sentiment de nécessité et de justesse une fois une scène, un chapitre, un livre achevés au mieux de ses efforts.

Il est temps pour un aveu (que je ne suis pas le premier à faire) : c’est une situation contre laquelle j’ai toujours lutté, et qui n’a d’ailleurs fait qu’empirer au fil du temps, à mesure que les enjeux s’accentuaient (ce dont je suis immensément reconnaissant, bien sûr !). Bien qu’étant à plein temps sur les métiers de création, l’écriture en tête, j’ai longtemps ressenti cette appréhension désagréable le matin au moment de me replonger dans un manuscrit, plus encore après une coupure de quelques jours (pour un festival ou même, bêtement, pour un week-end). Que vais-je y trouver que j’aie pu oublier ? À quel point vais-je tout devoir refaire parce que les idées d’hier qui semblaient géniales apparaîtront en fait pourries trois jours après ? (J’étais en général plutôt positivement surpris, mais la seule appréhension de poser les yeux sur le travail de la veille pouvait me faire tomber dans des stratégies élaborées de procrastination.) Je finissais toujours par avancer, par remplir mon quota de signes, et je lisais partout que je n’étais pas seul dans cette galère – quantité d’auteurs, les pros en particulier, décrivent ce mécanisme. Dans les mots de William Gibson : “I very much enjoy the state of having written“.

C’était donc, me disais-je, une composante du métier, un mal nécessaire avec lequel s’arranger, pour lequel – très important – il ne me fallait ressentir aucune culpabilité, aucun syndrome de l’imposteur. Difficile quand on est seul face à son manuscrit pendant des mois, plus difficile encore quand on voit, de loin en loin, des auteurs quasiment qualifiés de graphomanes, qui professent n’éprouver aucune difficulté à attaquer leur manuscrit, qui volent le moindre instant pour écrire ne serait-ce que deux lignes. J’ai vu Brandon Sanderson dans un court voyage en train dégainer son ultraportable et se mettre à écrire avec abandon. J’ai vu des auteurs américains aux Utopiales profiter d’un trou dans leur emploi du temps pour retourner écrire à l’hôtel. J’ai entendu dire qu’Isaac Asimov s’était fait fabriquer une paire de bretelles spéciales pour transporter sa machine à écrire dans les voyages en voiture et ne pas perdre ce temps d’écriture-là. Quels héros ! Quelle chance ! Différence de constitution, me disais-je. Je professe toujours qu’apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître : moi, j’éprouve cette angoisse existentielle à chaque manuscrit, c’est comme ça, l’écriture me sera toujours partiellement douloureuse, embrasse la douleur, mec, apprends à l’aimer mode G.I, crie “oh oui, livre, fais-moi du mal” et avance avec un sourire un peu halluciné, la sueur au front. Tant pis ; c’est comme ça.

Ma petite voix obsédée par la productivité et l’optimisation ne pouvait s’empêcher de se dire : il doit exister un meilleur moyenTu as publié plus de trente nouvelles, tu vas approcher de la barre des dix bouquins, donc tu dois commencer à savoir un minimum où tu vas, alors : trouves-tu normal d’avoir l’impression de labourer un champ de cailloux avec ton cerveau tous les matins ? Peux-tu conserver l’exigence et la méthode tout en abaissant le seuil de l’anxiété ? Est-il possible de pouvoir se mettre à écrire dans la moindre fenêtre de temps libre sans avoir besoin de deux heures pour entrer en état de flow ? Au-delà de ça : est-il bien professionnel de vivre cette tension au quotidien quand tes facultés, ta créativité, sont tes outils de production principaux (au sens très basique de la manufacture industrielle) ?

Non, évidemment.

Il doit exister un meilleur moyen. 

Il y en a un, évidemment, sinon je ne raconterais pas tout ça, et attention, je n’ai inventé ni l’eau tiédasse ni le fil à couper le beurre fondu : c’est un conseil ancestral qui est régulièrement donné de loin en loin, mais qui me paraît mal exprimé, et surtout mal démontré ; il a seulement l’air d’une formation à l’état d’esprit, un tremplin pour les auteurs faisant leurs premières armes. Mais il est excellent, si on prend le soin de se l’approprier et d’y ajouter rien qu’une composante pourtant évidente.

Voici le raisonnement. Attendu que l’écriture est un muscle, ce qui concerne :

  • La pratique de l’écriture pure (la narration, le style, formuler simplement des phrases les unes après les autres) – la simple technique de l’artisan ;
  • L’immersion dans un projet : l’élan de l’histoire, la connaissance intime des personnages, le maintien délicat des équilibres, la préfiguration de ce qui vient.

