Une fiche rudimentaire pour bétonner son histoire (bravo aux gagnants du NaNoWriMo !)

cat-blinds-tail-presentC’est bientôt Noyel, alors on fait des cadeaux, et… non, en fait, je veux surtout donner une grande claque dans le dos qui fait tousser ses Pringles à tous les participants du NaNoWriMo, qu’ils aient atteint l’objectif ou non. C’est maintenant le moment des corrections, des soumissions éditoriales, et je compatis au stress doublé d’impatience que vous pouvez ressentir.

Du coup, je vous propose une petite check-list, volontairement lapidaire, en distribution libre, que j’avais réalisée pour des finalistes d’un concours d’écriture en début d’année. Elle rappelle quelques points « classiques » et moins classiques, les pièges les plus courants dans la construction et la rédaction d’une histoire, les mouvements à surveiller pour éviter que votre belle recette narrative sente le brûlé ou n’ait pas décongelé au milieu, qui pourra, si vous le souhaitez, vous accompagner lors de vos premières relectures.

N’hésitez pas à partager, c’est fait pour !

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2018-07-17T16:55:57+02:00jeudi 4 décembre 2014|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

Les codes caractères les plus courants [pense-bête]

Ayant vu d’autres discussions sur la ponctuation des dialogues, la difficulté de les insérer, de s’y retrouver… je vous propose un simple petit cadeau à imprimer et à se scotcher (ou à punaiser à vos risques et périls) sous l’écran. Si vous êtes sous Windows et que vous peinez à insérer vos caractères, voici les codes des plus courants, entrés avec Alt + la combinaison de touches correspondante :

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Je rappelle par ailleurs qu’il existe des pilotes de clavier étendus pour faciliter la saisie (et même le Bépo, pour ceux qui veulent pousser l’ergonomie plus loin). Pour retrouver la série d’articles sur le formatage des dialogues, c’est ici.

2018-07-17T16:55:57+02:00lundi 20 octobre 2014|Best Of, Technique d'écriture|17 Commentaires

Question : donner des noms… ou ne pas y arriver

Petit retour des questions sur le métier de l’écriture, avec un suivi sur ce premier article, qui parlait déjà du crucial problème de nommer personnages et lieux.

Mon problème n’est pas tant *comment* choisir un nom (que ce soit de personnage ou de lieu, d’ailleurs) ; je crois que j’y attache une telle importance symbolique que j’en suis tout bonnement incapable. […] J’ai l’impression que si je leur donne un prénom courant, chaque lecteur potentiel (moi y compris) va y projeter ce que lui inspirent les personnes qu’il a connues sous ce nom, et ça me bloque. […] Curieusement, je trouverais plus facile de donner des noms à consonance anglo-saxonne ; c’est sûrement parce que je me gave de séries british et américaines, du coup j’ai l’impression qu’un nom français fait tout de suite « Plus belle la vie ». Sauf que dans une histoire qui se passe en France, une galerie de prénoms ricains, ça fait tout de suite beauf. Au secours ! […] Et pour les noms de lieux, c’est encore pire (bis)… comment en arrive-ton à imaginer Évanégyre, Azeroth, R’lyeh, Telara, que sais-je encore ?

Merci pour Évanégyre !

Ma foi… peut-être en acceptant qu’écrire, c’est choisir.

Les possibilités sont immenses dans l’écriture ; des milliers de choix se présentent à chaque instant, dans la construction de l’intrigue, les caractères des personnages – des choix plutôt conscients si l’on est structurel, plutôt inconscients si l’on est scriptural. Mais néanmoins toujours présents. Chaque définition d’un aspect de l’histoire, du décor, des personnages, que ce soit lors de la construction ou de l’écriture proprement dite, conduit à l’abandon de potentialités, de routes qu’on ne parcourra jamais car, hors formes expérimentales, la littérature est linéaire. Les noms ne font pas exception ; vient un moment où l’on est conduit à ce choix, et tout comme des aspects du décor, de l’intrigue vont résonner différemment en chacun, les noms sont porteurs de connotations.

Qu’en faire ? Commencer donc, peut-être, par les assumer. Puis, au lieu de les subir, en jouer ; choisir ces connotations par rapport à ce qu’elles nous évoquent et par rapport au but visé. L’inconscient associe fortement certains phonèmes à certains traits : il y a les sons durs, k, x, r ; les sons plus doux, a, i, l, les premiers appelant les archétypes correspondants d’âpreté, vaillance, courage ; les seconds plutôt dans l’harmonie, le calme, la beauté. (Ce qui explique que tant de noms féminins terminent en a.) Plutôt que de s’inquiéter du passé du lecteur avec certains noms, je crois – en particulier en fantasy – qu’il faut les déconstruire, se plonger dans l’étymologie et la psychologie associée aux phonèmes, pour les choisir en connaissance de cause.

Et d’ailleurs, quelle importance que le lecteur ait du passif avec certains noms ? Le personnage, s’il est bien campé, cohérent, humain, va venir remplacer les associations du lecteur. Il va prendre vie, et il ne sera plus une effigie en carton sur laquelle on viendra plaquer tous les Isidore de son passé ; il sera cet Isidore-là, avec sa vie, ses buts, son existence. S’il prend son envergure, bien entendu.

À moins d’avoir grandi dans un environnement bilingue, quelle que soit l’affinité ou la maîtrise qu’on en a, la langue anglaise n’est pas la nôtre. Elle est donc plus libre de ces connotations – pour nous. L’effet d’étrangeté, de différence, et surtout le fait que la culture anglophone domine la planète ajoutent au « cool », mais en vérité, ces même connotations existent pour les natifs de la langue et l’effet « cool » ne vaut que parce que nous sommes extérieurs – même avec une forte maîtrise de la langue. Il est intrigant de constater que tu regrettes les connotations de ta langue, mais n’as aucun problème à envisager l’anglais, malgré toutes les séries dont tu te gaves – et où, donc, les connotations sont forcément fortes. Le problème ne se situe-t-il justement pas au niveau de ton rapport à ta propre langue ? À tes personnages ? S’ils sont bien campés, si tu joues sur les phonèmes comme proposé précédemment, alors ils vont prendre l’ascendant sur ton vécu et ceux de tes lecteurs. Cet Isidore-là deviendra lui-même, il s’appropriera son prénom, au lieu d’être un chat orange citadin qui crie victoire. On peut voir un choix comme l’abandon de possibilités, mais je crois plutôt qu’il est le moteur de l’action. Sans choisir, on reste dans l’indéterminé, à contempler ce qui pourrait être ; mais rien ne se produit, alors qu’un choix volontaire – quel qu’il soit, bon ou mauvais – est le premier moteur, l’avancée sur un chemin dont on ne pourra déterminer qu’après coup s’il était bon, s’il a rempli les espoirs qu’on plaçait en lui. Je ne crois qu’on ne parvient à rien en ne faisant que réfléchir. Quelle que soit la préparation, vient un moment où il faut se lancer sur ce chemin, tester les situations, les rajuster si nécessaire ; et c’est le cas pour tout choix d’écriture, il me semble, intrigue, décor… et noms.

