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Une affiche et des infos pour le festival L’Ouest à Hurlant à Rennes ! (fin avril)

Oooooh, pretty !

Affiche Solenn Deléon

Pour mémoire, L’Ouest Hurlant est donc le nouveau chouette et grand festival d’imaginaire qui se tiendra à Rennes du 30 avril au 1e mai (avec l’excellent érudit, auteur, libraire, éditeur, essayiste Xavier Dollo alias Thomas Geha à la direction artistique). Les infos commencent à se dévoiler, à commencer donc par l’affiche, mais aussi plein d’infos données par Xavier lui-même dans ce fil Twitter :

J’y serai pour ma part, avec l’honneur de le co-parrainer avec Estelle Faye. Ne manquez pas ce rendez-vous qui s’annonce d’ores et déjà majeur !

➡️ Le site officiel du festival (en cours de dévoilement à l’heure où j’écris)

2022-03-04T17:27:42+01:00mercredi 9 mars 2022|Le monde du livre|2 Commentaires

La librairie Critic s’agrandit !

Une très chouette nouvelle à annoncer : la librairie / éditions Critic pousse les murs ! Une deuxième adresse va apparaître, juste à une porte de distance de l’enseigne actuelle. Je suis ravi de voir la maison s’agrandir, félicitations à toute l’équipe et bravo pour ce projet ! (21 ans d’existence, quand même, la librairie a maintenant le droit de boire de l’alcool aux États-Unis)

Le communiqué :

Arrêtez tout ! Grosse nouvelle à partager largement en ce début de mois : Critic pousse les murs!

Nous sommes heureux de vous annoncer qu’apès avoir créé la librairie Critic il y a 21 ans au 19 rue Hoche à Rennes et développé une enseigne renommée dans les domaines de la bande dessinée et des littératures de l’Imaginaire, après avoir lancé une maison d’édition spécialisée dans les littératures de l’Imaginaire il y a 12 ans et lié une collaboration avec les éditions Les Humanoïdes Associés pour publier de la Bande dessinée il y a 5 ans, nous reprenons une autre enseigne qui a durablement marqué les esprits en son temps. Nous sommes fiers de pouvoir offrir une nouvelle vie à la librairie Les Nourritures Terrestres, également située 19 rue Hoche, et de redonner à ce lieu qui fut un temps une sandwicherie sa vocation de librairie. Début juin ce seront donc 2 enseignes Critic et Critict2, toutes deux portant le n°19 de la rue Hoche mais espacées de deux portes, qui vous accueilleront avec le savoir-faire habituel, sourire, chaleur et conseils avisés.

Critic… continuera de vous proposer un large choix en Bande dessinée et Comics adultes, et
l’un des plus larges choix en Bretagne de littératures adultes dites de l’Imaginaire : science-
fiction, fantasy, fantastique.

Critic#2… vous proposera un vaste choix en manga adulte et jeunesse, en Bande dessinée et
comics jeunesse et en littératures dites de l’Imaginaire à destination de la jeunesse.
Un showroom de la maison d’édition sera également installé dans ce nouveau lieu.

Depuis 22 ans, nous avons répondu à des centaines de clients poussant la porte de Critic que
non, ils n’étaient pas à la librairie Les Nourritures Terrestres. Nous allons enfin pouvoir dire :
oui, c’est bien ici, quelle que soit la porte poussée ou presque 😉

(Source : newsletter)

➡️ La librairie Critic en ligne

2022-04-11T09:56:33+02:00mardi 8 mars 2022|Le monde du livre|Commentaires fermés sur La librairie Critic s’agrandit !

Ne l’écrivez plus Kiev, mais Kyiv

C’est une goutte d’eau dans l’océan, et il y a tellement plus grave (pour mémoire, ce lien du développeur ukrainien Resale recense quantité de manières d’aider matériellement le pays et sa population), mais si on ne se préoccupe pas un minimum du pouvoir des mots et de leur portée politique par ici… Quelques interrogations circulent sur les deux orthographes de la capitale ukrainienne : Kiev (comme on le fait en France et dans beaucoup de langues étrangères) ou Kyiv (comme on le voit dans les médias anglophones) ?

