Un site web pour Le Droit du Serf

Le Droit du Serf, collectif de réflexion et d’action créé en octobre 2000 pour faire respecter le droit des auteurs à jouir décemment de leurs œuvres et qui est très actif en ce moment sur la loi concernant les oeuvres indisponibles (laquelle autorise la numérisation et la commercialisation des livres épuisés sans l’avis de l’auteur!), mentionnée ici, dispose à présent de son espace sur la Toile :

http://ledroitduserf.wordpress.com/

Ce site est destiné à être un point d’eau récapitulant analyses, entretiens et documents de référence. Pour mieux comprendre l’aspect léonin de cette loi, la page récapitulant les textes de synthèse est un bon point de départ. Et bien sûr, il y a toujours la pétition (où se trouve résumée la colère des auteurs) :

Cette loi vise à rendre accessible sous forme numérique l’ensemble de la production littéraire française du XXe siècle dès lors que les œuvres ne sont plus exploitées commercialement. Elle prévoit que la BnF recensera dans une banque de données publique l’ensemble desdites œuvres dont l’exploitation sera gérée par une Société de perception et de répartition des droits (SRPD) qui assurera, de façon paritaire, une rémunération aux éditeurs et aux auteurs.
Après lecture attentive, il nous apparaît que ce texte ne répond pas à l’objectif affiché de concilier la protection des auteurs et l’accès de tous aux ouvrages considérés comme introuvables. Au contraire il dévoie le droit d’auteur défini par le Code de la Propriété Intellectuelle, sans offrir la moindre garantie à tous les lecteurs de pouvoir accéder aux ouvrages dans des conditions raisonnables.
Il est entendu que, par « auteurs », nous désignons ici les écrivains, les traducteurs, les dessinateurs et les illustrateurs, auxquels sont évidemment liés leurs ayants droit.
Pour rappel, le droit d’auteur est inaliénable et confère aux auteurs et à leurs ayants droit la libre disposition de leur œuvre et de ses exploitations. C’est, entre autres, pour cette raison que vous avez statué sur le droit de copie et sur ce qu’il est convenu d’appeler piratage en matière d’œuvres numériques.
Selon la loi, les auteurs ou ayants droit auront obligation de s’opposer à l’inscription de leur œuvre sur la base de données, ce qui revient à effectuer une confiscation automatique de la propriété des auteurs et ayants droit, avec une possibilité très limitée de rétraction par les propriétaires légitimes des œuvres. Il s’agit donc d’une profonde remise en question du droit d’auteur.
Pour information, il est rarissime que l’indisponibilité d’un ouvrage ressortisse à la volonté délibérée de l’auteur ou de ses ayants droit. Dans une immense majorité des cas, elle est le fait des éditeurs auxquels les auteurs ont cédé le droit d’exploitation commerciale et qui ont cessé d’exploiter ce droit sans toutefois leur en rendre l’usage. Or, la loi prévoit que l’éditeur en défaut de commercialisation bénéficie au même titre que l’auteur des dispositions de la loi.
Pour réflexion, il arrive également qu’un auteur ne souhaite pas que tel ou tel de ses ouvrages soit remis dans les circuits de diffusion, par exemple parce qu’il a depuis publié un autre ouvrage plus complet auquel la publication numérique du précédent ferait concurrence.
L’auteur seul – ou à défaut ses ayants droit – peut décider d’une nouvelle diffusion de son œuvre. Tout éditeur – numérique ou papier – qui souhaiterait exploiter son œuvre se doit au premier chef de lui proposer un contrat.
Pour comble, la facture générée par la collecte des données et les frais de fonctionnement des sociétés agréées aura un coût important qui rejaillira directement sur le prix de vente des ouvrages ainsi exploités et sur la rémunération des auteurs, entraînant l’un à la hausse et l’autre à la baisse.
En conclusion, au regard des achoppements que nous vous exposons, nous vous appelons à œuvrer pour l’abrogation pure et simple de cette loi qui ne fait qu’instituer un piratage officiel et général des œuvres littéraires du XXe siècle sous la forme d’une atteinte sans précédent au droit de propriété, ici celui des auteurs.

(Source de ce très beau cerf)

2012-05-28T21:57:12+02:00lundi 28 mai 2012|Le monde du livre|4 Commentaires

Les finalistes des Science Fiction and Fantasy Translation Awards 2012

L’Association for the Recognition of Excellence in SF & F Translation (ARESFFT) s’est lancée dans un projet honorable et important : mettre en valeur la qualité des traductions d’imaginaire vers la langue anglaise, donc venant du reste du monde. Quand on connaît l’envergure du marché anglophone et la difficulté d’y percer, on ne peut que saluer cette initiative visant à promouvoir la littérature étrangère et à reconnaître ses ambassadeurs.

Les finalistes de son prix (Science Fiction and Fantasy Translation Awards) ont été annoncés. Félicitations à Tom Clegg et Pierre Pevel pour leur nomination, ainsi qu’à Edward Gauvin (qui s’était occupé de la traduction en anglais dans Interfictions 2 de « L’Île close ») !

