Voici comment respecter facilement la typographie française avec Scrivener pour Windows

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Vous êtes sous Mac ? Voici la méthode à suivre ; cet article concerne la procédure sous Windows. 

Bien ! Comme promis, la boîte à outils de l’écrivain a commencé par le seigneur et maître, Scrivener, et je suis ravi de voir sur les réseaux que ce logiciel a apporté beaucoup, dans l’ensemble, à ceux-lles qui l’ont testé.

Mais une question d’envergure reste :

Scrivener est un logiciel américain. Comment lui faire respecter automatiquement la typographie française à l’instar des grands traitements de texte ? 

C’est-à-dire, comment faire en sorte que les espaces insécables devant les signes de ponctuation double, par exemple (? ; !) s’insèrent tout seuls dès qu’on les tape, par exemple ? Ce que fait Word depuis quinze ans et Libre/OpenOffice depuis quelques années. C’est indispensable pour préparer un manuscrit propre, et s’éviter une passe de corrections aussi fastidieuse que stupide.

Alors, contrairement à ce que prétendent certains cris d’orfraie, oui, Scrivener peut gérer la typo française, mais il faut ruser. Et comme je t’aime, auguste lectorat, j’ai déjà fait tout le boulot. Télécharge le fichier zip ci-dessous – mais écoute-moi d’abord.

icon-zip
Clic-droit, enregistrer sous…

Comment ça marche

Dans le fichier .zip ci-dessus (Windows only, désolé, mais le principe fonctionne aussi sous Mac, il faut juste refaire le boulot – EDIT : Merci à Stewen qui signale en commentaires que le fichier semble fonctionner sous Linux également) se trouve un fichier Lisez-moi qui reprend peu ou prou cet article ainsi qu’un fichier .prefs. Scrivener permet en effet de sauvegarder les préférences d’utilisation, lesquelles comportent également les options de correction automatique. Et c’est là que réside l’astuce.

Pour que Scriv comprenne qu’à chaque « ? » tapé il doit insérer une espace insécable avant, il suffit de lui créer une entrée de correction automatique qui transforme le point d’interrogation en point d’interrogation précédé d’une espace insécable. De même pour tous les autres caractères. Dans le fichier de préférences ci-dessus se trouvent des entrées pour tous les cas généraux, et même quelques corrections pratiques type oeuf => œuf, oeuvre => œuvre etc. Pour m’y prendre, j’ai simplement importé un document Word comportant des espaces insécables dans Scrivener ou les caractères qui m’intéressaient, puis copié-collé ces espaces dans les entrées de correction automatique1. Une fois ce travail fait, il n’est plus à faire. Vous pouvez suivre la même méthode sous Mac.

Le résultat, c’est que quand on tape une phrase terminée par exemple par un signe de ponctuation double :

Salut!

Et qu’on tape une espace après le signe pour le mot suivant, Scriv comprend et insère automatiquement l’espace insécable au bon endroit :

Salut !

Attention toutefois, il le refera si vous replacez votre curseur après le signe et pressez à nouveau espace, ce qui donnera deux espaces insécables (espace « déclenche » les corrections automatiques).

Salut  !

Mais c’est un désagrément mineur à l’usage. Il suffit d’effacer le surnuméraire le cas échéant.

Installation et avertissements

Tout d’abord, je ne saurai être tenu responsable de tout dégât causé à votre configuration par l’usage de ce fichier, de tout fichier mangé ou d’explosions nucléaires dans votre frigo. Ces préférences ont été créées sous la dernière version de Scriv pour Windows à l’heure actuelle (1.8.6). C’est fourni en l’état, sans garantie (même si ça ne devrait rien casser).

Attention, charger un fichier de préférences remplace toutes les préférences établies dans Scriv. Si vous avez déjà des entrées d’autocorrection, il faudra les refaire. Et surtout, il faudra rétablir impérativement les chemins d’accès de vos notes et sauvegardes automatiques.

Le fichier gère les guillemets français à chevrons (« ») avec les espaces insécables qui vont bien, mais attention, en raison d’une limitation de Scriv, les guillemets anglais ( ‘ ‘ ) ne fonctionnent pas correctement et sont eux aussi transformés en guillemets à chevrons. Or, la typographie française dicte que des guillemets intégrés dans d’autres sont anglais, comme ceci :

« Que penses-tu de cette ‘ ‘ aventure ‘ ‘ ? »2

Ça, en revanche, c’est impossible avec Scriv à l’heure actuelle et le seul réel écueil que j’ai rencontré, mais la situation est assez rare pour pouvoir être corrigée à la main une fois le manuscrit prêt. Dans l’intervalle, je recommande d’employer simplement des apostrophes typographiques, ou tout autre série de caractères facile à repérer et remplacer pour la copie finale.

