Procrastination podcast s07e02 – Organiser ses notes d’écriture

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e02 – Organiser ses notes d’écriture“.

La création est un processus de défrichage, où se mêlent des inspirations, des recherches et des fragments ; l’écriture consiste à évaluer, développer et ordonnancer ces éléments dans l’exécution du récit. Quelles techniques et astuces pour prendre et organiser ses notes dans la construction d’un projet romanesque ? L’approche de Mélanie : ne pas en avoir ! Ou éventuellement seulement des fragments chaotiques qui évoquent atmosphères et ambiances. Estelle adore les notes, et dévoile sa méthode de construction à base de carnets de notes, d’inspirations photographiques, d’annotations dans des livres pour développer ses projets parfois sur plusieurs années. Lionel explique quant à lui la méthode dite du Zettelkasten, la meilleure qu’il ait trouvée pour épouser l’émergence organique présidant aux projets artistiques.

Références cités

– Stellarium, https://stellarium.org/fr/

– Niklas Luhmann et le Zettelkasten, https://zettelkasten.de

– Obsidian, https://obsidian.md

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Bonne écoute !

2022-10-14T22:06:45+02:00lundi 3 octobre 2022|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e02 – Organiser ses notes d’écriture

Un compendium d’émojis pour indiquer le degré d’élaboration des idées

J’aime les émojis. D’une part parce que c’est standard et que c’est beaucoup plus pratique pour indiquer son humeur que les anciens codes de smileys où se mêlaient les version occidentales :) et asiatiques ^^. Mais aussi parce que, pour constituer des repères visuels dans des notes, c’est suprêmement pratique ; plutôt que d’écrire « idée : », il est beaucoup plus clair (en tout cas à mes yeux, notamment dans le millier de pages de notes que représente tout le travail d’architecture autour de « Les Dieux sauvages ») d’avoir le symbole 💡. En plus, pour retrouver ses « idées », il suffit de rechercher le caractère 💡 dans l’ensemble des notes, plutôt le mot « idée » qui peut être ambigu (fait-on référence à vos idées, ou à celles de vos personnages qui font partie de l’histoire ?). En d’autres termes, les émojis permettent de différencier ce qui se réfère à l’architecture de la réflexion du contenu de la réflexion elle-même. (Doit y avoir un mot pour désigner ça qui contient « diégétique » quelque part.)

Si l’idée vous intrigue et que vous débarquez dans le concept, il faut que je vous renvoie à deux articles préliminaires :

Des degrés de certitude dans l’écriture (avec des émojis) : la base du système, qui rejoint Geekriture 02 – l’échec de la to-do list pour écrire : la création n’est pas un flux de tâches mais un affinement de certitudes ; les émojis sont un système simple et élégant pour garder la trace de la « confiance » que l’on accorde à une idée ou une possibilité narrative. (C’est développé aussi dans Comment écrire de la fiction ?)

Comment taper des émojis au clavier et pourquoi diantre vouloir faire un truc pareil : un usage intense de ces petits symboles nécessite une manière rapide de les entrer sans briser le rythme de frappe ; cet article explique comment en utilisant les outils d’expansion de texte.

Au fil du temps, j’ai donc composé mon propre compendium d’émojis indiquant le statut de mes idées, les différentes entités fréquemment rencontrées dans un récit, les fonctions narratives, etc. Évidemment, ce n’est que mon système, mais peut-être trouverez-vous ici des… idées (heh) pour nourrir votre approche et articuler votre réflexion sans être paralysé·e par la complexité de la tâche que représente l’écriture d’un livre ou d’une saga. Je m’en sers chaque jour, et les raccourcis clavier qui leur sont liés sont devenus seconde nature.

Évidemment, ces symboles sont des marqueurs vivants : une idée 💡 peut devenir une hypothèse ➡️ avant d’être finalement écartée ❌. C’est toujours la réalisation de l’écriture elle-même qui décide du statut final des choses, et c’est une fois une œuvre finie qu’elle devient 📚 et qu’elle fixe ses ❗️et engendre de nouvelles ❓. Les étapes de ce parcours (idée / hypothèse / je veux / je vois etc.) sont aussi développés dans Comment écrire de la fiction ?, ce qui vous montre bien que je travaille vraiment comme ça, ce qui me vaut peut-être, je ne sais pas, d’être fou à lier.

Degrés de certitude et statut

❓ Question gênante à élucider
🖋 À creuser ou rechercher (facilement décidable avec un peu de réflexion, ou sera réglé par des recherches simples)
💡 Idée (possibilité)
👁 Je vois (élément servi par le Mystère, sonnant vrai, autour duquel construire)
👉 Je veux : désir, envie, intention
➡️ Hypothèse (construction théorique d’un pan narratif)
❗️ Il faut que (nécessité)
⛔️ Il ne faut pas que (nécessité négative)
📚 Canon (impossible à contredire)
😃 Oui !
〰️ Serait bien que… 
🤔 Éthéré (idée probablement trop éloignée du cœur du projet)
❌ Abandonné, mauvaise piste, contredit (choix d’une piste différente)
😐 Bof, pas convaincu
🙁 Bleh (j’aimerais éviter)
🔦 Recherches à faire
🧐 Réflexions, brainstorm
🗑 Déprécié : note devenue inutile et archivée
🗄 Archivé (n’est plus pertinent)
☢️ Problème à résoudre (de construction, trou de scénario, etc.)
✅ Fait, écrit, vu