Roman

 

  • Zero, Huang Fan, traduit en anglais du chinois par John Balcom (Columbia University)
  • Good Luck Yukikaze, Chohei Kambayashi, traduit en anglais du japonais par Neil Nadelman (Haikasoru)
  • The Dragon Arcana, Pierre Pevel, traduit en anglais du français par Tom Clegg (Gollancz)
  • Utopia, Ahmed Khaled Towfik, traduit en anglais de l’arabe par Chip Rossetti (Bloomsbury Qatar)
  • Midnight Palace, Carlos Fuiz Zafón, traduit en anglais de l’espagnol par Lucia Graves (Little, Brown)

Nouvelle

  • “Paradiso”, Georges-Oliver Chateaureynaud, traduit en anglais du français par Edward Gauvin (Liquid Imagination Summer ’11)
  • “The Boy Who Cast No Shadow”, Thomas Olde Heuvelt, traduit en anglais du néerlandais par Laura Vroomen (PS)
  • “The Short Arm of History”, Kenneth Krabat, traduit en anglais du danois par Niels Dalgaard (Sky City: New Science Fiction Stories by Danish Authors)
  • “Stanlemian”, Wojciech Orlinski, traduit en anglais du polonais par Danusia Stok (Lemistry)
  • “The Green Jacket”, Gudrun Östergaard, traduit en anglais du danois par l’auteur (Sky City: New Science Fiction Stories by Danish Authors)
  • “The Fish of Lijiang”, Chen Qiufan, traduit en anglais du chinois par Ken Liu (Clarkesworld 8/11)
  • “Spellmaker”, Andrzej Sapkowski, traduit en anglais du polonais par Michael Kandel (A Polish Book of Monsters)

(Source)

2012-05-24T12:17:19+02:00mercredi 23 mai 2012|Le monde du livre|Commentaires fermés sur Les finalistes des Science Fiction and Fantasy Translation Awards 2012

La France honorée par la Societé Européenne de Science-Fiction

La convention européenne de science-fiction (Eurocon) s’est tenue les 26 et 29 avril dernier ; comme tous les ans, la Société Européenne de Science-Fiction (ESFS) a décerné ses prix. Et la France a particulièrement été honorée cette année :

  • Meilleur auteur: Ian Mc Donald
  • Meilleur traducteur: Pavel Weigel (République Tchèque)
  • Meilleur promoteur: SF Encyclopedia Online Team (Grande Bretagne)
  • Meilleure revue: Galaxies (France)
  • Meilleur éditeur: Ailleurs et Demain, Robert Laffont (France)
  • Meilleur artiste: Nela Dunato (Croatie)
  • Meilleure mise en scène: Divadelni spolek Kaspar (République Tchèque)
  • Meilleur fanzine: Eridan (Croatie)
  • Meilleur site internet: Concatenation.org (Grande Bretagne)
  • Honorary Award for European Grand Master: Brian Aldiss (Grande Bretagne)
  • Prix d’encouragement: Alexandra Rouda (Ukraine); Katarina Brbora (Croatie); Istvan Marki (Hongrie); Ilya Te (Russie); Aleš Oblak (Slovénie); Oliviu Craznic (Roumanie); Rod Rees (Grande Bretagne); Lucia Droppova (Slovaquie); Jan «Johnak» Kotouc (République Tchèque)
  • Honorary Award: Jean Giraud « Moebius » (France)
  • European SF special award: Zdenko Bašić (Croatie)
2012-05-02T17:24:31+02:00jeudi 3 mai 2012|Le monde du livre|4 Commentaires

Les usages du livre électronique d’après les sociétés littéraires

La SOFIA (qui perçoit et répartit le droit en prêt en bibliothèque et la rémunération pour copie privée) le SNE (qui rassemble les éditeurs) et la SGDL (qui défend le droit d’auteur) ont instauré un baromètre semestriel visant à observer les évolutions des usages du livre électronique, licites ou non, en regard du papier, et en ont publié la première édition au Salon du Livre de Paris. Et les conclusions sont fort instructives (graissage de mon fait) :

1. Si 5% de la population française âgée de 18 ans et plus déclarent avoir déjà lu, en partie ou en totalité, un livre numérique et si 5% envisagent de le faire, 90% des personnes interrogées n’envisagent pas de lire des livres numériques.
2. La majorité des lecteurs de livres numériques sont déjà de gros lecteurs de livres imprimés, l’émergence du livre numérique semblant à ce stade induire de nouvelles pratiques plutôt que de nouveaux lecteurs.
3. Depuis qu’elles lisent des livres numériques, les personnes interrogées déclarent globalement lire plus de livres qu’avant mais dépenser moins qu’avant pour leur acquisition.
4. Les principaux supports de lecture de livres numériques sont la liseuse et la tablette numérique. La possession de ces équipements est un facteur déterminant pour l’usage de livres numériques.
5. 74% de lecteurs de livres numériques ont déjà acheté au moins un livre numérique. Toutefois, près de la moitié des lecteurs de livres numériques les acquièrent principalement à titre gratuit.
6. 1 lecteur de livres numériques sur 5 déclare avoir déjà eu recours à une offre illégale de livres numériques, soit 1% de la population française.
7. Le paiement à l’acte est le mode d’acquisition plébiscité par les lecteurs de livres numériques (67%), devançant nettement le prêt numérique ou l’abonnement.
8. Pour les lecteurs de livres numériques, la facilité de stockage, la mobilité et le prix sont les trois principaux arguments avancés en faveur du livre numérique, tandis que le confort de lecture, la variété du choix et le plaisir d’offrir constituent les atouts majeurs du livre imprimé.
9. A l’avenir, 44% des lecteurs de livres numériques prévoient d’accroître leurs usages légaux de livres numériques et 43% de les maintenir au même niveau.
10. Les trois quarts des lecteurs de livres numériques envisagent une stabilité ou une augmentation de leur usage du livre imprimé dans les années à venir.

