Cela nous concerne très directement

Toutes les horreurs que les écrivains croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité.

Balzac

À chaque fois que le monde part en vrille, je pense systématiquement à cette citation de Sartre à laquelle Ayerdhal tenait beaucoup : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Mais à chaque fois que le monde part en vrille, je m’interroge aussi en ces termes à peu près : « Qu’est-ce que je suis en train de foutre ? » C’est-à-dire : suis-je à la hauteur de cet aspect de la mission ? (Ne répondez pas, ce n’est pas une question à laquelle on répond, c’est un processus que l’on réfléchit à incarner.)

La littérature, l’art par extension, me semble toujours la chose la plus importante et la plus futile à la fois. L’art sauve, nous élève, nous incite à réfléchir et même, simplement, nous fait du bien. Oui, bien sûr. Mais quand le monde part en vrille et qu’on n’est qu’un humble pousse-curseur, il ne me semble pas complètement absurde de se demander : « Non mais là, en vrai, qu’est-ce que je suis en train de foutre ? »

Qu’est-ce qui me donne le droit et la volonté de croire que je fais un truc réellement important ? Personne, et c’est bien ça le truc : la création est toujours un processus imprévisible, quelle que soit la structure qu’on y injecte ; l’authenticité qu’on s’efforce d’y mettre ne parvient pas toujours à établir ce pont vaporeux avec l’esprit inconnu que l’on espère atteindre, et nul ne peut le savoir a priori. On ne peut qu’essayer, toujours, avec sincérité ; laquelle est la seule clé et la seule vraie raison de toute cette futilité.

Quand le monde part en vrille, que ce soit le monde en dehors ou au-dedans de moi (ce qui arrive aussi), je m’efforce toujours de revenir à ces paroles simples et ô combien fortes de Neil Gaiman : make good art. Le good est toujours une aspiration, une intention, un espoir. Aucun de nous ne sait si ça va marcher. Il n’est même pas un but réaliste. Il nous reste à make art, surtout ceux et celles d’entre nous, dont je fais absolument partie, qui ne savent pas faire grand-chose d’autre et en ont grande conscience. (À part aussi, bien sûr, faire des dons à La Croix Rouge, et à toutes les organisations humanitaires de réputation établie.)

Du discours de Gaiman, on a surtout retenu le make good art, mais je trouve, tout particulièrement en ce moment, ce passage beaucoup plus important, qui nous concerne tous, c’est peut-être là que notre action individuelle commence réellement, en tant que citoyens du monde : être sages, et si nous ne le sommes pas, faire comme si nous étions quelqu’un de sage, et puis agir conformément à ce que cette personne ferait. Ce qui est une nécessité vitale en cette ère de surinformation, de désinformation et, forcément, d’angoisse :

Les Stoïciens plaçaient la vertu (et l’action qui en découle) au-dessus de toute considération, l’équivalant au bien ; deux millénaires plus tard, Gandhi disant be the change you want to see in the world.

Qu’est-ce que je suis donc en train de foutre ici, là, aujourd’hui ? Je vous parle, déjà, parce que j’ai la chance d’avoir une petite tribune, et que si, pour être totalement honnête, je ne sais pas depuis le début de cet article comment aborder un sujet bien trop brut pour avoir une réaction que j’espère intelligente (si j’écris de la fiction, c’est aussi parce qu’elle m’offre le bouclier du temps, de la réflexion et de la métaphore avec l’alibi du divertissement), je ne peux pas ne pas m’en servir alors qu’une histoire terrible est en train de s’écrire et que j’ai l’impression qu’on n’en prend pas trop la mesure. Ce n’est pas la première fois ni le premier endroit où ça arrive, je sais. Mais là, il faut vraiment prendre conscience de tous les parallèles historiques, et on ne rigole plus avec ça : on a déjà, réellement, vécu ça de très près.

