Délais de réponse, de soumission, soumissions simultanées… Que faire ? (2. Quelque chose)

bwhahahaha-businessLa veille, donc, je me suis montré antipathique en donnant des réponses qu’en général personne ne veut.

Aujourd’hui, nous allons examiner ce qu’on peut réellement faire dans un marché toujours plus saturé de soumissions éditoriales, avec des supports qui se raréfient, et ce notamment dans le cas du roman (même si j’ai tendance à recommander d’attaquer par des nouvelles), où il est quand même difficile d’en écrire treize en attendant d’être publié (… même si c’est ce qu’a fait Brandon Sanderson, donc…).

La règle d’or reste toujours le respect de conditions de soumission de l’éditeur. Renseignez-vous ! Parfois, celles-ci autorisent les soumissions simultanées : cherchez ces éditeurs-là et allez-y gaiement. Parfois, celles-ci mentionnent clairement que toute absence de réponse au bout de quatre, six, huit mois valent refus ; prenez-les au mot et renvoyez votre travail ailleurs. Mais si celles-ci exigent une exclu sur la lecture pendant six mois, jouez le jeu en connaissance de cause. Et, bien sûr, si l’on vous demande trois chapitres plus synopsis, envoyez trois chapitres plus synopsis. Pas le livre entier. Jamais.

Reste le cas difficile du silence radio. Que faire pour obtenir des nouvelles de son oeuvre ?

De manière générale, si l’on laisse s’écouler un temps de traitement raisonnable, il n’est pas interdit de relancer poliment. (J’insiste. Poliment, bordel.) Nous sommes entre êtres humains de bonne compagnie et l’éditeur comprend que vous ne pouvez pas non plus lui garder votre livre jusqu’en 2050. L’idéal est de l’attraper en personne sur un festival, de se présenter courtoisement, d’expliquer qu’on a envoyé un livre à telle date, et qu’on n’a pas encore reçu de nouvelles, est-ce normal ? La réponse la plus probable sera « Oui, nous sommes en retard sur le traitement des soumissions. » (Les éditeurs sont généralement en retard sur les soumissions, ce n’est pas parce qu’ils s’en fichent, c’est parce qu’ils 1) en reçoivent un volume ahurissant et 2) doivent faire tourner la maison au jour le jour, ce qui est plus prioritaire que tout le reste, et c’est normal.) « Relancez-nous dans n mois. » C’est aussi simple.

Pas la peine de dire en soumettant votre travail qu’en l’absence de réponse sous mois, vous vous réservez le droit de soumettre ailleurs ; cela vous fait paraître procédurier. On s’en doute bien. Relancez au bout du délai que vous vous êtes fixé ; ensuite, si vous ne recevez aucun signe de vie malgré deux ou trois relances courtoises et bien espacées dans le temps, alors sentez-vous libre d’aller ailleurs. Si l’éditeur se réveille, il ne pourra alors pas vous en vouloir comme évoqué hier : vous l’avez amplement prévenu. Et si, malgré tout, le texte est encore disponible quand il vous fait une offre, tout le monde sera content.

Maintenant, se pose la question suivante : qu’est-ce qu’un temps de traitement raisonnable ? 

Aaaah…

Pour les nouvelles

S’il s’agit d’un appel à textes pour un projet donné (anthologie) : déjà, en règle générale, il vaut mieux toujours privilégier les projets annonçant une date de publication, un éditeur, n’importe quelle forme de calendrier. Les appels du genre « on cherche à amasser des manuscrits pour l’instant, mais on les publiera peut-être un jour » débouchent rarement sur du concret. Rien n’empêche de participer, mais ne vous laissez pas bloquer à long terme, surtout si, au bout du compte, rien ne sort jamais nulle part. Quand il y a un calendrier, notamment une date limite de rendu des textes, cela donne une idée du moment où les responsables vont commencer à trier les soumissions et donc d’à partir de quand il est légitime de s’impatienter.

Pour un support à soumission continues (revue, webzine), c’est forcément plus flou si rien n’est annoncé.

Il y a quinze ans, quand j’ai commencé (fichtre) la moyenne de temps de traitement dans la profession était de trois mois pour les nouvelles. Nous nous imposions ce délai pour Asphodale, comme le faisait Galaxies. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est plutôt le minimum. La limite basse me semble donc trois mois, et c’est même probablement un peu tôt pour s’interroger. Quatre mois me semble un bon délai pour commencer à demander ce qu’il en est. (Toujours poliment, hein.)

En revanche, si le projet qui vous intéresse a publié un calendrier (clôture des soumissions au moins n, parution au mois n + 6, par exemple), visez quelque part entre les deux. La fabrication (mise en page et impression) d’un livre prend un (si l’on est très rapide) à deux mois. Il faut aussi compter les corrections avec les auteurs en amont, ce qui prend du temps. Calculez donc un délai raisonnable pour avoir des retours sur votre travail. Dans l’exemple donné, avec un calendrier pareil, au bout de n + 2 mois, on peut vraiment se demander si l’on a été retenu ou non.

Pour les romans

Il s’en envoie tellement et c’est tellement difficile d’estimer une vitesse de travail dans ce domaine… Pour cette raison, avant six mois, cela me paraît peu réaliste d’avoir un retour. Se repose donc la question des soumissions simultanées si l’on espère publier rapidement. Est-ce pertinent ?

Je persiste à penser résolument que non (mais je suis certain qu’on me contredira avec véhémence en commentaires : auguste lectorat, lis-les pour avoir un avis différent du mien, ce qui est tout l’intérêt d’un blog). Mais si l’on veut tenter, je lis parfois qu’on recommande d’envoyer le manuscrit tous les trois mois (ou plus) à un éditeur différent, ce qui offre un moyen terme entre la salve d’envois tous azimuts, ce qui risque de susciter des conflits, et l’attente parfois très longue d’une réponse (et, quand même, il est parfaitement compréhensible qu’on ne souhaite pas mourir de vieillesse en attendant). Pourquoi pas.

Enfin, certains envoient bel et bien tous azimuts. Cela se fait : il faut juste avoir conscience des risques.

Mais en cas de problème, tu ne diras pas, auguste lectorat, que je ne t’ai pas lourdement prévenu et n’ai pas déconseillé la pratique. N’hésite pas à donner tout particulièrement ton avis en commentaires sur ce point. 