C’est Kyiv. « Kiev » est la transcription venue du russe, « Kyiv » correspond à l’origine ukrainienne. J’espère qu’il est superflu d’expliquer pourquoi il convient maintenant de préférer cette dernière ; l’orthographe peut aussi être un choix politique, choix qu’a fait Libération.

2022-03-04T17:28:31+01:00lundi 7 mars 2022|Non classé|2 Commentaires

Présences d’Esprits n°107, spécial Élisabeth Vonarburg

Une brève pour signaler la sortie du nouveau numéro de la revue Présences d’Esprits, avec notamment un dossier sur Élisabeth Vonarburg ainsi qu’une nouvelle, « Les Invisibles » :

Couv. Grégory Fromenteau

Ce dossier propose une formule très intéressante où, avec les articles attendus d’étude sur l’œuvre, on trouve des témoignages de pros du milieu qui parlent d’Élisabeth, de l’influence et du rayonnement qu’elle a sur eux et elles et dans le domaine en tant qu’actrice de premier plan de l’imaginaire francophone.Parce que l’édition, et la communauté de l’imaginaire, c’est aussi un domaine vivant et humain. (Invité à contribuer, je cite, au passage, les deux conseils d’écriture qui m’ont le plus marqué quand j’ai eu l’honneur de co-animer des masterclasses avec elle.)

La revue est dispo dans les points de vente spécialisés ou directement sur le site du club Présences d’Esprits : ➡️ https://www.presences-d-esprits.com

2022-03-01T11:57:20+01:00jeudi 3 mars 2022|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Présences d’Esprits n°107, spécial Élisabeth Vonarburg

Procrastination podcast s06e12 – Ne pas écrire

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s06e12 – Ne pas écrire« .

On parle beaucoup d’écrire, mais quasiment jamais des pauses et des respirations : dans cet épisode, plongée dans la jachère de la création, à l’opposé des impératifs de production.
Mélanie expose l’existence de cette pression d’occuper l’espace dans les métiers artistiques, qui est difficilement compatible avec le travail de l’inconscient sur la durée. Surtout que la créativité peut évoluer, comme dans son cas, entre les genres et même les formes. Lionel propose un parallèle avec son travail en musique, où le mûrissement permet de rendre les sessions de travail finalement plus efficaces, à mesure que l’esprit fonctionne en tâche de fond : les processus créatifs comportent une part d’aléatoire, ce ne sont pas des chaînes d’assemblage que l’on peut répéter à l’identique d’un jour à l’autre. Estelle renchérit sur le fait que se nourrir l’esprit de centaines de choses, parfois en rapport avec des projets, mais parfois non, permet de s’enrichir et enrichir son travail ; elle dévoile aussi son ancienne méthode contre-intuitive pour réussir ses dissertations de français… un aspect de sa manière de travailler qu’elle observe encore aujourd’hui.

Références citées

– La collection Bouquins

– Steven Pressfield, La Guerre de l’Art

– Kourosh Dini

– Stephen King, Écriture

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2022-03-18T08:14:34+01:00mardi 1 mars 2022|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s06e12 – Ne pas écrire

Cela nous concerne très directement

Toutes les horreurs que les écrivains croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité.

Balzac

À chaque fois que le monde part en vrille, je pense systématiquement à cette citation de Sartre à laquelle Ayerdhal tenait beaucoup : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Mais à chaque fois que le monde part en vrille, je m’interroge aussi en ces termes à peu près : « Qu’est-ce que je suis en train de foutre ? » C’est-à-dire : suis-je à la hauteur de cet aspect de la mission ? (Ne répondez pas, ce n’est pas une question à laquelle on répond, c’est un processus que l’on réfléchit à incarner.)