Comment invente-t-on un nom comme Évanégyre ? Certains noms viennent d’ailleurs, apportés en cadeau par les dieux ? l’inconscient ? la chance ? l’alcool ? Évanégyre fait partie de ceux-là, même si j’ai depuis déconstruit le processus : je voulais le nom d’un monde vaste, de fantasy, pouvant porter magie, épopée, aventure, sur la rotation des millénaires. Mon esprit m’a répondu avec ce nom, qui est – ai-je compris – un composé entre « évanescence » (pour le côté magie, autre réalité) et « gyre » (rotation, tournoiement).

Pour chercher des noms, les construire, mon processus est souvent le même : je laisse venir à moi les premières inspirations en fonction de l’atmosphère désirée. Je construis fréquemment une grammaire de base, des syllabaires dans le cas d’une culture fantasy étrangère, en définissant des règles de construction et les connotations culturelles liées aux sonorités (en m’efforçant de ne pas trop m’éloigner des langues occidentales pour ne pas totalement déraciner le lecteur). Puis je joue avec les mots dans ce cadre (tordant les règles si nécessaires pour suivre une direction prometteuse !) jusqu’à tomber sur quelque chose de visuellement attirant, qui sonne et surtout qui résonne en moi, comme exposé dans l’article précédent.

Bon courage !

2018-07-17T16:55:57+02:00lundi 13 octobre 2014|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

Qu\'est-ce que la chaîne du livre ? 2 – poche et numérique

Suite et fin de ces deux articles sur la chaîne du livre et la rémunération de ses acteurs. Lundi, nous avons considéré le cas général et l’ensemble des partenaires économiques veillant sur la réalisation et la commercialisation d’un ouvrage. Aujourd’hui, nous allons considérer les deux marchés qui, dans l’idée générale, font mentir l’article d’hier : poche et numérique. Nous allons voir qu’il n’en est rien, ou plutôt que leur dynamique est différente. Suspense, teasing, musique de blockbuster.

Et le poche ?

i-read-that-book-before-it-was-a-movieQuand je discute de cela, la contrepartie aussitôt ajoutée généralement est : « Oui, mais le poche ? Le poche se vend moitié, voire deux tiers moins cher que le grand format. Comment cela se fait ? Hein ? Hein ? Réponds-moi ou bien je ne te libère pas l’accès aux saucisses cocktail. »

On commet souvent l’erreur d’équivaloir marché du grand format et marché du poche. Or, ils n’ont rien à voir1. Le marché du poche est un marché de masse (le terme anglais le dit bien : mass market paperback). Qui dit tirage de masse, grosse diffusion, dit risque important. C’est là que se trouve le coeur du marché du poche : si le prix est bas, ce n’est pas principalement en raison d’un format plus petit et d’une qualité de fabrication de l’objet parfois inférieure au grand format, mais parce que le poche se vend à des échelles bien plus vastes, et que le chiffre d’affaires se réalise sur le volume.

Pour cette raison, les éditeurs poche ne prennent en général que des livres qui ont fait leurs preuves en grand format – qui ont déjà bien fonctionné et/ou ont été appréciés, ce qui motive l’éditeur poche à lui donner une deuxième vie pour le porter auprès d’un autre marché. Pour cette raison, auguste lectorat, dire « je vais attendre le poche » quand tu vois un livre qui te plaît n’est pas un raisonnement durable. (Cela résulte cependant, je te l’accorde tout à fait, d’une situation paradoxale, et oui, j’ai parfaitement conscience que le livre est cher et que ce n’est pas forcément un choix pour tout le monde.) Parce que si le livre ne se vend pas en grand format, si tout le monde attend le poche, alors il ne sortira jamais en poche, parce qu’il ne se sera pas assez vendu. Je dis cela car l’idée générale assez répandue semble être que la sortie en poche est automatique, comme on retrouve les films en DVD après leur sortie au cinéma. Dans le cas du livre, c’est faux2. Pire, ce raisonnement peut parfaitement handicaper la vie d’un livre. Bref, si vous avez les moyens et que vous êtes intéressé-e, soutenez les livres que vous aimez en grand format.

Pour mémoire, enfin, la rémunération de l’auteur est généralement deux fois moindre sur le poche que sur le grand format (dans les 5%). Là encore, le volume des ventes est censé rattraper l’écart. Les marges sont beaucoup faibles pour tout le monde sur ce marché.

Et le numérique ?

Les choses évoluent tellement vite dans ce domaine qu’il est difficile d’en donner une vision claire. Mais là aussi, l’idée reçue est qu’un livre numérique ne coûte rien à produire, parce qu’il n’y a pas de copie physique, d’acheminement… (L’idée populaire est généralement que l’impression est ce qui coûte le plus cher dans un livre – idée compréhensible, puisque c’est ce que l’on voit, palpe, soupèse. C’est là encore faux, voir le diagramme d’hier : c’est même une part assez faible du prix de vente final.)

Mais un livre électronique coûte de l’argent à produire. Les postes évoqués hier existent toujours, pour la majorité. Notamment :

  • Il faut toujours faire retravailler le texte ;
  • Il faut toujours produire des fichiers de bonne qualité, lisibles, légers, compatibles ;
  • Il faut toujours mettre ces fichiers à disposition du lecteur là où il est susceptible de les trouver – et cela veut dire, entre autres, les grandes enseignes, qui prennent leur part au passage ;
  • Enfin, il faut toujours faire connaître le livre… écueil que découvrent souvent les auteurs auto-publiés avec beaucoup de déconvenues : ce n’est pas parce qu’on sort un livre que tout le monde va l’acheter…

Est-ce que la rémunération de l’auteur devrait augmenter ? Sans aucun doute, puisqu’un certain nombre d’étapes disparaissent tout de même dans l’équation. Mais le livre électronique est moins cher (parfois de beaucoup)… Et l’on retombe sur la logique de masse du poche. Et dire que l’électronique ne décolle pas en France à l’heure actuelle est un aimable euphémisme. L’usage que l’on commence généralement à trouver acceptable aujourd’hui est toutefois en train de converger vers une rémunération d’environ 30% (plus ou moins 5-10, en fonction des conditions) si le livre est distribué par un tiers et 50% si le livre est distribué directement par l’éditeur sur sa plate-forme. De toute façon, le volume ne représente pas encore grand-chose aujourd’hui. Un gros ou un petit pourcentage de pas grand-chose équivaut toujours à environ que dalle. Ce qui est important, à l’heure actuelle, c’est de prévoir la renégociation des droits, plus tard. Mais on entre là dans du technique qui dépasse le cadre de ces articles.