Se combine, par exemple :
💡📄 Idée de scène
➡️📄 Scène probable
✅🗒 Fragment intégré

Éléments de fiction

📖 Récit (saga, roman, nouvelle, haiku : une unité narrative indépendante sans a priori de taille)
🏗 Structuration (plan global, mise en ordre)
🧵 Fil narratif
🪡 Péripétie
📄 Scène
🗒 Fragment
🔭 Laisse entendre, annonce (foreshadowing)
🥀 Déflore (anti-foreshadowing : vend la mèche)
🪝 Hameçon, accroche pour développements dans d’autres récits
🎁 Promesse
💰 Paiement
📁 Thème
📝 Note / fiche
👤 Personnage
✝️ Mort
👁‍🗨 Occasion dramatique ou illustrative (qui montre par l’exemple, bon show, don’t tell)

Zettelkasten / organisation de notes

🗺 Cartographie du savoir (MOC, soit Map Of Content, ou NAV, Négociation Avec la Vérité)
🏗 Structuration, outline, plan
⭐️ Favori
🌱 Graine (à développer)
🌿 Fiche sempervirente (Zettel au sens du Zettelkasten)

2021-04-23T11:09:23+02:00jeudi 29 avril 2021|Technique d'écriture|3 Commentaires

Faire émerger les idées et le savoir en toute liberté (Geekriture 04)

Bon, après tant de teasing, il est grand temps de parler un peu de cette méthode Zettelkasten qui agite tellement les cercles de productivité depuis deux ou trois ans ; qui a vu la naissance d’une myriade de nouvelles applications de prise de notes ; qui se fonde sur un paradigme à la fois révolutionnaire et très ancien, l’hypertexte. Mais il fallait d’abord replacer le décor, et notamment rappeler une notion fondamentale de la création, à savoir qu’il s’agit moins d’un flux de réalisation (j’ai une liste de choses à faire à peu près séquentielle, j’en abats les éléments un à un) que d’émergence (la réalisation s’affine elle-même à chaque session de travail jusqu’à complétion) – voir Geekriture 02, l’échec de la to-do list pour écrire

➡️ … l’article Geekriture du mois expose (enfin) les fondements de la méthode Zettelkasten, à lire sur ActuSF.

2021-04-15T11:12:56+02:00mercredi 21 avril 2021|Geekriture|3 Commentaires

Comment écrire de la fiction ? Ouvrage à paraître aux éditions Argyll au printemps

Okayyyy on arrête le teasing et… 

… voilààààà. Le fameux projet de non-fiction, c’est ça. Avec une splendide couverture de Xavier Collette !

De la non-fiction, mais avec quand même un peu de la fiction dedans, forcément, en tout cas, en théorie. Un livre donc avec des italiques pour mettre l’accent, du gras pour vraiment marteler les trucs, des schémas avec des flèches, des émojis (gasp), de multiples citations de prénoms francs, un soupçon d’Alain-Robbe-Grillet-bashing et surtout, surtout, beaucoup (enfin, j’espère) de densité et de méthode sur l’écriture d’histoires.

Comment écrire de la fiction ?, c’est le bouquin que j’aurais voulu lire quand j’ai commencé ce métier. J’en ai lu plein d’autres qui m’ont appris des tas de choses et dont j’ai dit du bien ici, je continue à me nourrir régulièrement parce que l’écriture, c’est comme la mécanique quantique, ça s’étudie sans fin, mais je n’ai jamais vraiment trouvé un ouvrage qui me démonte, précisément, ce qui fait le tissu d’une histoire et comment ça peut se construire d’une manière fiable, mais qui laisse une vraie latitude à la créativité de s’exprimer. Cela, je l’ai appris à la dure depuis bientôt vingt ans, en tâtonnant à la recherche de ce que je voulais vraiment comprendre, en commettant des erreurs, des maladresses, et en saisissant pourquoi c’en étaient. (Et on en commet toujours.) Il y a dedans de la méthode, mais pas une méthode ; il y a de grands principes, mais pas de cadre définitif qui vous promette amour, gloire et beauté. Écrire, c’est un sacré boulot, mais si l’on pouvait appréhender ce sacré boulot avec des bases théoriques saines et une direction productive au lieu de ramer dans le désert (et essayez donc de ramer dans le désert ; c’est pas fait pour), ça serait pas plus mal.

C’est un livre étonnamment court par rapport à ce que je fais d’habitude (320 000 signes) mais il n’avait pas besoin d’être plus long pour couvrir ces grands principes qui sont en définitive assez simples. Il est nourri évidemment de mon expérience, de nos échanges dans Procrastination, de plus de dix ans (fichtre) de blogging ici, mais aussi des stagiaires qui sont passés par mes ateliers et que je remercie, grâce à qui j’ai pu cerner et voir les difficultés les plus fréquentes rencontrées par les jeunes auteurs.

