Procrastination podcast s07e01 – Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe

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C’est la rentrée, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s07e01 – Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe« .

Début d’une conversation exceptionnelle avec l’autrice et musicienne Morgan of Glencoe qui courra sur une partie de la saison 7, pour une plongée en profondeur dans les réalités, défis et atouts de l’autoédition. La saga de Morgan, « La Dernière Geste », a commencé sa vie en autoédition avant d’être reprise en édition traditionnelle chez ActuSF. Mais Morgan continue de s’autopublier, lui donnant une perspective unique sur les deux mondes. Dans ce premier volet, elle partage son parcours, les réalités du processus d’autoédition ainsi que les compétences à acquérir au-delà de l’écriture pure. 

Pour retrouver Morgan en ligne : 

– Site officiel : http://morganofglencoe.com/

– Chaîne Twitch : https://www.twitch.tv/morgan_ofglencoe

– Twitter : https://twitter.com/morganofglencoe

Références citées

– Les éditions et la librairie Critic

– Cocyclics https://cocyclics.tremplinsdelimaginaire.com

– L’Écurie littéraire 

– Elen Brig Koridwen

– Prix Fondcombe 

– Laurent Miny

– Bookélis https://www.bookelis.com

– Amazon https://www.amazon.fr

– L’association des Auteurs Indépendants du Grand Ouest (AIGO) https://collectifaigo.wordpress.com

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2022-09-28T08:36:37+02:00jeudi 15 septembre 2022|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e01 – Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe

N’écrivez pas ce qui vous saoule

On trouve cette recommandation sous diverses formes : chercher enthousiasme et amusement dans la création ; dans les mots d’Elmore Leonard, « s’efforcer de ne pas écrire les parties que les lecteurs tendent à sauter ». Dans les faits, alors que l’on part à la découverte de son histoire, et que l’effort de maintenir les modèles mentaux de sa narration peut être important, le gros fun n’est pas toujours facile à saisir. Écrire peut être difficile, on le sait, et c’est une importante cause de procrastination.

En outre, une narration complexe (sur un roman, ou davantage) exige parfois certains passages un peu plus mécaniques. Tel personnage doit se rendre à tel endroit pour la suite de l’action ; telle information doit être donnée au lecteur ou communiquée à quelqu’un.

« Doit » devrait (heh) représenter un verbe signal d’alarme. On en parle suffisamment dans Procrastination, il n’y a pas de « doit » dans la création. Mon avis : il y a ce qu’on veut, et ensuite, une exécution que l’on espère efficace. « Devoir » en passer par telle ou telle étape dans la création peut quand même être ponctuellement nécessaire (« je dois établir clairement tel lieu pour la baston qui suit ») mais il est facile d’atteindre l’overdose de nécessités narratives – et là, le fun s’évapore à jamais, rendant l’écriture non seulement difficile, mais chiante à crever.

Mais comment faire, alors, si l’histoire exige quand même de tels passages, si l’on « doit » passer par telle ou telle étape pour la faire avancer ? Parce que ces exigences mécaniques sont parfois bien présentes.

On peut résoudre cette difficulté en cherchant quelque chose d’excitant à écrire dans un passage « nécessaire » – c’est une solution efficace et souvent fonctionnelle. Mais en poussant plus loin, humblement, ma réponse est : ne les écrivez pas. Sérieusement.

Règle empirique : si un truc vous saoule et qu’il s’agit d’une exigence purement mécanique de la narration, passez dessus au plus vite pour atteindre les passages qui vous amusent vraiment (c’est là qu’il est important de savoir manier la différence entre show et tell). N’imaginez pas que le lecteur ronchonnera : en général, on nous sait gré d’avancer rapidement jusqu’à la prochaine étape excitante de notre narration, beaucoup plus rarement de ralentir. (Une exception à cela : gérer correctement ses variations de rythme et de suspense, ce qui peut induire un étirement ponctuel de l’action, mais c’est souvent une chose qui s’affine aux corrections, pas au premier jet.)