Ceci étant dit, voici comment installer le fichier : décompressez-le quelque part sur votre disque, allez dans les options de Scriv, et choisissez « Charger un fichier de préférences » dans « Gérer… » en bas à gauche :

scriv-prefs

Cherchez le fichier décompressé, pensez à refaire vos chemins de sauvegarde, votre configuration, et concentrez-vous ensuite sur l’écriture et plus jamais sur la typographie !

(Pour les plus geeks parmi vous… Le fichier de préférences de Scriv est sous un format pseudo-XML ouvrable en mode texte. Il est donc tout à fait possible de faire un diff entre vos préférences et les miennes, pour garder seulement ce qui vous intéresse comme l’autocorrection. Mais si vous savez faire ça, vous n’avez pas besoin que j’entre dans le détail de la marche à suivre ; sachez juste que c’est possible.)

  1. Merci à Olivia qui propose une autre façon de faire si cette manipulation ne fonctionne pas : Windows permet d’insérer une espace insécable avec le code de caractère Alt + 0160.
  2. Normalement on ne met pas d’espace après les guillemets anglais, et d’ailleurs ils n’ont pas cette tête, mais là c’est WordPress qui corrige automatiquement, c’est juste pour l’exemple…
2019-08-28T21:37:00+02:00jeudi 1 octobre 2015|Best Of, Technique d'écriture|53 Commentaires

Déclencheurs 2015, post-mortem

Auguste lectorat, je ne suis pas très fier de toi.

Examinons les statistiques de mon humble demeure :

stats-decl_2015-1 stats-decl_2015-8

Même en admettant que le premier article ait simplement suscité la curiosité et/ou que la série ait été prise en retard, l’effondrement est patent. (pending. pardon.) Ce que j’ai constaté au fil de ces deux mois d’été.

Loin de moi l’idée de faire la morale – ni de faire les gros yeux – mais je la/les ferai au prochain jeune auteur qui osera proférer ces mots honnis : « j’ai plein de projets, je veux écrire sérieusement, mais j’ai pas le temps. » (« Ma vie est trop compliquée. »)

On traverse parfois des périodes difficiles où l’on entre en mode survie et où l’écriture, franchement, devient la dernière roue du carrosse. Normal. On peut aussi vouloir écrire comme un simple loisir, tourner des idées dans sa tête, et s’y mettre une fois de temps en temps sans perspective de long terme. Rien de plus légitime et l’on adopte alors le rythme qu’on souhaite.

Je te parle à toi, l’auteur qui prétend avoir le feu sacré, mille histoires et univers à en faire pâlir d’envie J. J. Abrams, Philip K. Dick et Flaubert (pourquoi Flaubert ? J’en sais rien, pourquoi ces questions ?), qui aspires à la publication voire vas bientôt publier une décalogie qui aura le statut de nouveau classique, mais qui ne trouves jamais le temps. Et je te prends fermement par l’épaule, et je plonge mon regard fou dans le tien, l’haleine fleurant bon le saucisson Label Rouge :

Je sais ce qui te bloque, mec. (ou nana. Mais pour l’effet, « mec » est plus percutant. Arrête de me déconcentrer, steuplaît.) Comme abordé en introduction, écrire prend du temps. Du fucking temps, t’entends ? (Euphonie ?) Écrire, c’est comme lire : c’est un sport contemplatif, c’est une activité qui s’inscrit sur la durée, comme un voyage ou la voile. La gratification n’est pas immédiate, comme quand tu écoutes du Britney Spears ou que tu regardes Les Ch’tis se maravent à St-Tropez. Tu écris une phrase, un paragraphe, tu as juste un bout de truc en devenir, où tout est possible et où rien n’est. Tu écris un chapitre, tu as à peine une brique du mur, et tu te dis : bordel, c’est pas bientôt fini ? Eh bien non. Ça commence juste, et c’est ça qui ronge. Tu lis un chapitre, tu as à peine cinq minutes de l’épisode de la semaine de L’Amour du Risque. Et c’est pour ça que la littérature est condamnée – excuse, c’est le saucisson qui parle, je disais, c’est pour ça que la littérature s’apparente de plus en plus, dans notre monde hypercon et necté, à la cultivation d’un jardin zen, à la pleine conscience, à la réservation d’une zone personnelle protégée inscrite dans l’espace et dans le temps pour créer (écrire) et recevoir (lire). Et c’est rare, et c’est précieux, et c’est salutaire. C’était le but de ces déclencheurs, avant toute chose : te le faire tâter. Écrire prend du temps, du temps, plus de temps encore, et encore du temps. Écrire, c’est forger un sabre japonais dont on trempe l’acier deux cents fois. Écrire, c’est s’enfermer avec régularité, pendant des mois, parfois des années, pour produire une oeuvre finie, parce que si tu ne l’écris pas, personne ne l’écrira à ta place, parce que tu es unique, avec des trucs à toi dedans à dire, et que si tu ne les dis pas, si tu ne fais pas partager ton rêve, il disparaîtra à jamais de l’univers, sauf si tu crois à l’Éternel Retour, mais perso, tu vois, je suis plutôt incrédule ascendant mouais sur ce point !