En conclusion de ce premier baromètre, dont les résultats devront être confirmés au fil des prochaines éditions, la SOFIA, le SNE et la SGDL constatent un usage encore timide du livre numérique, majoritairement licite. Ces résultats traduisent également un fort attachement des lecteurs au livre imprimé, sans intention marquée de basculer massivement vers le numérique. Il apparaît, cependant, que la lecture de livres numériques constitue plutôt une pratique de lecture additionnelle à celle du livre imprimé, même si des indices de substitution se font jour en termes de pratiques d’achat.

Ce que je traduis poliment par : le livre numérique, c’est grave de la balle, mec, mais ça reste un putain de marché de niche, malgré tous les hauts cris révolutionnaires qu’on veut. Je suis tombé amoureux du principe de la liseuse depuis mon premier achat, j’emporte la mienne partout, réflexe que je n’avais pas avec un livre imprimé par crainte de l’abîmer. Mais je suis un gros lecteur par définition, doublé d’un geek, et je ne suis pas représentatif du marché. On en a déjà parlé ici : avec le retour et l’engagement d’une communauté fidèle sur le Net, ce qui constitue par ailleurs un grand bonheur et un avantage sans précédent dans le monde artistique, il est très aisé d’oublier que cette communauté n’est pas l’ensemble du public réel, ni potentiel. Et qu’il y a une vaste masse de gens, là-dehors, qui n’ont jamais entendu parler de livre électronique, qui ne s’y intéresse pas, et qui ne s’y intéressera vraisemblablement pas avant dix ans au bas mot. On sous-estime énormément, quand on est sur le Net, le niveau d’information moyen des gens. Ça fait parfois un peu mal de l’admettre, mais il faut s’en rendre compte : ce qu’on fait ne les intéresse pas. Point. Barre. Il faut s’en rendre compte et composer avec au lieu de faire comme si tout le monde podcastait des webradios indés et brassait 75 flux RSS par jour.

Les mentalités n’évoluent pas du jour au lendemain, les habitudes non plus, et j’ajouterais qu’à mon sens, on se tourne à tort vers l’exemple des États-Unis, où le livre électronique est fortement implanté, pour imaginer l’avenir de notre propre marché. Je ne vois tout simplement pas ce modèle-là et ces habitudes arriver dans les années à venir.

D’après mon humble expérience, le public français n’a tout simplement pas le même rapport au numérique que les Américains. J’en veux ce site pour exemple. Il y a un moment, en quête d’une meilleure organisation, j’avais pris exemple sur le rythme de publication des grands blogueurs américains, en partant du principe que plus un blog vit, plus il est lu. C’est vrai aux US, à ce que j’en vois du moins, mais, toujours à ce que j’en vois, c’est faux ici. Parce que notre rapport au Net, aux blogs, à la technique, est différent. En France, il faut principalement utiliser Facebook. Aux US, c’est Twitter et les blogs qui sont préférés. Là-bas, les gens sont engagés, ils suivent, ils commentent. Ici, beaucoup moins. Ce n’est qu’une constatation et non un regret évidemment (je fais ce blog parce que ça m’amuse, qu’il soit lu ou pas) : les gens, et les cultures, sont différents. Mais donc, imaginer que, parce que le livre électronique décolle aux US, il en sera de même ici, me paraît hasardeux. Bien sûr, ce marché décolle chez nous. Mais on n’en est pas au raz-de-marée prophétisé depuis des années. Et je gage humblement que ça n’arrivera pas encore demain, même s’il faut penser à cet avenir intelligemment dès aujourd’hui (et que, mine de rien, le temps presse quand même à l’échelon décisionnaire).