La littérature, l’art par extension, me semble toujours la chose la plus importante et la plus futile à la fois. L’art sauve, nous élève, nous incite à réfléchir et même, simplement, nous fait du bien. Oui, bien sûr. Mais quand le monde part en vrille et qu’on n’est qu’un humble pousse-curseur, il ne me semble pas complètement absurde de se demander : « Non mais là, en vrai, qu’est-ce que je suis en train de foutre ? »

Qu’est-ce qui me donne le droit et la volonté de croire que je fais un truc réellement important ? Personne, et c’est bien ça le truc : la création est toujours un processus imprévisible, quelle que soit la structure qu’on y injecte ; l’authenticité qu’on s’efforce d’y mettre ne parvient pas toujours à établir ce pont vaporeux avec l’esprit inconnu que l’on espère atteindre, et nul ne peut le savoir a priori. On ne peut qu’essayer, toujours, avec sincérité ; laquelle est la seule clé et la seule vraie raison de toute cette futilité.

Quand le monde part en vrille, que ce soit le monde en dehors ou au-dedans de moi (ce qui arrive aussi), je m’efforce toujours de revenir à ces paroles simples et ô combien fortes de Neil Gaiman : make good art. Le good est toujours une aspiration, une intention, un espoir. Aucun de nous ne sait si ça va marcher. Il n’est même pas un but réaliste. Il nous reste à make art, surtout ceux et celles d’entre nous, dont je fais absolument partie, qui ne savent pas faire grand-chose d’autre et en ont grande conscience. (À part aussi, bien sûr, faire des dons à La Croix Rouge, et à toutes les organisations humanitaires de réputation établie.)

Du discours de Gaiman, on a surtout retenu le make good art, mais je trouve, tout particulièrement en ce moment, ce passage beaucoup plus important, qui nous concerne tous, c’est peut-être là que notre action individuelle commence réellement, en tant que citoyens du monde : être sages, et si nous ne le sommes pas, faire comme si nous étions quelqu’un de sage, et puis agir conformément à ce que cette personne ferait. Ce qui est une nécessité vitale en cette ère de surinformation, de désinformation et, forcément, d’angoisse :

Les Stoïciens plaçaient la vertu (et l’action qui en découle) au-dessus de toute considération, l’équivalant au bien ; deux millénaires plus tard, Gandhi disant be the change you want to see in the world.

Qu’est-ce que je suis donc en train de foutre ici, là, aujourd’hui ? Je vous parle, déjà, parce que j’ai la chance d’avoir une petite tribune, et que si, pour être totalement honnête, je ne sais pas depuis le début de cet article comment aborder un sujet bien trop brut pour avoir une réaction que j’espère intelligente (si j’écris de la fiction, c’est aussi parce qu’elle m’offre le bouclier du temps, de la réflexion et de la métaphore avec l’alibi du divertissement), je ne peux pas ne pas m’en servir alors qu’une histoire terrible est en train de s’écrire et que j’ai l’impression qu’on n’en prend pas trop la mesure. Ce n’est pas la première fois ni le premier endroit où ça arrive, je sais. Mais là, il faut vraiment prendre conscience de tous les parallèles historiques, et on ne rigole plus avec ça : on a déjà, réellement, vécu ça de très près.

Lors du défilé pour la paix samedi à Rennes, des personnes d’ascendance ukrainienne martelaient aux passants : « Arrêtez-vous, les Français. Cela vous concerne. » Fichtre oui. Cela nous concerne. Les habituelles récupérations politiques écœurantes ont lieu – elles ont toujours lieu ; les figures publiques démagogiques croient toujours pouvoir capitaliser sur les crises qu’elles s’imaginent lointaines et donc inoffensives. Mais ce n’est pas cela qui nous concerne, nous, en tant que citoyens et citoyennes du monde. La vérité brute, c’est qu’une puissance a envahi militairement une nation souveraine, bombarde des cibles civiles et que son allié proche prépare sa nucléarisation tandis que l’agresseur lui-même brandit la menace atomique.