Bien sûr, quand on lutte, la différence entre difficulté et ennui dans l’écriture peut être ténue. La première est inévitable, peut-être même souhaitable, car elle force à sortir de sa zone de confort, pour trouver de nouvelles solutions et idées personnelles à une embûche narrative. En revanche, le second vous tuera à la longue – et tuera votre lecteur. Si vous vous emmerdez, cherchez un moyen de passer au plus vite. Et si, au pire, il fallait vraiment un passage plus démonstratif, vous pourrez toujours l’intégrer aux corrections avec le recul.

Voyez-le simplement comme ça : personne n’aime les fillers dans les anime.

2022-09-10T03:39:25+02:00mardi 13 septembre 2022|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur N’écrivez pas ce qui vous saoule

Locus relaie le limogeage scandaleux de Stéphanie Nicot des Imaginales

Je suis loin d’avoir été le seul à m’émouvoir de cette décision aussi scandaleuse qu’imbécile (rappel des épisodes précédents, et pourquoi la ville d’Épinal s’est mise dans une situation impossible), mais l’affaire franchit à présent les frontières : Locus, le magazine professionnel le plus important de l’imaginaire (en langue anglaise), s’en est fait l’écho ici, et ça n’est pas à la gloire de la mairie d’Épinal, comme de juste.

La ville a également réagi négativement aux requêtes présentées par Nicot pour obtenir une meilleure rémunération, pourtant, dans son appel d’offre, elle propose un salaire plus élevé que celle-ci n’en a jamais touché.

Locus

➡️ Lire l’article

2022-09-10T03:38:14+02:00lundi 12 septembre 2022|Le monde du livre|Commentaires fermés sur Locus relaie le limogeage scandaleux de Stéphanie Nicot des Imaginales

Donnez de l’impact à vos textes en supprimant les verbes d’indirection

L’indirection, c’est un horrible anglicisme venu du monde de la programmation : c’est une technique pour accéder à l’adresse d’un objet. Dans le monde réel, ça pourrait donner ça : au lieu de dire « le ministère des Armées », on dirait « le ministère installé rue Saint-Dominique à Paris ». C’est exact, mais ça nécessite quand même un petit effort mental pour savoir de quoi on parle. C’est indirect. (Je précise que l’expression « verbe d’indirection » n’existe absolument pas dans l’analyse littéraire respectable, c’est juste mon propre terme pour le truc.)

Le rapport avec l’écriture de fiction ? Tous les verbes qui induisent une médiation entre l’action et les personnages créent le même effet indirect. Comparez :

Jean-Eudes vit que le compte à rebours de la bombe n’indiquait plus que sept secondes.

Avec, pour la même action exactement :

Le compte à rebours de la bombe n’indiquait plus que sept secondes.

Niveau tension, c’est quand même autre chose. Dès que l’on place un intermédiaire entre l’action et le personnage, et donc le lecteur, on éloigne les événements – c’est mécanique. Donc, ils perdent en impact. Dans vos relectures, pensez-y : passer le point de vue en induit est une manière très simple et efficace de donner de l’immédiateté à votre action.

Bien sûr, c’est comme tout, ça n’est pas forcément à systématiser. Si vous avez bien compris l’effet, vous pouvez choisir dans certaines circonstances, au contraire, de désirer une indirection pour établir une distance clinique, ralentir le rythme, que sais-je encore.

Dans ce contexte, l’indirection était peut-être indiquée.
2022-09-03T02:00:54+02:00jeudi 8 septembre 2022|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Donnez de l’impact à vos textes en supprimant les verbes d’indirection

Certaines questions d’écriture sont des solos de guitare

En lien avec l’article de la semaine dernière sur la construction des opinions personnelles avant la consultation d’autrui, une observation sur des questions d’écriture en particulier, artistiques en général, que je vois souvent circuler en ligne. Elles se formulent à peu près toutes de la même manière :

Comment puis-je faire x dans mon histoire ? Quelle technique pour accomplir y ? Vous pensez quoi de faire z ?