Donc…

Donc, auguste lectorat, te voilà bien armé pour répondre (d’un petit air hautain et sûr de son fait, bien entendu, car c’est beaucoup plus drôle) dans tes cocktails et vernissages aux objections et idées reçues sur le prix du livre et le fonctionnement de son économie. Il ne s’agit pas là de critiquer ni même de proposer d’autres solutions ; ces articles ne constituent qu’un tour d’horizon du système actuellement. Et qui, tout bien considéré, malgré ses imperfections, reste quand même celui qui donne à l’auteur le meilleur revenu et la meilleure visibilité.

Et si on ne te libère toujours pas l’accès aux saucisses cocktail, considère l’éventualité d’un atemi.

  1. Du moins à l’heure actuelle. Nous ne sommes plus tellement à l’époque où beaucoup de livres sortaient directement en poche, parce que les chiffres de vente sont généralement trop bas aujourd’hui pour permettre ce genre de stratégie.
  2. Bien sûr, cela ne s’applique pas aux immenses locomotives des genres, G.R.R. Martin, Robin Hobb, J.K. Rowling, où là, la sortie en poche est quasiment certaine.
2014-10-21T14:42:06+02:00mercredi 24 septembre 2014|Best Of, Le monde du livre|9 Commentaires

Qu\'est-ce que la chaîne du livre ? 1 – les acteurs

« Tu vois, Canard PC, il se vendent 4,30 € et c’est en couleurs, alors qu’un livre c’est 20 € et y a même pas d’images dedans. C’est bien la preuve que les éditeurs se foutent de nous. »

Ne hurlez pas, ce sont des paroles vraiment entendues à la queue du supermarché. (Et si vous trouvez cette phrase frappée au coin du bon sens, vous avez besoin de lire ce qui suit.)

mysterybooksAlors qu’on réfléchit beaucoup à l’avenir, à la stabilité du marché du livre, que les questions du coût public et de la rémunération des auteurs se posent de plus en plus, et qu’on constate, globalement, une méconnaissance des mécanismes économiques du marché, je pensais qu’il pourrait être utile d’exposer très rapidement comment, au juste, fonctionne l’économie du livre, de l’auteur au point de vente (et donc au lecteur). Dans l’espoir de répondre à la question : pourquoi un grand format coûte-t-il 20 € (en moyenne) ?

La réponse est assez simple : la présence d’un livre sur le marché (donc accessible à toi, auguste lectorat) n’est pas le fruit du travail d’une seule personne, l’auteur. Note bien la formulation : « la présence d’un livre sur le marché » et « le fruit du travail ». Le livre, en soi, résulte principalement du travail d’une seule personne, son auteur (avec le concours de l’éditeur et de ses correcteurs, qui, par leur regard extérieur, amènent l’auteur à retravailler son manuscrit afin qu’il soit le meilleur possible, et dont le regard, à mon sens, est indispensable.)

Mais un livre achevé existe-t-il pour autant sur le marché ? Non, absolument pas.

Il manque plusieurs choses à cela :

  • Il faut, évidemment, fabriquer le livre (le mettre en page, puis l’imprimer) ;
  • Il faut transporter le livre jusqu’au point de vente, et pour cela, il faut convaincre le point de vente de le prendre ; ce rôle, souvent mal connu, revient à la diffusion / distribution, au cours d’une opération dite de mise en place1. Si personne ne propose le livre, qui le verra, et si personne ne le voit, qui l’achètera ? Car la place sur les étals est limitée ; et la vie d’un livre sur une étagère est de plus en plus courte.
  • Il faut vendre le livre au lecteur susceptible de l’acheter ; c’est évidemment le rôle du libraire, qu’il soit indépendant ou appartienne à une chaîne ;
  • Il faut promouvoir le livre ; en parler, en faire parler, c’est le rôle de l’attaché de presse, qui travaille en interne chez l’éditeur ou bien en consultant. Si personne ne donne envie de l’acheter, personne (ou presque) ne l’achètera.

Tous ces maillons de la chaîne (d’où le fait qu’on parle de chaîne du livre) ont évidemment besoin d’être rémunérés ; il y a des salaires, des charges, des loyers, etc.

Alors, qui gagne quoi ? La réponse en images, sur le prix de vente public du livre :

Source; SNE

Source; SNE

On constate aussitôt que l’auteur gagne le moins, alors que sans lui, le livre n’existe pas. C’est un état des choses regrettable, mais c’est le reflet de la complexité de la vente du livre aujourd’hui : notamment le porter à la connaissance du public, en une ère de production et d’information pléthoriques. (Sur ce danger potentiel pour la survie de la création de qualité que fait peser la généralisation de la distribution, en distordant le marché du côté de la commercialisation pure, je te renvoie à cet article de 2010, auguste lectorat : « Comment la libération de la diffusion fait le lit des publicitaires » ) Un suivi commercial de qualité se paie – et l’on espère tous se rattraper sur les chiffres de vente. Pour ma part, je n’émets aucune opinion sur l’état des choses. Bien sûr, j’aimerais gagner davantage, mais si j’ai le choix, je préfère gagner davantage parce que mon livre se sera mieux vendu, et pour cela, je suis prêt à gagner moins, en proportion, tant que je gagne ma vie au bout du compte.

En particulier, on entend souvent s’interroger, notamment, sur la part prise par le détaillant. Mais il faut savoir que le détaillant, le libraire, est celui qui paie le plus de charges fixes, en proportion (locaux, salaires), plus une gestion très lourde d’un inventaire, en particulier pour un petite structure.