Lors du défilé pour la paix samedi à Rennes, des personnes d’ascendance ukrainienne martelaient aux passants : « Arrêtez-vous, les Français. Cela vous concerne. » Fichtre oui. Cela nous concerne. Les habituelles récupérations politiques écœurantes ont lieu – elles ont toujours lieu ; les figures publiques démagogiques croient toujours pouvoir capitaliser sur les crises qu’elles s’imaginent lointaines et donc inoffensives. Mais ce n’est pas cela qui nous concerne, nous, en tant que citoyens et citoyennes du monde. La vérité brute, c’est qu’une puissance a envahi militairement une nation souveraine, bombarde des cibles civiles et que son allié proche prépare sa nucléarisation tandis que l’agresseur lui-même brandit la menace atomique.

Des imbéciles et des fantoches ânonnent un relativisme criminel et irresponsable, comme quoi la Russie aurait été poussée par l’expansion de l’OTAN à réagir de la sorte. L’Ukraine est une nation souveraine apte à choisir son destin ; la personne qui met le flingue sur la tempe de son gouvernement n’est pas l’Ouest. L’invasion russe est aussi un aveu criant d’échec de la proposition portée par son pouvoir. Quelle que soit la manière dont on regarde cette crise, on ne peut pas justifier, expliquer, comprendre cette invasion, quel que soit le contexte géopolitique. C’est une fucking invasion, avec des civils qu’on arme dans les rues, des immeubles d’habitation qu’on bombarde, et un pays auquel l’agresseur a refusé explicitement le droit d’exister.

C’est extrêmement grave, ça nous concerne, c’est littéralement à nos portes. Et j’avoue que je suis juste triste de voir réseaux et figures publiques s’exciter tellement fort dès qu’un président de droite est démocratiquement élu1, se drapant dans des proclamations de Résistance (une référence historique dont je n’oserais pas personnellement me réclamer : il fallait un courage et une vertu que la vaste majorité d’entre nous ne peut affirmer posséder en toute connaissance de cause, parce que nous avons eu la chance de ne jamais avoir été mis à l’épreuve) alors que là, j’ai quand même l’impression que les affaires continuent sans guère de vague. Alors certes, les affaires doivent évidemment continuer, car c’est déjà une façon d’affirmer la vie, et affirmer la vie, c’est résister (avec un petit « r »). Mais quand même. Nous rendons-nous bien compte de la chance que nous avons ?

Mais que peut-on faire ? Pas grand-chose de concret, certes, mais commencer par refuser, protester vocalement et continuellement, car c’est aussi une guerre d’influence et de propagande (les médias russes ont interdiction de parler d’invasion, Twitter et Facebook sont coupés là-bas depuis quelques jours, les manifestations anti-guerre sont passibles d’arrestation) ; et à notre humble échelon, à chaque instant, s’efforcer (et je reviens à Gaiman) de faire preuve de sagesse dans nos actions, quelles qu’elles soient, dans notre partage de l’information, dans notre compréhension du sujet, dans nos conversations. Refuser, comme nous avons encore la chance merveilleuse de ne pas être appelés à résister. Nous montrer peut-être à la hauteur des valeurs que nous prônons porter et incarner, alors qu’elles sont justement mises à l’épreuve. En tant que citoyens, en tant qu’êtres humains.

Et le plus important, bien sûr, exprimer notre solidarité avec le peuple ukrainien qui se bat en ce moment même dans les rues de ses villes, et Résiste, lui, avec un grand « R ».

2022-02-27T16:38:58+01:00dimanche 27 février 2022|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Cela nous concerne très directement

Champagne

C’est important, les bonnes nouvelles. Pour la première fois de son histoire, Facebook a perdu en utilisateurs quotidiens sur le dernier trimestre. La perte en bourse a fait s’évaporer 200 milliards de dollars. Comme quoi, au bout d’un moment, être une entreprise toxique pour le monde entier, ça finit par se voir. Et comme personne ou presque ne veut du métavers tel que le propose Zuckerberg (ou pourquoi pas, mais pas créé par lui), je sens flotter comme une belle et douce odeur de résineux.

Trois pensées griffonnées sur un coin de table :

Tous les réseaux généralistes ont peut-être leur époque, et elle est limitée dans le temps. Fut un temps où MySpace était considéré comme indétrônable (un temps où Internet était beaucoup plus petit, avant les terminaux mobiles, certes), et voyez où nous en s AHAHAHA non pardon c’est pas possible. Pardon.

