Quatrième extrait de la bande originale de Psycho Starship Rampage

psychostarshiprampage-sector1Dernier extrait avant un moment, probablement, de la bande-originale du jeu indé Psycho Starship Rampage que je réalise sous l’identité Wildphinn. C’est un deuxième passage de Space Graveyard, qui comprend deux mouvements distincts.

Pour en savoir plus sur le jeu, voir le site de Ballistic Frogs, et notamment le communiqué de presse sur le jeuUn article permet également de découvrir l’équipe de quatre personnes à l’origine du jeu !

2014-11-27T09:22:51+01:00jeudi 27 novembre 2014|Alias Wildphinn|Commentaires fermés sur Quatrième extrait de la bande originale de Psycho Starship Rampage

À ne pas manquer : entretien croisé avec Thomas Geha sur RCF Alpha

rcfTrêve de bavardages, passons à des choses plus intéressantes : moi, bien sûr.

Et mon éminent camarade Thomas Geha, auteur du diptyque Alone, de Cent Visages (Rageot) et d’American Fays (avec Anne Fakhouri, sous le nom Xavier Dollo).

Demain et ce week-end, nous sommes les invités du fantastique Arnaud Wassmer pour son excellente émission Regards sur la Culture, sur RCF Alpha. Thomas y parlera notamment de Cent Visages, et moi de La Route de la Conquête, autour des questions d’histoire, d’impérialisme et d’identité.

L’émission est diffusée jeudi à 11h et 19h30, samedi à 18h30. Pour connaître les fréquences ou écouter en ligne, rendez-vous sur le site de l’antenne.

2014-11-26T10:15:04+01:00mercredi 26 novembre 2014|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur À ne pas manquer : entretien croisé avec Thomas Geha sur RCF Alpha

A propos d’hier

Parce qu’il faut quand même rappeler que

Haters-gonna-hate-potatoes-gonna-potate

Le débat autour de Rêver 2074 aura certainement engendré plus de téléchargements et de lectures que le silence pur. Chers concitoyens numériques, rappelons-nous… oh la vache, moi qui a toujours pensé que c’était Andy Warhol, mais non, fichtre, je viens de vérifier et c’est de Léon Zitrone : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! » Par les temps qui courent, surinformation, course au buzz, volatilité – quand on désapprouve, ma foi, il n’est de plus forte condamnation que le silence.

Mangez des frites.

2014-11-25T00:19:42+01:00mardi 25 novembre 2014|Expériences en temps réel|103 Commentaires

Les riches sont méchants (il faudrait les tuer)

worf_killyouAaaaah, monde de la science-fiction française. Viennent parfois des moments comme celui-ci où tu ne peux me décevoir, car les réactions étaient courues d’avance. J’aurais dû mettre mes prévisions dans une petite enveloppe, convier une assemblée choisie à une salle de cabaret décorée de tentures rouges, façon bordel classieux, revêtir mon plus beau smoking et puis ouvrir l’enveloppe devant cette assistance médusée. Dedans, j’aurais écrit :

L’anthologie Rêver 2074 va soulever un torrent d’amertume et de désapprobation publique moraliste, pouvant aller jusqu’à l’ostracisation des auteurs ayant participé au projet.

(J’aurais dû faire payer l’entrée.)

Et donc, ça n’a pas loupé. Pour mémoire, Rêver 2074, c’est un projet financé par le comité Colbert (association pour la promotion du luxe français) : pour résumer, une anthologie de science-fiction plutôt positive, présentant le luxe sous un jour favorable (le sous-titre annonce « Une utopie du luxe français »). L’anthologie est présentée en grande pompe, entre autres à New York, et elle est traduite en langue anglaise. Mentionnons qu’elle est gratuite. Si je résume : ce sont des gens qui ont de l’argent, qui se sont payé une anthologie de science-fiction sur le thème de leur métier, avec des auteurs qui ont choisi de jouer le jeu, et qui la présentent au monde anglophone, tout cela sans que personne ne paie rien pour la lire.

Eh bien, apprends et répète après moi, auguste lectorat : ça, c’est mal. Je ne parle pas de la qualité des textes. Je parle du projet en lui-même. 