Voilà pourquoi un livre en grand format coûte une vingtaine d’euros. Il faut rémunérer tous ces acteurs (plus le traducteur, le cas échéant, et un bon traducteur coûte cher) ; or, l’on connaît à peu près les chiffres de vente sur lesquels on peut tabler en moyenne, ou que l’on espère. Les grands groupes d’édition disposent de logiciels de planification très savants intégrant toutes ces charges (les plus petits le font à la main) de manière à cerner le point d’équilibre ou point mort, là où le livre se soldera par une opération blanche (tout le monde est payé, mais le livre ne réalise pas de bénéfices). Il réalise ainsi son budget, sur le livre, en prenant en compte aussi l’intégralité de ses activités (il peut accepter de perdre de l’argent sur un livre qu’il estime important s’il a de bons vendeurs par ailleurs ; ne cognez donc pas l’éditeur qui sort du gros succès qui fait grimacer l’esthète que vous êtes, regardez l’intégralité de son catalogue ; s’il publie par ailleurs des livres exigeants, ce n’est pas un putassier, c’est, tout au contraire, un bon gestionnaire).

Voilà qui est déjà bel et bien pour aujourd’hui ; mercredi, suite et fin du sujet, où nous parlerons plus spécifiquement du poche et du numérique.

  1. Camarades du milieu, je simplifie un peu, je sais, mais c’est un article à vocation didactique.
2014-10-14T16:54:55+02:00lundi 22 septembre 2014|Best Of, Le monde du livre|7 Commentaires

Quelques idées pour accélérer la traduction vers l’anglais

(This is the French version of yesterday’s article, here.)

lolcat_translationPour un auteur franchophone, la traduction vers l’anglais représente une sorte de Graal : cela assure l’ouverture non seulement vers un marché national plus vaste que le nôtre, mais potentiellement mondial, puisque tous les éditeurs du monde lisent l’anglais, pas forcément le français ; et que le monde éditorial a évidemment le doigt sur le pouls du marché anglophone, qui représente, qu’on le veuille ou non, une référence. Il ne s’agit pas là de gagner une fortune en châteaux et en argenterie (quoique l’on ne soit jamais contre un bon couteau Guy Degrenne, hein) mais surtout d’ouvrir son travail au plus grand nombre de lecteurs – ce qui est le souhait de la majorité d’auteurs.

C’est évidemment ardu, en raison même de la barrière de la langue, et résulte de la conséquence directe du statut de l’anglais comme lingua franca. On peut apprécier de constater que, dans le monde anglophone, il y a une prise de conscience progressive du déséquilibre de la traduction, et du manque de diversité et d’ouverture que cela entraîne pour ce marché. Quant à savoir si cela va se convertir en actions, impossible de le dire ; autant donc réfléchir, nous-mêmes, à ce que nous pouvons faire, voire nous organiser. 

À la Convention Mondiale de SF de Londres de cette année, Loncon3 (comptes-rendus ici et ), nous avons discuté sur une table ronde intitulée « Translation-wish, Translation-obstacles » (voeux de traduction, obstacles de traduction), sous les auspices de l’Interstitial Arts Foundation, afin de réfléchir aux manières de franchir l’obstacle de la langue et d’apporter la littérature étrangère au marché anglophone.

Cet article ne cherche absolument à récapituler ce qui s’y s’est dit mais vise à compiler des pistes possibles sur le sujet. Je vais me limiter aux nouvelles ; leur longueur rend l’investissement en temps et en énergie plus raisonnable afin de franchir la barrière, et parce que cela paraît un bon moyen de se faire lentement remarquer afin de démarrer une carrière à l’étranger. Attention, cet article n’est que la partie émergée du débat : auguste lectorat, n’hésite pas (encore moins que d’habitude) à me contredire, à compléter, etc., afin que nous essayions d’explorer l’éventail des idées et de les rendre disponibles pour la communauté. Il faut aussi savoir que ce qui vend dans un pays ne vendra pas forcément dans un autre ; les cultures, les attentes, les marchés sont différents quant à la forme et aux thèmes. Cela étant dit, considérons que toutes choses sont égales par ailleurs.

Bon, voici donc les stratégies et les idées que j’ai vues, dont j’ai entendu parler ou pu imaginer jusqu’ici.

Stratégies de l’auteur solitaire

(Ce qui est un excellent titre, je pose une option dessus.)

Du moins cher au plus cher :

  • Écrire un bestseller. Obtenir l’achat des droits à l’étranger. Devenir riche et célèbre. Bon, ce n’est pas courant, alors nous allons nous concentrer sur la vaste majorité de cas où cela ne se produit pas…
  • Écrire en anglais. Avantages évidents : le récit est directement disponible dans la langue visée, mais il faut évidemment de sacrées compétences, et l’on peut éprouver une réticence à laisser sa langue maternelle derrière soi. D’autre part, si l’on a déjà une carrière établie, cela peut impliquer de réapprendre tout ou partie des réflexes, ce qui peut décourager.
  • S’autotraduire en anglais. Plus facile à dire qu’à faire. Même si l’on est un traducteur professionnel, on conserve un lien très personnel avec son récit, et il faut s’en affranchir pour réaliser une traduction efficace ; plonger intimement dans son travail, mais comme si c’était celui d’un autre.
  • Écrire ou se traduire grossièrement en anglais, puis embaucher un relecteur. On ne bénéfice pas d’un véritable travail éditorial, aussi cela ne concerne-t-il pas les débutants (et, honnêtement, je doute que ces stratégies leur soient vraiment destinées) mais un relecteur aidera à affiner le style, dans l’espoir d’une publication.
  • Embaucher un traducteur. Ce qui coûte de l’argent ; les bons traducteurs sont des pros et les pros ne bossent pas gratuitement. Il faut savoir qu’embaucher un traducteur peu compétent risque de faire plus de mal à son travail et à son nom qu’autre chose, alors prudence. D’autre part, pour un roman, ce sera probablement hors de portée de toutes les bourses.

Bien sûr, dans tous les cas, détenir une version anglaise de son travail n’en garantit pas la publication. Il faut toujours franchir les étapes habituelles de l’édition – voir la mise en garde ci-dessus : marchés différents, attentes différentes, circuits différents. Ce n’est pas parce qu’on est accueilli à bras ouverts sur son propre marché que cette habitude se « traduira » (huhu) sur un autre. Il convient d’être patient et humble ; en résumé, à redémarrer sa carrière de zéro, et à se rappeler les luttes de ses débuts, parce que c’est probablement ce à quoi il faut s’attendre.

Et si l’on amendait la clause de droits étrangers ?