Suivez vos soumissions !

En bonus, n’oubliez pas de suivre ce que vous avez envoyé à qui et quand, pour savoir quand relancer si vous le souhaitez, quelles sont vos relations avec x ou y, et surtout pour éviter la gaffe classique… Renvoyer plusieurs fois le même manuscrit au même interlocuteur ! La SFWA propose ces cinq ressources pour suivre ses soumissions ; le plus simple et le plus pérenne dans le temps me semble le logiciel Sonar, conçu spécialement à cette fin.

Bon courage et bonnes soumissions, et n’oublie pas, auguste lectorat : si tu veux établir une carrière solide et durable, le meilleur calcul consiste toujours à privilégier la patience.

2015-07-29T19:18:06+02:00jeudi 30 juillet 2015|Best Of, Technique d'écriture|35 Commentaires

Délais de réponse, de soumission, soumissions simultanées… Que faire ? (1. Rien)

haha-businessOkayyyy, je respire un grand coup pendant que ma dernière bibliothèque de sons symphoniques se télécharge et je me lance, tremblant et la peur au ventre, dans un de ces sujets qui déchaîne les passions :

  • Que faire face à la lenteur des réponses éditoriales aux soumissions de textes ?
  • Peut-on soumettre à plusieurs supports en même temps ? (soit « soumissions simultanées »)
  • En l’absence de réponse, au bout de combien de temps puis-je passer à autre chose ? 

Pour ma part, je vais être clair : ma posture a toujours consisté à bannir totalement les soumissions simultanées. Mais, avant de prétendre que c’est la chose à faire, et pour donner plutôt les éléments de réflexion qui serviront à construire une stratégie intelligente, comprenons la question sous-jacente : au fond, quel est le problème avec cette pratique ?

L’article d’aujourd’hui sera le premier de deux parties, concernant les questions de base, et puis mon avis, ma stratégie, qui n’engage que moi. Demain, on fera un peu plus de realpolitik pour voir comment composer avec le marché quand on est moins tête de mule que ton humble serviteur, auguste lectorat.

Soumission simultanée, champ de mines

Les services éditoriaux sont absolument noyés de manuscrits, qu’ils examinent pourtant (si les soumissions sont ouvertes), dans l’espoir de trouver la gemme de demain. Ce dont il faut bien avoir conscience, c’est qu’un éditeur qui lit un manuscrit ne fournit pas un service public (comme c’est parfois sous-entendu par de jeunes auteurs), ne doit même rien à l’auteur qui soumet son livre : il travaille, en choisissant d’investir son temps dans cette recherche – un temps qu’il ne passe pas à faire autre chose, comme boire des daïquiris aux Seychelles promouvoir un livre existant ou même l’oeuvre d’un auteur déjà établi. Il est animé par une mission, son amour de la littérature (sinon il ferait autre chose de sa vie), mais aussi par le fait que sa boîte doit tourner un minimum : encore une fois, il bosse.

Imaginons maintenant que l’éditeur, après une traversée interminable de manuscrits mal ciblés ou écrits avec deux pieds gauches trouve enfin la perle rare, le nouveau Tolkien. Hosannah ! Il appelle l’auteur pour lui promettre une avance pharaonique et des daïquiris aux Seychelles. Et là, l’auteur lui dit « ah ben je suis désolé, mais j’ai envoyé mon bouquin en même temps à votre concurrent principal, il l’a pris, c’est ballot, hein ».

Pire (anecdote authentique) : « Ah c’est cool, mais j’attends une réponse de votre concurrent plus gros qui paie mieux, s’il le veut je lui file, mais sinon okay, je vous le donne. »

Mets-toi à la place de l’éditeur, auguste lectorat. Imagine-toi dans ses souliers vernis. Quelle sera ta réaction ? Voilà.

Là, les plus libéraux peuvent se dire : « bah, loi du marché, bitch, t’avais qu’à réagir plus tôt ».

C’est une attitude légitime. Sauf que vous venez de fâcher un potentiel partenaire, qui ne refera probablement jamais affaire avec vous (oui, ce genre de choses arrive, et régulièrement) parce que vous venez, dans les faits, de lui cracher au visage et qui, s’il est mal luné, ira même raconter à ses petits camarades que vous n’êtes pas quelqu’un de fiable.

Ce qui est une mauvaise décision d’affaires, qu’on soit libéral ou pas, bitch toi-même.

Donc, toute décision concerant la soumission de textes doit prendre en compte cet aspect : laisser à l’éditeur le temps de faire son travail, lequel est lent par nature (lecture attentive, possible prise de notes, immense volume reçu), et prendre soin de ses relations futures avec tous les partenaires, parce que c’est ce qu’un pro fait.

Mais si ça ne répond pas après 47 mois ?

La réponse à ce stade de la discussion est : « mais si je n’ai pas de réponse après un temps raisonnable ? Genre 3, 6, 9 mois ? J’ai le droit d’aller ailleurs, non ? »

Mon avis ? Dans le cadre de la nouvelle (on parlera du roman demain) : attendez quand même. De façon parfaitement subjective, un truc me gêne dans le sous-entendu de cette question : l’impatience. « Ouais mais c’est dégueulasse, moi j’attends, je me ronge les sangs, je voudrais pouvoir reprendre mon texte et le publier ailleurs. »

Bah ouais, eh. Eh bah, c’est la vie. Je suis navré, mais la littérature est un métier fait de patience, de patience et encore de patience. Patience pour écrire. Patience pour relire. Patience dans les tractations, la fabrication. Si tu cherches l’insta-fame, faut faire La Nouvelle Star, pas écrire des bouquins. (Des bouquins ! Au XXIe siècle, mec, sérieusement ! Il faut faire des applis iPhone !) Tu es écrivain ? Tu as ça dans le sang ? Okay, génial. Tu as donc mille histoires qui te tournent dans la tête et te hurlent de sortir, non ? Alors fais ça, plutôt : sors-les.