Je constate trois autres détails, un avec tristesse, un avec fatalisme, un avec satisfaction :

  • [Triste] Les lecteurs dépensent moins, mais lisent plus : on peut espérer que ce soit dû au prix inférieur des livres électronique et à la lecture du domaine public, mais je crains que ce soit dû au piratage. Je défends l’idée qu’un éditeur ou un auteur sont souverains pour fixer le prix de la création, mais force est de constater qu’un livre électronique trop cher représente malgré tout une perte sèche, parce qu’il sera piraté, alors qu’il aurait pu être vendu à un prix plus raisonnable. C’est la (triste) réalité du marché.
  • [Ben oui] C’est la tablette qui fait le lecteur numérique. On s’en doute, mais c’est évidemment un pain béni pour ceux, tels Amazon et Apple, qui ont compris qu’on ne vend plus seulement du livre, mais un écosystème marchand associé à un style de vie. C’est pour cela que les intégrateurs et les fournisseurs de solutions ont une longueur d’avance sur tout le monde, notamment, hélas, sur le monde de l’édition traditionnelle, et que les plate-formes d’éditeurs qu’on a vu émerger ces dernières années, lourdes à l’utilisation, mal fichues, hors de prix et conçues par des développeurs soviétiques bourrés à l’antigel sont mortes-nées (un retard qu’on ne rattrapera probablement jamais). Un utilisateur achète en ligne parce qu’il veut que ce soit facile (et c’est la condition première pour commencer à concurrencer le piratage).
  • [Yeah] Je n’aime pas l’idée d’un paiement à l’accès, d’un modèle d’abonnement. Je pense qu’il est important pour chaque personne de se construire son propre patrimoine culturel, une bibliothèque d’oeuvres, musicales ou littéraires, construisant une identité et à laquelle il soit possible de se référer. Je suis donc ravi que les lecteurs préfèrent l’achat.
2014-08-30T16:42:49+02:00vendredi 6 avril 2012|Best Of, Le monde du livre|7 Commentaires

Divers incendies dans le monde du livre

Photo April Sikorski (licence CC-BY-SA-2.0)

J’aimerais bien proposer une analyse de fond des deux dossiers qui agitent en ce moment le monde du livre, l’un à portée générale puisqu’il s’agit d’une loi, l’autre constituant plutôt une illustration de la complexité du droit d’auteur et de l’édition à l’heure actuelle, mais les passions sont déjà tellement déchaînées – et on lit tellement d’absurdités qui brocardent l’expression « droit d’auteur » qu’honnêtement, je suis un peu blasé. Puisque tu es intelligent, auguste lectorat, tu sais te faire une opinion, tu sais chercher des articles défendant des points de vue dans un sens ou dans l’autre, alors je vais me contenter de porter les dossiers à ton attention si tu n’es pas déjà au courant, en m’efforçant de présenter seulement les faits sans cris d’orfraie, mais je ne peux pas ne pas m’en faire l’écho.

L’exploitation des oeuvres épuisées

Première question, la plus sérieuse car relevant d’une loi : l’exploitation des livres épuisés au XXe siècle. L’État se propose de créer un cadre juridique où les livres indisponibles puissent être ré-exploités sous forme numérique dans l’intérêt de leur diffusion, et par une société de perception des droits type SACEM. Là où le bât blesse pour les auteurs, c’est que cette exploitation peut se faire de manière automatique sans l’accord des ayants droits à moins de s’y opposer au préalable. En clair : j’ai écrit un livre en 1950 qui n’a jamais été réimprimé, on peut le republier sans me demander mon avis. Si je veux me charger de l’exploitation ou si je désavoue l’oeuvre (car une version corrigée a été publiée ensuite, si j’en ai honte, etc.), je dois m’opposer activement à la démarche. Ce qui est totalement contraire au droit du créateur.

Car le droit d’auteur est inaliénable : il est le seul à décider ce qu’on fait de son oeuvre ou pas – en tout cas tant qu’elle n’appartient pas à la postérité, ce qui ne saurait se décider avant sa mort et plutôt un bon moment après (c’est le rôle du domaine public). Le collectif Le Droit du Serf a mis en ligne une pétition qui explique très bien la position des auteurs en préambule (extrait) :

Pour information, il est rarissime que l’indisponibilité d’un ouvrage ressortisse à la volonté délibérée de l’auteur ou de ses ayants droit. Dans une immense majorité des cas, elle est le fait des éditeurs auxquels les auteurs ont cédé le droit d’exploitation commerciale et qui ont cessé d’exploiter ce droit sans toutefois leur en rendre l’usage. Or, le projet de loi que vous allez réexaminer prévoit que l’éditeur en défaut de commercialisation bénéficie au même titre que l’auteur des dispositions de la loi.
Pour réflexion, il arrive également qu’un auteur ne souhaite pas que tel ou tel de ses ouvrages soient remis dans les circuits de diffusion, par exemple parce qu’il a depuis publié un autre ouvrage plus complet auquel la publication numérique du précédent ferait concurrence.
L’auteur seul – ou à défaut ses ayants droit – peut décider d’une nouvelle diffusion de son œuvre. Tout éditeur – numérique ou papier – qui souhaiterait exploiter son œuvre se doit en premier chef de lui proposer un contrat.

Si vous êtes convaincu, elle se trouve ici, avec l’argumentation complète.