Le plan est très simple, il suit les trois étapes mentionnées en couverture, plus une :

  • Rêver (le processus d’idéation, notamment à travers l’émergence et la gestion de l’incertitude)
  • Les techniques fondamentales (le socle minimal de codes littéraires à travailler)
  • Construire (qu’est-ce qu’une histoire, comment ça marche vraiment et comment ça se nourrit)
  • Terminer (de la discipline aux corrections)

Tout cela avec cet humour consternant et irrévérencieux dont vous avez l’habitude ici, parce qu’écrire des histoires, cela a une valeur fondamentale de plaisir, et surtout de cheminement personnel : mon but, avec ce bouquin, c’est de donner des briques théoriques solides, que l’on est ensuite appelé·e à démonter, manipuler, revisiter pour nourrir sa propre approche artistique.

À mesure que la date précise de publication approche, je pense qu’on partagera quelques petits bouts et une table des matières détaillée.

J’espère que cet ouvrage stimulera réflexion et envies, et que, si vous appréciez les diverses initiatives réalisées ici, cela vous donnera envie de les retrouver sous une forme synthétique et aboutie (du moins… à l’heure actuelle).

➡️ Les éditions Argyll sur Twitter

2021-05-21T16:39:53+02:00lundi 21 décembre 2020|À ne pas manquer|18 Commentaires

Aidez-moi à façonner l’avenir de la newsletter (grande consultation publique)

Voilà bientôt trois mois que j’ai quitté les réseaux commerciaux et je n’ai jamais été aussi détendu de récente mémoire. Jamais aussi concentré, aussi, et productif ; quand je pense au temps que j’ai mis à me résoudre à cette décision, j’aurais le faire voilà deux ans. J’ai en tête quelques projets beaucoup plus productifs pour parler d’écriture et de mon propre travail, mais il faut que je fasse la place dans le calendrier (merci le time-blocking) pour y parvenir.

Bref : mon moyen de communication principal avec vous et toi, auguste lectorat, est donc devenu la newsletter mensuelle. (Nous connaissons en plus, à présent, la mystérieuse et démoniaque histoire de Lucien.) Je l’ai refondue il y a deux ans environ pour la rendre moins fréquente et plus dense, mais c’était à une époque où elle fonctionnait en tandem avec les réseaux. J’aime assez la formule actuelle (riche en contenu, plus rare) parce que je fonctionne ainsi, mais vu qu’il s’agit de donner des nouvelles régulières et de proposer le contenu du blog sur le mois passé, je me demande tout simplement si l’offre est adaptée à la demande.

Du coup, grande consultation publique, comme on dit dans les mairies de campagne quant à l’installation d’une bretelle d’autoroute. Et comme vous n’avez pas forcément que ça à faire que de vous étendre en commentaires, pour simplifier, un petit sondage avec des options courantes. Sachant, cependant, que si vous avez le temps de vous étendre en commentaires, votre avis détaillé et d’éventuels débats subséquents sont éventuellement les bienvenus.

Dites-moi ce que et comment vous aimeriez recevoir.

Or doncques, le sondage en trois parties : d’une, la forme, de deux, le fond ; de trois, une boîte à idées complètement libre où vous pouvez ajouter vos propres réponses et idées. Les autres visiteurs les verront et pourront ajouter leur vote à vos propositions si elles les séduisent ! Vous pouvez bien évidemment développer idées et discussions en commentaires.

Ce sondage est clos

Que pensez-vous de la FRÉQUENCE et de la LONGUEUR de la newsletter ?

Ce sondage est clos

Que pensez-vous du CONTENU de la newsletter ?

Ce sondage est clos

Boîte à idées !

(C’est la première fois que je tente un truc pareil, donc je demande l’indulgence du jury, et si un truc ne marche pas, signalez-le en commentaires, je le verra. Merci !)

2020-11-13T17:51:28+01:00jeudi 5 novembre 2020|À ne pas manquer|24 Commentaires

Le gribouillis du processus créatif

Tombé sur ce dessin extrêmement simple et parlant résumant le processus créatif (et ses errements qui sont, insistons fort, normaux). « My father told me that the design process started with the abstract, moved to the concept and then finally the design. »

https://shrtm.nu/ybrA

2020-06-21T21:12:42+02:00jeudi 25 juin 2020|Best Of, Brèves, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Le gribouillis du processus créatif

2020, faire le voyage de la (re)prise de notes ?

Oh, cette application est jolie. Et celle-là fait un truc incroyable ! En vrai, c’est la première la plus puissante, mais je sais pas pourquoi, j’arrive pas à rentrer dedans. Peut-être je pourrais attendre qu’elle s’améliore. Mais cette troisième qui vient de sortir est déjà dispo, elle !

Nyah. Quand on aime la technologie, il y a un motif comportemental classique : l’incapacité à se fixer sur une solution logicielle parce que rien n’est pile ce qu’il faudrait, ce qui se conclut par une dispersion de l’attention (et des données) en mode arrosage de pelouse. Ce qui entraîne l’incapacité de retrouver quoi que ce soit, donc annule tout bénéfice qu’on pourrait retirer de l’usage de ces applications de toute manière. C’est peut-être très marrant d’essayer des nouveaux jouets, mais c’est à peu près l’antithèse de la productivité (on en a même ri ensemble en définissant le trouble d’achat compulsif-réactif de logiciels de gestion de l’information).