Tu as envoyé la première ? Lâche prise, et écris la suivante. Et la suivante. Et la suivante. En particulier en début de carrière, où chaque texte donne cent leçons et où les sauts qualitatifs sont palpables et visibles de l’un à l’autre. Ce sera mille fois plus instructif – et donc productif à long terme – que de chercher le business dès le départ. Les nouvelles te seront peut-être refusées un an plus tard ; il te suffira de les reprendre et de les renvoyer ailleurs sans autre forme de procès. Je crois que la priorité d’un jeune auteur n’est pas de chercher la publication en premier lieu mais d’affiner son métier, de construire un corpus de textes solides et alors (mais seulement alors) de chercher à les publier.

Je n’ai jamais fait de soumission simultanée de ma vie. Alors oui, parfois, des textes sont restés dans les limbes éditoriaux pendant des années. Cinq, huit, dix ans. Un texte écrit n’est jamais perdu. C’est même lui donner l’occasion de se bonifier ; car on apprend toujours avec le temps, et les failles invisibles à l’écriture paraissent parfois au bout de cinq ans ; et, au bout de dix, on a enfin compris comment les corriger et servir son histoire au mieux.

C’est par exemple le cas de Port d’Âmes, qui est resté dans mes tiroirs pendant des années ; au final, la version qui sortira en août aura été réécrite aux trois quarts, par rapport à la version précédente, qui était elle-même entièrement réécrite par rapport à la première. Le livre a grandement profité – j’ai eu besoin de ce temps pour savoir comment présenter cette histoire, la raconter, la servir au mieux. Ce livre qui sort en 2015, je n’aurais pas pu l’écrire en 2007. Mais il ne fallait pas non plus attendre 2015 pour l’écrire. Il fallait un mûrissement.

Il faut être patient dans ce métier. La priorité, c’est écrire de son mieux, avant viser à publier. La publication vient ensuite, mais toujours dans un second temps.

Demain, nous parlerons de romans, et de ce qu’on peut faire quand on n’a pas une tête en bois comme moi.

2015-07-29T19:24:54+02:00mercredi 29 juillet 2015|Best Of, Technique d'écriture|12 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (3) : un enjeu

writing_wrongC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Cette semaine, nous allons introduire de la tension narrative avec un enjeu. Si vous avez déjà cerné le problème de votre personnage principal, nous allons le compliquer ; sinon, nous allons lui en donner un. Choisissez, ou tirez au sort, parmi la liste suivante. Voici ce que votre personnage risque dans l’immédiat. Pourquoi ? Ce sera le moteur de votre ébauche d’histoire à venir : c’est la motivation de votre protagoniste, ce qu’il cherche à éviter dans le récit en formation.

Un enjeu :

  1. Mort
  2. Déshonneur
  3. Abandon (quête, lieu…)
  4. Blessure grave
  5. Un pari
  6. Le sort d’un tiers
  7. Une information
  8. Examen de passage
  9. Etre accepté
2015-07-27T14:23:42+02:00lundi 27 juillet 2015|Technique d'écriture|2 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (2) : un lieu et un genre

hey_writerC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Cette semaine, nous allons prendre le protagoniste apprivoisé la semaine dernière et nous allons le mettre en situation. Choisissez ou tirez au sort un déclencheur dans la liste des lieux suivants et faites-l’y entrer. Que remarque-t-il ? Voyez comment sa personnalité colore ce qu’il observer, les détails auxquels il prête attention. Que vient-il faire ici ? Que cherche-t-il ? Et comment interprétez-vous ce lieu – dans quel genre choisissez-vous délibérément de vous placer ?

Un lieu (à prendre au sens large : SF, fantasy, fantastique, littérature générale…) :

  1. Salle d’entraînement
  2. Salle de bal
  3. Salle de taverne
  4. Pont d’envol
  5. Living-room
  6. Cour de forteresse
  7. Théâtre
  8. Cour d’école
  9. Plage
  10. Nef d’une cathédrale
2015-07-13T11:23:18+02:00lundi 20 juillet 2015|Technique d'écriture|4 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (1) : un protagoniste

you_writingC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Cette semaine, nous allons partir sur un personnage principal, un protagoniste. Choisissez (ou tirez au sort) un déclencheur parmi les dix suivants, puis entrez dans la tête de ce personnage : racontez-le, du point de vue que vous souhaitez (le sien ou un observateur extérieur). Qui est-il ? Quel est son passé ? Et surtout, quel est son problème immédiat ? Vous avez le droit de tourner en rond, de creuser, de chercher la direction qui vous inspire. Une seule règle : amusez-vous, traquez sans relâche une direction qui vous intéresse. Pourquoi ce déclencheur-là vous a-t-il attiré ? Ou bien, que pourriez-vous faire d’amusant avec le déclencheur imposé par le sort ? Avec un peu de chance, une amorce d’histoire va se dessiner, pour un texte plus long, une nouvelle, voire un roman.

Un protagoniste :

  1. Héros flamboyant
  2. Se la pète mais rien dans le ventre
  3. Soldat professionnel
  4. Assassin professionnel
  5. Hanté par le remords
  6. Ténébreux et sans conscience
  7. Dévoré par la vengeance
  8. Débutant rêvant de gloire
  9. Incompétent mais plein de bonne volonté
  10. Freluquet mais rusé
2015-07-12T20:10:50+02:00lundi 13 juillet 2015|Technique d'écriture|8 Commentaires

Sept conseils de base au jeune auteur qui veut publier

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C’est une question qui revient souvent ces temps-ci : « J’ai écrit pas mal, je me sens prêt à franchir l’étape de la soumission voire de la publication, aurais-tu des conseils ? »

Ma foi, cela appelle une réponse soit très courte (laquelle est : « beeeeeeen… ») soit très longue (tout le rayon « technique d’écriture » d’une grande librairie américaine). Mais cela ne répond à rien (surtout la première) et l’on doit pouvoir cerner de meilleurs conseils fondamentaux à donner.

Que voici donc, au nombre de sept, parce que le sept, c’est l’alpha, c’est l’oméga, c’est mystique, ça fait genre vérité suprême révélée.

1. Écrivez un bon bouquin

C’est la base absolue. Ce qu’on va juger avant toute chose, c’est la qualité de votre texte, de votre histoire, de vos personnages, l’inventivité, le style, tout ce qui fait une oeuvre aboutie.

Voilà, c’est tout, salut, à la prochaine.