Allez ! Viens, va, je t’offre une bière.

Comment ça, tu acceptes ? Échec, saligaud : tu devrais dire, fichtrefoutre, j’ai compris, senpai, je m’en vais tout de suite m’enfermer chez moi pour écrire deux pages !

2015-09-04T07:52:15+02:00lundi 7 septembre 2015|Technique d'écriture|19 Commentaires

Surmonter l’angoisse de la page blanche, façon Robert Sheckley

Photo John Henley (CC-By-SA)

Photo John Henley (CC-By-SA)

Mike Resnick a confié qu’un jour, Robert Sheckley (La Dimension des Miracles) lui expliqua sa méthode pour gérer l’angoisse de la page blanche :

Il se donnait un minimum de 5000 mots à écrire par jour, même s’il se contentait d’écrire 2500 fois son nom. Les jours où il se sentait bloqué, il commençait effectivement par écrire son nom ; après avoir noté 800 ou 900 fois « Robert Sheckley », une voix interne disait « Ah, et puis zut – si tu es parti pour rester assis à écrire ça, autant que tu racontes une histoire ». D’après Bob, ça ne ratait jamais.

(Les personnes à prénom ou nom composé sont peut-être désavantagées par cette technique.)

[Source]

 

2015-09-03T09:55:38+02:00vendredi 4 septembre 2015|Technique d'écriture|11 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (8) : un dénouement

avengers-writingC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

C’est le dernier exercice de cette série, et cette semaine, nous allons réfléchir à une conclusion, un dénouement aux éléments que nous avons déjà établis. Nul besoin que cela s’enchaîne immédiatement avec les passages déjà écrits ; il peut s’agir d’un horizon lointain, lequel pourra éventuellement changer, d’ailleurs, en fonction de l’histoire si vous décidez de poursuivre ce récit avec les éléments déjà établis. Le but est de réfléchir à une conclusion intéressante qui vienne, en un sens, justifier le parcours narratif ébauché : vers quoi voulez-vous tendre ? Quelle conclusion, quel coup de théâtre donnerait une fin intéressante à ce voyage ? N’hésitez pas à y réfléchir par vous-même, ou bien à piocher dans les déclencheurs. Comme d’habitude, trouvez vingt minutes au moins pour écrire sans vous arrêter, sans questionner ce que vous faites, mais en vous laissant porter par l’envie, par ce qui vous intrigue. Si vous avez l’habitude de planifier, cela vous fera du bien ; si vous n’aimez pas cela, essayez quand même, pour tenter une autre façon de travailler et voir ce que vous en retirez.

Un dénouement

  1. Happy end !
  2. Tout le monde meurt à la fin
  3. Le protagoniste obtient ce qu’il voulait, mais c’est une malédiction
  4. Le protagoniste abandonne sa quête en trouvant plus important
  5. L’amour résout tout
  6. Fin d’un âge, début d’un autre
  7. Réconciliation
  8. Mort des adversaires
  9. Neutralisation des adversaires
  10. Le mal triomphe !
2015-07-31T14:24:11+02:00lundi 31 août 2015|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (8) : un dénouement

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (7) : un moment de répit

dory_writingC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Maintenant que nous avons mis notre protagoniste en danger, que nous avons envisagé un retournement de situation, nous allons laisser notre personnage souffler un peu. C’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît : un moment de répit peut vite se trouver dénué de tension narrative, d’intérêt de long terme. Il faut donc trouver un juste milieu entre le calme et la préoccupation du problème en cours ; entre le ressenti et la volonté d’avancer. Ce sera l’objectif de cet exercice. En attendant, voici dix déclencheurs de possibles moments de répit, ou le personnage pourra souffler, évaluer les cartes qu’il a en main, avant de prendre une décision pour la suite. Comme d’habitude, ne vous arrêtez pas avant vingt minutes d’écriture.