Les traductions d’Hemingway

Autre affaire qui illustre la complexité du droit littéraire : les traductions d’Hemingway sont considérées comme lourdingues et en grand besoin de rénovation. Sauf que, malgré la tombée dans le domaine public de certains de ses livres dans certains pays, il est impossible de se les approprier pour en réaliser une nouvelle traduction sur le territoire français. Je cite cet article, qui résume bien la situation1 :

L’écrivain François Bon, l’éditeur Publie.net et ses diffuseurs ont reçu ce jour un courrier des éditions Gallimard leur demandant le retrait de la nouvelle traduction du Vieil homme et la mer que venait de publier François Bon sur Publie.net […]. Gallimard rappelle dans ce courrier qu’il dispose des droits d’édition (y compris numériques) pour toute édition française de l’ouvrage (pas seulement celle de Jean Dutourd réalisée en 1954 qu’exploite la maison de la feu rue Sébastien Bottin) : cette traduction non autorisée constitue donc une contrefaçon.

Reconnaissant son erreur, Publie.net a immédiatement retiré l’ouvrage de son site et les diffuseurs également.

Cette méprise est bien évidemment due à la complexité du droit d’auteur, qui diffère en durée selon le pays d’origine des auteurs et les pays où il s’applique. Ainsi, si l’oeuvre d’Ernest Hemigway est entièrement libre depuis cette année au Canada qui dispose de la règle des 50 ans de droit après la mort de l’auteur (Hemingway s’est suicidé en 1961) quel que soit son pays d’origine […], cela n’est pas le cas aux Etats-Unis, où, si quelques oeuvres d’Hemingway sont libres (la loi par défaut étant de 50 ans après publication sauf prorogation qui porte alors à 75 ans après la mort), ce n’est pas le cas du roman paru en 1952 dont les droits ont été prorogés et qui appartient jusqu’en 2047 à son éditeur Scribner dont le fond désormais appartient à Simon & Schuster propriété de CBS corporation. Ce n’est pas le cas donc en France, où Gallimard dispose des droits sur toute traduction française jusqu’à ce que ceux-ci s’élèvent dans le domaine public aux Etats-Unis, car, comme le soulignait Numerama, l’article L123-12 du code de la propriété intellectuelle impose une durée de protection similaire à celle du pays d’origine de l’oeuvre, soit 2047. La durée de droit de la traduction de Jean Dutourd, mort en 2011, elle devrait courir jusqu’en 2081 (70 ans après la mort de l’auteur)…

Bonus Track : l’accréditation des auteurs au Salon du Livre

EDIT : Apparemment, tous les auteurs peuvent être à nouveau pré-accrédités sur le site du SdL.

Allez, un troisième incendie pour le prix de deux, je le mentionne parce que ça va arriver en commentaires : cette année, les auteurs ne sont plus gratuitement accrédités au Salon du Livre de Paris s’ils n’ont pas une dédicace ou une actualité sur l’année passée. Pour changer, un avis sur la question : je découvre cette année que les auteurs étaient gratuitement accrédités à travers ce mini-scandale, c’est dire si je me sentais concerné. Le Salon du Livre fait ce qu’il veut, c’est un événement à portée marchande, et non une institution publique tenue de quoi que ce soit. Pour ma part, je n’y ai jamais fichu les pieds de toute ma vie, même en touriste, et ça ne m’a jamais empêché de travailler. (C’est peut-être très sympa, je n’en sais rien, mais l’occasion ne s’est jamais présentée, j’habite à 450 km et je n’ai jamais fait le voyage pour.) Les événements fonctionnent sur leur renommée et leur affluence, soit l’offre et la demande : je pense que si la politique ou les conditions d’un salon ne conviennent pas à un auteur, il n’y va pas – ce qui n’empêche pas de rester bons amis. Ce ne sont rien de plus que des affaires, comme les conditions d’un contrat.

  1. Même si j’ai toujours beaucoup de mal avec la désignation des industries culturelles comme grandes méchantes : à mon humble avis, les industries lourdes et les États se contrefichent de la culture et s’en servent uniquement comme prétexte « honorable » à leurs noirs desseins (Hadopi, ACTA, SOPA, etc.) et indépendamment de la réflexion qui se conduit sur le droit et l’usage de l’information, mêler Gallimard et SOPA dans un même article me fait un peu l’effet de relier des événements sans rapport entre eux.
2012-02-20T17:40:29+01:00lundi 20 février 2012|Le monde du livre|23 Commentaires

À lire chez Jeanne-A Debats

À propos de l’augmentation de la TVA sur le livre à 7 %, ce billet, auquel il n’y a pas grand-chose à rajouter.

À part peut-être le fait que la culture n’est pas un réel luxe, mais au contraire le signe d’une société en bonne santé. Et que cela ne surpendra hélas guère que ce gouvernement démagogue poursuive son entreprise méthodique de destruction de l’esprit critique en s’attaquant à son plus haut symbole, le livre.