Non, plus sérieusement – ça me fait penser à une anecdote lue sur Facebook à propos d’un jeune DJ qui expliquait à un autre tout son plan marketing, son site web, sa marque, avant d’avoir réalisé la moindre mixtape. Le texte est la base. N’imaginez pas tous les à-côtés de la publication avant de l’avoir fini, peaufiné, relu, re-relu, réécrit, re-re-relu, puis finalement envoyé.

Pour travailler un livre, il y a quantités de conseils un peu partout, à commencer par les aides à l’écriture et la section Technique du présent site.

2. Peaufinez votre manuscrit (plus que ça)

Ça devrait aller avec le point précédent mais cela ressort tellement quand je parle à des éditeurs que cela mérite un point à part entière. Tu n’imagines pas, auguste lectorat (enfin peut-être que si, depuis le temps qu’on se connaît) la quantité de manuscrits illisibles reçus par les services : écrits en gothique, ponctués à l’avenant, orthographiés en SMS, etc.

Travaillez votre livre jusqu’à ce qu’il soit également irréprochable au niveau purement formel : aération, pagination, format, etc. La plupart des services de lecture des grands éditeurs rejettent les soumissions à la page 2 parce que c’est illisible. Ne faites pas le malin en croyant qu’une impression sur vélin vieilli au thé attirera une attention favorable. Cela attirera une attention, c’est certain, mais pas celle que vous espérez.

3. Respectez les règles (et connaissez votre place)

Corollaire du point précédent : les éditeurs qui acceptent des soumissions exposent en général clairement ce qu’ils demandent – relié ou pas, recto-verso ou pas, l’intégralité ou bien trois chapitres pour commencer, etc. Respectez ces règles comme votre livre de culte personnel. Ne pas les respecter est un moyen sûr de se faire refouler sans même une lecture. La plupart des éditeurs reçoivent des dizaines de manuscrits par semaine (voire par jour) ; ces règles existent pour leur faciliter la vie, selon leur mode de travail. Si vous ne respectez pas leur boulot, n’attendez pas qu’ils respectent le vôtre.

Ce qui va avec : laissez l’ego au vestiaire, voire, si possible, enfermé dans une malle en plomb verrouillée à double tour dans la sombre cave de vos ressentiments. En d’autres termes : taisez-vous. En cas de refus, apprenez à l’accepter gracieusement au lieu de râler envers l’éditeur (ce qui vous fait passer pour une diva) – voire, pire, sur Facebook (ce qui vous fait passer pour une diva auprès de l’éditeur ET de vos amis). Vous avez le droit de considérer qu’il a tort, mais le hurler ne changera rien, à part pourrir vos relations avec le monde. Passez à l’éditeur et/ou au projet suivant. Essayez de comprendre ce qui a coincé, dans le livre ou dans le ciblage de votre interlocuteur. Tirez-en des leçons. Puis lâchez prise.

4. Connaissez votre marché (et ciblez-le)

En fait, c’était le premier conseil qui m’est venu, tant il est ignoré, mais je m’en serais voulu de ne pas d’abord insister sur le texte. Néanmoins, c’est un point fondamental. Pour publier dans un domaine (la fantasy, le polar, le dinoporn), il convient de connaître ce domaine, et pas seulement son arsenal narratif, mais aussi son paysage économique.

Qui sont les acteurs importants ? Les compagnies, mais aussi les personnes ? Qui publie quoi ? Quels sont les moyens des uns et des autres ? Et surtout, qui est le plus susceptible de publier ce que je fais ? Là encore, vous n’imaginez le nombre d’erreurs de casting – des autobiographies envoyées à des éditeurs d’imaginaire, voire de la SF envoyée à des revues de fantasy pure (j’en recevais à l’époque d’Asphodale ; je redirigeais les meilleures vers Galaxies, mais vous ne pouvez pas compter là-dessus). Citons l’excellent Grimoire Galactique des Grenouilles réalisé par CoCyclics qui recense tous les éditeurs d’imaginaire. La première chose à faire une fois qu’on a un manuscrit réellement terminé, c’est – eh oui – une étude de marché. Aujourd’hui, un jeune auteur qui veut publier n’a pas le droit de dire « mais je ne sais pas chez qui ».

5. Évitez les projets casse-gueule (pour l’instant)

Okay. Vous avez une grande oeuvre, genre un immense univers de fantasy qui couvre plusieurs millénaires d’histoire avec des passerelles entre tous les textes et une lente évolution de l’univers et… heu…

Bon. Évitez de dire à un éditeur putatif pour votre premier projet « Ceci est le premier volume d’une décalogie ». Désolé d’être lapidaire, mais c’est un risque trop vaste à votre stade. Vous êtes : 1) jeune auteur 2) francophone 3) avec une série en projet. Je suis navré, mais ça fait au moins une tare de trop, sachant qu’un éditeur va miser de l’argent et du temps sur vous pour vous amener à la publication et faire connaître votre travail. Il y en a une dont vous ne vous débarrasserez en principe jamais (francophone) et une autre à laquelle vous ne pouvez rien pour l’instant (jeune) donc essayez de mettre toutes les chances de votre côté. Gardez vos projets ambitieux sous le bras – l’expérience que vous aurez acquise, en plus, vous aidera à mieux les servir par la suite.

Après, il n’est jamais exclu que vous soyez purement génial, sans rien à apprendre, et que votre décalogie soit prise d’entrée avec une avance pharaonique. Je vous le souhaite ! Mais il est toujours plus sûr de partir du principe qu’on ne l’est pas.

6. Faites-vous peut-être la main sur des nouvelles

Cela n’a rien d’obligatoire, mais c’est une idée à envisager. Écrire un roman est évidemment une entreprise de longue haleine, qui a son propre ton, son univers. Quand on fait ses premières armes, la nouvelle permet de dominer plus facilement la dynamique de la narration, de s’essayer à quantité de genres, à se mesurer au retravail… Et évidemment de se mesurer à la concurrence, auteurs professionnels, voire grandes stars mondiales. C’est très formateur. Et en cas d’échec, il est plus facile de se remettre en selle.