Ce n’est pas parce qu’on est en écriture et que l’approche technique a (heureusement) traversé l’Atlantique depuis les États-Unis que l’écriture est devenue une science ; qu’il existe une bonne réponse, un code (ou une poignée) garantissant le succès dans l’exécution. Ça serait trop simple. Je dirais même, au contraire, que chercher cela est prendre le problème à l’envers. Cela revient à demander :

Comment puis-je faire un solo de guitare qui déchire ?

Ben, au-delà de te muscler les doigts, faire des gammes et comprendre l’harmonie, la réponse devient très vite éminemment subjective, tant pour toi que le public, et donc, elle ne peut connaître de réponse objective. En chercher une, je le crains, est même une manière assez sûre de tuer la vie et le naturel d’un projet.

D’accord, mais quand même, comment accomplir un effet donné dans une histoire ? Alors, on peut parler de pistes, bien entendu, on peut étudier des approches, partager son expérience. Mais il est fondamental de se rappeler qu’elles sont une voie parmi une infinité, juste un point de départ pour l’exploration. Trouver la manière d’accomplir quelque chose dans une histoire est nécessairement consubstantiel des événements, des personnages, du stade de l’histoire, et surtout, surtout, de la sensibilité et des intentions de l’auteur ou autrice. De la même façon qu’un solo de guitare émerge de sa chanson, et la nourrit en retour. Au bout du compte, c’est indissociable. Et surtout, ça ne connaîtra jamais de réponse absolue.

La question est légitime. Mais pour y répondre, je crois qu’il faut partir avant tout de son projet, de son envie personnelle, et de creuser en soi la manière dont on veut procéder dans cette instance précise. Car c’est de la création : une réponse ne servira qu’une fois telle quelle dans un contexte donné. Oui, les leçons acquises à cette occasion viendront nourrir les projets suivants, la clairvoyance, de manière à cerner peut-être un peu plus vite ce qui fonctionne ou pas ; mais à nouveau projet, nouvelles réponses, nouvelles exécutions subtilement ou très différentes.

Je sais, c’est pas pratique. Mais en fait, si on se laisse le loisir d’explorer et de se faire plaisir, c’est plutôt cool ! Comme dit le proverbe, on ne se baigne pas deux fois dans le même solo de guitare (ou un truc du genre). Vos réponses, votre personnalité, votre humeur à un moment (et même les difficultés qui peuvent être reliées à l’exécution d’un passage) sont mille fois plus intéressantes que tous les modes d’emploi du monde.

Veuillez ne pas en prendre ombrage, mais dorénavant, je crois que j’appellerai cela des « questions solo de guitare » avec cet article comme point de départ à la conversation – parce que ce genre d’interrogation sur l’approche revient assez souvent.

2022-08-28T08:17:48+02:00lundi 29 août 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Écrire en musique : Eōn, musique procédurale par Jean-Michel Jarre

Je trouve qu’écrire en musique représente toujours un dilemme : d’un côté, le son distrait la part anxieuse de l’esprit, envoie la part critique s’occuper dans son coin à l’écart de la part créative pour ne pas l’étouffer – c’est un des principes derrière mon bien aimé Focus@Will. Mais de l’autre, très rapidement, la musique dans les oreilles couvre celle des mots et il devient difficile de s’entendre penser. D’où la quête sans fin pour écrire en musique (avec des tas de recommandations passées dans les archives) : il en faut juste assez pour apaiser l’esprit.

Dans ce voyage, l’une des découvertes qui m’a certainement le plus convaincu est l’application Eōn, conçue par Jean-Michel Jarre, sortie il y a quelques années. J’étais assez méfiant du principe : des algorithmes génèrent une musique continue et procédurale, accompagnée de visuels évolutifs, le tout fondé sur des séquences conçues par le maître. Si vous utilisez des services de ce genre, vous connaissez le problème : ça finit par tourner en rond à force d’usage intensif, quand le but est justement d’occuper l’esprit sans lui donner d’accroche reconnaissable. Du coup, si ça se répète, c’est loupé. Et quand ça ne se répète pas trop, la musique associée est souvent trop aléatoire, c’est-à-dire moche et dissonante (je n’arrive à me faire à Endel, par exemple).

