La photo de la semaine : Tomber dans la cathédrale
… d’Orléans.
… d’Orléans.
Sondage parfaitement non-scientifique balancé au coin de Twix un soir où, constatant que les réseaux classiques sont tous plus irrespirables et/ou devenus difficiles d’utilisation les uns que les autres, je me demandais vers quoi nous pourrions nous tourner :
Qu’est-ce que je fous sur ces plateformes dont je dis périodiquement du mal ? Deux raisons : d’une, c’est génial de parler à des gens, à vous toutes et tous, de pouvoir faire des rencontres virtuelles que le présent site, bien qu’il reste mon canal en ligne fétiche, ne peut plus susciter en 2023 ; de deux, l’aspect salon littéraire permanent (évoqué ici).
Pour le premier aspect, je crois que Twix est condamné à moyen terme (et c’est bien parce que j’ai juré que je ne ferais plus la girouette que j’y suis encore, mais Phony Stark me donne des boutons – j’attends qu’il rende le service payant pour avoir enfin une excuse de me barrer), et je trouve Facebook devenu inutilisable au possible, et de toute façon on sait que c’est pour les darons. Mastodon a pas mal calé, en revanche Bluesky (j’y suis, au fait !) est prometteur, mais très, mais alors très très basique pour l’instant.
Que peut-on créer comme communauté sympa de nos jours, qui ne soit pas inféodée à un service qui te vampirise tes données personnelles et/ou appartient à un fou furieux qui attaque en justice les chercheurs étudiant la désinformation sur sa plate-forme, et qui ne nécessite pas une armée de modérateur.rices pour la tenir en un seul morceau ? Vivement qu’on devienne tous Borg, tiens.
Bon, auguste lectorat, tu te rappelles combien j’étais dithyrambique sur les machines à écrire connectées Freewrite et les contraintes d’écriture libératrices qu’elles imposent. Alors, oui, mais le Grand Prêtre de l’Église des Guillemets à Chevrons que je suis n’est pas content du tout d’un petit tour pendable (ou plutôt, je pense, d’une bêtise révélatrice d’un manque de finition fortement agaçant) révélé avec la dernière mise à jour des machines (version 2).
Je ne parle pas de l’irruption de certaines fonctionnalités optionnelles derrière un abonnement (quoique, quand on voit le prix des engins, c’est se moquer du monde), mais du changement surprise de la disposition des caractères spéciaux de certains claviers.
Je précise : tout auteur sachant ce qui est juste est bon utilise un Mac à défaut de Mac, utilise a minima la disposition de clavier française belge et non française. La raison : un certain nombre de caractères spéciaux y sont bien plus accessibles que sur cette horreur d’AZERTY français (utilisé par défaut sous Windows) (les Macs français, même achetés en France, utilisent justement la disposition belge).
Par exemple :
Jusqu’à présent, c’était aussi le cas sur les Freewrite passées en AZERTY belge, mais depuis la v2, les caractères ont émigré dans des emplacements absurdes. « se trouve sur Alt-W (il devrait y avoir ‹), » sur Alt-X (ce qui est ⁄), le tiret cadratin a disparu, et à la place des caractères utiles, on trouve des trucs qui voient probablement moins d’usage que les hiéroglyphes égyptiens en 2023 (genre la fraction 7/8 à la place de »).
Un peu de trifouillage me donne l’impression que le « nouveau » clavier belge utilise maintenant les caractères spéciaux de l’AZERTY français, ce qui témoigne peut-être d’une erreur (la v2 ayant ajouté de nouvelles langues aux machines), mais bordel, le clavier, sur une machine à écrire, c’est quand même un peu le truc de base.
Il faut savoir qu’Astrohaus (les constructeurs des Freewrite) n’a pas la meilleure des réputations en ligne – leurs machines sont chères, l’ajout d’un service d’abonnement fait râler à juste titre (coucou reMarkable), le support technique n’est apparemment pas des plus réactifs et certaines machines présentent des défauts de fabrication.
Personnellement, je n’ai été jusqu’ici qu’enchanté par mon expérience, mais là, une erreur aussi grossière est difficilement pardonnable. Ce sont des machines à écrire, faites pour cracher du texte, et l’on veut donc retrouver dessus exactement les mêmes réflexes que dans ses autres environnements. Je ne dirais pas que ce changement détruit pour moi l’utilité de l’engin, mais il brise fortement le flow qu’il vise à atteindre. Et surtout, cela témoigne d’un manque de finition qui a éveillé ma méfiance, rapport aux remarques susdites.
Contacté en ligne, le compte d’Astrohaus me dit de joindre le support technique :
Ce que je vais faire, mais vu le rythme glacial des mises à jour des machines, je ne retiens pas mon souffle. On va voir.
Point d’avancement comme « faire le point », pas comme « y a pas d’avancement », hein. Haha. (Je l’ai déjà faite autrefois, et c’était exprès, olol.)
Que se passe-t-il dans les profondeurs du Studyoze (car c’est le nom véritable de mon nouveau bureau à Melbourne, où je bénéficie d’une surface respectable, et je parle de la pièce, pas de ma circonférence abdominale nourrie en burgers) en ce moment ? Où en est La Succession des Âges ? Est-ce qu’on le verra à un moment avant la fin du monde ?