7. Montrez votre motivation

Cela ne vous garantira évidemment pas d’être pris, mais posez-vous une question simple : au travail de qui prêterez-vous le plus attention, à celui qui a montré son investissement dans son projet, dans une communauté locale autour d’actions autour du livre, pour la promotion des genres qu’il aime – ou bien au parfait inconnu ? Le parfait inconnu est peut-être génial et sera pris du premier coup ; mais s’impliquer dans la littérature, se passionner pour elle, met en valeur vos compétences – et s’avère riche d’enseignements. Si votre personnalité est agréable, professionnelle, peut-être que les fées de l’édition se pencheront avec un soupçon de bienveillance supplémentaire sur votre berceau – parce qu’on vous sait à présent fiable et de bonne volonté. Encore une fois, cela ne garantit rien, mais se présenter sous son meilleur jour, dynamique, motivé, ne peut pas faire de mal. 

Et puis, de toute façon, cela ne vous coûte rien – il s’agit déjà de ce que vous aimez, non ?

2019-08-28T21:37:34+02:00jeudi 9 juillet 2015|Best Of, Technique d'écriture|32 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015

motivation_dontcare

Soyez impitoyable quand il s’agit de protéger vos jours d’écriture. – J. K. Rowling

Alors, auguste lectorat, tu veux écrire ? Tu es hyper motivé, tu as cette historie qui bouillone en toi – ou bien pas d’histoire, mais tu veux que ça fuse de ton stylo ou de tes doigts, trouver ta voie/x et faire rêver le monde entier et plus encore ?

Alors au boulot, tabernacle !

Cet été, tu ne vas pas bouffer des pistaches, non non non. Cet été, je te propose un défi (le même qu’en 2012 qui avait plu) pour te mettre le pied à l’étrier et te décoincer. Tout ce que tu dois faire, c’est prendre vingt minutes par semaine.

Tu DOIS trouver vingt minutes par semaine pour TON écriture, pour TON rêve, pour TON projet. Une nouvelle, un livre, cela demande bien plus de temps – mais il s’agit de commencer petit et raisonnable. Il s’agit autant d’un exercice d’écriture que d’un exercice de discipline : trouver ce temps, le protéger, se fixer un rendez-vous régulier et savoir le tenir est aussi important que l’écriture en soi. L’écriture est une aventure solitaire et longue ; une leçon fondamentale consiste à protéger son temps. (Et si tu as besoin d’un bottage de fesses, va voir par ici.)

Que feras-tu pendant ces vingt minutes ? Très simple : je vais te filer une liste complètement abracadbrante d’éléments disparates (des « déclencheurs »). Dedans, tu choisiras ceux que tu veux, ceux qui t’inspirent, ou au contraire ceux qui te déplaisent, voire les tirer au hasard – peu importe – et tu vas écrire, là-dessus, sans t’arrêter, sans te censurer, sans redouter que ça ait, ou pas, du sens. Tu ne seras censé montrer ce travail à personne si tu ne le désires pas – il est pour toi, c’est l’équivalent mental d’un échauffement, ou d’une tempête de cerveau1.

Le but est triple :

  1. Protéger ton temps, comme dit plus haut
  2. Te décoincer et te forcer à écrire sans te critiquer (indispensable pour avancer sur un premier jet)
  3. Peut-être voir surgir des idées, des éléments, des personnages qui te donneront envie d’aller plus loin (mais ce n’est pas obligatoire)

Hop hop hop je ne veux pas entendre de récriminations ! Vingt minutes pour ton rêve, ce n’est pas difficile à trouver ! Sinon, est-ce vraiment ton rêve ?

Rendez-vous lundi pour la première fournée : tu as une semaine pour t’organiser !

Banzai ! (Ce qui, contrairement à l’idée reçu, signifie « hourra » en japonais.)

  1. Ouais. Brainstorm.
2015-07-03T15:37:50+02:00lundi 6 juillet 2015|Technique d'écriture|11 Commentaires

Le contrat d’auteur est-il indispensable ?

contract-lolcatAprès un mois chaotique passé jusqu’au cou dans les corrections de Port d’Âmes (la fin approche !), et donc à relayer plutôt les débats des Imaginales, j’ai récupéré un peu de marge de manoeuvre pour reparler un peu d’édition et d’écriture. Un certain nombre de questions ont été soulevées ces derniers temps, et j’ai à nouveau du retard dessus. Or doncques :

Est-ce que demander un contrat devrait être systématique, même s’il n’y a pas de rémunération à la clef ?

Très clairement, oui. Mais c’est surtout l’éditeur qui a le plus à perdre s’il ne le fait pas. Un éditeur qui ne fait pas signer un document écrit concernant la publication d’un texte s’expose à tout un tas de problèmes potentiels s’il travaille avec un mauvais coucheur.

Voici comment fonctionne la loi dans les pays de droit romain1 : quel que soit le domaine, les textes définissent un certain nombre de conditions « par défaut ». Un contrat précise et encadre les termes d’un échange (ici une publication) ; quand un domaine n’est pas mentionné, par défaut, c’est le droit qui s’applique. S’il n’y a pas de contrat, donc, le droit s’applique tout entier.

Le droit dit que l’auteur est souverain sur son oeuvre, notamment qu’il possède les droits patrimoniaux (= d’exploitation). Si un éditeur ne fait rien signer, alors il est, de facto, en tort : il exploite des droits qui ne lui appartiennent pas. Un auteur contrariant (et peu désireux de publier un deuxième texte un jour quelque part) pourrait donc, théoriquement, attaquer la publication en contrefaçon.

Y a-t-il donc un risque pour l’auteur à ne rien signer ? S’il n’y a pas de rémunération convenue, clairement, non2. C’est l’éditeur qui se met en porte-à-faux et en tort.

Néanmoins, c’est toujours une bonne idée d’en demander un. Ne serait-ce que pour s’assurer que tout le monde est bien sur la même longueur d’onde, entre autres concernant d’éventuelles republications du texte dans d’autres supports (s’il n’y a pas de rémunération, il n’y a pas de période d’exclusivité à exiger, mais parler d’un contrat permet justement de dissiper les malentendus). La discussion sur un contrat sert surtout à mettre au point les exigences et devoirs de chaque partie, et il faudrait toujours avoir cet entretien.