Un moment de répit

  1. Rentrer chez ses parents
  2. Trouver un abri provisoire dans la tourmente
  3. Se saouler
  4. Partager un moment de camaraderie
  5. Vivre un moment d’amour
  6. S’entraîner avec acharnement
  7. Harmonie avec la nature
  8. Appliquer sa puissance de déduction
  9. Fuir très loin (en vain)
  10. Se rouler en boule et se lamenter
2015-08-17T15:56:27+02:00lundi 24 août 2015|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (7) : un moment de répit

Scrivener, le studio d’écriture professionnel par excellence

SCRIV-win-3screensAlors certes, Balzac écrivait à la plume sur du vieux papier à la lueur de la chandelle. Mais, de la même façon que le rythme narratif a un peu évolué depuis, les outils se sont déployés, complexifiés, affinés. A-t-on besoin d’un logiciel dédié pour écrire un bon livre ? Certainement pas, de la même façon qu’un bon dessinateur réalisera des croquis stupéfiants avec un stylo bille et une nappe en papier.

Cependant, donnez-lui une toile ou une tablette graphique, et son art s’exprimera vers de nouveaux sommets – sans parler du gain de temps et du plaisir de création. (Donnez un poisson à un homme, et il mangera une journée ; filez-lui un chalutier, et ça va barder.)

Scrivener est à l’écriture ce que Photoshop est aux arts graphiques, et c’est pourquoi il n’existait pas de meilleure inauguration à la boîte à outils de l’écrivain. Scrivener est un environnement de création professionnel, pensé pour la construction de projets longs, offrant de multiples facilités d’édition et de rédaction pour accélérer et faciliter le travail.

Scrivener ne fera pas de vous Balzac, mais s’il y a un Balzac en vous, il pourrait aider à le révéler.

Un mot d’avertissement : Scrivener est un logiciel complexe, voire aride de prime abord. Comme Photoshop, il ne se prend pas en main en cliquant sur trois boutons pour voir ce que ça fait. Cette présentation – promise depuis longtemps – ne saurait qu’à peine effleurer son fonctionnement ; si vous souhaitez le tester, il est indispensable de commencer par réserver deux heures pour faire le didacticiel fourni afin d’en saisir tout l’intérêt et la puissance (une démo gratuite est téléchargeable directement ici). Sinon, vous passerez à côté, comme moi pendant des années. Cet article est, en quelque sorte, une « introduction à l’introduction » fournie avec le logiciel.

Un peu d’histoire

Scrivener est à l’origine un logiciel Mac uniquement, dont la seule existence a converti bien des romanciers à l’achat d’une de ces machines du diable. Toutefois, il y a quelques années, un projet de portage sous Windows s’est lancé, avec pour but à long terme d’offrir la même expérience que la version Apple. Scriv (de son petit nom) est longtemps resté en beta, puis, pour être honnête, encore un peu fruste en fonctionnalités (ce qui me le faisait déconseiller il y a quatre ans) pendant un moment. Cela fait toutefois un ou deux ans qu’il est mûr pour un usage régulier sur nos propres machines du diable (les autres), avec suffisamment de fonctionnalités importées de la version Mac et de robustesse pour l’utiliser sans crainte et avec plaisir.

Je suis passé pour ma part à 100% sous Scrivener depuis une grosse année. Mon premier gros projet réalisé sous cet environnement a été La Route de la Conquête, et toute la réécriture et correction finale de Port d’Âmes s’est également réalisée grâce à lui. Dans ce dernier cas, le roman était si complexe à retravailler que Scrivener m’a réellement permis de rendre le roman meilleur que je n’aurais pu le faire avec un traitement de texte classique sans y passer un an complet : grâce à ses fonctions de suivi et découpage des scènes, j’ai bénéficié d’une hauteur de vue difficile à obtenir autrement, corrigé une multitude de détails tout en préservant la cohérence d’ensemble, et resserré la tension narrative à mon gré.

OK. Pourquoi vous êtes tous dingues de Scrivener ?