2011-12-14T10:24:10+01:00mercredi 9 novembre 2011|Le monde du livre|20 Commentaires

L’invisible est invendable, dans le livre aussi

Le lapin de CanardPC, par Didier Couly

Article fort intéressant de Canard PC ce mois-ci sur la distribution dématérialisée des jeux vidéos indépendants ; comme souvent, le bihebdomadaire cache sous une grosse couche de déconne une vision pointue des marchés. Dans un article intitulé « L’invisible est invendable », portant sur la difficulté pour un petit développeur non affilié à un gros studio d’émerger de la masse écrasante des applications disponibles sur les boutiques en ligne, Ivan Le Fou déclare notamment :

Ainsi s’est mis en place un système qui, finalement, tendra à reproduire les inconvénients de la distribution physique : ceux qui ont le plus de moyens, ou les licences les plus connues, occuperont toutes les places visibles et seront quasiment en position de fermer la porte au nez des autres.

Le monde du livre et notamment les enthousiastes du numérique feraient bien, à mon sens, de lorgner un peu ce qui se passe dans les autres médias et en particulier dans le jeu vidéo, car il a ceci de commun qu’avec la littérature que, contrairement à la musique qui se découvre en une poignée de minutes, c’est un produit culturel qui nécessite un investissement temporel généralement supérieur pour être apprécié ou « saisi ». Or, le milieu du jeu vidéo est en train de découvrir qu’il ne suffit pas, pour construire un succès, de faire un bon jeu (même si c’est la base), ni de le vendre à prix cassé sur une plate-forme indépendante comme Steam, l’AppStore ou l’Android Market dans l’espoir que cette poignée d’euros dérisoire saura satisfaire l’acheteur potentiel.

Il faut, tout simplement, qu’il soit vu.

C’est-à-dire que le client en connaisse au moins l’existence, ce qui se fait classiquement par la communication et la distribution (dans le cas de l’inédit – je ne parle pas ici des rééditions, des introuvables ou même de livres ayant vécu leur vie en librairie). Mais ce n’est pas gratuit. Conséquence logique : c’est réservé à ceux qui auront les moyens… et dont, en un sens, c’est le métier.

On clame beaucoup, aujourd’hui, que le livre est trop cher. Qu’il devrait coûter au plus quelques euros. Mais quelle marge dégage-t-on exactement sur un livre électronique à trois euros ? Théoriquement, si l’auteur touche la moitié, voire la totalité de cette somme, il gagne à peu près aussi bien sa vie par exemplaire que sur un grand format en librairie. Tout devrait être bien. Sauf que, sur un grand format en librairie, il y a une quantité d’autres acteurs de la chaîne à être rémunérés, et dont le métier consiste à vendre le livre : éditeur, distributeur, libraire. Je ne dis pas que l’état actuel du métier est idéal, bien au contraire, les abus liés à la contraction du marché sont légion. Mais si l’on retire l’intégralité (ou peu s’en faut) de ces acteurs, qui va vendre le livre ?

C’est-à-dire, qui va le porter à la connaissance d’un public susceptible d’être intéressé ?

L’auteur, dont ce n’est pas le métier ? L’éditeur électronique ? Pourquoi pas.

Mais avec quels moyens ?

Il y a à peu près un an, je clamais bien fort que la libération de la distribution faisait le lit des publicitaires (ce qui m’a valu quelques pelletées d’insultes sur les réseaux). Le marché commence malheureusement à me donner raison. Ce qui m’inquiète en littérature, et ce qui inquiète les fabricants de jeu vidéo, c’est la politique tarifaire que nous sommes en train de mettre en place. Nintendo blâme les smartphones qui éduquent les joueurs à acheter leurs jeux quelques euros, lesquels rechignent donc à payer un jeu triple A1 40, 50, 60 euros.

Vendre un livre électronique au-dessus du prix du poche, bardé de DRM qui plus est, me semble une hérésie. Je pense que, psychologiquement, le livre électronique occupe la même niche économique que le poche : une lecture peu coûteuse, et l’on attribue peu de valeur affective à l’objet. C’est un modèle économique bien connu.

Mais trop baisser les prix (à deux, trois euros) et, surtout, l’institutionaliser, n’est pas la solution à mon avis. Le temps des gens n’est pas extensible. Le public est déjà soumis à des rafales de sollicitations permanentes et le livre rivalise avec une foule d’autres activités culturelles, jeu vidéo, télévision, etc. Même si nous rendons la lecture plus sexy pour un nouveau public, je ne crois pas que la littérature reprendra miraculeusement l’ascendant sur ces autres activités – si elle pouvait maintenir sa place, ce serait déjà bien.

Une offre pléthorique dématérialisée recrée finalement la même situation que sur l’étal des libraires : rien n’est visible, rien ne surnage, et donc les ventes sont atomisées. Dans ces conditions, la seule solution pour s’en sortir consiste à réussir un best-seller, pour l’éditeur comme pour l’auteur, car c’est seulement là qu’il pourra récupérer sa mise. Cela ne fera qu’intensifier une dérive des industries culturelles déjà bien ancrée depuis deux ou trois décennies : la réduction des prises de risques, de la découverte de nouveaux auteurs et leur promotion. Parce qu’à moins d’un coup de chance très rare – qui ne peut donc constituer un modèle économique – il faut investir pour qu’un livre puisse simplement atteindre le public qu’il est susceptible d’intéresser. Donc, il faut un retour encore plus colossal que la marge est faible. Soyons sérieux, il ne suffit pas de construire une page Facebook et d’inviter les gens à la Liker. Beaucoup ont fait la découverte amère qu’à part quelques dizaines, voire centaines de fans authentiques, tout le monde s’en fout. C’est beaucoup, beaucoup plus complexe et surtout demandeur en temps et en argent que cela.