Il faut travailler le muscle tous les jours. Duh.

Il faut écrire tous les jours, mais attention : pas n’importe quoi, et pas dans n’importe quelle condition. L’idée m’a été inspirée par Kourosh Dini dans Creating Flow with OmniFocus (on a parlé d’OmniFocus ici) qui évoque son prof de piano, lequel lui donnait une seule et unique recommandation à ne jamais briser : touche le clavier tous les jours. C’est-à-dire, fais la démarche d’aller devant le piano, de ne jouer peut-être que trente secondes, mais fais-le. Cela envoie un signal fort à ta psyché :

  • Ceci est une priorité absolue de ton existence à laquelle tu ne déroges jamais ;
  • Le seul effort sur lequel tu te concentres, c’est créer le contexte de ta pratique ;
  • Tu n’as aucune obligation de résultat, seulement une obligation de moyens : te mettre devant le clavier.

En conséquence, ce principe transposé à l’écriture devient :

Touche ton histoire tous les jours. 

Parce qu’il ne s’agit pas d’écrire n’importe quoi – et c’est là que l’idée d’écrire tous les jours est incomplète. On peut procrastiner sur l’écriture d’un récit en écrivant simplement autre chose. Non : il s’agit de toucher son manuscrit, et là, peu importe la tâche : construire une scène, en corriger une précédente, et évidemment progresser dans l’histoire. Pour ma part, je me fixe en déplacement, tout particulièrement en festival (où, en général, je n’ai pas une seule seconde pour souffler) une règle très simple : écrire une phrase par jour.

Une phrase par jour, c’est une poignée de secondes. Je peux bien trouver une poignée de secondes, non ? Eh, toi, là, derrière ton écran, ne me dis pas que tu ne peux pas trouver une poignée de secondes. Je ne déroge jamais à cette règle, et aussi simpliste que ça paraisse, cela a des effets prodigieux sur mon état d’esprit, ma disponibilité, ma capacité à progresser. Toute l’idée n’est pas dans cette phrase rédigée, mais dans la démarche mentale de conserver, toujours, un lien avec mon projet, quelle que soit ma surcharge de travail, y compris et notamment dans les déplacements. Et quelle que soit l’heure. (En Islande, bien que tombant de sommeil un soir, j’ai allumé le MacBook à 23h30 dans mon lit, allumé Scrivener, écrit ma phrase, et l’ai éteint. J’étais content. Rentré à deux heures du matin de Saint-Malo samedi soir, j’ai néanmoins lancé Scrivener et travaillé dix minutes.)

La preuve ? Quand nous avons donné la masterclass des Imaginales avec Jean-Claude Dunyach cette année, nous avons proposé aux stagiaires quelques petits exercices d’écriture d’une dizaine de minutes. Dans ces dix minutes, j’ai dégainé mon iPad et écrit (suscitant la fascination des stagiaires). Il y a quelques semaines, pendant une séance de dédicaces un peu molle, lors d’une accalmie du public, j’ai dégainé mon iPad et écrit (suscitant la stupéfaction de mes collègues). Je peux rentrer ainsi 5 000 signes sans les voir passer. La barrière d’entrée s’est prodigieusement abaissée parce que je ne perds plus jamais le contact avec mon projet, ce qui était le cas quand je ne pouvais pas écrire pendant quelques jours (lors des salons, dédicaces, ou simplement parce que les tâches administratives s’imposaient pendant un jour ou deux) et rendait la remise au boulot difficile. Un train, un avion – même une course en ascenseur – je peux sortir mon iPad, mon iPhone, écrire une phrase.

C’est très étrange : je suis devenu l’un de ces auteurs graphomanes que j’admirais et enviais secrètement, et je comprends à présent le mécanisme fondamental de cette graphomanie – on ne le fait pas parce qu’on est graphomane, on le fait parce qu’on a peur de ne plus pouvoir l’être si on s’arrête. Voilà le secret, auguste lectorat.

Si tu dois changer une seule chose dans tes habitudes, si tu dois suivre un seul, un unique de mes conseils sur ce site, crois-moi, je t’en prie, fais cette expérience transformative – je me sens tellement stupide de ne pas avoir essayé plus tôt, j’ai presque honte de l’écrire, mais je me dois de le partager tant c’est fondamental : touche ton histoire tous les jours.

Aucune, AUCUNE dérogation.

Cela changera ton approche de l’écriture et la joie de ta pratique. Je te le promets.

2019-11-28T22:02:41+01:00jeudi 8 juin 2017|Best Of, Technique d'écriture|39 Commentaires

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