Le classeur, centre de Scrivener

Le classeur, centre de Scrivener

Parce que ce logiciel permet de découper un projet par nature impossible à tenir tout entier dans un seul cerveau (un roman, une trilogie, mais aussi une thèse, un essai) en morceaux à taille humaine, dès la planification, jusqu’à la correction. La beauté et la simplicité de la chose, c’est que la définition de « taille humaine » dépend de l’utilisateur ; et que les morceaux peuvent être aussi détaillés, ou aussi esquissés, qu’on le souhaite. Contrairement à quantité de studios d’écriture qui cherchent à vous enfermer dans un modèle de rédaction, Scrivener n’est, en son coeur, qu’un traitement de texte hiérarchique. Il s’apparente à une tripotée de chemises ou de classeurs où l’utilisateur insère toutes les feuilles qu’il souhaite. Il y a sa recherche, ses notes, ses plans, et puis des bouts de paragraphe, des scènes entières, des chapitres. De là, au final, sortira un livre, une fois les feuilles souhaitées et retenues mises en ordre.

Cela revient à avoir cent fichiers Word qui se promènent, avec l’immense avantage de tout avoir sous les yeux dans l’ordre et de pouvoir les changer de place d’un cliquer-déplacer. Le classeur est ainsi le centre névralgique de Scrivener, ci-contre. Deux grands ensembles sont proposés à l’utilisateur par défaut, « Draft » (manuscrit) et « Research » (référence) – ma version mélange anglais et français par commodité, mais Scrivener est entièrement disponible en français -, le premier visant à accueillir les pages finales, le deuxième à conserver les références de côté. Mais cette organisation est parfaitement flexible et modifiable.

On constate que tout est hiérarchique, c’est-à-dire que l’on peut regrouper des documents sous d’autres, à la manière, par exemple, des scènes d’un chapitre. Là aussi, tout est paramétrable, de la mise en page au nombre de niveaux de profondeur. Vous êtes structurel.le et aimez tout planifier ? Scriv vous donne les armes. Vous préférez écrire au fil de la plume ? Fourrez tout dans une poignée de documents que vous découperez ensuite pour le retravail. De tous les logiciels d’écriture, Scriv est le seul qui n’impose pas sa méthode de travail à l’utilisateur mais lui donne des outils, dont il se sert s’il le désire1.

Écrire nécessite souvent la conservation de quantités d’informations insolites, précises, aléatoires, qu’on a tôt fait d’égarer. Le plus agréable est que Scrivener accepte dans ses classeurs tous les types de fichiers que le système peut lire, et en présente une bonne partie nativement. Besoin d’un article scientifique ou d’un livre en PDF ? Envie de conserver cette photo qui inspire ? Un cliquer-glisser dans le classeur et le fichier est conservé avec l’ensemble du projet, sans se soucier de retrouver la source. Scrivener sait même importer des sites web et des fichiers son (pour se faire une liste de lecture personnalisée en accord avec l’atmosphère du livre en question).

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La planification facile

Scrivener serait déjà puissant mais, limité à cela, il n’irait pas vraiment au-delà d’un wiki ou de OneNote. Toutefois, il s’agit d’un studio d’écriture, et il contient des outils spécialement adaptés à la construction d’un ouvrage, de fiction ou non. La construction du plan d’un livre commence toujours par des idées très vagues, des envies qu’il faut cerner, des bribes d’intrigue à développer et à organiser. La méthode « analogique » bien connue est la méthode des Post-its, où l’on note ses scènes sur des bouts de papier et on jongle avec jusqu’à ce que l’ordre sonne juste. Scrivener réplique ce modèle avec la vue « tableau en liège » :

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C’est là que l’on commence à entrevoir la vraie puissance de l’outil. Chaque carte ainsi présentée est aussi un fichier texte, voire un dossier, un chapitre entier. Il s’agit juste d’une vue différente. Parmi les usages possibles, on peut donc : prévoir un chapitre vide à faire avec un simple résumé ; réorganiser les scènes d’un chapitre ; prévoir tout le plan d’un livre sous forme de fichiers vides annotés, puis remplir ensuite au fil de l’écriture, le tout dans la même structure.

Pas fan de la vue Post-its ? Moi non plus. Je suis un homme de tableaux. Scrivener propose une vue différente des mêmes données, avec la même puissance, pour les gens secrètement austères comme moi qui voient en Excel une forme de beauté urbaine masochiste, comme un échangeur routier californien :

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Scrivener sépare ainsi – et c’est une fonctionnalité toute bête mais indispensable à l’usage – le texte des notes associées à ce texte. Le processus de création est fouillis, aléatoire, part dans toutes les directions. On conserve des morceaux de phrases, des tournures précises parce qu’elles évoquent une idée particulière, l’atmosphère d’une scène. Scrivener permet de conserver tous ces échafaudages à l’abri en proposant un synopsis pour chaque document et autant de notes qu’on le souhaite (notamment des détails à ne pas oublier au retravail…), dont des images, ce que l’on peut venir complexifier avec des mots-clés (par exemple, noter le personnage central dont il s’agit dans un roman à points de vue multiples) et un statut (À faire / Premier jet / Corrigé etc.)