Pour toutes ces raisons, je ne suis même pas loin de penser que vouloir à tout prix vendre le livre quelques euros, clamer que le modèle économique est viable, nuit au livre lui-même, à la santé de l’industrie culturelle. (Je vais tellement en prendre plein les gencives avec cette phrase, mais tant pis. Je reprécise que je ne parle que de l’inédit.) Entre le prix trop élevé du livre électronique pratiqué par nombre de grands éditeurs parisiens et la quasi-gratuité protestataire, il y a un juste milieu sur lequel il faudrait travailler (et que Bragelonne n’atteint pas trop mal, j’ai l’impression).

Sinon, personne ne surnagera. Et moins de moyens, cela signfie tout simplement, à terme, des livres de moins bonne qualité (ou alors, seuls les rentiers auront le loisir de travailler correctement leurs manuscrits. Est-ce vraiment cela qu’on veut ?)

Enfin, personne ne surnagera… Si. Dans ces conditions, les seuls à s’en sortir, encore une fois, sont Apple, l’Android Market, Amazon. Ces gens-là ne sont pas nos amis, contrairement à tous leurs discours humanistes de mise à disposition de la culture, si beaux qu’on leur remettrait le prix Nobel de la paix sans confession. Eux s’en foutent que vous vendiez 10 ou 100 000 exemplaires : ce qui les intéresse, c’est la masse totale des ventes. Car ils touchent toujours le même pourcentage dessus. Ils vous donnent les outils pour vous publier, d’accord, mais après… welcome to the jungle.

  1. Les grosses productions commerciales type Mario ou Call of Duty.
2014-08-30T18:32:55+02:00mercredi 2 novembre 2011|Best Of, Le monde du livre|20 Commentaires

Question : rôles dans l’édition en anglais et français

C’est quoi ce blog ? Que des articles d’actu, des news d’entretiens, de dédiaces, pas de contenu un peu consistant ? C’est un scandale, virez-moi le responsable éditorial.

Monsieur ?

Oui ?

Je peux pas, le responsable éditorial, c’est vous. Enfin, moi, quoi.

Ah, zut.

Donc, effectivement, il se passe beaucoup de choses autour de Léviathan : La Chute et c’est un vrai plaisir ; je le répercute ici car, eh bien, c’est aussi le but de cet endroit, de partager ce qui se passe autour des livres. Mais non, rassure-toi, auguste lectorat, je continuerai à poster des lolcats et à t’appeler auguste lectorat.

Bref, pour changer un peu du sujet de ma trombine, je pensais qu’il serait intéressant de proposer une réponse à une question :

J’ai un gros doute sur ce que c’est qu’un publisher, editor, edition, imprimeur… J’ai les références en anglais, mais je sais pas ce qu’est quoi qui correspond à quoi !… D’après mes recherches sur internet, je crois comprendre que l’editeur est en fait le publisher et que l’imprimeur est l’editor… à n’y rien comprendre. Déjà que rien que dans une seule langue je ne saurais pas faire la différence ! Qui fait quoi ?

Effectivement, c’est un sujet un peu compliqué principalement parce que les mêmes termes dans une langue peuvent recouvrir des notions différentes dans une autre… Avant toute chose, les équivalences que tu as trouvées sont inexactes. Résumons :

En français, l’éditeur est celui ou celle qui va travailler sur le texte fourni pour un auteur afin qu’il soit le meilleur possible, dans le respect de ses intentions bien sûr : ici, raccourcis la poursuite en
voiture qui devient ennuyeuse à la longue ; là, développe la scène de sexe ; la psychologie de tel personnage est un peu floue, approfondis-la ; ce paragraphe est un peu abscons, etc. C’est ce qui
correspond à « editor ». En science, c’est aussi celui qui effectue, ou supervise ce travail – c’est-à-dire pointer les erreurs de raisonnement, les raccourcis, etc. Il est responsable des reviewers
dans une revue, c’est le rôle de « rédacteur en chef », dans une anthologie de nouvelles, c’est l’anthologiste. En résumé, un editor est un « directeur d’ouvrage ».

Le problème, c’est que « éditeur » en français recouvre aussi, au sens large, toutes les fonctions de « publishing », c’est-à-dire toutes les personnes chargées de publier l’objet livre : marketing, mais aussi dans une certaine mesure mise en page (= fabrication). L’editor correspondrait alors à l’éditeur sens strict, quand le publisher correspondrait à la maison d’édition au sens large – sachant que les
editors et les publishers travaillent en général dans, ou pour la même structure ! En français, éditer a un sens plus double (à la fois retravailler ET publier) qu’en anglais, d’où la confusion des notions dans notre langue et le même terme pour les deux. La taille du marché anglophone fait que des rôles confondus peuvent être séparés de façon bien plus fréquente qu’en France, où cela ne se rencontre que dans les très grands groupes.