Eh bien, auguste lectorat, les choses progressent plus ou moins au rythme défini, ce qui constitue un soulagement rien qu’en soi, pour tout avouer. Pour mémoire, je possède actuellement ça, oui, ça fait 20 cm de hauteur (bon, c’est en corps 14 et la plupart est imprimé sur du brouillon donc en recto seul, mais quand même). 3,2 millions de signes, parce que AHAHA tuez-moi s’il vous plaît. (Ça ne fera pas tout ça au final, hein. Ça sera GROS. Mais ça ne fera pas ce volume. Normalement. Mes manuscrits maigrissent toujours beaucoup aux corrections, et celui-là va perdre encore plus que la moyenne. Priez pour nos âmes.)
Mon héroïque et incroyable directrice d’ouvrage, Florence Bury, a besoin de temps à son tour pour digérer tout ça et effectuer les corrections éditoriales, donc le plan est le suivant :
Nous avons fait ça sur tous les tomes précédents depuis le 2, et ça s’est toujours terminé correctement (quoiqu’un peu sur le fil parfois). Et aujourd’hui, où en suis-je ? Eh bien :
De longues semaines de corrections / réécriture (certains chapitres doivent être entièrement refaits, la faute à la complexité du projet) m’attendent maintenant. J’adore cette étape, je sais, presque tout le monde me regarde de travers, mais c’est un tel soulagement de voir enfin le tableau prendre sa forme finale, les pièces adopter leurs places définitives et de pouvoir, bon dieu, dire : « ça, c’est fini, c’est fixé ». Pour le meilleur ou pour le pire. Mais j’ai confiance dans le processus. Il ne m’a jamais fait défaut ; moi, en revanche, oui, et c’est justement là qu’il faut réécrire en profondeur.
Shit’s getting DONE. Yes.
Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s08e03 De beaux sentiments sans tomber dans les bons sentiments« .
Une certaine concentration actuelle des attentes du marché sur la tension narrative, le conflit, le rythme peut faire crainte la difficulté d’écrire des relations peut-être saines ou pacifiques entre personnages. Peut-on le faire ? Comment écrire de l’enjeu et de la tension sans tomber dans la cruauté et la violence ? Pour Estelle, justement, un premier levier consiste à prendre conscience que celles-ci ne sont pas obligatoires ; au contraire, s’en abstenir permet de marquer du contraste. Ensuite, il convient d’accepter que dans un monde sombre aux événements âpres, les relations ne sont pas forcées de suivre le même motif. Mélanie souligne justement, exemples et choix de narration à l’appui, la puissance que ce contraste entre normalité et cruauté peut acquérir dans un récit. Pour Lionel, la difficulté s’enracine dans une compréhension restrictive ce qui fait un conflit narratif et sa tension, lesquels peuvent sortir du modèle frontal, interpersonnel et intense pour aborder quantité d’autres façons de raconter.
Reférences citées
- L’Armée des ombres, film de Jean-Pierre Melville
- The Last of Us, série de Neil Druckmann et Craig Mazin
- Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
- J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des anneaux
- Star Trek, série créée par Gene Roddenberry
- Ted Lasso, série de Bill Lawrence, Jason Sudeikis, Brendan Hunt et Joe Kelly
- Doctor Who, série créée par Sydney Newman et Donald Wilson
Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :
Bonne écoute !
Dix-sept ans se sont écoulés depuis la publication de cet article, sous la plume de nulle autre que Léa Silhol, qui avait fait grand bruit à l’époque de par son côté politiquement très incorrect, et il l’est encore un peu, mais plus tant que ça en 2023 justement parce qu’il est toujours actuel (convertissez juste quelques détails pour 2023, comme « forums » par « réseaux commerciaux »).
Justement, comme il est probablement inconnu des nouvelles générations, il est à relire et réfléchir à l’heure où les éditions ActuSF sont forcées de mettre un point final à leur histoire.
➡️ Happiness in Slavery – La philosophie dans le foutoir
Pour mémoire, « réfléchir » ne signifie pas « adhérer sans réserve », et je ne fais aucun parallèle entre la situation des deux maisons – je n’en sais rien, je ne suis dans le secret ni de l’une, ni de l’autre ; il est simplement intéressant de lire des mots non mâchés sur un métier dont les difficultés semblent avoir fort peu évolué de manière générale (si ce n’est en mal).
Ce week-end, c’était la convention PAX Australia (Penny Arcade Exhibition) à Melbourne, et c’était génial : un peu comme une Worldcon à domicile, mais concentrée sur l’univers du jeu – plateau, rôle, stratégie et évidemment vidéo. Si le principe vous est inconnu, les conventions façon anglophone sont très différentes de nos festivals à la française : c’est beaucoup plus proche d’un congrès, où les places, en nombre limité, sont vendues bien à l’avance (et souvent épuisées des semaines avant la date). Cela implique des événements beaucoup moins grand public, puisque s’adressant aux initiés qui savent pourquoi ils sont là – et quand on l’est, c’est bien sûr du bonheur en barre, des concours de cosplay très référentiels aux activités merveilleusement débiles comme des concours de speedrunning de l’E1M1 de Doom sur un tapis de Dance Dance Revolution (évidemment, ça s’appelle Doom Doom Revolution) ou des panels très sérieux sur les techniques avancées du cosplay ou la musique de jeu vidéo.
C’était aussi l’occasion pour nous d’y aller costumés ! Ça devait bien faire dix ans que je n’avais pas remis mes bottes steampunk. Elles sont toujours aussi inconfortables, mais je suis maintenant capable de les supporter deux jours, ce qui est la preuve irréfutable qu’on durcit des pieds avec l’âge.