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C’est bien beau, mais quand est-ce qu’on écrit ?

Bien sûr, l’édition de texte est au coeur d’un logiciel qui se targue d’être une solution unique pour réaliser de l’écrit. Sur ce point, Scrivener offre toutes les fonctionnalités que l’on peut exiger d’un traitement de texte moderne : formatage, notes, renvois, commentaires, etc. Il n’est quand même pas à la hauteur de Word et ses trilliards d’options absconses mais il fait le boulot ; et certains verront dans son rejet du superflu une simplicité et une légèreté bienvenues.

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C’est ici qu’il faut insister sur un point important de Scrivener : il s’agit d’un logiciel de création, de préparation et de rédaction, mais de finalisation. Il ne sait pas faire de mise en page un tant soit peu complexe (ce n’est pas un logiciel de PAO) et n’ira pas plus loin que l’intégration de quelques images. Ce n’est pas son travail : il consiste à faire sortir ce livre de vos doigts, aussi vite et aussi peu douloureusement que possible. Pour finaliser et corriger avec un éditeur, il faudra quand même passer par un traitement de texte conventionnel type Word. Mais c’est la toute dernière étape, le coup de vernis, quand il n’y a plus que l’orthographe à corriger et les répétitions à traquer (avec une passe d’Antidote, par exemple).

Il ignore aussi la typographie française, mais cela se contourne avec de judicieux remplacements automatiques – j’ai fait le travail et je mettrai très bientôt ma configuration à disposition en téléchargement libre.

Sortir le livre final

Des mois de travail plus tard, ça y est ! Votre Grand OEuvre est écrit, corrigé, finalisé. Il ne reste plus qu’à faire de tout cela un manuscrit en bonne et due forme, pour impression ou envoi…

Pour cela, Scrivener réalise une compilation du manuscrit. Le principe est le suivant : dans les options dédiées, il convient de lui indiquer quels documents sont appelés à faire partie du livre final (en général, tout dans « Draft »), et comment les organiser. Par exemple, si chaque document représente une scène, il faut les séparer par un blanc. Si chaque dossier représente un chapitre, il faut les séparer par un saut de page – et les numéroter automatiquement tant qu’à faire. Scriv assemblera tout cela et vous crachera un livre tout neuf.

Tout cela se retrouve dans les options de compilation de Scrivener :

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En toute honnêteté… C’est la partie qui a le moins bénéficié des efforts d’ergonomie du logiciel. La compilation est très puissante, permet de multiples mises en page, numérotations automatiques, pages de garde, réalise directement des fichiers Word, PDF et même des livrels prêts à la publication, mais s’avère d’une certaine technicité. C’est un moindre mal, car c’est finalement l’ultime étape et celle qui s’emploie le moins souvent : pour un écrivain qui publie un livre par an… Il s’en servira une fois par an. Il faut s’y lancer, établir ses propres préférences, sauvegarder le modèle puis ne plus s’en préoccuper. 

Ce n’est que le début

Ce tour d’horizon n’est qu’une présentation générique, à peine un avant-goût de ce qu’offre Scrivener – juste une introduction à ses principes génériques. Réservez-vous deux heures et surtout suivez le didacticiel pas à pas pour découvrir sa puissance et en quoi son usage émousse un certain nombre de difficultés inhérentes à l’écriture de vastes projets. D’ici une ou deux semaines, j’y reviendrai avec des trucs et astuces avancés et des cas d’utilisation spécifiques, pour montrer en quoi Scriv accélère et simplifie le travail.

En attendant, bonne découverte, et si vous avez des questions à l’usage, n’hésitez pas.