Pour se pérenniser, un réseau doit peut-être apporter une spécificité propre qui lui donne une vraie valeur aux yeux de son public, au-delà de « y a tout le monde alors j’y vais ». C’est un argument extrêmement fragile, sujet à l’Impermanence de l’Existence™. De plus, l’idée de rassembler absolument tout le monde sur la même plate-forme n’est peut-être ni jouable, ni souhaitable, en tout en l’état actuel de la planète. Twitter, Snapchat, TikTok fournissent quant à eux des propositions et des approches clairement identifiées qui leur permet d’être rentables, voire florissants. Si tu n’aimes pas, ce n’est pas ton outil, et c’est très bien. Dans un monde capitaliste et marchand, c’est peut-être juste ça, le but d’une telle entreprise, pas de connecter le monde entier au mépris de l’éthique avec les catastrophes que l’on sait. Twitter, par exemple, pour toutes ses erreurs et sa toxicité, est un outil très précieux pour les journalistes, et on peut arguer en faveur de son intérêt en tant qu’outil professionnel de veille et d’information.

Avec la prise de conscience collective du mal que ces réseaux non régulés commettent et de leur mépris pour la vie privée, nous commençons peut-être (je croise les doigts) à voir arriver le plafond du capitalisme de surveillance. Voici une autre idée en l’air : à mesure que la technologie se répand, petit à petit, la maîtrise de ses outils percole à travers la population. Même si la majorité des gens ne gérera absolument jamais un serveur personnel, tout bonnement parce que ça ne les intéresse pas, les prises de conscience et les outils simples de protection (adblockers, messageries chiffrées type Signal, VPNs…) ne deviennent plus des affaires de spécialistes mais des questions grand public, très faciles d’emploi. Snapchat, qui a anticipé les mesures anti-pistage inclus par Apple dans la dernière version d’iOS, a commencé à adopter une stratégie publicitaire différente, qui s’avère payante. Oui, on peut faire de l’argent sans piétiner la vie privée. De là à dire que Facebook ferait mieux de réfléchir à assainir sa culture d’entreprise vérolée (mission impossible ?) au lieu de payer pour publier des chouineries sponsorisées dans le New York Times, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement, et puis je repasse en arrière et je le refranchis une seconde fois, histoire que ce soit bien clair.

Ça me rappelle quand j’ai arrêté World of Warcraft : je me souviens très nettement de ce loot bleu chopé dans un énième donjon de levelling à Cataclysm. Le voile s’est déchiré d’un coup devant mes yeux : « mais en fait, c’est toujours pareil, et cela le sera toujours ». C’était fini d’un coup, le désir (le besoin ?) de jouer était rompu. J’ai annulé mon abonnement dans les 24h et ça ne m’a jamais vraiment manqué. Des anciens fumeurs décrivent parfois la même épiphanie, et arrêtent la cigarette du jour au lendemain. J’ai vécu un peu la même chose en arrêtant Facebook, comme je l’ai fait il y a maintenant un an et demi. Je n’éprouve aucun manque1 et, au contraire, une liberté retrouvée et, pour tout dire, une terrifiante légèreté d’esprit.

  1. Twitter, c’est autre chose, mais malgré sa toxicité, Twitter garde une impermanence, une spontanéité et une accessibilité qui me laisse aussi de très beaux souvenirs.
2022-02-08T11:35:27+01:00mercredi 9 février 2022|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Champagne

Triple vacciné

Sachant que nous résidons dans un pays où nous avons la chance d’avoir des doses, et gratuites en plus ; que se vacciner soi-même protège des formes graves et réduit les chances de contamination autour de soi ; que les effets secondaires sont absolument minimes, il n’y a strictement aucune, mais aucune raison de ne pas aller se faire vacciner – ou plus exactement, les raisons données contre la campagne en Europe n’ont souvent strictement rien à voir avec la pandémie, voire avec la réalité.

Mon rappel est donc fait pour ma part avec enthousiasme ; et il n’y a rien d’étrange à ce que des rappels rapprochés soient nécessaires – c’est très fréquent pour les vaccinations infantiles et personne ne le relève. On entend aussi parfois dire que le vaccin contre le Covid ne sert à rien parce qu’il n’empêche pas la transmission du virus ; on rappellera à toutes fins utiles que le vaccin contre la poliomyélite ne l’empêche pas non plus, mais qu’il a pourtant constitué une arme majeure dans l’éradication de la maladie.