Un contrat pour une nouvelle n’a pas besoin de faire quinze pages comme pour un roman. L’usage répandu dans la profession est celui de la « lettre-entente », un document recto-verso maximum (parfois seulement recto) qui précise très rapidement les termes de l’accord, et peut mentionner en toutes lettres certains usages pour rassurer les deux parties. Le plus courant étant : « Aucune exclusivité n’est concédée par l’auteur à l’éditeur sur ce texte ». Dans les faits, si aucune exclusivité n’est mentionnée, la loi stipule qu’il n’y en a pas, mais le mettre noir sur blanc permet de rassurer tout le monde en établissant clairement les règles du jeu.

À l’inverse, on voit certains éditeurs, disons, peu renseignés, proposer des contrats de trente pages pour une nouvelle dans une anthologie (voire des traductions directes de modèles américains, ce qui est une aberration, puisque les États-Unis ne sont pas un pays de droit romain et fonctionnent sur le régime du copyright). C’est parfaitement absurde.

À savoir qu’en cas de litige grave, une lettre-entente n’offre guère de protection solide à l’éditeur, puisque ce n’est pas un contrat en bonne et due forme, mais il ne s’agit pas ici de se poser des questions de litiges juridiques : le but premier d’un contrat, c’est se mettre d’accord et s’assurer qu’on a bien pensé à tout pour travailler en confiance, l’esprit libre. Ce qui se fait toujours mieux sur un document.

Il va sans dire que le contrat devrait arriver avant la publication… Afin de s’être concerté au préalable sur les conditions de l’exploitation. Il peut être très désagréable de voir arriver a posteriori un contrat différant des termes d’un accord oral. Cela place tout le monde dans des situations inextricables. En discutant en amont, on s’économise quantité de troubles. Encore une fois, c’est à cela que servent ces documents.

  1. Avec le caveat habituel que je suis ni juriste, ni avocat : l’usage de ce blog est à vos risques et périls et ne saurait constituer un dispositif de flottaison agréé par les autorités portuaires.
  2.  Nous parlons bien d’un cas sans rémunération – si l’auteur touche de l’argent sans protester, alors on peut considérer qu’il a donné son accord pour exploitation, mais toujours dans les conditions encadrées a minima par le droit.
2015-07-27T09:43:24+02:00lundi 29 juin 2015|Technique d'écriture|2 Commentaires

Comment être productif en travaillant de chez soi ?

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C’est une question qui tourne de temps à autre sur les réseaux sociaux : la difficulté de se motiver pour se mettre au travail, les pièges de la procrastination, du glandage sur Internet (qui prenait en l’an 2000 la forme de clics sur des liens sans intérêt, et qui en 2015 s’appelle Facebook). Et comme une de mes étudiantes me l’a directement posée, et qu’elle est excellente, cela vaut peut-être le coup d’essayer de contribuer à l’intelligence collective. Je succombe moi aussi à la glande, mais, depuis quinze ans de travail indépendant (que le temps passe), d’étude des méthodes de productivité, de développement plus ou moins réussi de méthodes maison, je me suis bien trouvé obligé de développer quelques techniques pour rester assidu, quand bien même ma PS4, mon frigo, mon lit, le soleil m’appellent.

Alors, comment on fait ?

Rien n’est magique

Au bout du compte, le travail ne se réalise pas tout seul. Il y aura toujours des efforts à investir, une volonté à appliquer, des difficultés à surmonter. Aussi loin qu’on les repousse, il faudra forcément s’y frotter un jour, ou bien rien ne se fera. Dans un entretien à Locus il y a des années, Brian Stableford disait qu’un livre s’écrit « un mot après l’autre ». Ces centaines de pages se composent peu à peu, pas à pas. Il faut se retrousser les manches et se plonger dans l’arène.

Cependant, des techniques de concentration et de productivité existent ; nous en avons longuement discuté lors de l’été 2013 avec le tour d’horizon intitulé « Productivété », toujours disponible en archives. L’idée fondatrice est double :

  • Réduire la friction. Si vos dossiers sont désordonnés, que votre PC rame, que vous n’avez pas la place de travailler, tout cela entraîne un coût, un poids mental qui élève toujours davantage la barrière à franchir pour se mettre à l’ouvrage. Votre mère (et la mienne) avait raison : rangez votre bureau. Entretenez vos outils, stylos, PC, tablette. Ayez un système efficace en place qui vous libère l’esprit et la mémoire. Comme le dit David Allen, « l’esprit n’est pas fait pour se rappeler les choses, mais pour avoir des idées ». Externalisez tout ce qui n’est pas vital grâce à la technologie. C’est l’an 2015, bon sang.
  • Le plus barbant d’abord. Faites toujours (à urgence égale) le plus barbant en premier. Une tâche pesante à l’esprit ronge l’énergie et la motivation. C’est une discipline difficile à acquérir, mais elle récompense grandement celui qui l’applique. La libération est proportionnelle à l’ennui ; et l’énergie ainsi récupérée sera investie à profit dans les projets motivants. Faites votre déclaration d’impôts avant d’aller écrire votre scène de bataille rangée. (Sauf si faire votre déclaration d’impôts vous éclate. Chacun son truc.)

Évacuer les distractions

Les distractions sont l’ennemi numéro 1 du travailleur indépendant. Tout d’abord parce que le cerveau n’est pas multi-tâches, c’est un mythe ; chaque changement de tâche entraîne le paiement d’une « taxe » mentale fixe. Vérifiez votre courriel dix fois par heure, vous payez dix fois cette taxe. (Question déjà discutée en ces lieux ici.) En revanche, la concentration augmente avec le temps investi (jusqu’à une limite, évidemment) ; on retire donc davantage de bénéfice à rester focalisé un long moment.

Mais comment faire ?

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Insert coin ?

Au-delà du bon sens – s’isoler loin de tout dérangement, par exemple -, on peine parfois à respecter la discipline de cette concentration. Depuis quelque temps, j’applique avec grand succès la technique des trombones : je m’autorise trois vérifications des réseaux sociaux, par exemple, chaque jour. J’ai trois trombones dans une boîte, à chaque vérification, je retire un trombone. Quand les trombones sont épuisés, je n’ai plus de crédit. Utiliser un objet donne une matérialité bienvenue à l’engagement qu’on prend avec soi, et le renforce. Si je veux aller sur Facebook alors que j’ai vidé mes trombones, je ressens un élan de culpabilité plus net que si j’avais bêtement compté mentalement. Cela donne une réalité à la chose.