Des imbéciles et des fantoches ânonnent un relativisme criminel et irresponsable, comme quoi la Russie aurait été poussée par l’expansion de l’OTAN à réagir de la sorte. L’Ukraine est une nation souveraine apte à choisir son destin ; la personne qui met le flingue sur la tempe de son gouvernement n’est pas l’Ouest. L’invasion russe est aussi un aveu criant d’échec de la proposition portée par son pouvoir. Quelle que soit la manière dont on regarde cette crise, on ne peut pas justifier, expliquer, comprendre cette invasion, quel que soit le contexte géopolitique. C’est une fucking invasion, avec des civils qu’on arme dans les rues, des immeubles d’habitation qu’on bombarde, et un pays auquel l’agresseur a refusé explicitement le droit d’exister.

C’est extrêmement grave, ça nous concerne, c’est littéralement à nos portes. Et j’avoue que je suis juste triste de voir réseaux et figures publiques s’exciter tellement fort dès qu’un président de droite est démocratiquement élu1, se drapant dans des proclamations de Résistance (une référence historique dont je n’oserais pas personnellement me réclamer : il fallait un courage et une vertu que la vaste majorité d’entre nous ne peut affirmer posséder en toute connaissance de cause, parce que nous avons eu la chance de ne jamais avoir été mis à l’épreuve) alors que là, j’ai quand même l’impression que les affaires continuent sans guère de vague. Alors certes, les affaires doivent évidemment continuer, car c’est déjà une façon d’affirmer la vie, et affirmer la vie, c’est résister (avec un petit « r »). Mais quand même. Nous rendons-nous bien compte de la chance que nous avons ?

Mais que peut-on faire ? Pas grand-chose de concret, certes, mais commencer par refuser, protester vocalement et continuellement, car c’est aussi une guerre d’influence et de propagande (les médias russes ont interdiction de parler d’invasion, Twitter et Facebook sont coupés là-bas depuis quelques jours, les manifestations anti-guerre sont passibles d’arrestation) ; et à notre humble échelon, à chaque instant, s’efforcer (et je reviens à Gaiman) de faire preuve de sagesse dans nos actions, quelles qu’elles soient, dans notre partage de l’information, dans notre compréhension du sujet, dans nos conversations. Refuser, comme nous avons encore la chance merveilleuse de ne pas être appelés à résister. Nous montrer peut-être à la hauteur des valeurs que nous prônons porter et incarner, alors qu’elles sont justement mises à l’épreuve. En tant que citoyens, en tant qu’êtres humains.

Et le plus important, bien sûr, exprimer notre solidarité avec le peuple ukrainien qui se bat en ce moment même dans les rues de ses villes, et Résiste, lui, avec un grand « R ».

2022-02-27T16:38:58+01:00dimanche 27 février 2022|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Cela nous concerne très directement

Évidemment qu’on peut donner des conseils d’écriture, enfin

C’est un serpent de mer qui ressort régulièrement (ou plutôt des cris d’orfraie, tandis que l’amadou desséché de l’Internet énervé passe une fraction de seconde dans la lumière du soleil et explose façon supernova) : non, on ne peut pas donner de conseils d’écriture. C’est un processus profondément personnel, lié à des manières intimes de se sonder, et chacun, chacune a une approche et des jugements esthétiques différents. Toute conversation sur le sujet de l’approche romanesque est nécessairement prescriptive, donc (je résume au terme d’échanges tout de suite très énervés) : ta gueule.

En termes châtiés, disons que je trouve cette attitude extrêmement mystérieuse (et mon mauvais fond a envie de dire que ça peut peut-être cacher une forme détournée de gatekeeping ; moi, j’ai trouvé, toi, tu dois en baver). Or, c’est spectaculaire comme l’écriture est le seul art où l’on retrouve à la fois ce discours et les réactions épidermiques qui vont avec. Ça n’existe littéralement pas ailleurs, que ce soit en musique, dans le dessin, le game design, la décoration de bullet journal, etc.