Donc, faut arrêter un petit peu les conneries.

J’entends parfois les antivax dire « ha ! nous verrons où vous en serez dans cinq ans avec vos trucs à ARN alors que nous, nous conservons la pureté de nos organismes ! » Eh bien, donnons-nous rendez-vous dans cinq ans, oui, avec plaisir. J’ai hâte d’entendre ce que seront devenus ces arguments quand le temps aura démontré leur ineptie.

Enfin. C’est-à-dire que moi, je sais que je serai toujours là pour en parler, hein.

Vaccinez-vous, bordel.

2021-12-11T17:11:28+01:00mardi 14 décembre 2021|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Triple vacciné

Twitter fait des trucs intéressants en ce moment

L’équation du Mal qui régit toute entreprise de réseau social (donc commercial) est la suivante :

  • Un réseau est attractif dès lors qu’il fédère un nombre d’utilisateurs suffisant pour lui donner de l’intérêt ;
  • Sachant que les gens ne sont pas dans l’ensemble prêts à payer pour un tel produit, cela pousse à le rendre gratuit ;
  • Sauf que ces serveurs pour héberger statuts, photos et vidéos et ne se paient pas d’amour et d’eau fraîche ;
  • Il faut donc rentabiliser (et faire croître) l’entreprise par de la pub, ce qui ouvre la porte à
    • tous les abus possibles concernant la vie privée pour cibler les utilisateurs ;
    • toutes les techniques les plus nocives pour les conserver sur la plate-forme en stimulant l’engagement (soit : le stress né de la captivité).

Exhibit A : Facebook. (Sérieusement, jetez un œil à cette page Wikipédia, ça vaut son pesant de likes.)

La capitalisation boursière et le fonctionnement de ces entreprises les rendent par-dessus tout captives de l’engagement. Je n’exonère personne, Hannibal Lecter aussi pourrait plaider qu’après tout, il avait seulement faim (juste, change de régime, mec ?), c’est seulement ce qui se trouve au cœur de toute cette toxicité.

C’est pour ça que je trouve que Twitter, après de longues années de complète apathie, tente en ce moment des trucs intéressants. Twitter Blue propose un abonnement optionnel (encore à l’état d’expérience) : puisque si c’est gratuit, c’est vous le produit, alors si c’est payant, c’est peut-être moins méchant (euh, j’improvise). Mon indécrottable optimisme me fait dire qu’il y a peut-être dans les hautes sphères de la boîte un constat productif :

  • Twitter sera toujours plus petit, car plus volatile que Facebook, donc un éternel second ;
  • Il faut donc cesser d’essayer de rivaliser sur le modèle économique et se différencier (timidement) sur le plan du modèle économique même (lequel va bien finir par péter, que ce soit à coups de lois ou de ras-le-bol des utilisateurs) (c’est entre autres pour ça que Mark Zuckerberg veut se racheter une virginité à coup de métavers et de rebranding) (jamais, Mark, jamais, tu m’entends ?)

Par conséquent, on pourrait voir dans Twitter Blue une tentative de s’extraire du marais puant de l’engagement ; si assez de gens paient, peut-être que l’entreprise pourrait s’arracher un peu au diktat du financement publicitaire, et donc proposer un fonctionnement d’un peu plus vertueux. (Maintenant, comme je l’ai lu, qui diantre accepterait de payer pour se faire agonir d’injures H24 ? Parce que Twitter, c’est aussi ça, et c’est une excellente question, mais c’est aussi une autre question.) (On pourrait aussi dire que rien ne changera et que ce sera juste une manière supplémentaire d’engranger du CA. Oui.)