Je songeais qu’il était peut-être possible de trouver un accord avec son éditeur régulier pour amender légèrement la clause des droits étrangers dans les contrats habituels. D’ordinaire, l’éditeur récupère les droits étrangers d’exploitation, car il représente les intérêts de l’auteur et son livre et s’efforce d’en obtenir une édition étrangère. Toutefois, la réalité est la suivante : à part la réalisation du bestseller ou avec un éditeur particulièrement motivé, cela se produit rarement, encore une fois à cause de la barrière de la langue. En conséquence, les droits étrangers restent acquis à l’éditeur d’origine, qui a beaucoup à faire, de livres à promouvoir, et une fois que le livre commence à avoir quelques années, qu’il a vécu sa vie en librairie, les chances de voir une traduction étrangère se réduisent quasiment à zéro, avec des droits qui restent verrouillés.

Il me semble que l’on peut trouver un accord très profitable en ajoutant un peu de flexibilité à cette clause, en permettant à l’auteur de lancer des initiatives de son côté si la situation s’enlise : 

  • Si l’éditeur vend la traduction, c’est la situation habituelle ; rien ne change. C’est aussi la situation idéale, parce que se lancer dans un tel projet seul prend du temps, et franchement, il vaut mieux que l’éditeur s’en charge : c’est son travail, il a les contacts, les habitudes, et il est le mieux armé pour cela. Toutefois, d’autres cas peuvent se présenter :
  • … si l’auteur peut se débrouiller pour obtenir une traduction, qu’il la remet à l’éditeur, qui trouve ensuite un éditeur étranger par son propre réseau, alors sa part est réduite, parce que l’auteur a fait (ou payé pour) une part du travail.
  • … si l’auteur obtient la traduction ET se débrouille pour la vendre lui-même à l’étranger (via un agent ou un éditeur), se représentant lui-même, alors la part éditeur est réduite encore.

C’est une situation « gagnant-gagnant » : tout le monde est content si l’oeuvre est traduite et publiée, l’éditeur comme l’auteur ; l’éditeur ne perd rien des droits étrangers selon le processus habituel ; mais si la situation s’enlise, l’auteur peut tenter de son côté. Il peut s’enliser lui aussi, bien sûr, mais il peut apporter des initiatives et des compétences différentes. L’idée étant de ne pas laisser les droits étrangers prendre la poussière si les choses ne progressent pas dans le circuit « classique ». (Je remercie les éditeurs avec qui nous avons échangé sur cette idée, lui permettant de prendre cette forme.)

Partenariats

L’idée évidente consiste à mutualiser les talents et à travailler ensemble. Là, on peut imaginer toutes sortes d’associations, et il serait inutile d’en faire une liste, mais citons par exemple:

  • Plusieurs auteurs anglophones, parlant plusieurs langues, proposent de traduire les oeuvres étrangères qui leur plaisent afin de rééquilibrer la balance. Cherchez-les, lisez-les.
  • Il existe des bourses de traduction et d’échanges culturels. En général difficiles à obtenir quand on travaille dans l’imaginaire puisque, comme nous le savons bien, ce n’est pas une littérature « sérieuse ». Mais cela se tente toujours.
  • On peut s’associer à un traducteur étranger et penser à une façon de diviser les bénéfices…
  • … ou s’échanger directement des traductions.

L’accord juste sera évidemment celui que les parties trouveront juste…

Mentionnons aussi quelques initiatives comme l’Interstitial Arts Foundation qui désire voir davantage de traductions vers l’anglais, les Science-Fiction & Fantasy Translation Awards et bien d’autres structures qui essaient d’appuyer l’idée de traductions depuis les langues étrangères. Je ne veux pas transformer cet article en inventaire fastidieux mais si vous avez une grande idée à partager, n’hésitez pas à le faire en commentaires !

Stratégies d’édition

(Ce qui n’est pas, en revanche, un bon titre.)

Il faut vraiment que cet article de K. Tempest Bradford (en anglais) circule au maximum. Elle propose une stratégie qui me semble très viable pour obtenir davantage de traductions en anglais. En gros, il s’agirait d’impliquer les étudiants en traduction qui terminent leur cursus et ont besoin d’une expérience professionnelle (stage, mémoire) pour valider leur diplôme. Ils liraient les anthologies et revues étrangères pour produire un résumé à l’attention des éditeurs et rédacteurs en chef qui établiraient un partenariat avec leur université. Ces éditeurs choisiraient les textes qu’ils souhaitent afin de publier une traduction complète du récit, réalisée bien entendu par l’étudiant. L’article de Bradford n’explique pas comment assurer la qualité du travail en question si l’éditeur ne parle pas la langue source, mais, pour avoir été tuteur de travaux similaires à la fac d’Angers, je peux mentionner que ces projets se réalisent toujours sous la supervision des professeurs d’université et de traducteurs professionnels. Ils vérifient le travail, exigent des corrections, et c’est la qualité finale de la traduction qui dicte en grande partie si l’étudiant valide son année ou pas. Donc, c’est implicite, mais pris en compte.

Ainsi, l’éditeur obtient une nouvelle étrangère intéressante avec une traduction de qualité ; l’étudiant a une expérience professionnelle ; l’auteur se fait traduire. Tout le monde y gagne. 

Pour conclure

Cela fait beaucoup d’idées et de stratégies, dont la plupart semblent solides, mais cet article ne vise absolument pas à l’exhaustivité ; au contraire, il ne deviendra meilleur qu’avec vos contributions en commentaires, si vous souhaitez corriger, rectifier, ou ajouter vos idées. N’hésitez pas à partager ! 

2023-03-04T01:19:25+01:00jeudi 28 août 2014|Best Of, Le monde du livre|18 Commentaires

Some thoughts on how to increase translation in English

(Note to my usual French readers : Auguste lectorat, ceci est la version anglaise d’un article dont la version française paraîtra demain. Merci de ne débattre qu’en anglais en commentaires, le débat français aura lieu dans l’article de demain ; je supprimerai tout commentaire francophone par souci de clarté. Merci de ta compréhension, tu es formidable.)

lolcat_translationThere is an increasing awareness in the English-speaking world that the translation scales are heavily tipped on one side: the English-speaking world is being hugely translated around the world while it translates very little. That is the consequence of English being a lingua franca, of course. One could say it is very advantageous for those speakers, but what happens is that the English-speaking market is increasingly deprived of great works, of different, original visions coming from different parts of the world. Conversely, foreign speakers – and writers, because that is what I will be talking about – encounter tremendous difficulties in getting their work known beyond their own borders. The key for that is often English, as it is widely read in just about every country, and especially by just about every publisher, who might not otherwise know your mother tongue. At Loncon3, this year’s Worldcon in London, we had a panel called « Translation-wish, Translation-obstacles », under the tutelage of the Interstitial Arts Foundation, about how to best overcome that obstacle and bring foreign creative literature to the English-speaking market.