C’est mal parce que c’est financé par des gens qui ont de l’argent. C’est mal parce que ces gens représentent des produits hors de prix que seule une minorité peut se payer. C’est mal parce que c’est l’élite qui parle à l’élite, et que l’élite c’est mal. C’est mal parce que ça conforte une industrie foncièrement mauvaise dans sa position. Et surtout, ces gens, qui sont riches et donc par là-même hautement suspects, osent dévoyer la science-fiction en teintant son image pure. Les auteurs complices de ce forfait sont des social-traîtres, il faut les bannir des forums, les brûler en place publique, les inscrire à l’index et jamais plus ne les approcher – rendez-vous compte la collusion ! Ils ont travaillé avec ces gens-là ! Des gens riches – des malhonnêtes, donc !

C’est tellement français, putain. Aux États-Unis, on aurait… ah bien tiens, aux États-Unis, ils vont présenter l’antho, justement.

Remarquez bien qui paie : pas l’industrie de l’armement, pas un groupement politique, pas le nucléaire, Monsanto ni même l’industrie de l’élevage animal – oh non, non. L’industrie du luxe – c’est-à-dire un des trucs les plus superflus de la planète. C’est écrit dans le nom : le mot luxe a cette acception double. Le luxe, c’est financé par des gens qui ont de l’argent à dépenser, et ce sont des industries qui fournissent à ces gens-là un exutoire pour leurs moyens, parfois avec de la qualité, très souvent avec de l’image. C’est, par essence, le truc dont on peut se passer, potentiellement survendu, mais cela fait partie du jeu : c’est presque une notion de cote artistique – j’achète ce tableau peut-être parce qu’il me plaît, mais surtout parce que le peintre a la cote. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est inoffensif, car nulle industrie n’est inoffensive de nos jours, que ce soit économiquement ou socialement, mais quand même, bon sang, à part vendre du rêve de papier glacé sur-Photoshoppé et hors de prix, et sachant qu’il ne s’agit pas d’un produit nécessaire, je peine à comprendre en quoi certains peuvent se sentir carrément insultés par un tel projet. À part sur la base de cette tendance gauloise qui consiste à n’être heureux que si l’on possède davantage que le voisin. Je n’ose soupçonner la jalousie, car je persiste naïvement à nourrir une plus haute opinion de mes contemporains.

Bon dieu, vous êtes révoltés, vous voulez pointer les inégalités de la société ? Mais OK, d’accord ! Toutefois, qu’on me permette de penser que se scandaliser de Rêver 2074 pour cela est une révolte de canapé, aussi absurde que liker une page Facebook contre l’assemblage des smartphones par des enfants chinois en guise d’action humanitaire – et ce depuis un iPhone.

La question subsidiaire, puisque ça semble être à la mode : est-ce que j’aurais accepté de participer à ça, moi ? Eh bah ouais, carrément – qu’on me fasse donc un procès d’intention, alors. Je me serais efforcé d’introduire une part subversive (je ne sais pas si j’y serais parvenu). J’aurais eu pleinement conscience que j’allais être marqué au fer rouge du sceau de l’infamie par une certaine bien-pensance en révolte si perpétuelle sur les réseaux sociaux qu’elle a perdu de vue l’idée même d’échelle de valeur. Mais je vais vous dire : c’est probablement une des raisons pour lesquelles je l’aurais fait – parce que j’aurais eu pleinement conscience que ça emmerderait du monde.

Et pendant ce temps, je serais allé parler à New York – à des Américains – de SF française, ce qui aurait été à mon sens, qu’on m’en excuse, largement plus constructif que de déverser ma vindicte dans un sérail franco-français, qui peine à dépasser ses frontières, à alimenter son marché interne, à communiquer auprès de son lectorat en raison de la contraction toujours plus marquée des collections et de la communication. Pendant que l’excellente revue Mythologica peine à se pérenniser et lance un crowdfunding pour sortir son quatrième numéro, on jette l’opprobre sur des projets qui sont financés, se lancent, promeuvent l’existence même d’une science-fiction française dans le monde.

Hé bah, ça m’échappe, pour le dire poliment.

Je n’ai pas encore lu les nouvelles. Je ne me prononce pas sur leur qualité. Non, ce sur quoi je me prononce, c’est :

En quoi, fichtredieu, la réalisation de ce projet enlève quoi que ce soit à qui que ce soit, trahit une quelconque idéologie tacite qu’il convient de respecter (la science-fiction « convenable » serait-elle une idéologie ?), abuse son lecteur, qui ne paie rien pour se le procurer ? 

Je réponds : en rien. Alors, du calme. Et si l’on veut parler de quelque chose, parlons du livre lui-même.