Maîtriser le temps

Un autre méthode pour allonger la concentration est la méthode Pomodoro, à la fois simple et efficace (présentée ici) : il s’agit de travailler à fond pour une brève période fixée par avance avec la promesse d’une pause par la suite. De mon expérience, le Pomodoro de vingt-cinq minutes est trop court pour un travail littéraire ; quand j’ai besoin d’un coup de pied aux fesses, je pars sur des périodes d’une heure et demie suivies de quinze minutes de pause. Et en plus, il existe même des applications de chronométrage gratuites, par exemple ces cinq-là. (J’ai longtemps utilisé FocusBooster mais ma préférence va maintenant à SnapTimer, léger et portable – il se trouve bien au chaud dans ma Dropbox et donc présent sur toutes mes machines).

Je crois que les travailleurs indépendants ont grand intérêt à s’imposer des horaires de travail fixes, comme n’importe quel employé, calquées sur les horaires de bureau. Au tout début de ma carrière, je vivais et travaillais la nuit, puis dormais le matin, sachant que cela correspond mieux à mon rythme, mais j’ai fini par abandonner. L’intérêt de suivre les horaires habituels et de s’y tenir est multiple :

  • Vous vivez au même rythme que le monde entier : socialement, c’est quand même plus facile, surtout en couple
  • Les distractions sont réduites (puisque vous vivez au même rythme que le monde entier)
  • Adopter un rythme régulier rend globalement la mise au travail plus facile (par exemple : travailler de 9h à 12h30, prendre une heure de pause, finir à 19h)
  • Savoir quand l’on travaille et quand l’on se repose me paraît nécessaire pour un indépendant, qui vit dans son bureau / travaille dans sa maison ; l’esprit a besoin de savoir quand il doit être actif et quand il peut se mettre en veille. Avoir des horaires mal définis m’a toujours conduit à la déprime, puisque j’avais l’impression (fausse) de travailler en permanence.
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« Je vous emmène à Trocadéro en passant par Pékin ? »

Pour mesurer réellement mon temps de travail et éviter le glandage, j’ai adopté voilà des années une habitude connue de bien des prestataires de services : le CRAH (compte-rendu d’activité hebdomadaires). Je me fixe 40 heures de travail actif par semaine (je ne suis pas passé aux 35) et tout volume non effectué est à rattraper la semaine suivante. Si je fais moins, c’est que j’ai glandé. Si j’ai fait plus, j’ai le droit de me la couler un peu plus douce la semaine suivante (si les circonstances le permettent).

Enfin, je me suis acheté un chronomètre de bureau (ci-contre) que j’appelle affectueusement le « taximètre« . Chaque fois que je m’assieds pour travailler, je le lance ; chaque fois que je m’arrête, par exemple pour une pause longue, je le coupe. Cela me permet de mesurer mon temps réel d’activité au cours de la journée, mais surtout, comme avec les trombones, chaque pression sur le bouton « matérialise » l’engagement que je prends avec moi-même d’être actif à partir de ce moment. Je prends mieux conscience de ma dérive si la procrastination m’appelle, car je dois couper le taximètre. À ce moment-là, mieux vaut prendre une vraie pause de 10-15 minutes sans culpabilité (le taximètre est coupé) pour s’y remettre ensuite à fond. Le moral est meilleur.

L’arme secrète

focusatwill

L’arme secrète que j’ai découvert en début d’année est Focus@Will. Le service existe depuis très longtemps et je ne m’y étais jamais vraiment attardé – comment ça, une entreprise qui prétend me diffuser de la musique qui m’aide à me concentrer ? Ça semble un peu trop new-age à mon goût. Mais finalement, après avoir lu des critiques dithyrambiques (promettant que ça « change la vie » – rien que ça), j’ai tenté le mois d’essai gratuit.

Devinez quoi ? Oui, ça change la vie.

L’idée – très résumée (voir les articles directement sur le site) – est que l’évolution a forgé nos cerveaux pour qu’ils restent toujours attentifs à d’éventuelles agressions (genre un lion dans la savane, une occurrence relativement rare en open space). Pire, les interruptions tendent à stimuler le système limbique, donc à récompenser le cerveau ; tout cela rend la concentration difficile. Focus@Will choisit des ambiances, des morceaux musicaux, spécialement mixés pour « divertir » le système limbique et donc débarrasser l’esprit de cette tension. Et ça fonctionne tellement bien qu’on approche de la magie vaudou. Le service propose en plus divers canaux avec différents niveaux « d’énergie », ce qui permet de suivre l’évolution de l’humeur. Il m’arrive souvent de commencer sur « Alpha Chill » en medium le matin, pour passer sur « Up Tempo » ou « Ambient » en fonction de ma satisfaction quant à la matinée.

Focus@Will est une arme secrète et je ne peux que t’encourager, auguste lectorat, à ouvrir un compte d’essai de 30 jours pour tester le service. Pour cela, n’hésite pas à passer par ce lien. (Si tu décides de t’inscrire sur la durée, je ne te cache pas que je toucherai une commission, mais je recommande sans hésiter le service – j’ai pris un abonnement à vie au bout de deux semaines -, et tu ne risques rien de toute manière ; de plus, je ne recommanderais jamais un outil que je n’utilise pas moi-même. Pour plus d’infos sur les liens affiliés, voir l’article sur la question.)

Pour conclure

La productivité en solitaire – comme toute initiative – est une affaire d’équilibre entre efficacité et efficience (ou rendement).

  • L’efficacité vise à produire un résultat de meilleure façon, plus vite ; il existe quantité de systèmes d’organisation personnels pour mettre de l’huile dans les rouages, allant de la bureautique à certains enseignements des neurosciences, ce qui a été abordé en détail ici à l’été 2013. L’efficacité, c’est faire les choses comme il faut.
  • Plus complexe et pourtant plus vital, il y a l’efficience, que les Américains définissent, par contraste, comme le fait de faire les choses qu’il faut. C’est-à-dire, choisir ses batailles, consacrer son temps à ce qui compte réellement au lieu de se donner l’illusion d’être productif en refaisant quinze fois son site web, par exemple. (Ahem.)