A few words about me, so that you may know who’s talking: my name is Lionel Davoust, I have worked in the French SF&F field for close to fifteen years. I am a fantasy and thriller writer (six books out, 30-something short stories) and translator from English to French (for instance, you might have heard of the Science of Discworld series based on the genius work of Terry Pratchett – I translate the scientific parts, teaming up with Pratchett’s regular Discworld translator). I also teach a few classes in the literary translation curriculum of the Angers university, give creative writing workshops and masterclasses, and I sometimes edit fantasy magazines and anthologies. Also, I am an avid geek, used to be a marine biologist, remain a marine biology research volunteer, and could live on salami and chocolate alone. You can read me in English in the Interfictions 2 anthology, where I have an award-winning story translated called « L’île close ».

So, this article does not by all means intend to recap what was said at the Loncon panel, but to try and compile possible leads concerning the issue at hand: getting foreign stuff translated into English. I will focus on short stories, because the length makes it easier to invest time and effort in order to cross the great language divide, and because it seems to be a better way to get slowly noticed and start a foreign (or English-speaking) career. By all means, this post is just the beginning of the discussion. People, do not hesitate to contradict me, make additions, whatever, so as to try and compile all great ideas for the whole fandom to have available. Also, please be aware that what sells in a country does not necessarily sell in another one. Different markets, different cultures, different readerships have different expectations concerning form and themes. That said, let us consider, for the sake of the argument, that all things are otherwise equal.

So. Here are the strategies and ideas I have heard about, seen or come up with so far.

Lone writer’s strategies

… from the cheapest to the most expensive.

  • Write a bestseller. Have a translation published. Profit. Obviously, this is rarely happening, so we will focus on the vast majority of cases where this does not actually happen…
  • Write in English. Of course, this means instant availability in the foreign language of choice, but obviously you need some serious skills, and you might feel some qualms at leaving your mother tongue behind. If you have an already established career, you might have to re-learn lots of your craft and that can seem daunting.
  • Translate yourself in English. That is much easier said than done. Even for a professional translator, you have a some personal bond with your story you might not easily leave behind, but you need to if you want to craft an efficient translation, delving deep in the meaning as if it was someone else’s work.
  • Roughly write or translate in English, then hire a copyeditor. You will not really have any creative input on your work, so this is not for a beginner writer (and frankly, probably none of those strategies are) but the copyeditor will help you streamline the style, making it hopefully suitable for publication.
  • Hire a translator. That costs money: good translators are pros and pros do not work for free. Be aware that hiring a subpar translator will probably hurt your work more than anything, so proceed with utmost caution. Also, for a novel-length work, this will probably cost way too much.

Of course, in any case, having your English version or work in your hands does not guarantee publication at all. You still have to go through all the hoops of regular publishing – see the caveat above : different markets, different expectations, and different professional habits. Being welcomed with open arms in your native market does not at all mean this will « translate » (heh) elsewhere. Be patient, humble – to sum it up, be ready to start your career anew, and remember the struggles of your own beginnings because that is, most likely, where you are headed.

Amending the foreign rights clause?

One strategy I have been thinking of is to come to an agreement with your regular publisher in order to amend your foreign rights clause in your contracts. It goes like this : usually, a writer signs off his foreign rights to the publisher, who will represent his interests and try to publish his work in translation. However, barring the bestseller situation or a very motivated publisher, this is rarely happening, because of the very barrier of language. What happens thus is that the rights remain with the publisher, who has many books to manage, while not a lot happens on the foreign rights front, and the writer cannot do anything about it, because the rights are locked and the book’s shelf life has passed and so have the main chances at a big hit.

A very workable agreement seems to add some provisional clauses allowing for some leeway and initiative on the writer’s part to work on a self-translation projects if the need arises :

  • If the publisher sells the translation, that is business as usual ; nothing changes. That is the ideal situation – because undertaking self-translation is time-consuming, and really, the writer wants to let the publisher handle it – that is his job and he is better armed to deal with it. But then, other cases can arise:
  • … if you can work on obtaining a translation, and then hand it over to the publisher, who then finds a foreign publisher through their own agents, then their share can be reduced, because you have done (or paid for) part of the work.
  • … if you can work on obtaining a translation AND you sell it to a foreign market (agents or publishers directly) yourself, representing yourself, then their share is even more reduced.

This is a « win-win » situation : everybody wins if the work gets translated and published, publisher and writer ; the publisher still keeps all foreign rights to sell the classical way ; but if this fails, you can try as well. You can fail too, of course, but you bring a different set of skills that can be put to use. The idea being to not let foreign rights sit unused if things are not moving on that front. (I thank publishers with whom I have bounced this idea back and forth for it to take shape thus.)

Partnerships

No fish is an island, right? What seems obvious is to join forces to try and work together. Any number of partnerships can be imagined, but for instance :

  • Several English-speaking writers with wide language skills are offering to translate foreign works they like in order to correct the translation imbalance. (Read their work, look them up on the web.)
  • There are grants for translations and cultural exchanges, but they are generally hard to get when you work in the SF&F field because, as we well know, it is not deemed « serious » literature. Still, can be worth a shot.
  • One can partner with a foreign translator and think of dividing sales…
  • … or exchange translations altogether.

This basically concerns the parties involved and what they will deem fair.

Let’s also mention some initiatives such as the Interstitial Arts Foundation’s wish to give more exposure to translation towards English, the Science-Fiction & Fantasy Translation Awards and many more structures that try to signal-boost the idea of translation of foreign material. I do not want to turn that article into an inventory but if you have a great idea to share, by all means, please mention it in the comments!

Publishing strategies

This article by K. Tempest Bradford really needs to get as much exposure as it can. It outlines a very viable strategy (to my eyes) so as to get more translations in English language. It basically involves students in translation who need work experience to get their degrees. They would read foreign market anthologies and magazines and produce a digest for editors who would partner with their university. Those editors could then choose what they like and then think of publishing a full-blown translation of the story, made by the student. What Bradford’s article does not mention is how to vouch for the quality of the translation if the editor does not speak the source language ; but I can say, having tutored comparable works in the Angers university, that such endeavors are always done under the supervision of university professors and professional translators. They are checking the translation, asking for rewrites on part of the student; and the final quality of the work dictates if they get their degree or not. So this aspect is covered as well.

So the publisher gets a foreign, interesting story with a quality translation; the student gets professional experience; the writer gets translated. Everyone wins.