2014-11-24T09:12:15+01:00lundi 24 novembre 2014|Humeurs aqueuses|232 Commentaires

[Utopiales 2014] Intelligence et surveillance dans les séries anglaises

Affiche Chris Foss

Affiche Chris Foss

La plus connue est, sans hésitation, Chapeau melon et bottes de cuir, la plus fine est, à l’évidence, Le Prisonnier, la plus snob, Amicalement vôtre. Jamais elles ne furent vraiment égalées par la production américaine, ou française, mais qu’est-ce qui fait leur charme si intimement britannique et si résistant ? Pourquoi sont-elles le greffon qui manquait à la science-fiction pour se nourrir de la délicieuse complexité des récits d’espionnage ?

Ce débat s’est déroulé dans le cadre des Utopiales 2014, en compagnie d’Étienne Barillier, Léo Henry, Sylvie Denis, modéré par Gilles Ménégaldo. Le site de référence et d’actualité ActuSF en a réalisé une captation écoutable en ligne ou téléchargeable directement sur cette page.

En bonus, un extrait vidéo :

2014-11-19T00:21:09+01:00mercredi 19 novembre 2014|Entretiens|Commentaires fermés sur [Utopiales 2014] Intelligence et surveillance dans les séries anglaises

Dédicace samedi en région rennaise

alfabulleAve ! Message rapide à caractère informatif pour que ce samedi à partir de 14h30, je suis en dédicace à Melesse, à la chouette librairie Alfabulle, 7 Rue de la Mézière. Venez nombreux, et vous pourrez entrevoir également ce panneau sur la route que la France nous envie, où les deux noms de localités s’enchaînent de fascinante manière :

MELESSE

BETTON

Oh, et vous pourrez repartir avec La Route de la Conquête (ou tout autre bouquin de votre choix), aussi.

2014-11-17T01:22:46+01:00lundi 17 novembre 2014|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Dédicace samedi en région rennaise

Interstellar, ou du cochon ?

Vous avez entendu les critiques, les avis tranchés, dithyrambiques ou blasés, et vous ne savez pas encore s’il faut y aller, ni même quoi penser, car les goûts de vos amis, d’habitude si faciles à cerner, semblent s’emmêler les pinceaux, se contredire par rapport aux référentiels habituels. N’ayez crainte ! J’arrive, et je vous dis tout ce qu’il faut penser sur Interstellar, et ce sans une once de modestie ni de spoilers.

Ahem, plus sérieusement…

interstellar

À moins d’avoir passé les trois derniers mois dans une caverne avec Platon, vous savez qu’Interstellar, c’est LE film ambitieux du réalisateur Christopher Nolan, connu pour Inception et les derniers Batman. (Batmen ?) Dans un Hollywood surformaté, Nolan navigue avec une aise remarquée et remarquable, mêlant avec talent effets spéciaux et scénarios plus fouillés que les standards habituels, comme en témoigne le très réussi Inception. Avec une monumentale épopée spatiale de trois heures, il est donc très attendu au tournantInterstellar sera-t-il un classique mêlant profondeur et bonne histoire ?

Le film commence dans un futur très proche, où la Terre se meurt : les fléaux environnementaux se succèdent et l’humanité a faim. Dans ce contexte de survie globale, Cooper, un ancien pilote d’essai de la NASA, tombe sur un projet spatial ultra-secret. Un trou de ver, conduisant à une autre galaxie et à des planètes potentiellement habitables, a été découvert en orbite de Saturne. Il faut y envoyer un équipage réduit pour chercher une planète candidate à la colonisation humaine, mais avec les effets de dilatation temporelle dus à la relativité, il pourrait bien s’agir d’un voyage sans retour. Cooper, déchiré entre l’appel des étoiles et l’attachement à ses enfants, finira par partir pour le plus vaste inconnu qui soit.