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

  1. Il y avait aussi Writer’s Cafe, mais plus mis à jour depuis bien longtemps, encore trop rigide et quand même boursouflé de modules ludiques inutiles.
2017-11-09T09:15:48+01:00mercredi 19 août 2015|Technique d'écriture|55 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (6) : un retournement de situation

Motivation-ed209C’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Nous avons placé notre protagoniste dans le feu de l’action en fonction de son enjeu et de son problème. Peut-être s’en est-il tiré ; peut-être a-t-il terminé dans une pire situation qu’au départ. C’est fonction du cheminement de votre plume. (Notons que, sur un récit long, la situation du protagoniste a plutôt tendance à empirer au fur et à mesure ; car si tout est résolu d’un coup, il n’y a plus rien à raconter !) Aujourd’hui, nous allons ajouter à la situation de notre protagoniste un retournement de situation. Positif ou négatif, en lien ou non en rapport avec l’action précédente, à vous de voir ; il peut s’agir d’un nouveau problème immédiat à traiter ou bien d’un élément de long terme. À vous de voir. Prenez garde, toutefois, à ne pas faire de deus ex machina (un secours non annoncé qui vient à point nommé sauver la situation d’un coup de baguette magique).

Un retournement de situation

  1. Une arme improvisée et inattendue
  2. Un talent du protagoniste s’emploie de façon inattendue
  3. Exploitation créative d’une faiblesse de l’adversaire
  4. Retournement d’un désavantage de la situation actuelle
  5. Les conditions empirent de façon extérieure et inattendue (météo, un allié meurt ou se retire, etc.)
  6. Des renforts arrivent (mais trop tard)
  7. Découverte d’un objet / compétence
  8. Un élément surgi du passé vient à la rescousse
  9. Une révélation sur le protagoniste lui donne un sursaut de vigueur (« J’ai promis à mon vieux maître de gagner, je ne peux pas perdre! »)
  10. Une révélation sur l’adversaire donne au protagoniste un sursaut de vigueur (« C’est moi qui ai tué ta soeur! »)
2015-08-17T15:59:17+02:00lundi 17 août 2015|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (6) : un retournement de situation

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (5) : de l’action

hulk_chapterC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Aujourd’hui, nous allons nous dérouiller un peu avec de l’action ! Notre protagoniste a un enjeu et un problème, nous allons faire monter la pression d’un cran et le coller dans une situation critique urgente dont il va devoir se tirer. L’action peut représenter une bonne manière de donner de l’épaisseur à un personnage, parce qu’en le plaçant au pied du mur, on le force (et on se force) à aller puiser dans ses ressources, son regard, ce qui aide à le caractériser, à révéler sa nature.

Et si vous n’aimez pas l’action, l’exercice est encore meilleur.

Puisez donc dans la liste suivante un type d’action qui vous plaît, et ne vous arrêtez pas avant vingt minutes d’écriture débridée.

De l’action

  1. Poursuite à pied
  2. Poursuite en engin motorisé ou à monture
  3. Fuir une catastrophe
  4. Fuir une opposition trop nombreuse
  5. Survivre le temps que quelque chose se termine
  6. Se battre en personne, au corps à corps, contre une poignée d’adversaires
  7. Se battre en personne, à distance, contre une poignée d’adversaires
  8. Se battre au milieu d’une bataille rangée (c’est le chaos)
  9. Se battre dans un engin (voiture, tank, chasseur spatial…) ou sur une monture
  10. Retenir l’adversité
2015-07-31T12:19:40+02:00lundi 10 août 2015|Technique d'écriture|2 Commentaires

Entrouverture de la boîte à outils de l’écrivain

SCRIV-win-3screensLe projet que je caresse depuis quelques mois commence à devenir une réalité : proposer, en prolongement des articles sur l’écriture du site, une section « Boîte à outils de l’écrivain«  qui fournisse un éventail d’outils testés en conditions réelles, au long cours, et dont je puisse garantir l’efficacité et l’usage. Tes goûts, auguste lectorat, ne seront pas forcément les miens à l’usage ; mais au moins, je peux garantir que ça marche. Je m’en étais déjà expliqué un peu ici.

Le but sera de présenter et tester en grand détail un outil par mois, et, le cas échéant, de partager aussi avec la communauté les ressources ou personnalisations que j’ai effectuées pour le rendre plus utile (ou adapté à notre langue). C’est en cours ; pour l’instant, la section idoine est seulement ouverte avec deux produits et des descriptions squelettiques, mais cela va s’étoffer.