Aïe ma tête
(Photo by Hello I’m Nik 🇬🇧 on Unsplash)

Bien sûr, il est nécessaire de choisir soigneusement ses outils pour accomplir la tâche visée (Scrivener, OmniFocus, TextExpander…), ce qui implique une phase de test, mais la phase de test doit connaître un terme. À un moment, il faut tracer une ligne dans le sable ! J’utiliserai ! Un ZX Spectrum !

Je raconte tout ça parce qu’après avoir reconquis à peu près ma productivité grâce à Getting Things Done, au time-blocking, aux outils Apple, à OmniFocus, à Kourosh Dini, il est temps de m’attaquer, après l’action, à l’autre partie d’un système fluide de productivité : la référence. La gestion des informations. Les données. La (gasp) prise de notes.

J’ai déjà des flux de travail autour de ça – Notability avec l’iPad Pro a radicalement changé mon approche et m’a permis, en gros, d’emporter tout mon bureau dans ma tablette – mais la gestion complexe, facile, de toute la masse d’informations que génère une vie contemporaine (sans parler de l’activité d’auteur, qui nécessite de conserver de la documentation sur des sujets invraisemblables comme de capturer au vol les idées les plus idiotes) est un vrai défi auquel personne n’a encore vraiment répondu (malgré les efforts de pionniers comme Evernote).

Or, avoir un lieu auquel on se fie pour capturer et organiser des informations me semble fondamental à la créativité. Il est impossible d’avoir des idées si l’on n’est pas rassuré sur le sort des précédentes. Les idées sont comme une file de fourmis : tant que la première n’est pas sortie (notée, parquée, rangée à un endroit où elle pourra resservir), la suivante ne vient pas. Et le problème, c’est que souvent, les meilleures ne sont pas les premières dans la file d’attente. Il faut déboucher les canaux, ouvrir les vannes, entrer dans le flux.

Bref, auguste lectorat, si cela t’intéresse, je vais essayer un truc un peu nouveau cette année : partager un voyage particulier, celui d’expérimentations et d’organisations nouvelles pour fédérer, enfin, toutes mes notes acquises depuis littéralement des décennies dans un seul et même endroit durable et utilisable (car mon cerveau commence à ne plus suffire à la tâche). Le comparatif des applications de prise de notes réalisé en fin d’année dernière forme un prologue à ce voyage. Je vais sûrement me planter en cours de route et réinventer la roue au passage. Et mon système ne conviendra certainement qu’à moi. Mais ça peut être chouette de partager nos expériences et de prendre des idées les uns des autres.

Bref, je t’invite, en 2020, à un voyage vers la (re)prise de notes.

2020-04-12T15:19:54+02:00jeudi 16 janvier 2020|Lifehacking|Commentaires fermés sur 2020, faire le voyage de la (re)prise de notes ?

Procrastination podcast S04e03 – Faire original

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Faire original“.

Une question fréquente (voire une angoisse) des auteurs, jeunes et parfois moins jeunes : si tout a (paraît-il) déjà été dit, fait, écrit, comment faire pour être original dans sa création ? Mélanie confirme que la question de l’originalité des idées était très importante pour elle au début, mais s’est vite rendue compte que ce n’était pas ce qui restait des textes ; et surtout, que beaucoup de thèmes, idées et images étaient traités depuis la nuit des temps. Estelle renchérit en abordant le piège fréquent de ne pas vouloir se constituer une culture, surtout dans les genres, pour « ne pas subir d’influence » ; alors qu’en vérité, on s’inscrit plutôt dans une lignée de créateurs. Lionel renchérit sur l’intérêt de connaître les tropes, à la fois dans son genre mais aussi à l’extérieur, pour voir quelle exploitation personnelle, authentique, en faire, car l’originalité connaît bien des facettes en réalité, y compris dans le traitement.

Reférences citées
– Frankenstein, Mary Shelley
– Orson Scott Card
– Alien, film de Ridley Scott
– H. R. Giger
– Alejandro Jodorowsky 
– Philip K. Dick
– Troma Entertainment
– Fabrice Colin
– Vladimir Nabokov
– Catherine Dufour
– Marguerite Yourcenar
– Francis Berthelot
– Le Seigneur des Anneaux, J. R. R. Tolkien
– Harry Potter, J. K. Rowling
– Game of Thrones, G. R. R. Martin
– John Cleese on Creativity In Management, https://www.youtube.com/watch?v=Pb5oIIPO62g

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:24+02:00vendredi 15 novembre 2019|Procrastination podcast|2 Commentaires

Écrire comme on construit un mur (Weinberg on Writing: The Fieldstone Method)

Couv. Fiona Charles

Je ne sais plus où j’avais lu la recommandation de cet ouvrage, mais elle était fort dithyrambique, aussi fallait-il que je me le procurasse, ou autre barbarisme du même genre (proféré par mon nouveau héros en culotte de peau, Conan le barbarisme). Au final, j’ai mis trois ans à le lire – et ce n’est pas le fait de sa qualité, entre temps est intervenu une panne de liseuse non remplacée (mais je ne me suis pas non plus rué sur une nouvelle liseuse en me disant : [voix de Janice] oh ! mon Dieu ! Je dois en racheter une tout de suite pour finir The Fieldstone Method).