Il y a aussi dans les cartons de Twitter l’initiative Bluesky, dont on ne sait à peu près rien, si ce n’est la promesse d’outils décentralisés revenant peut-être aux idéaux ouverts du web d’origine, ce qui est forcément sympathique. En tout cas davantage que ce qu’envisageait Facebook dans le même temps, entre autres un Instagram pour enfants (toi aussi, construis ton malheur dès le primaire). Le réseau a aussi reconstruit tout son écosystème programmatique pour que des applications tierces puissent proposer des expériences alternatives à la plate-forme officielle. En clair, vous pouvez utiliser Twitter avec d’autres clients que l’officiel : Twitterrific et Tweetbot, par exemple, pour personnaliser votre expérience. C’est totalement impossible avec Facebook.

Le problème avec Twitter, c’est que ça reste quand même géré avec davantage d’inertie et d’incompétence que de réelle volonté, mais dans le monde des réseaux, c’est toujours mieux qu’une volonté maléfique délibérée, hein. (Mon dieu, la barre est tellement basse.) Tout ça peut donc parfaitement n’aboutir nulle part, mais même en termes purement économiques, chercher à se désolidariser des mécanismes mêmes dans lesquels le principal concurrent s’est pris les pieds a un réel sens.

J’aimerais donc bien que ça donne quelque chose, parce que ce monde en a terriblement besoin.

2021-11-23T18:23:03+01:00lundi 29 novembre 2021|Humeurs aqueuses|2 Commentaires

Si vous pensez que les vaccins sont inutiles car ils n’empêchent pas la contamination, veuillez retourner en Troisième

Car je crois que c’est là qu’on apprend les mécanismes des proportions et des pourcentages.

Jamais, de toute l’histoire d’Internet, n’aura-t-on vu plus gros lot de conneries proférées dans les sections commentaires de la presse, pourtant un lieu de choix pour le gourmet soucieux de travailler sa pression artérielle. Alors maintenant, rapidement, rappelons quelques évidences.

En effet, les vaccins contre le Covid n’empêchent pas intégralement de tomber malade – il reste environ 5% de chances de l’attraper avec Pfizer, à la louche. Ce qui est quand même, genre, une amélioration considérable par rapport à Jean-Eudes Antivax qui croit que le jus de citron suffira à travailler ses défenses immunitaires. C’est là qu’intervient la notion de proportion : dans un domaine biologique tel que celui-ci, où les chiffres sont colossaux (on parle de l’intégralité de la planète), il y a nécessairement des échappements. Or la question est déjà d’éteindre le feu de la pandémie, et ensuite, de réduire l’impact de la maladie si on la chope quand même ; de contenir la contamination ; et d’échapper aux formes graves de la maladie, dont la plus sérieuse, hein, c’est quand même le décès pour cause de trépas.

C’est quand même marrant que quantité de personnes qui « ouaiiiis ne sont pas sûres pour le vaccin » se prennent sans aucun problème de l’Aspirine ou du Paracétamol, certainement sans avoir jamais lu la liste des effets secondaires : tout médicament, même en vente libre, comporte une liste effrayante d’effets secondaires possibles énoncés sur la notice, mais leurs chances de se réaliser sont abyssales, c’est pourquoi la plupart des gens prennent ces molécules sans y penser un seul instant.

Encore une fois, c’est compliqué de se dire qu’il faille rappeler des trucs aussi évidents, mais il y a un monde entre « tout » et « rien ». Le fait que quelque chose puisse se produire ne signifie pas qu’il se produit à tous les coups, hein, on est d’accord ? La question, ici, c’est dans quelle proportion, soit : de circonscrire la pandémie et de sauver des vies, et ça ne fonctionne pas de façon aussi simple qu’avec un interrupteur. C’est exactement le même mécanisme derrière le fait que 40% des nouveaux cas en Israël sont vaccinés – la majorité des Israëliens l’étant, et comme il existe un léger échappement au vaccin, c’est juste putain de normal. 40% des nouveaux cas, ça n’est pas 40% de la population. Une proportion est relative, ce n’est pas un chiffre absolu. Si 100% de la population était vaccinée, 100% des nouveaux cas seraient vaccinés, okay ? Donc arrêtez d’employer cet argument pour avancer « un doute ». Vous passez juste pour de grosses buses. (Et sur un autre sujet, j’ai une Tour Eiffel à vous vendre.)