Ça ne choque personne de prendre des cours de guitare pour apprendre la guitare. Ça n’exclut pas non plus les génies intuitifs qui prennent une guitare à quinze ans, font dans leur cerveau « ah OK, ça marche comme ça » et deviennent Jimi Hendrix. Personne ne dit que tu dois faire comme Hendrix ; personne ne t’interdit non plus de prendre des cours de guitare. On te dit juste : si tu veux apprendre la guitare, l’étape logique, c’est prendre des cours. Pourquoi ? Ben pour apprendre, bon sang. C’est un peu plus facile d’avoir quelqu’un qui a l’expérience pour te montrer, c’est juste du bon sens. Mais ah, tu peux aussi apprendre en autodidacte comme Hendrix, absolument. En revanche, sache que tu vas y passer un sacré temps et que tu as intérêt à avoir une sacrée motivation. Tu veux pas te faciliter la vie et prendre des cours ? C’est toi qui vois.

Au final, si tu en sors et que tu es Hendrix, personne ne va te demander ton CV ; t’es Hendrix. On s’en fout de par où t’es passé ; ta réalisation est la preuve de ton expérience – et au final, c’est quand même tout le but de l’apprentissage : réaliser les choses que l’on veut. La technique n’est pas une fin en soi, elle n’est qu’un moyen : en art, tout ce qui compte, c’est ce qu’on réalise (qu’on le diffuse ou pas – c’est une autre question).

Néanmoins, toute pratique soutenue d’un art passe par une pratique et un apprentissage dévoués et réguliers. On s’y prend bien comme on veut ; en narration, par exemple, on peut lire beaucoup, suivre des ateliers, méditer et expérimenter la technique, échanger, potasser des manuels, et évidemment rien de tout ça n’exclut le reste, et je trouve qu’idéalement, on essaie de faire tout ce qui précède. Le but, en tout cas l’idéal platonicien à mon sens, c’est de devenir Hendrix ; c’est de maîtriser son instrument (que ce soient la guitare ou les mots) au point qu’il s’exprime sans obstacle à travers soi, de la manière la plus distillée et aboutie pour être reçu de la manière la plus authentique, tout en ayant conscience (parce que Hendrix ne s’est pas arrêté de bosser, discutez avec n’importe quel musicien professionnel et il vous expliquera le temps constant de pratique qu’il investit chaque jour) que c’est un processus et non un but à atteindre (parce qu’il est inatteignable. C’est un idéal platonicien).

Il me semble que deux fondements pour cela, c’est la curiosité et la conversation. La curiosité pour son art, pour ce qui a été fait, comment on le fait, comment ça fonctionne, sans cesse ; c’est pour cela qu’affirmer qu’un auteur peut se permettre de passer de lire… me semble avoir autant de sens qu’un peintre qui prend soin de marcher dans la rue les yeux baissés « par peur que le réel l’influence ». (seriously?) Et ce qui va de pair avec la curiosité, c’est la conversation, portant sur l’art et sa pratique ; quant à ses résonances, ses courants, mais aussi les approches, les mécanismes qui peuvent être, quand même dans une certaine mesure, disséqués et analysés de façon raisonnée. Des phrases courtes servent généralement mieux une scène d’action. Sauf si l’on cherche à établir un ralentissement artificiel, par exemple pour induire un sentiment d’horreur ou d’inéluctable. Dès lors, quel est le projet ? Quelle est l’intention ? Quel outil vais-je utiliser pour m’efforcer de transmettre au mieux mes intentions, parce que je fais la démarche d’écrire pour être reçu·e par des gens avec qui je voudrais idéalement établir une connivence ? Voilà les questions intéressantes : qu’est-ce qui tend à créer quel effet ? Quel est l’effet que je recherche ? Niveau advanced : comment puis-je tordre l’attente pour créer quelque chose d’entièrement différent en prenant une technique à contre-pied ? Et il y a bien sûr une progression dans toutes ces étapes.