In conclusion

That is a lot of ideas and strategies, most of which seem sound, but this article is certainly not intended as a comprehensive summary, on the contrary. It will only become better with your contributions in the comments, if you want to correct, rectify, or add to the pool. Feel free to share your input, and thanks for reading !

2023-03-04T01:20:27+01:00mercredi 27 août 2014|Best Of, Le monde du livre|8 Commentaires

Question : vivre les corrections

PhonecatJe crains d’avoir laissé échapper une autre question, mise de côté… Mais vu que La Route de la Conquête sort le 21 août, et que le livre a été bouclé il y a quelques semaines, la question est dans l’air du temps (en tout cas pour moi).

Comment vois-tu les réécritures suggérées/proposées/imposées(?) par l’éditeur? comme un bras de fer? une aide salvatrice et purificatrice de ton oeuvre encore brute?

Oh la bonne question. La réponse dépend énormément de l’éditeur, à vrai dire, de sa façon de travailler et de notre « compatibilité » quant à notre vision du résultat final.

De manière générale, je ne considère jamais qu’un de mes textes est achevé quand il part chez l’éditeur. Je m’efforce d’atteindre au maximum l’idéal que je me suis fixé, de faire de mon mieux, de relire soigneusement avec du recul, et je recueille l’avis de quelques relecteurs très proches dont je connais l’honnêteté, l’enthousiasme et la motivation à expliquer de façon claire ce qu’ils aiment ou non. Cela ne veut pas dire que je vais forcément suivre leur avis (je ne suis jamais automatiquement les avis extérieurs) mais cela me donne un aperçu très précieux de la réception d’une histoire, ce qui fonctionne ou non, et de là, je réfléchis à la façon dont cela affaiblit, ou sert le projet d’origine, et de quoi faire ensuite. Il peut m’arriver de rééquilibrer une faiblesse d’un récit en intervenant sur un point totalement sans rapport, mais qui restaurera, en un sens, l’harmonie des saveurs.

L’éditeur est un-e professionnel-le, qui a l’habitude de ses lecteurs (en principe), du marché. Il/elle a également une grande maîtrise de la littérature, de la narration, et va cerner avec précision non seulement d’éventuelles faiblesses, mais pourra proposer des solutions intelligentes pour y remédier. Je considère que le but de toute relecture ou correction est le suivant : tailler la pierre de manière à la rendre la plus brillante possible. Selon mon aisance avec le sujet, mon expérience sur la forme, j’apporterai une pierre plus ou moins brute ; il m’est arrivé qu’on me demande un important retravail ou bien quasiment aucun, et cela sans grande corrélation avec l’expérience. On réussit plus ou moins bien son coup en fonction d’une quantité de facteurs : l’énergie, la préparation, la connexion avec le sujet, la difficulté de l’aborder, etc. (Et, franchement, instinctivement, on devine en général à quel point on a atteint sa cible ou pas – en revanche, on ne sait pas forcément comment corriger le tir, et c’est là que l’éditeur est capital.) La seule chose qu’on ne doit pas ménager, bien sûr, ce sont ses efforts.

J’espère donc que l’éditeur sera capable de comprendre mon projet à travers le récit et d’y rentrer afin de le servir au mieux – non pas pour qu’il se conforme avant toute chose à des impératifs extérieurs comme un marché, mais pour que le récit soit le plus abouti possible dans ce qu’il doit être. Ce qui n’empêche pas de réfléchir au marché et à l’accessibilité d’une oeuvre au lectorat… mais c’est le talent et le professionnalisme de l’éditeur comme de l’auteur d’y parvenir sans dénaturer le discours ou la nature profonde de l’oeuvre. (Et comme La Route de la Conquête est d’actualité, j’en profite pour remercier Critic pour la liberté qui m’est laissée dans la création d’Évanégyre et pour la passion que l’équipe témoigne à cet univers!)

Quand ce talent est présent, quand il y a une vraie rencontre avec un éditeur, une communauté d’esprit, disons, alors il se produit une véritable émulation, tout le monde est heureux, et je pense que cela se ressent derrière pour le public qui est content aussi (et donc, si le public est content, cela se traduit en termes de ventes – dans l’édition professionnelle, il s’agit quand même, rappelons-le, de gagner sa vie). Je crois que c’est la bonne approche : toujours penser à cet équilibre, qu’on soit auteur ou éditeur, entre le plaisir, la fidélité à un projet d’un côté, et le plaisir du public de l’autre. Ne penser qu’aux premiers ou au deuxième, en général, conduit à manquer la cible qu’on visait pourtant.

En revanche, si cette rencontre ne se fait pas, si cette communauté d’esprit est absente, alors oui, cela peut se transformer en bras de fer, et là, c’est très déplaisant pour tout le monde. Dans ce cas, la maturité de l’auteur – qui s’apprend parfois dans la douleur – consiste à savoir précisément ce sur quoi il n’est pas prêt à céder, et à l’exposer avec calme et détachement. C’est un apprentissage fondamental pour l’intégrité d’un créateur. On découvre qu’on peut en général satisfaire une majorité d’exigences de correction et de retravail, même importantes, d’une manière qui soit cohérente avec son discours et son projet ; le professionnalisme consiste à faire ce travail, même s’il est vaste, et l’expérience apprend comment. En revanche, il faut savoir placer la limite au-delà de laquelle on sent qu’on trahit son instinct, son désir, le projet d’un récit. Il vaut mieux qu’un livre ne se fasse pas plutôt que regretter l’état dans lequel il sort pour avoir accepté le remaniement de trop. On peut toujours se quitter bons amis pour « divergences créatrices ». Aller au clash n’est jamais une bonne idée.

Un bon éditeur – plus exactement, l’éditeur qui vous convient – pourra vous demander un retravail que vous ne sentez pas. Votre travail consiste à y réfléchir sérieusement, mais aussi, le cas échéant, à savoir répondre « non » en votre âme et conscience – ce non signifiant : je préfère arrêter là qu’aller là où vous voulez me faire aller. Le bon éditeur saura l’accepter ; le bon éditeur sait comprendre vos forces et vos faiblesses, se couler dans votre façon de travailler, vous accompagner dans vos difficultés et vous aider à magnifier vos talents pour servir votre projet – projet auquel il croit aussi, un minimum, ou bien il n’aurait pas dû l’acheter, de toute manière, s’il voulait en faire totalement autre chose. Pour caricaturer, on ne demande pas à un roman de hard science de devenir du romantisme réaliste.