Scrivener

scrivener-512Scrivener est le studio d’écriture professionnel par excellence. Quand j’en parlais en 2011, la version Windows était en beta, encore instable, mais bien du chemin a été parcouru depuis. Aujourd’hui, je crois qu’il n’y a plus à hésiter : Scrivener est un monstre de puissance et de flexibilité, parfaitement adapté au travail d’un écrivain. En revanche, c’est aussi un monstre de complexité, aussi, pour tout test, il est impératif de se réserver deux à trois heures et de faire le didacticiel pour comprendre de quoi il retourne. Sérieusement. Sinon, vous passerez à côté et vous demanderez (comme moi pendant des années) ce que ce logiciel avait de si magique pour que tout le monde en parle aussi bien. Mais je l’ai définitivement adopté il y a un an et demi ; La Route de la Conquête et l’ultime version de Port d’Âmes ont été réalisés sous cet environnement. (Je dirais même que je n’aurais probablement pas pu effectuer un retravail aussi poussé, efficace et minutieux sur Port d’Âmes sans Scrivener.) Une version de démo gratuite est disponible ici pour Windows. Je prépare un test détaillé.

focus@will

FAW-Logo-horiz-smBrièvement mentionné dans l’article sur le travail des indépendants, focus@will tient de la magie vaudou. Sérieusement. Le concept paraît parfaitement fumeux (comme il m’est apparu pendant des années, là encore) : diffuser de la musique qui aide à la concentration. Truc new age pour hipsters qui mangent macrobiotique, hein ? Eh bah non. Le service s’appuie sur des recherches en neurosciences et il a réellement changé ma vie. Je me sens idiot à dire ça, comme si je répétais tous les témoignages enthousiastes des utilisateurs et rejoignais la secte, mais c’est la vérité. Au bout de dix jours d’utilisation, je crachais direct une licence d’utilisation à vie. focus@will a réglé tous mes problèmes de concentration et de motivation. Riez, tant que vous le pouvez encore. Bientôt, vous rejoindrez la secte. Là aussi, je prépare un test détaillé avec des recommandations d’utilisation.

Le but de cette boîte à outils est de proposer un contenu plus facile à répertorier et plus durable que les articles du blog, qui, au fil des années, deviennent difficiles à trier, à naviguer. J’ai aussi des projets dans ce domaine, mais ce sera pour bien plus tard. J’espère que cette initiative te plaira, auguste lectorat, et surtout qu’elle te sera utile : je pense que tout le monde y gagne – je touche une commission sur certains produits, je n’en avais pas fait mystère, mais je ne recommande rien que je n’utilise ni ne teste ; cela me permet de pérenniser et rentabiliser un peu le temps passé sur le blog, tout en évitant toute forme de monétisation intrusive.

Bien sûr, comme toujours, n’hésite pas à me faire part de ton sentiment, auguste lectorat.

2015-08-18T10:28:05+02:00vendredi 7 août 2015|Technique d'écriture|12 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (4) : un problème

large_Motivation_Writing_HumourC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

Une remarque en passant suite à un commentaire qu’on m’a fait : les déclencheurs sont à prendre au masculin ou au féminin, dans le décor / genre que vous souhaitez. L’aventurier peut être une aventurière. La taverne peut être une cantina spatiale. Il s’agit juste de fournir un point de départ, mais l’idée consiste à vous les approprier entièrement, comme vous le souhaitez – et si l’aventurier devient une avocate (aventurière des causes perdues…), peu importe. Il s’agit d’écrire, ce que vous voulez, ce que vous désirez, et les déclencheurs ne sont que des amorces. Faites-en ce que vous voulez. 

Bien. Nous avons un protagoniste, nous avons appris à le connaître un peu mieux à travers un lieu et un genre, et nous avons défini ce qu’il risque, son enjeu. Il va être temps de lui coller un problème sur la tête, en lien avec l’enjeu, ce qui affinera l’histoire en cours de formation. Deux possibilités ; si vous avez déjà cerné le conflit principal du personnage, alors ce problème sera la première péripétie qu’il rencontrera ; s’il n’a pas encore de conflit, alors ce problème deviendra le coeur de l’histoire. À vous de jouer, tirez le conflit au hasard ou bien choisissez celui ou ceux qui vous attirent, et ne vous arrêtez pas avant vingt minutes d’écriture.

Un problème

  1. Un dysfonctionnement
  2. L’enjeu cache un autre enjeu plus grand
  3. Un lourd secret
  4. L’adversaire n’est pas si mauvais que ça
  5. Une trahison de l’intérieur
  6. Un innocent qui n’a rien à faire là
  7. Une lutte contre la montre
  8. Le calme avant la tempête
  9. Le devoir passe avant l’éthique
  10. L’honneur passe avant le devoir
2015-08-05T15:37:59+02:00lundi 3 août 2015|Technique d'écriture|1 Commentaire
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