Aujourd’hui, la vérité brute est que la pandémie touche principalement les non-vaccinés, soit les populations qui n’ont pas accès au vaccin, soit qui refusent d’y avoir accès dans le monde développé. Le premier cas est une tragédie, le second une putain de disgrâce.

Je crains que ce GIF me fasse encore beaucoup d’usage.
2021-09-26T11:30:01+02:00lundi 27 septembre 2021|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

Où, dans le scandale Facebook de la semaine, on découvre que l’entreprise tolère tout à fait les petites annonces pour du trafic humain

Il y a un truc ironique sur le fait que la plupart des réseaux conspirationnistes se retrouvent sur Facebook, c’est que franchement, s’il devait exister un reptilien, un Illuminati ou un démon majeur ayant revêtu un costume d’être humain, c’est assurément Mark Zuckerberg tellement son entreprise semble s’ingénier à absolument tout faire pour incarner une force maléfique de premier plan à notre époque.

Le Wall Street Journal rassemble des dossiers accablants (et ça n’est pas une figure de style : c’est littéralement un panégyrique avéré du capitalisme dans tout ce qu’il a de plus sociopathe) sur le réseau qui commence par F comme Fuck You, et la dernière en date mérite une action en justice devant la Cour Pénale Internationale :

Scores of Facebook documents reviewed by The Wall Street Journal show employees raising alarms about how its platforms are used in developing countries, where its user base is huge and expanding. Employees flagged that human traffickers in the Middle East used the site to lure women into abusive employment situations. 

En gros, il est (était) possible de trouver à employer des femmes de ménage taillables et corvéables à merci, sans contrat, avec confiscation du passeport au passage, et la réponse de Facebook a été spectaculairement tiède.

Une entreprise qui monétise votre attention et votre temps pour vous captiver en fomentant des conflits alimentés par algorithmes, qui siphonne vos données par tous les moyens possibles et imaginables, qui s’en tape totalement de la santé publique, de la démocratie, de la raison tant que ça vend de l’espace aux annonceurs, et qui fait tout ce qu’elle peut pour éviter de se soucier des dignités humaines les plus fondamentales parce que TU COMPRENDS LES CARTELS AUSSI PEUVENT ÊTRE INTÉRESSÉS PAR NOS PUBS DE TONGS, franchement, je dois sur-réagir, je ne vois que ça.

2021-09-18T16:21:02+02:00mercredi 22 septembre 2021|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

« Oh bordel de Dieu, faites-vous enfin injecter ce putain de vaccin, bande de branlous merdeux »

Où l’on conduit une expérience linguistique absolument fascinante sur les non-équivalences de certains registres linguistiques entre langues, comme celui de l’insulte et de l’énervement :

The fucking vaccine will not make you magnetic. Are you fucking kidding me? It just fucking won’t. That’s not even a fucking thing, and that lady who tried to pretend the vaccine made her fucking magnetic looked like a real fucking fuckwad and a fucking idiot, so get fucking vaccinated. Jesus. Fuck.

Wendy Molyneux

Ce qui pourrait se traduire à la louche par :

Ce putain de vaccin ne vous rendra pas magnétique. Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Non, bordel. Ça n’existe juste pas, putain, et la connasse qui a prétendu le contraire est passée pour une énorme bestiasse, un putain de désastre intellectuel, alors faites-vous vacciner, merde de merde. Bon Dieu. Chié.

Constatons ainsi, au titre de l’exercice, que l’anglais reste quand même assez limité dans le registre de sa vulgarité, où « fuck » incarne l’ultime forme de l’agacement et de l’insulte ; ceci étant aidé par la manière fortement satisfaisante dont le mot peut être craché avec sa sonorité sèche et agressive. D’autre part, l’anglais, langue classiquement agrégative, peut jouer sur la construction de termes nouveaux et tolère bien mieux la répétition que le français, qui au contraire, compte parmi ses forces la complexité courante de ses champs lexicaux. Il est également aidé par ses ascendances latines, où le registre de l’insulte est évidemment sans bornes. D’ailleurs, on pourrait sans nul doute discuter à l’envi des connotations et des choix (mon humble tentative ayant été hâtivement réalisée en deux minutes sur un coin de blog). Si je donnais encore des ateliers de traduction, ça aurait pu être rigolo de donner ce texte en entier.