Interstellar connaît son ascendance, c’est visible, mais ne se contente pas de l’hommage : il y a une réelle volonté de pousser plus loin le film d’exploration spatiale prospective que le monument 2001, l’Odyssée de l’Espace, et ce en se fondant sur le savoir astrophysique, les problématiques et les moyens cinématographiques des années 2010 (odyssée deux ?). Les accords d’orgue prolongés de Hans Zimmer ramènent à Strauss, les robots assistant l’équipage rappellent régulièrement que leur obéissance est absolue (histoire qu’on ne craigne pas une resucée d’HAL 9000). Et c’est clairement sur le niveau visuel, sur la grandiloquence et la splendeur des plans spatiaux, sur leur lenteur (relative, nous sommes au XXIe siècle) et leur vraisemblance (pas de bruits dans l’espace ; tous les corps sont physiquement isolés) qu’Interstellar est le plus réussi. Le vertige de l’immensité spatiale, son hostilité, sa froideur, les distances incommensurables que l’univers met en jeu, tout est palpable pour le spectateur, le prend aux tripes, le colle à son siège, le déracine de ses repères familiers et il peut entendre un écho de ses propres pensées quand l’un des explorateurs déclare en tremblant : « nous ne sommes pas faits pour venir ici. » Sense of wonder, vertige cognitif, Interstellar est un bijou de ce point de vue ; et très peu de films y sont parvenus avec un tel brio (il faut dire qu’ils sont rares à s’y être essayés).

La production martèle qu’un astrophysicien, Kip Thorne, a été associé à l’écriture afin de proposer une représentation aussi réaliste que possible des phénomènes dépeints (trou de ver, trou noir) et de garantir la fidélité à la relativité générale, notamment aux effets de dilatation temporelle dus à l’accélération d’un corps1. Oui, c’est (globalement) cohérent, mais de là à qualifier Interstellar de hard science comme je l’ai vu ici ou là, il ne faut pas pousser, on n’est pas chez Bear ou Benford. Il faut toutefois louer l’effort de didactisme, invisible, accompli dans l’écriture, pour porter ces notions au grand public, et elles sont mises en jeu de manière assez juste. On pourrait en revanche s’interroger sur le fait que la relativité générale, une théorie âgée d’un siècle et fondamentale à notre compréhension du monde, soit aussi méconnue du grand public, au point que les critiques généralistes se renversent de l’intelligence du film.

Le trou noir du film. Grandiose, incompréhensible, presque lovecraftien.

Le trou noir du film. Grandiose, incompréhensible, presque lovecraftien.

Parce que c’est un peu là que le bât blesse. Interstellar est un beau film ; Interstellar est un film vertigineux : Interstellar est un vibrant plaidoyer pour l’exploration spatiale, en nous ramenant à la nécessité fondamentale d’explorer ce qui nous entoure (et peut-être de sauver notre peau en nous trouvant une planète neuve au lieu de nous éteindre bêtement sur celle que nous avons abîmée) ; rien que pour cela, il mérite un profond respect. Mais s’il y a une chose qu’Interstellar n’est pas, c’est un film intelligent.

Il n’est pas question de fustiger la potentielle vacuité des réflexions philosophiques sur la survie, sur l’amour, sur la cohésion de l’espèce, sur les impératifs évolutifs qui gouvernent encore les pulsions humaines ; il me paraîtrait bien ingrat de le faire, dès lors qu’on se rappelle qu’un film tel qu’Interstellar est avant tout une oeuvre de narration et non philosophique, et que les questions qu’il pose sont de toute façon très efficacement véhiculées par l’image et le scénario seuls. Interstellar est un film long, mais il n’est pas ampoulé par ses dialogues, par la tentative de pensée qu’il s’efforce d’introduire, et qui, bien que superficielle, tient la route. 

Interstellar patine hélas à cause de stupides erreurs narratives, de facilités et surtout d’occasions manquées qui sont regrettables quand on voit l’envergure du film par ailleurs. Sans dénaturer l’intrigue, si la production a embauché un astrophysicien pour bétonner le scénario, il aurait été judicieux d’ajouter un agronome et un océanographe. La famine subie par la Terre est soit mal expliquée, soit ne tient pas debout ; quant aux vagues hautes du plusieurs kilomètres qui traversent régulièrement une planète-océan qui semble profonde de vingt centimètres, et ce sans provoquer le moindre ressac, euh… Et passons sur la mécanique des communications dans le trou de ver qui change en fonction des exigences du scénario, des décisions parfois absurdes prises par l’équipage…

Mais admettons tout cela au nom de la volonté de l’histoire. Plus dommage, et plus décevant, alors qu’Interstellar s’efforce d’offrir une réflexion poussée sur la place de l’homme dans l’univers, les personnages qui la portent dégénèrent à grande vitesse en des clichés tout juste bons à servir d’antagonistes ponctuels, au cours d’effets narratifs qu’on sent venir à cent mètres. Tous ces astronautes, scientifiques de haut vol, triés sur le volet, volontaires pour leur mission, craquent de façon un peu trop systématique : d’accord, on a compris, l’espace, c’est grand et ça fait peur, mais il aurait été bien plus émouvant de voir ces gens lutter pour garder leur sang-froid et se fissurer peu à peu qu’exploser régulièrement comme des divas. Et là, alors que c’est une pierre angulaire du discours, c’est rageant. Et nous éviterons de regarder de trop près les dix dernières minutes, qui tiennent probablement à ce stade de la figure imposée par le cinéma moderne à gros budget, mais regrettons-les un peu quand même, discrètement, là, comme ça.