Opinion non populaire : dans certains discours très énervés qu’il m’a été donné de voir passer sur l’inutilité de la technique (et sur l’inutilité de lire), je lis le désir non pas d’écrire, mais d’être écrivain. De pouvoir se réclamer auteur, si possible en évitant le boulot qui va avec. Parce que c’est crevant, ça oui (demandez à Hendrix et à tout artiste pro). Et ça fait peur, aussi – croyez-moi, je sais. Mais il s’agit là de vouloir un prétendu statut, un fantasme, alors que la réalité du job, c’est le job lui-même. Et qu’on se fait beaucoup de bien en comprenant ça et en lâchant prise sur des choses sur lesquelles, en plus, on n’a guère de prise.

Je ne jette la pierre à personne. Tout le monde a le droit d’avoir ses rêves ; par contre, d’une, il faut avoir conscience que les rêves, ça se nourrit et ça se travaille, ça n’arrive pas tout cuit dans la bouche (enfin, ça peut, mais c’est quand même toujours plus sûr de bouger ses fesses, vous savez, dans le doute) ; de deux, on court toujours le risque de tomber de haut et il faut de la bravoure ; de trois, avoir des rêves, des angoisses, des douleurs même que sais-je, ne donne pas pour autant le droit de proférer des âneries qui perpétuent l’image dommageable que tout le monde est le Jimi Hendrix de la littérature dès sa première phrase parce que « ça se juge pas, y a pas de vérité objective ».

Il n’y a pas de vérité scientifique objective en art, certes. Mais entre ça et le grand globiboulga qui voudrait que tout le monde soit Marcel Proust au premier roman parce qu’on ne peut pas juger, il y a une sacrée marge. Il serait tout de même étrange que dans un métier on ne puisse pas parler de technique et de fiabilité d’approche. L’ignorance n’est pas une vertu, ne pas être curieux de son processus (ou de ceux des autres) non plus. Et s’il n’y a pas de règles absolues, si chacun doit apprendre à se connaître pour trouver sa voie, il y a aussi des codes, qui sont des chemins de moindre résistance parce que faisant appel à un ensemble de représentations mentales à peu près communes. Connaître les codes, c’est comme connaître par exemple les lois de la perspective en dessin : d’une, cela ne fera pas forcément de toi quelqu’un de génial, de deux, personne ne t’oblige à t’en servir. En revanche, si tu les ignores (quelle que soit la manière dont tu voudrais les apprendre), il est probable que tu te compliques la vie bêtement. « C’est bien beau de vouloir faire sauter la maison mais il faut connaître le plan pour savoir où placer les charges », disait Elisabeth Vonarburg lors d’une masterclass que nous avions animée à trois avec Jean-Claude Dunyach.

Je vais sauter au-devant de la réplique facile qu’on pourrait me faire : « Hé, Davoust, tu prêches pour ta paroisse, tu donnes des ateliers, des masterclasses et t’as écrit un bouquin d’écriture, évidemment que tu protèges ton fond de commerce. » Sauf que ça ne fonctionne pas comme ça. Je ne me suis pas mis à le faire sorti du bleu sans avoir d’abord testé, dans l’activité et en conditions réelles, ce que je pouvais commencer à comprendre. (On ne fait jamais que commencer à comprendre.) L’activité sur laquelle je prends toujours soin de placer l’accent est l’écriture romanesque, et s’il m’arrive de le transmettre, c’est parce que je suis au front, tous les jours, à m’imposer à moi-même ce que je prêche, et que je m’efforce d’avoir derrière moi des réalisations pour le prouver. Ce que je raconte ne vous convient peut-être pas – c’est tout à fait légitime –, mais vous pouvez au moins être sûr·e d’une chose, je n’ai pas inventé ça le matin même au petit-déj, c’est parce que j’avais besoin d’outils, d’apprendre, que j’ai fait ce parcours, et je me dis aujourd’hui : hé, cela peut peut-être servir à d’autres. Je ne sais pas si mes romans resteront (et pour être honnête, je ne le crois pas ; mais peu m’importe, je recherche la plénitude dans la réalisation elle-même, non dans la postérité, à laquelle par définition personne d’entre nous n’assiste), mais peut-être ma mission en ce bas monde consiste-t-elle à l’apprendre pour moi-même afin d’arriver à le transmettre, pour que d’autres aient à leur tour les outils pour donner forme à leurs propres rêves. Hé, finalement, si j’arrive à faire ne serait-ce que ça, ce serait une vie pas si malhonnête.