Eh bien justement, dans ce style, Eōn est spectaculaire. Cela aurait pu être un jouet coûteux et extrêmement limité vendu sur la réputation de Jarre, c’est tout le contraire. Après plus d’une centaine d’heure à utiliser l’application, j’ai éprouvé une familiarité passagère une poignée de séquences vraiment typées, et les combinaisons sont si nombreuses que ça n’est pas vraiment gênant. Toute l’idée de l’app est de ne jamais se répéter tant sur le plan visuel qu’auditif, les combinaisons de séquences étant virtuellement infinies (et toujours éphémères), et en plus, c’est extrêmement écoutable, dans le genre textural : pas de mélodie, mais de bête bruit non plus.

Bref, hautement recommandé pour les longues sessions de concentration (et ça marche évidemment sans connexion Internet). L’app coûte une dizaine d’euros, sur iOS ou Mac. Une capture ci-dessous pour se faire une idée :

2022-08-10T04:10:54+02:00lundi 15 août 2022|Décibels, Technique d'écriture|2 Commentaires

Comment paramétrer Scrivener comme une machine à écrire Freewrite

Tout l’intérêt et la promesse de la Freewrite, c’est de pouvoir écrire sans distraction. On pense souvent, de nos jours, aux distractions nombreuses de la vie connectée (coucou Facebook), mais ça n’en est pas la seule source : une importante cause de doute, qui casse le flow de la création, consiste à juger en permanence les lignes précédentes et à les réécrire sans cesse, jusqu’à l’engourdissement et au dégoût.

Dans ce contexte, l’écran très limité d’une Freewrite est un atout, car il dissimule une grande partie du texte précédent, ce qui empêche de le triturer sans fin (pour ne corriger le premier jet que dans une phase ultérieure et distincte). Après, la Freewrite présente bien des désavantages : le prix d’abord, mais aussi l’absence de tous ces jolis outils bien pratiques que propose l’ordinateur comme la typographie automatique ou bien la correction orthographique à la volée.

Dans ce contexte, il est pertinent de vouloir répliquer dans son logiciel d’écriture (Scrivener, hein, évidemment) la limite artificielle de la Freewrite. Et bien sûr, c’est possible dans toute application digne de ce nom, avec une fonctionnalité appelée, selon les contextes, focalisations ou mode focus. Le focus est appliqué à un niveau du texte (paragraphe ou phrase), et le reste est estompé pour guider le regard là où ça compte. Ce qui ressemble à ça :

Les couleurs de l’éditeur sont bien entendu en Solarisé

Pour ce faire :

  • Présentation > Édition du texte > Focus > Sentence (oui, ils ont oublié de traduire « phrase »)
  • Tant qu’à faire, activez le défilement machine à écrire pour que la ligne courante reste sous vos yeux : Présentation > Édition du texte > Mode défilement

C’est là que brille le soin du détail apporté à Scrivener :

  • Les réglages de l’éditeur peuvent être distincts en mode normal (avec l’inspecteur et le classeur sous les yeux) et composition (avec seulement le texte en plein écran), ce qui permet de conserver deux paramétrages différents pour deux modes de travail, pour la correction et la rédaction par exemple ;
  • Si vous faites défiler le texte à la souris bien que le mode focus soit activé, tout le texte redevient visible, ce qui permet de relire quand même à la volée.

Et voilà. Notons que ça existe aussi sous Ulysses (Présentation > Mode machine à écrire et, de là, Contraste et Défilement sur place ; là aussi, les réglages sont distincts selon que l’application soit maximisée ou non). Même si j’aime beaucoup mes Freewrite, surtout la Traveler en déplacement, et que je n’écris jamais aussi vite qu’avec elles, cela a du sens de travailler direct sur l’ordinateur si l’on sait résister aux distractions externes. Et pour évacuer les distractions internes, voici une manière à mi-chemin (et moins coûteuse).