L’imprimeur (printer), enfin, est un contractant qui est chargé de réaliser l’objet livre. De nos jours, son rôle, bien que capital, s’apparente plus à celui d’un sous-traitant car il n’intervient que
très rarement sur le livre lui-même – il réalise ce que la maison d’édition lui demande conformément aux fichiers envoyés et ne fait que très rarement part de son avis sur la chose.

Il y aurait bien d’autres rôles à aborder (correction, diffusion, etc.) mais j’espère ça t’aide à cerner un peu mieux – sachant que je parle surtout pour ce que je connais le mieux, la littérature, mais
que les rôles sont assez semblables dans l’édition d’essais ou scientifique.

2014-08-30T18:32:39+02:00jeudi 13 octobre 2011|Best Of, Le monde du livre|4 Commentaires

Lauréats du prix Elbakin.net 2011

Les lauréats du prix Elbakin.net 2011 (voir les finalistes) ont été annoncés :

  • Roman de fantasy français : Bankgreen, Thierry di Rollo (Le Bélial’)
  • Roman jeunesse de fantasy français : Les Hauts Conteurs tome 1 : La Voix des Rois, Olivier Peru, Patrick McSpare (Scrineo Jeunesse)
  • Roman de fantasy étranger : Les Cent Milles Royaumes, N.K. Jemisin (Orbit), trad. Alexandra Maillard
  • Roman jeunesse de fantasy étranger : Léviathan, Scott Westerfeld (Pocket Jeunesse), trad. Guillaume Fournier

Félicitations à tous, et non des moindres au site Elbakin.net alors que son prix, en seulement deux ans d’existence, s’impose déjà comme une distinction majeure de l’imaginaire !

(Source)

2011-09-09T11:25:37+02:00vendredi 9 septembre 2011|Le monde du livre|5 Commentaires

Combien dois-je demander pour une traduction ?

C’est une question qu’on m’a posé deux fois en deux semaines en privé, alors il semble qu’il puisse être utile de donner quelques pistes aux jeunes traducteurs et trices, surtout s’ils comptent faire de la traduction une activité semi-professionnelle, ou s’ils ont la chance de maîtriser une langue rare.

Comment souvent dans ces cas-là, l’Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF) vient à la rescousse avec un site proposant nombre d’informations sur le métier (http://www.atlf.org/).

Tout d’abord, et cela n’a rien d’une évidence, il faut s’assurer que l’on est convenablement armé pour s’engager à réaliser un travail de traduction, en particulier si l’on débute ou (c’est assez fréquent) que l’on rend service sur un contract ponctuel sans réelle intention professionnelle. Pour cela, le code de déontologie du traducteur est un précieux guide. Il faut notamment juger de la difficulté du travail à réaliser : un essai technique ou de la poésie ne poseront pas les mêmes embûches qu’un article de presse grand public ou qu’une nouvelle de littérature blanche. Il n’y a pas de lignes directrices autres qu’un examen de conscience honnête et approfondi, surtout si l’on débute, pour répondre à la question : « Suis-je capable de faire correctement ce boulot sans y laisser l’ensemble de mon sommeil pour les trois mois à venir ? »

Ensuite, combien demander ? L’ATLF réalise tous les ans une enquête sur la rémunération des traducteurs en fonction de la langue et du support (voir ici). Ces fourchettes peuvent servir de ligne directrice mais il faut avoir conscience que les tarifs peuvent varier bien davantage, notamment selon l’expérience du traducteur, la difficulté du support, l’urgence du délai, la rareté de la langue, etc. Toutefois, ils ne devraient pas descendre « trop » en-deçà de la fourchette basse. La traduction est un travail exigeant et une bonne traduction se paie. Si le donneur d’ordre n’a pas les moyens de la financer1, il lui faut peut-être s’interroger sur la pérénnité de sa stratégie à l’étranger.

Il faut noter que cette enquête donne les tarifs selon le dit « feuillet calibré standard de 1500 signes ». C’est n’est PAS une tranche informatique de 1500 signes calculée dans Word. Le feuillet est un étalon en vigueur depuis des décennies dans l’édition, hérité de la machine à écrire, et correspond à une feuille « modèle » d’approximativement 1500 signes. Je n’entre pas davantage dans le détail, il y a un excellent article et didacticiel sur la question encore une fois sur le site de l’ATLF à cette adresse (en PDF). Il est possible de calculer la rémunération selon le calibrage informatique, mais il convient alors de la majorer (voir enquête rémunération).

Enfin, je ne m’en étais pas encore fait l’écho, mais Pierre Assouline vient de publier un épais rapport sur la condition du traducteur, bourré de chiffres et d’analyses, fruit d’une longue et minutieuse enquête de terrain. Il est disponible gratuitement sous forme numérique sur le site du Centre National du Livre à cette adresse.

  1. Si c’est une entreprise, bien sûr.
2014-08-30T18:33:01+02:00jeudi 8 septembre 2011|Best Of, Le monde du livre|24 Commentaires
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