En principe, il aime ce que vous faites et c’est pour cela qu’il vous fait bosser. C’est la base de la relation. C’est aussi pour cela qu’il s’agit surtout d’une rencontre humaine. Et j’ai beaucoup de chance, parce que je suis très content de mes rencontres dans ce métier.

(Sinon, le lolcat d’illustration vient de cette très synthétique et drôle série d’articles sur l’édition du point de vue de l’éditeur, en anglais et résumée avec des chats, à lire absolument : ici, ici et .)

D’autres questions sur le métier de l’écriture ? Balancez-moi un mail ! 

2014-11-06T09:45:58+01:00lundi 21 juillet 2014|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Question : vivre les corrections

Question : à quel point les structurels prévoient-ils ?

spanishinquisitionHop, je reprends les questions sur la technique d’écriture. (Pour mémoire, si vous avez des questions sur le métier, je m’efforce de répondre, comme je peux, avec ma sensibilité : n’hésitez pas à m’envoyer un petit mot.)

Celle-ci porte sur les écrivains structurels (ceux qui établissent leurs plans à l’avance, qui prévoient leurs scènes et l’architecture d’un récit avant de s’y lancer) :

Est-ce que quand tu bosses sur tes histoires, tu as des idées précises des scènes qu’il faut que tu fasses ? [L’auteur de la question m’explique qu’une scène non prévue à l’origine est apparue dans son manuscrit et qu’elle donne une force énorme à l’histoire – je résume pour protéger son anonymat.] En tant que structurel, t’arrives à prévoir ce genre de truc quand tu te prépares à raconter une scène, ou est-ce qu’il t’arrive de te faire surprendre pendant tes phases de relecture, par les implications de ce que tu as écrit ?

Bien sûr ! Et heureusement.

Ce n’est pas parce que l’on planifie et prépare son histoire (structurel) qu’elle est parfaitement verrouillée et sans surprise à l’écriture ; ce n’est pas parce que l’on se laisse totalement guider par l’inspiration (scriptural) qu’il est impossible d’avoir une idée de long terme sur son récit. Je vois de plus en plus l’esprit créatif comme une boîte noire capable de réaliser des liens et des connexions hors des processus conscients ; mais qui sait les servir et les présenter quand le besoin s’en fait sentir, à condition d’avoir suffisamment mûri son histoire, par un travail architectural chez les structurels, par un travail de rumination et de sédimentation semi-conscientes chez les scripturaux.

J’ai effectivement une idée précise de mes scènes-clé à l’avance. C’est l’essence de mon synopsis, les points forts qui architecturent le récit, ses grands virages. J’en cerne l’enchaînement, le bâtis d’une façon que j’espère logique et cohérente, reliant ces grands moments avec d’autres scènes plus ou moins intenses, des respirations, mais, en général, ce qui compte, c’est surtout d’avoir cerné la nature du chemin à parcourir plutôt que les événements précis. Que doit apprendre tel personnage ? Quel parcours effectue tel autre ? Les personnages portant le récit, représentant le véhicule du lecteur à travers les péripéties, je crois qu’il est plus important de les comprendre, de les intérioriser pour savoir les retranscrire, plutôt que de savoir si Bob va voler une voiture ou bien racketter dans la cour du lycée, si le trajet, c’est sa descente vers la délinquance. Les circonstances sont soufflées sur le moment par le récit ; en revanche, l’élan se réfléchit un minimum à l’avance. (Ne serait-ce qu’en y pensant trois minutes sous la douche.)

Donc, dans ce contexte, bien sûr, des scènes spontanées apparaissent. Je pense qu’il est capital de se laisser aller à ses envies dans ces phases-là, de ne rien s’interdire au premier jet, parce que justement, l’esprit va servir ces mystérieuses associations, le germe de situations futures, qui ne prendront leur sens qu’après coup. Il y a les coups de théâtre prévus, les implications construites à l’avance, et vient s’ajouter par-dessus toute une couche de sens différente, soufflée au fil de la plume, par la dynamique du récit en train de naître. C’est ce que j’appelle en atelier la volonté de l’histoire par rapport à la volonté de l’auteur. On part en pensant raconter une histoire donnée, avec le travail préparatoire adéquat en fonction de sa méthode de travail (volonté de l’auteur) et, au moins dans le cas d’un roman, une autre histoire vient toujours se greffer par-dessus, plus vaste, incontrôlable, qui découle de l’élan qu’acquiert la situation initiale (volonté de l’histoire, à rapprocher de l’energeia d’Aristote). Le plus étonnant, c’est que c’est généralement cette dimension-là qui va parler prioritairement à l’inconscient du lecteur. Comme si, au-delà des mots signifiants sur la page, s’effectuait une communication dont nul n’est vraiment maître, et qui nous dépasse tous. C’est assez fascinant (et il y a de quoi se convertir au new age).

Donc, quand cela arrive, j’aurais tendance à recommander fermement de laisser faire. Pas au prix de s’égarer complètement, bien sûr, mais, si des détails apparaissent, si des scènes surgissent, il faut prendre ce que l’instant nous murmure. Ne serait-ce, aussi, que le rythme à l’écriture, quand l’on descend dans la réalité des scènes, aux côtés des personnages, diffère forcément de la construction, où l’on a une certaine hauteur. Comme disait von Moltke (et non Clausewitz), « aucun plan de bataille ne survit au contact de l’ennemi » – aucun plan de livre ne survit à sa rédaction, et c’est tant mieux. L’écriture est un voyage ; aussi préparé que l’on soit, vient un moment où il faut mettre un pas devant l’autre, faire effectivement ce trajet, et ce processus apportera les enseignements dont l’on a besoin au fil du parcours (parfois au prix de plusieurs jours d’errance – d’où l’importance de ne jamais abandonner). C’est aussi cette énergie acquise qui explique, je crois, pourquoi il est si difficile de reprendre des mois plus tard une histoire que l’on a laissée en plan. Il faut écrire ! Pas forcément beaucoup, mais avec régularité.

(À titre personnel, si cela intéresse du monde, l’exemple le plus frappant de ce processus a été pour moi le flashback où le généralissime Vasteth rencontre Mordranth dans La Volonté du DragonCette scène n’était absolument pas prévue à la base, et je pense pourtant qu’elle est forte et surtout capitale pour l’unité du livre. Elle m’est apparue d’elle-même au fil de l’écriture au moment où elle devait s’insérer dans le récit. Et je dois avouer que cela fait partie des grands mystères, mais aussi des grandes joies, de ce métier quand cela se produit.)

2014-08-05T15:13:12+02:00jeudi 26 juin 2014|Best Of, Technique d'écriture|4 Commentaires
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