2024-03-19T05:36:57+01:00lundi 8 août 2022|Technique d'écriture|4 Commentaires

Ayez toujours de quoi capturer les idées vagabondes quand vous écrivez

OK, une astuce vraiment toute simple mais qui peut faire une énorme différence au cours de la rédaction. Vous savez comment, quand vous écrivez, des tas d’idées relatives à la suite de votre histoire (ou même aux scènes précédentes, tandis que votre narration s’affine) peuvent venir vous parasiter et vous tirailler dans toutes les directions alors que, sacré bon dieu, vous voulez juste arriver à écrire ce moment-là de l’histoire pourrais-je rester concentré sur un truc à la fois s’il vous plaît merci ?

Truc tout simple, donc : adoptez le mode de capture immédiat hérité de GTDayez toujours sous la main une manière ultra rapide de capturer ces idées vagabondes, sans les juger, pour les savoir archivées au chaud. Vous y reviendrez plus tard pour les évaluer, et les intégrer à votre manuscrit si elles sont pertinentes ou non.

Parmi les manières toutes simples de procéder :

  • Gardez une feuille et un crayon réservés à cet effet à côté de l’ordinateur / machine à écrire / vélin et plume d’oie ;
  • Associez à un raccourci clavier à votre app de notes préférée (on mentionnera notamment Drafts, dont le seul but est de capturer du texte aussi vite que possible, ou bien Bear, qui fait ça très bien aussi) ;
  • Ou même une entrée rapide dans votre app de tâches (je crois quand même que ça n’est pas idéal, puisque ça n’est pas une tâche, c’est une idée – cela a davantage sa place dans des notes, mais ça marche aussi).

Évidemment, ça ne fonctionne que si vous revenez réellement traiter ces notes par la suite. Mais si vous en faites une routine, peut-être pour entamer votre session d’écriture et reprendre corps avec votre projet, cela permet d’économiser beaucoup de distractions tout en satisfaisant votre inconscient, qui continuera à vous envoyer des idées chouettes pour étoffer votre histoire au lieu de se sentir contraint, de vous faire la gueule, et de couper le robinet à idées.

Exemple d’une idée ainsi capturée avec Drafts pour « Les Dieux sauvages ».
2022-07-31T04:01:28+02:00mercredi 3 août 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Toute personne sensée devrait se tenir loin de l’appel d’offre de la direction artistique des Imaginales

Résumé des épisodes précédents : le festival Imaginales, pendant vingt ans le grand rendez-vous d’imaginaire de l’Est, a été tué par sa propre mairie en débarquant brutalement Stéphanie Nicot, sa fondatrice et directrice artistique, artisane du succès de sa manifestation. La mairie a mis en ligne un appel à candidatures pour la remplacer.

À présent, la seule réaction sensée de toute personne disposant des compétences requises devrait être de s’en tenir très, très loin. Pourquoi ? L’implacable logique, mon cher Watson, associée aux contraintes organisationnelles d’une telle machine. Jouons-la Power Point style :

Plus de 300 professionnels de l’imaginaire ont exprimé leur colère, dont dix coups de cœur du festival. Une part importante de la profession française a annoncé ne plus souhaiter s’associer aux Imaginales, or, pour faire un festival littéraire, il faut des auteurs. La réputation de l’événement a été poignardée ; qu’ils soutiennent ouvertement Stéphanie ou non, rares sont les professionnels qui voudront s’associer aux manigances iniques de la mairie… 

… ce qui entraînera la désertion des partenaires du festival, dont des éditeurs et des partenaires institutionnels, qui sont beaucoup à soutenir financièrement l’événement. Pour qu’un événement se tienne, il faut de l’argent, des auteurs et du public, les trois se nourrissant mutuellement en un chouette cercle vertueux ; mais cela fonctionne aussi en sens inverse. Quand la réputation d’un événement est dans le caniveau, les auteurs et le public désertent, ce qui entraîne aussi les mécènes, accélérant toujours davantage la plongée. Surtout que… 

Le milieu anglophone (et notamment américain) s’émeut à présent de la situation, comme Robin Hobb, Delia Sherman, Ellen Kushner, Cheryl Morgan. Vingt ans de travail patient pour construire la réputation des Imaginales ont été balayées d’un revers de main ; quand on sait la difficulté que l’on a déjà à faire venir des Américains en France (qui, qu’on le veuille ou non, continuent à représenter les « grosses machines » les plus populaires de l’imaginaire), la prudence leur fera privilégier d’autres événements en France.