L’efficience, hélas, relève d’une discipline mentale plus difficile à acquérir (du moins, de mon expérience) parce qu’on entre dans des domaines inconscients de peur, de résistance, mais elle est pourtant indispensable. Seul une introspection profonde, visant à définir ses propres priorités mais aussi ses propres manies et manquements habituels, permet de s’en rapprocher. Car, malheureusement, comme dit en préambule, il vient un moment où il faut comprendre que tous les systèmes du monde ne résoudront pas le point-clé de la réalisation de tout projet : au bout du compte, il faut se retrousser les manches et se jeter dans l’arène. Mais si des systèmes efficaces abaissent les barrières, facilitent le jeu de la mécanique, donnent du recul et montrent clairement que le temps investi n’est pas en vain, je pense que cela cajôle l’efficience et aide à la réaliser. Comme la technique pure n’a jamais fait un artiste, mais accélère toutefois grandement l’expression de son potentiel.

2019-08-28T21:37:53+02:00jeudi 21 mai 2015|Best Of, Technique d'écriture|33 Commentaires

Annonce de service : les liens affiliés

dentist_moneyUne petite annonce en passant qui servira de future référence : j’avais annoncé avec la refonte du site la volonté de proposer progressivement une « boîte à outils de l’écrivain » visant notamment à rassembler les logiciels les plus utiles ; une sélection issue de longs tests réalisés pour mes propres besoins, que ce soit pour l’écriture en soi ou pour l’organisation personnelle dans un sens plus large. Cela toujours dans l’esprit (enfin, un des esprits, un autre consistant à en faire du mauvais – esprit) qui anime ce blog : proposer ce que j’aurais aimé trouver quand j’ai commencé ce métier. Il y aura donc une section en construction progressive qui proposera la complète panoplie (du moins la mienne – ce qui ne signifie pas que c’est la meilleure, juste que c’est celle que je recommande et, comme d’habitude, on a tout à fait le droit de disconvenir, chacun son truc).

Le point sur lequel je veux m’attarder et la raison de ce billet, c’est que certains de ces produits présenteront des liens affiliés. Très simplement, cela signifie que si vous vous inscrivez / achetez le produit en question par mon intermédiaire, je touche une commission.

Quoi ! Scandale ! Compromission ! Néocapitalisme !

Nenni. Proposer des liens affiliés découle d’une longue réflexion que je tiens avec moi-même, à savoir que je passe un temps tout de même assez important sur le site et le blog ; j’ai toujours été motivé par le plaisir et cela ne change pas mais, au bout d’un moment, je passe ce temps quasiment à fonds perdus. Or, avec la multiplication des projets (notamment la musique), le dégager devient de plus en plus ardu. Or, je tiens à le conserver. L’idéal serait une solution qui me permette de continuer à m’investir sans culpabilité en générant quelques centimes ici et là, évidemment sans tomber dans l’inélégance.

Les liens affiliés me semblent une excellente solution pour ce faire. Mais dans un ensemble de règles, qu’il me semblait important d’établir noir sur blanc, gouverneront l’ensemble de cette expérience.

Tout d’abord, je ne recommanderai que des outils que j’emploie personnellement, au quotidien, dans mon travail. Je les ai testés, retournés, je sais ce qu’ils font bien ou mal, je m’en sers quotidiennement ou presque. Vous ne trouverez donc pas quinze logiciels d’écriture, mais un seul. Pas dix logiciels pour organiser les informations, mais un seul (enfin, peut-être deux, mais le sujet est compliqué, et j’en utilise justement deux). Quand cette « boîte » sera terminée, il n’y aura aucun secret sur les outils que j’utilise (non pas qu’il y en ait beaucoup, à vrai dire) – encore une fois, cela ne garantit pas que ce sont les meilleurs, mais c’est a minima l’assurance que cela fonctionne dans un cadre professionnel, et, si ce que je raconte en masterclass, en atelier et ici-même vous parle un minimum, il y a de fortes chances que cela corresponde bien.

Pour toi, auguste lectorat, cela peut entraîner une conséqence positive : cela m’encourage justement à réviser mes articles, à partager les trucs et astuces que j’ai découverts au fil des ans (je pense notamment à mes personnalisations et à mes corrections typographiques automatiques sous Scrivener), à réaliser des tests plus poussés au lieu de faire ça un peu au gré des disponibilités. Cela ne me rajoute aucune pression (puisque, par défaut, rien ne change si personne ne clique sur les liens) mais m’encourage positivement à fouiller certains sujets qui me demandent actuellement un temps que je n’ai pas. Cela contribue également à asseoir le blog, auquel je tiens, mais qui, en période de grosse pression comme en ce moment, pourrait se trouver réévalué. (Évidemment, cela ne changera rien au ton général, je garantis de conserver ce mélange délicieux de mots compliqués et de gros mots qui compose mon charme désarmant.)

Cela signifie également que si, pour une raison ou une autre, un logiciel perd de son intérêt pour moi, il peut disparaître à tout moment de la sélection. Un des articles les plus populaires de ce blog, année après année, est celui-ci : tour d’horizon des principaux logiciels d’écriture dédiés. Il a pourtant quatre ans, n’a jamais été réactualisé alors qu’on me le demande (honte). Je vais faire mieux, je vais me mouiller et vous dire pourquoi je préfère x à y. (Ce qui ne m’empêchera pas de parler en détail de y, mais vous ne trouverez pas d’affiliation sur y. Et si vous préférez y, tant mieux pour vous !)

Pour finir, tous les outils recommandés ne comporteront pas de lien d’affiliation, pour la bonne raison que tous ne proposent pas de programme d’affiliation. Ce ne sera évidemment pas un critère déterminant, celui-ci étant de recommander ce dont je me sers.

Voilà, il me semble que la question est à peu près couverte ; n’hésite pas, auguste lectorat, à me faire part de tes réactions le cas échéant (comme me vouer aux Gémonies, auquel cas pourquoi pas mais file-moi l’adresse, mon GPS trouve pas).

2015-05-15T21:29:43+02:00mardi 19 mai 2015|Technique d'écriture|26 Commentaires
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