Gerald Weinberg, auteur prolifique d’essais, romans, articles, livre dans ce livre (haha) sa méthode d’écriture. Il y file une même métaphore : l’écriture s’apparente à la construction d’un de ces murs qu’on rencontre notamment dans les pâturages du Royaume-Uni, assemblés à partir de field stones, c’est-à-dire des pierres trouvées dans des champs. Ouais, c’est pas clair, bougez pas, je fais un saut sur Wikimédia Commons :

Photo Eric Jones, CC-By-SA

Wala.

Ces murs ont la particularité de ne pas nécessiter de mortier : le maçon erre esseulé dans les champs d’Angleterre, endurant stoïquement le vent nordique, nourri dans sa quête par la perspective d’une tasse de thé bien chaude à cinq heures, à la recherche des pierres qui s’emboîteront naturellement. (Je fais le malin, mais ces ouvrages sont réellement impressionnants. Les murs. Suivez un peu, quoi.) Pour Weinberg, l’auteur suit exactement le même processus : il fait l’expérience du monde et rencontre des éléments qui frappent son imaginaire – ses propres field stones, “pierres de champ” – qui sont là, à la vue de toutes et tous, librement accessibles, mais seul lui construira un mur avec, car lui seul voit l’emboîtement. D’où l’importance de rassembler le plus grand nombre de pierres possibles, de conserver et de faire incuber, mûrir ces idées, car de leur assemblage viendra un jour un article, une nouvelle, un roman.

Je trouve l’idée séduisante et la métaphore particulièrement juste. L’écriture d’un bouquin naît souvent, en tout cas dans mon cas (c’est la journée de la répétition aujourd’hui), d’une idée forte, d’une chute, de scènes qui me font tout spécialement envie : de gros “blocs” autour desquels le reste va venir s’articuler. Même l’écriture d’une scène “s’agrège” autour de répliques, d’un décor, d’une situation qui m’ont été servis par mon inconscient, auquel mon corps répond avec enthousiasme – il me reste ensuite à comprendre comment tout cela s’articule. (Pour une métaphore plus huîtrière, nous pourrions aussi dire que cela fonctionne comme des perles en accrétion autour d’un grain de sable.)

Je n’efface jamais rien à la rédaction ; mes coupes se retrouvent dans un fichier à part nommé “Cutting floor” (“chutes”, disons, par référence au sol des anciennes salles de montage de cinéma où les scènes coupées finissaient par terre), soit autant de fragments, de formulations que je peux repêcher si besoin. (Je ne le fais quasiment jamais, mais ça me rassure et me permet de trancher sereinement dans le vif.) La créativité est souvent désignée, non pas comme une invention totalement ex nihilo, mais aussi comme la capacité à repérer et mettre en relation des éléments du monde, en y ajoutant sa propre personnalité, son regard, son originalité. Le promeneur voit un caillou, le maçon / écrivain une brique. (Ce qui est fascinant, c’est que cela reflète à la perfection la première étape de la méthodologie Getting Things Done : capturer.)

Weinberg détaille cette approche en grand détail tout au long de ce livre, allant de la “récolte” des pierres / fragments à leur assemblage et à leur polissage, tirant des exemples de sa propre carrière et des ateliers qu’il dirige. Le ton est léger, joueur (même si Weinberg tend à parler davantage de ses ouvrages de non-fiction et articles, ce qui laissera peut-être le romancier sur sa faim) et, surtout, enthousiaste. S’il y a une qualité majeure dans cet ouvrage (finalement pas si répandue dans les livres portant sur l’écriture), c’est sa joie, son admonition quasi-constante au plaisir, à l’intuition, à l’envie. Rien que pour ça, il pourrait représenter un intéressant électrochoc pour l’auteur qui tombe dans le piège de la routine ou de la quête de la surproduction (qu’il soit pro ou non ; c’est un mal qui peut frapper à tous les niveaux d’expérience).

Hélas, il laisse à désirer sur le versant technique – Weinberg passe du temps sur des détails relativement évidents alors qu’il aurait été intéressant de rentrer davantage dans la pratique pure. Comment organise-t-il ses propres notes, par exemple ? Quel outil, quel classement ? Comment un auteur peut-il s’y retrouver dans la masse d’idées folles que génère un cerveau en état de marche ? Comment catalogue-t-on tout ça, concrètement ? (Je dirais qu’ici Scrivener représente, comme toujours, une aide précieuse, en tout cas tant que l’on reste dans le cadre d’un même projet.) Le livre suit la métaphore avec une telle obsession qu’il donne une impression un peu répétitive à force ; elle est adéquate, certes, mais une fois celle-ci acceptée et validée dans le cadre de l’ouvrage, le texte donne l’impression de ronronner un peu alors qu’il aurait pu aller plus loin encore dans la technicité.