La plupart des membres de l’équipe historique des modérateurs et des interprètes ont d’ores et déjà annoncé leur démission. Les Imaginales, c’était aussi la réputation de leurs débats et l’accueil des auteurs étrangers ; sans modérateurs ni interprètes, ça va être un peu plus dur. Je me suis retiré de la masterclass. Je ne sais pas ce que donnera le colloque universitaire. Ce qui nous amène au nœud fondamental du problème :

Les délais de l’appel d’offres rendent toute préparation sereine intenable. En effet, la date limite de dépôt des candidatures est fixée au 5 septembre ; supposons une décision rapide, prise en deux semaines (ce qui est très optimiste pour un marché public), puis le temps de reddition des décisions : on arrive à fin septembre. La nouvelle direction va se retrouver à devoir monter de toutes pièces une édition des Imaginales sans auteurs francophones, sans équipe interne, et sans auteurs étrangers car, attention surprise, on ne fait pas venir un auteur de l’étranger sans préparer les choses très en avance, et huit mois de délai, c’est trop tard pour la plupart.

Avec ce calendrier, il faudra presque certainement s’asseoir sur une anthologie officielle en 2023. Les auteurs de renom sont très occupés, il convient de les solliciter pour une nouvelle presque un an à l’avance (je parle d’expérience : j’en ai codirigé trois, des anthologies officielles), et même là, beaucoup doivent décliner. Demander des textes à des pros début octobre ? Bon courage.

Cependant, il existe une possibilité, c’est que la partie soit jouée d’avance, et que le successeur de Stéphanie soit déjà décidé en coulisses… Mais ce serait tout de même l’hypocrisie ultime de la part de la mairie d’Épinal après qu’elle a plaidé une prétendue « professionnalisation » impartiale de l’événement (on appréciera au passage que les vingt ans passés étaient donc manifestement dûs à des incapables). On rappellera que le but d’un appel d’offres et d’un marché public est justement de désigner en toute impartialité les compétences appelées pour le poste, et que commettre un tel truquage serait en directe opposition à la réglementation, sans même parler de l’état d’esprit affiché par la ville d’Épinal pour la succession de Stéphanie.

Ce n’est pas compliqué à lire : à ce stade, la personne qui décrochera l’appel d’offres est idéalement placée pour y laisser sa réputation professionnelle comme sa santé mentale. Elle se retrouva à la barre d’un navire pestiféré, sans équipes, aux financements en berne, sans têtes d’affiche, tout en se trouvant clairement la cible de toutes les critiques, avec des délais amputés de moitié, le tout pour une rémunération qui n’est clairement pas à la hauteur du travail monumental comme du risque encouru. Elle sera le proverbial agneau sacrificiel, s’épuisera à jouer le pompier sur l’incendie allumé par le maire d’Épinal – et une fois les purges accomplies dans le sang et la sueur, allez, je vous lâche un pari comme ça : elle sera débarquée à son tour, afin que quelqu’un à la réputation vierge prenne la suite pour remettre les comptes à zéro en bénéficiant du travail accompli. Visiblement, ça semble le modus operandi.

Le nom des Imaginales est irrémédiablement souillé et sa réputation ne cesse de sombrer de jour en jour – une tendance qui n’ira qu’en s’aggravant, à mesure que personne ne voudra risquer de se trouver associé à l’image désastreuse que le festival vient de prendre, surtout aux USA.