Et ces traces, un jour, un autre être affligé,

Voguant sur l’Océan solennel de la vie,

Pauvre frère en misère, et seul et naufragé,

En les voyant, Peut-être aura plus d’énergie.

– Le Psaume de la vie, Henry Wadsworth Longfellow, trad. de sir Tollemache Sinclair.

Et si vous vous posez la question : dans toute l’équation, je ne suis évidemment pas Hendrix non plus. Dans l’équation, mes Hendrix, ce sont mes idoles, Vian, Zelazny, Le Guin, Danielewski, etc. En comparaison, disons que je suis l’équivalent d’un guitariste de métal qui sort des albums et tourne régulièrement : c’est-à-dire un acteur d’une scène underground, et ne vous méprenez pas, je suis incroyablement reconnaissant (et toujours un peu éberlué) d’avoir l’occasion de continuer à tourner et sortir des albums (heu, tout ça devient confus, mais vous suivez). Mais devant la page, chaque jour, il n’y a qu’une seule vérité : mon clavier, moi, et l’attitude que je vais avoir. Personne ne sait s’il ou elle sera Hendrix. Et au final, ça n’a aucune importance. On est uniquement ce qu’on est au moment d’écrire la phrase qui vient.

Et oui, bien sûr qu’on peut discuter de comment l’écrire du mieux possible. Et bien sûr qu’on peut s’écouter ensemble, réfléchir, expérimenter – et, au final, décider.

2022-02-24T10:42:26+01:00jeudi 24 février 2022|Best Of, Technique d'écriture|11 Commentaires

Rengagez-vous, qu’il disait

Un canal de communication fort important (et, j’ai cru voir, plutôt apprécié – merci, ravi que mes ponctuelles divagations proposent une respiration dans votre boîte mail !) est la newsletter. Un truc important avec les newsletters, c’est qu’elles parviennent à ceux et celles qui les demandent, hein, sinon ce serait comme un vol Paris – Tahiti qui serait détourné sur Oslo, ça ne serait pas vraiment ce qu’on aurait demandé.

Pour conserver un bon ratio signal-bruit – c’est-à-dire que la lettre n’encombre pas votre boîte si vous vous en désintéressez – ce serait super triste, mais bon, je ne vais pas vous faire de chantage affectif – vous faites ce que vous voulez – M’EN FOUS HEIN –, et aussi pour que, concomitamment, elle ne finisse pas dans les spams des gens fréquentables qui ne s’en désintéressent pas, des gens au goût sûr, riches, célèbres, un petit peu au-dessus du tout-venant, VOUS VOYEZ –

(Je crois que je suis mauvais en marketing viral)

Donc : si vous n’ouvrez pas la newsletter pendant un certain temps, Lucien, le robot de la newsletter, enverra une armée de Terminators à votre domicile vous enverra un petit mot vous proposant de rester inscrit·e, ou pas, histoire d’économiser de la bande passante, de l’électricité et des ours polaires avant d’envoyer une armée de Terminators à votre domicile.

Lucien est gentil, l’ordinateur est votre ami.

2022-02-21T15:29:44+01:00mardi 22 février 2022|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Rengagez-vous, qu’il disait
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