Mais on peut aussi considérer cette répétition comme une force subreptice. À force de marteler ce principe, il est forcé de pénétrer le cerveau du lecteur. Et, encore une fois, il est (ou du moins me paraît) juste. L’auteur – lecteur devient alors, peut-être à son insu, une sorte de chasseur – cueilleur de l’esprit à la fermeture de cet ouvrage. Ce qui ne serait pas une si mauvaise chose, à condition de méditer par la suite le propos du livre pour le mettre en relation avec sa propre approche, ses propres envies créatrices. (Ce qui devrait être obligatoire à la lecture de tout ouvrage de ce genre, de toute façon.)

Pas le classique que l’on m’avait vanté, donc, mais une lecture quand même très recommandée à ceux et celles qui veulent un manuel d’écriture avec une approche résolument différente du tout-venant, qui sont en grand besoin de dire “fuck it” et de se lâcher un peu, de se reconnecter avec le plaisir de l’art en parallèle avec la technique. Car il y a le solfège, il y a les gammes, mais au bout d’un moment, il faut aussi l’indispensable frisson qui fait sourire à la composition d’une bonne mélodie ou d’une scène qui déchire. Et s’il y a un truc que Weinberg fait vraiment bien, c’est vous donner envie de le traquer partout, ce sourire.

2019-06-01T14:35:31+02:00lundi 11 février 2019|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Le modèle GTD s’applique-t-il à l’écriture ?

Houlà le titre de geek, de lifehacker davantage habitué à boire du jus macrobiotique dans l’open space de San Francisco en brainstormant le prochain brunch participatif qu’à celui d’écrivain qui sent le whisky et la date d’échéance dépassée.

Dans le mondialement connu Getting Things Done, David Allen martèle (lourdement pour certains) à quel point le modèle GTD est universel ; combien ses cinq phases de travail s’appliquent à n’importe quelle entreprise humaine. J’en témoigne depuis un an et demi de pratique scrupuleuse, pour du travail à courte échéance et/ou facilement décomposable en étapes simples (gérer ses impôts, ne pas oublier d’arroser les plantes, organiser un voyage, produire un podcast), ça marche parfaitement. Mais quid d’un travail créatif où, par nature, on ignore dans le détail la nature du résultat final puisque, par définition, la création consiste à défricher ce qui n’existe pas encore ? Peut-on appliquer réellement GTD à l’écriture d’un bouquin, d’une manière instructive et qui fournisse des réflexes intelligents, qui aille au-delà d’une liste de choses à faire du genre :

  • Écrire chapitre 1
  • ? ? ?
  • Profit

J’étais circonspect, mais à mesure que GTD devient une seconde nature dans ma façon de travailler (Allen annonce qu’il faut en moyenne deux ans pour que GTD devienne une seconde nature et qu’on en tire les bénéfices), je commence à distinguer ces phases également dans mon travail de création et d’écriture. C’est peut-être un biais cognitif : j’applique GTD dans beaucoup de zones de ma vie, donc forcément, ça déborde sur les autres. Mais ce qui compte, c’est : est-ce instructif, constructif, et cela donne-t-il de la hauteur et du recul sur son travail ? Cela permet-il de l’analyser sous un autre éclairage, et peut-être d’identifier les blocages et problèmes plus vite de manière à les résoudre ? La réponse étant oui, je partage mes réflexions à ce stade des choses sur la question, et chacun en fait bien ce qu’il veut, hein.

Rapidement : la méthode GTD s’articule (du moins au niveau de l’action quotidienne) selon cinq phases1 : collecter, clarifier, organiser, agir et revoir. Ex : je reçois un avis d’impôt dans ma boîte aux lettres (collecter) ; je l’ouvre et constate que je dois payer un tiers dans un mois, mais je n’ai pas les fonds tout de suite, or j’attends une rentrée d’argent. Conclusion : il faudra que je paie quand j’aurai les fonds (clarification et choix de la prochaine action). Je place un rappel approprié dans mon agenda (organiser). Le jour venu, je vérifie que j’ai les fonds et paie (agir). Chaque semaine, je consulte mes comptes pour m’assurer que ma situation financière ne part pas en sucette (revoir).

Par Psychoslave, CC-By-SA. C’est beau comme un arbre séphirotique. 

Je découvre que ces cinq étapes peuvent s’appliquer à l’écriture ou à la création, à toutes les échelles et à tous les moments du processus. Je pense qu’elles fonctionnent aussi selon que l’on est structurel ou scriptural ; les phases ne se déroulent simplement pas de la même manière. Elles ne se déroulent pas nécessairement consciemment non plus ; certains auteurs n’aiment pas malaxer résolument la matière (Mélanie Fazi l’évoque dans Procrastination) quand d’autres s’y astreignent car ils ont peur d’être improductifs (comme ton serviteur, auguste lectorat). Où vous vous placez sur le spectre, c’est à vous de voir.