La seule décision sensée que peut à présent prendre Épinal serait de prendre acte du naufrage, de déclarer une année blanche et de remonter quelque chose de nouveau (qui convienne davantage à ses goûts) sous un autre nom, probablement peu en lien avec la littérature (puisque le rapprochement avec le cinéma et le jeu vidéo semble annoncé), probablement plus en lien avec les Imaginales Maçonniques et Ésotériques, tant qu’à faire, histoire de rendre les choses vraiment très claires.

Mais comme il y a eu très peu d’actes sensés dans cette histoire, je ne retiens pas mon souffle.

Pour les personnes intéressées, il y a beaucoup de choses à faire en imaginaire en France et au niveau de l’événementiel. Mais clairement, les Imaginales n’en sont plus le nom. Tenez-vous loin de tout ça, mes chers amis. Sauvez-vous.

2022-08-01T11:23:33+02:00lundi 1 août 2022|Le monde du livre|11 Commentaires

Les Imaginales ont été tuées par leur mairie

Difficile de retransmettre l’indignation et la tristesse que je ressens en ce moment, comme d’arriver à vous faire comprendre la gravité – et le gâchis – de la situation. À tout décor, il existe forcément un envers, dont on ne parle pas pour diverses raisons : d’une, comme au spectacle, la scène est réservée au public, les coulisses concernent ceux qui y travaillent, c’est ainsi que la magie opère ; de deux, en cas de difficulté ou de problème, on règle ça dans les coulisses tant qu’on le peut, justement, car cela ne concerne pas le public – on lave son linge sale tant qu’on peut derrière des portes closes ; de trois, on ne parle pas avant les personnes concernées. Tout cela s’appelle le professionnalisme.

Mais à présent que les paroles sortent, je vais m’efforcer de résumer ce qui se passe de manière juste et concise. Je suis dans les coulisses des Imaginales à Épinal depuis plus de vingt ans. J’étais là, alors jeune fan chevelu et timide quand, dans une room party des Utopiales (ça devait être en 2000 ?), Stéphanie Nicot a confié à ses proches collaborateurs de l’époque : « je suis en train de monter un festival d’imaginaire dans une ville de l’Est ; je vous en donne le nom sous le sceau du secret – Imaginales ».

Aujourd’hui, depuis vingt ans, je suis ou j’ai été :

  • Secrétaire du prix Imaginales à sa création (j’en ai même rédigé les statuts)
  • Coup de cœur du festival 2012
  • Coanimateur (avec Jean-Claude Dunyach) de sa Masterclass
  • Codirecteur (avec Sylvie Miller) de trois des anthologies officielles du festival
  • Interprète en direct et accompagnateur des invités anglophones depuis le début

Je connais donc un peu le dossier et à quoi ressemblent les coulisses.

Je sais donc que Stéphanie Nicot a été, depuis le début, l’âme du festival. Elle allie deux qualités fondamentales pour occuper un poste de directrice artistique d’événement : d’une part la connaissance des genres et de ceux et celles qui les font (création, mais aussi édition et communication), mais cela ne suffit pas. Il faut aussi une personnalité rassembleuse, capable de converser avec tout le monde, de mettre à la même table des gens qui ne se sont jamais parlé, voire qui se trouvent en désaccord – et réussir à faire aller tout le monde de l’avant. Stéphanie a cette finesse, qui est bien plus rare que la compétence livresque ; on ne fait pas un festival seul, on le fait en collaboration, parfois aussi avec des gens qui ne sont pas vos meilleurs amis ; mais on essaie de trouver un terrain commun pour travailler. C’est ainsi que les choses se font, et grandissent.

Stéphanie a toujours occupé ces deux rôles dans les Imaginales, et c’est grâce à ces deux versants que le festival est devenu l’un des rendez-vous majeurs de l’imaginaire en France en vingt ans – pour atteindre le record absolu des ventes et de la fréquentation cette année, en 2022.

Que fait maintenant la mairie d’Épinal, en toute logique ?

Évincer sa directrice artistique, la personne ressource qui a apporté le projet, l’a construit et a fédéré équipes comme partenaires institutionnels et économiques, et ce quasiment par voie de presse !