De façon plus vaste, le défaut majeur d’Interstellar est peut-être sa conclusion, sa chute, le gros PAIEMENT de la promesse narrative du début du film. Soit je deviens blasé, ou bien intellectuellement surpuissant (oui, voilà, c’est forcément ça), mais je peine à comprendre comment un spectateur vaguement attentif, et surtout passionné d’imaginaire, ne pourra pas la voir venir dès le premier quart d’heure, conclusion appuyée lourdement par des mises en place, répliques disséminées ici et là avec la subtilité d’un monolithe noir. Interstellar place le spectateur dans une drôle d’oscillation continuelle, entre « ouaaaah c’est beau, c’est grand, j’ai peur » et « ah, bon, ça y est, merci, j’ai compris depuis une heure : la suite, svp ».

Suis-je assassin ? Suis-je en train de te dire, auguste lectorat, qu’Interstellar est un gros pavé bouffi sans intérêt et que la SF vaut mieux que tout cela ?

Eh bien, certainement pas, et même tout le contraire. Interstellar est un film majeur, peut-être un futur classique – ce qu’il mérite. Mais attention, ce n’est pas un grand film, comme le sont Bienvenue à Gattaca, Blade Runner ou L’Armée des douze singes. Mais c’est un film marquant, notable, un jalon de l’histoire de la science-fiction. J’irai jusqu’à affirmer qu’on peut le désigner comme successeur au trône symbolique occupé par 2001.

Sacrilège ? 2001 était un jalon marquant, longtemps inégalé, qui a atteint le statut de culte, et donc, par là-même, considéré inégalable par beaucoup. Mais – au risque d’égratigner la statue – descendons un peu de nos piédestaux de hauts intellectuels. Franchement, sérieusement ; à sa sortie, qui a pigé la fin de 2001 ? Qui, avant que les big dumb objects comme le monolithe noir ne deviennent un trope répandu du genre, avait instantanément pigé le lien entre l’os lancé en l’air par le primate et le fondu vers le vaisseau orbital humain ? Soyons sérieux deux minutes. 2001 est un classique, une oeuvre majeure, mais nous savons tous que, quand on en parle à un non-spécialiste, il dira qu’il n’a pas très bien compris ce qu’il a vu (en termes plus ou moins châtiés). 2001 – en tout cas son dénouement – est incompréhensible sans explication de texte ou sans avoir lu le livre de Clarke. La vénération de l’oeuvre, dirais-je, découle aussi de ce plaisir d’initié : 2001 est un chef-d’oeuvre, parce que moi, je l’ai compris, et c’était tellement en avance, vous comprenez.

2001 est donc, à mon humble avis (qui me vaudra peut-être le bûcher2), une oeuvre majeure, splendide, puissante, mais aussi puissamment imparfaite.

Interstellar l’est aussi, quoique pour d’autres raisons. Interstellar pousse plus loin le vertige spatial, le réactualise, offre une oeuvre d’une grande cohérence (jusqu’à ses défauts) et présente l’immense avantage de l’intelligibilité. Ergo : allant plus loin, c’est un successeur, moderne, à la hauteur de 2001. Et un film qu’on peut montrer à quasiment n’importe qui pour parler d’espace, de l’importance de son exploration, pour le faire voyager et frémir, sans qu’il vous regarde à la fin avec un air mi-bovin mi-contrarié. Interstellar est une grande contribution à la science-fiction et à son accessibilité. C’est un film majeur. 

Mais, eh bien, cela n’en fait pas un chef-d’oeuvre pour autant. Et c’est, malgré tout, un peu dommage.

  1. Si vous n’êtes pas au top, lisez les livres de la série La Science du Disque-monde, tout y est très bien expliqué et de façon plus drôle que chez Stephen Hawking, et oui, je sais, je les ai traduits, mais c’est bien pour ça que je peux en parler.
  2. Et je rappelle, pour mémoire, ma grille de lecture critique : parte ouane, parte tou.
2014-11-14T17:02:35+01:00vendredi 14 novembre 2014|Fiction|39 Commentaires
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