1. Collecter

C’est assez évident : c’est l’étape fondamentale de tout travail créatif. Les idées viennent rarement entièrement formées, elles se présentent plutôt sous la forme d’impulsions évanescentes, d’images, de lignes de dialogue ou de description. La première étape consiste donc à pouvoir collecter toutes les idées qui se présentent, sans les juger, où qu’elles viennent, et sans jamais croire qu’on s’en rappellera et qu’il est inutile de prendre quelques secondes pour les écrire. L’expérience prouve qu’on les oublie toujours. Alors certes, peut-être ne valaient-elles pas la peine d’être consignées ; mais il est impossible d’en juger sans une bonne habitude de capture systématique qui permet au cerveau de se détendre, de fournir les idées qu’il souhaite, sans jugement.

De la construction d’un récit entier à celle d’une scène ou même de quelques paragraphe épineux, l’habitude de collecte permet parfois de débloquer l’angoisse de la page blanche. Une des causes principales de la procrastination est le manque de définition de la tâche à accomplir. Par essence, la création traite de la définition de quelque chose qui n’existe pas au préalable, ce qui la rend tout spécialement sujette à l’angoisse et aux stratégies d’évitement. Un réflexe salutaire dans ces conditions consiste à commencer par collecter les impulsions, images, envies, passages, le tout sans jugement ni crainte ; on commence par l’inventaire de ce que l’on a et l’on fait le tri ensuite. Ce relève de la phase suivante…

Non, pas ça.

2. Clarifier

Maintenant que j’ai tout ça : qu’est-ce qui a du sens ? Qu’est-ce qui me plaît vraiment, qu’est-ce qui me semble prometteur, qu’est-ce que j’ai envie de creuser ? Cette idée me conduit-elle quelque part ? S’inscrit-elle dans mon projet ? Et c’est quoi, mon projet, d’ailleurs ?

Toutes ces questions relèvent de la découverte active et/ou inconsciente des intentions réelles du projet et de la façon de les servir. À présent que l’on dispose de toutes ces idées, de tout ce matériau brut, on l’observe d’un regard critique, on le teste, on le pousse dans ses retranchements, on découvre des zones d’ombre qu’il faudra explorer. En un mot, il commence à se dégager des directions à creuser, il commence à se dégager de l’action (c’est pour cela que je fais toujours la fine bouche sur la notion d’inspiration – laquelle est toujours pour moi une démarche volontaire, peut-être entrecoupée de temps de repos et d’incubation, mais qui s’enracine dans une poursuite active).

Je réfléchis à un roman : mon envie de récit spatial est-elle compatible avec ce qu’on sait de la science ? Oui, non, je ne sais pas (j’ai donc besoin de recherches complémentaires) ? Non : est-ce que je décide de m’en moquer et de faire quand même ? De trouver une façon de truander avec un artifice narratif amusant ? Quel est-il ? Que signifie amusant pour moi ? La phase de clarification est la phase des questions utiles, et la phase où elles peuvent se multiplier sans fin – il faut savoir se recentrer sur les plus importantes.

3. Organiser

Organiser est le frère siamois d’éclaircir dans la méthode GTD : face à un nouvel élément, se poser la question “qu’est-ce que c’est ?” (soit, dans le cadre de l’écriture : “qu’est-ce que ça signifie ?”) entraîne nécessairement la question “comment (où) cela s’inscrit-il dans mon projet ?” Ce qui peut entraîner davantage de questions à clarifier, de nouveaux éléments inattendus, le tout dans un mouvement constant et des allers-retours perpétuels entre les trois premières phases du flux de travail. Cela me semble éminemment normal, tandis que l’on cherche à éclaircir un terrain, qu’on le définisse en même temps qu’on s’y aventure. Les bons outils et la bonne méthode de travail me semblent, je crois, laisser une totale liberté à l’esprit et, surtout, à l’envie et au plaisir dans cette étape. La clarification contient nécessairement une composante de jugement (“Qu’est-ce que cela signifie ?” “Ça ne colle pas, en fait”)  mais je crois qu’elle n’est productive que quand elle reste reliée (intellectuellement) à la phase suivante, qui est le but réel de tout ce processus :

4. Agir

Agir, évidemment, ici, c’est écrire. C’est avoir suffisamment défini (consciemment ou non, a priori ou non) l’intention, le cadre, l’énergie même du récit pour, au bout du compte, l’écrire sur la page. Tout ce qui précède – collecter, clarifier, organiser – ne vise qu’à une seule chose : mettre des mots sur la page jusqu’à parvenir à la fin du projet. Tout, en définitive, est subordonné à l’écriture (sauf si votre but consiste à créer un univers pour le pur amusement, mais dans ce cas, on est dans une optique différente – et finalement, le tout devient tautologique, s’il s’agit d’écrire, le but est d’écrire, duh). Plus subtilement, l’action peut consister aussi à se documenter sur un pan important du contexte du récit, mais cela s’inscrit toujours dans un but précis – produire un récit au final.

Une des façons les plus simples pour éviter la procrastination subtile que représentent les recherches qui ne se terminent jamais, la construction de monde interminable, consiste à toujours se dire : cela m’aide-t-il à écrire ? Cela me permet-il de construire le livre à venir ou même les quelques pages à venir immédiatement ? Il est parfois difficile de répondre à cette question, on a parfois la sensation qu’il faut maîtriser un sujet bien mieux que nécessaire pour produire un récit convaincant, et les angoisses inconscientes peuvent produire toutes sortes de stratégies raffinées d’évitement, mais il ne faut jamais perdre de vue qu’au bout du compte, l’important, c’est d’avoir mis des mots sur la page (si possible pertinents, mais au pire, des mots mauvais valent toujours mieux que pas de mots du tout).