Parce que, hein : fucking vaccinez-vous, yes ?

2021-09-07T17:30:20+02:00lundi 6 septembre 2021|Humeurs aqueuses|4 Commentaires

Les yeux à leur place

L’Oscar de la décision sexiste de la semaine est remporté par la Fédération européenne de handball, qui vient de sanctionner l’équipe de beach handball norvégienne d’une amende de 1500 € parce que, scandale, elles ont osé porter un short plutôt qu’un bas de bikini qui leur couvre au maximum 10 cm des fesses (ah oui mais c’est dans le règlement international, que voulez-vous qu’on vous dise).

(Erreur dans la légende du post, c’est bien de beach handball dont on parle.)

À un moment, hein, ça va se voir, le male gaze. Même si quelqu’un de normalement constitué saisira immédiatement l’aspect tant discriminatoire que complètement con d’une telle décision, décortiquons-la deux secondes. La tenue correcte de l’athlète sur le terrain, l’étiquette de l’uniforme pour le respect de la discipline, OK, je veux bien, mais franchement, qu’on ose soutenir que les tenues des athlètes ci-dessus manquent de respect à qui que ce soit ? Personnellement, alors que je n’ai rien contre les jolies filles en maillot dans l’absolu, je trouve ça surtout méga malaise, la tenue officielle imposée. Imposée : c’est tout le nœud du problème.

Évidemment, y en a pour chouiner en râlant que ça devient interdit de mater de jolies filles. Alors, un petit enfonçage de portes ouvertes : le beach handball, le but, rappelez-moi, c’est de la compétition sportive, ou bien c’est mater des jolies filles pour satisfaire le regard masculin ? Non parce que là, d’un coup, on peut se poser la question de la finalité du truc, vous comprenez.

Personne n’interdit à personne l’activité du plaisir esthétique scopique (visuel) (et d’ailleurs, il est grand temps que l’on diversifie ça ; la fiction cinéma / télé actuelle s’y emploie – heureusement pour la santé mentale collective de notre espèce qu’on commence à montrer aussi des corps masculins sympas à regarder, et aussi, mais c’est un autre sujet, des corps de tous horizons un peu plus proches de la normale courante), mais – et j’arrive encore une fois pas à croire que je doive écrire ça – il y a des contextes pour ça, où se situe la notion centrale de consentement. Les athlètes disent qu’elles « se sentaient nues » dans la tenue obligatoire, et franchement, on les comprend : il est où, le bien-fondé de la règle ? C’est un match sportif ou un défilé de Victoria’s Secret ? Si elles étaient OK pour la tenue courte, pas de problème, more power to them ; en revanche, ce genre de règlement ne devrait juste pas imposer la surface de peau qu’on doit voir, surtout dans ces zones-là (et encore une fois, voyez mon expression ahurie devant le fait de devoir taper ça en 2021).

À tous les mecs en chien qui râlent : comprenez que vous IMPOSEZ votre regard comme une relation de pouvoir basée sur la possession (c’est la fondation du male gaze) et ça n’est juste pas tolérable. Personne ne vous interdit dans l’absolu de regarder, de désirer, de fantasmer, voire d’avoir des relations de pouvoir dans l’intimité, de réifier vos partenaires si c’est votre truc, mais juste, vous faites ça avec les gens qui sont d’accord et qui ont les mêmes trips que vous. Ou qui n’ont pas de problème pour se montrer ; tout ça existe, le monde est vaste.

Juste, pas au cours d’un match de beach handball, bande de braques à bras.

2021-07-28T16:30:14+02:00mardi 27 juillet 2021|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

Pleinement vacciné

Et voilà, ma semaine est passée. Liberté et sérénité !

Faites-vous vacciner, bon dieu. La Cour Européenne des Droits de l’Homme dit elle-même que la vaccination obligatoire est une nécessité dans une société démocratique. Il est ubuesque qu’on « laisse le choix » sur un dossier aussi grave par crainte de froisser des croyances antivax totalement absurdes ou des « sensibilités ». Tout cela n’a strictement aucun fondement scientifique. Ce qui en a en revanche bel et bien, ce sont les QUATRE MILLIONS de morts (et ce n’est hélas pas fini), les vies détruites par la crise économique, l’impact des restrictions sur la santé mentale collective.