5. Revoir

On serait tenté d’équivaloir la revue hebdomadaire, l’étape de révision de l’acquis et des projets en cours, avec celle de la correction, mais je pense ici que c’est trompeur. Revoir peut impliquer des phases de correction, mais corriger est, en un sens, une forme d’action. Corriger un roman, c’est réécrire, c’est donc une phase d’écriture, quoique de nature différente. Revoir, ici, cela me semble plus subtilement conserver le lien avec son récit, avec son monde imaginaire, à tous les échelons du processus créatif. C’est s’y (re)plonger avec aisance au moment de l’écriture (la raison pour laquelle je recommande de toucher son manuscrit tous les jours) mais c’est aussi s’assurer que l’on reste sur la bonne trajectoire (celle du plaisir, celle du sens, celle de la productivité, celle de la vraisemblance, tout cela ou rien à la fois, cela dépend des intentions de chaque auteur, de chaque projet, et cela peut entraîner un processus introspectif très profond tandis que l’on médite ses raisons d’écrire, de produire, voire d’être au monde). C’est lire quelques pages pour se remettre dans le bain avant une séance d’écriture, ou bien considérer l’ensemble une fois terminé et juger si cela correspond aux intentions et, le cas échéant, ce qu’il faut faire pour y remédier.

C’est là, je pense, qu’intervient l’autre forme de procrastination bien connue des auteurs – le doute de soi. L’impression que ce qu’on fait est complètement pourri, qu’on devrait plutôt élever des vers à soie à Genève, etc. S’il faut savoir repérer une mauvaise direction prise par un manuscrit, réfléchir au malaise que l’on ressent et éventuellement se poser la question de l’origine de ce malaise (collecter, clarifier, pour organiser et peut-être agir ?), presque tous les auteurs du monde – dont ton serviteur, auguste lectorat – recommandent d’avancer, de faire taire l’éditeur interne qui répète qu’on écrit de la merde à chaque mot pour écrire, sacredieu, et mettre l’histoire sur le papier jusqu’à sa conclusion. Terry Pratchett disait que le premier jet ne servait qu’à s’expliquer l’histoire, je pense qu’il a éminemment raison. Créer, c’est expérimenter, et expérimenter, c’est accepter de pouvoir se tromper pour se donner la liberté d’être bon. Malheureusement, l’un ne va pas sans l’autre.

Attention donc à la phase de révision, de mise en perspective, qui peut devenir au bout du compte contre-productive. Incapable d’écrire une ligne parce qu’une petite voix vous murmure que ce sera forcément mauvais ? Vous souffrez d’un excès de phase 5 (ça fait très diagnostic médical ; prenez de l’eau ferrugineuse et vous améliorerez votre quota d’écriture de 3 signes par jour !). Il s’agit de rééquilibrer la méthode de travail en faveur de la phase 4. Et pour cela, peut-être faut-il remonter davantage en amont : peut-être faut-il collecter davantage (se documenter ?), clarifier (que veux-je faire ?), organiser (le fais-je d’une manière qui m’agrée ?)

Structure et relâchement

On peut arguer que GTD, c’est comme Carlos Castaneda. C’est pas vrai, mais ça fait réfléchir, et c’est bien ce qui compte. Si j’en crois les podcasts et ouvrages complémentaires que je lis pour me détendre (parce que j’ai pas de vie), je suis à peu près ceinture marron de GTD ; je constate simplement que, depuis un an et demi de travail sur ces aspects, à cerner ma méthode de travail, mon ressenti, à clarifier mes intentions, je suis globalement plus détendu et j’ai survécu à des difficultés cette année qui m’auraient probablement cassé les jambes sans GTD pour m’appuyer, me rattraper et me fournir, au moins, une poignée de questions fondamentales pour me remettre en selle au plus vite. Allen promet au praticien d’avoir “l’esprit comme l’eau” (rien à voir avec la petite ni avec l’eau vive) : une métaphore inspirée des arts martiaux qui symbolise une réaction appropriée et parfaitement proportionnée à la moindre perturbation. Créer, c’est générer une perturbation constante dans le réel car il s’agit d’ériger ce qui n’existe pas. En fournissant des réflexes mentaux simples, GTD permet peut-être au créateur de conserver le cap au long cours sur ses objectifs, de lui fournir une sorte de paix sur les fronts qui lui accaparent l’esprit, bref, de le fortifier et de stimuler sa réflexion sur ce dont il a besoin – ce qui est, me semble-t-il, la base du travail.

  1. Ayant lu les livres en anglais, j’emploie des traductions personnelles – ce n’est peut-être pas la terminologie officielle, mais vous êtes suprêmement intelligent.e comme vous lisez ce blog, et vous saurez donc remettre les cases à l’heure.
2019-06-04T20:33:54+02:00jeudi 7 septembre 2017|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

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