Je ne cesse de penser à tous les pays qui cherchent des doses qu’ils n’arrivent pas à avoir. Ici, globalement, nous en avons, maintenant. En plein milieu d’une pandémie, la vaccination obligatoire ne semble même pas être une question de bon sens, mais de survie.

2021-07-22T17:24:44+02:00lundi 26 juillet 2021|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Pleinement vacciné

Il n’y a qu’une seule bonne raison de ne pas se faire vacciner

Et c’est : si vous avez une contre-indication médicale très, très spécifique qui vous place déjà dans quantité de situations à risques depuis le début de votre vie (et c’est sacrément emmerdant, et vous le savez, et vous aimeriez justement bien pouvoir avoir des vaccins, parce que vous comprenez mieux que personne la bénédiction qu’ils représentent).

Autrement, si vous êtes en mesure de vous faire vacciner contre le Covid, vous devez le faire. « Oui mais… » NON. « Mais imaginons que… » NON NON. « Non mais et si… » TUT TUT NON DÉSOLÉ MAIS QUE DALLE.

Il n’y a pas de conspiration, pas de machination mondiale, pas de puce 5G, et vous faites tous les jours des trucs un million de fois plus risqués que prendre un vaccin contre le Covid (surtout concernant une maladie qui circule énormément et qui peut, genre, vous tuer ?). Dans les mots de Linus Torvalds (connu pour ses coups de gueule, mais pour une fois qu’il en pousse un à bon escient, ça vaut le coup de le signaler) :

Les vaccins ont sauvé les vies de dizaines de millions de personnes. […]

Ne vous imaginez pas tranquille et bien au chaud parce que les cas de Covid ont grandement chuté autour de vous. Oui, toutes les personnes vaccinées de votre entourage vous protègeront, mais s’il y a une autre vague, potentiellement due à un variant bien plus transmissible, vous et votre famille encourrez un risque largement supérieur aux personnes vaccinées, tout cela à cause de votre ignorance et de votre mésinformation.

Vaccinez-vous. Arrêtez de croire les mensonges des antivax.

Ne pas se vacciner, c’est en plus mettre en danger les personnes qui ne peuvent être vaccinées pour diverses raisons d’intolérance ou qui sont immunodéprimées, et qui ne vous ont fucking rien demandé – non seulement vous risquez, encore davantage avec le variant Delta, de développer une forme grave et fatale de la maladie, mais vous pouvez la transmettre autour de vous, vous conduisant, indirectement, à peut-être tuer quelqu’un.

Si, à l’heure actuelle, vous refusez de vous vacciner et qu’en conséquence vous le chopez (et que vous développez une forme grave et que vous y restez), déjà, c’est vraiment très con. Mais ça, c’est littéralement criminel.

Les cas ont décru récemment avec la combinaison des mesures d’isolement mais aussi avec la croissance de la vaccination. Si vous croyez le contraire, ma foi, ouvrez un journal scientifique au lieu de Facebook où « quelqu’un qui sait » vous assure que « quelqu’un qui travaille à l’hôpital de Plan-de-Cuques » a juré sous le sceau du secret que le vaccin allait vous transformer en jaune d’œuf. Nous avons la chance en Occident d’avoir des doses, et y en a encore pour faire la fine bouche ! Si c’est pas du first world problem, ça, bon dieu.

Il y a des rendez-vous partout en ce moment. Vous pouvez vous faire vacciner sur votre lieu de vacances. C’est gratuit. Si vous êtes en mesure de le faire, vaccinez-vous ; si vous ne le faites pas, franchement, à ce stade, vous faites le choix délibéré de vous mettre en danger comme de mettre en danger autrui, et ça commence à devenir difficile de trouver de la compassion.

Vivez, et faites vivre les gens autour de vous, connus ou inconnus.

Ce. N’est. Pas. Compliqué.

2021-07-08T10:48:54+02:00lundi 12 juillet 2021|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Il n’y a qu’une seule bonne raison de ne pas se faire vacciner
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