C’est une décision indigne et un non-sens stratégique absolu, dont les circonstances, en outre, sont honteuses. Alors que la ville d’Épinal affirmait le 24 mai dans Télérama, concernant le limogeage de Stéphanie, qu’« il n’est rien », elle a présenté, il y a seulement quelques semaines « un projet d’évolution » auquel Stéphanie n’est pas associée, ouvrant la direction artistique à un appel d’offres.

Stéphanie a dévoilé en détail sur ActuSF les circonstances des mauvais traitements (y compris relatifs au droit du travail) qu’elle a subis de la part de la municipalité d’Épinal, en chiffres et en faits. Parmi les éléments qui ont pu faire surface, visibles du public (et suivis sur les réseaux), citons

  • L’apparition de conférences ouvertement islamophobes, comme « Islam radical ou radicalité de l’Islam ? », qui n’ont strictement rien à voir avec l’imaginaire1… 
  • … témoignant d’une main-mise sur l’événement des Imaginales Maçonniques et Ésotériques en totale roue libre, qui ne se soucient même plus de s’inscrire dans le programme du réel événement public, mais poursuivent leurs propres priorités, profitant du rayonnement des vraies Imaginales – et donc des institutions publiques qui le financent (!).

Bref. Je ne vais pas récapituler l’entretien de Stéphanie, allez le lire.

À présent : la profession affirme à Stéphanie son soutien en masse (plus de 300 auteurs, éditeurs… dans une liste qui s’allonge tous les jours sur les réseaux) dont Bernard Visse (ancien directeur du festival et de l’événementiel de la ville sous le maire précédent) ou Robin Hobb (excusez du peu), qui était la marraine de cœur de l’événement :

Début juin, nous avons été par ailleurs dix coups de cœur des Imaginales, correspondant à dix années de programmation, à envoyer à la mairie une lettre nous inquiétant de la direction prise par le festival et exprimant notre soutien à Stéphanie, courrier rendu public par ActuSF la semaine dernière.

Nos mots, hélas, sont restés lettre morte.

Pour ma part, j’ai annoncé à la direction du festival que, dans ce contexte, je ne pouvais continuer à occuper aucun des rôles que je remplissais jusqu’ici avec joie.

Stéphanie était l’âme de cet événement, elle en était la compétence et la finesse relationnelle. Et même si, animé par un puissant bénéfice du doute, on tient vraiment à supposer que la ville souhaitait changer de cap pour des raisons qui ne sont pas influencées par le contexte politique actuellement désastreux pour la famille politique de la mairie d’Épinal, le professionnalisme, là encore, dicte que l’on prépare harmonieusement les transitions, surtout pour une si grosse machine. On ne signe pas le contrat de sa directrice artistique deux mois avant un événement, tout comme on ne commence pas à la payer après le début dudit événement !

Parce que je vais vous révéler une chose. Voyez-vous, je sais de source sûre, car Stéphanie me l’a dit de longue date, qu’elle ne comptait pas diriger les Imaginales sa vie entière. Cela fait plus de dix ans qu’elle me l’a confié ; soucieuse de son travail et de son héritage, elle a toujours pensé à sa succession, et elle a même évoqué la possibilité avec quelques noms pour tâter leur intérêt2. Épinal n’avait nul besoin de la flanquer dehors : elle comptait partir d’elle-même à court terme.

La mairie d’Épinal a tué la poule aux œufs d’or ; elle avait entre les mains un édifice solide et patiemment construit sur la durée, avec toute une confiance acquise de haute lutte auprès des acteurs étrangers, une grande réputation, et en a dynamité les fondations en imaginant que ça allait tenir, et tout ça pour quelles raisons ? Pour quel bénéfice ? Par calcul politique court-termiste ? Je n’arrive pas à le comprendre. C’est juste une décision déplorable, humainement, mais aussi stratégiquement.

Si jamais le nom des Imaginales se poursuit, je ne vois pas comment, privées de ce qui faisait leur ciment et de leur âme, elles pourraient s’inscrire dans la continuité de ce qui a fait leur ascension, leur convivialité et donc leur succès. Mais à présent, faisons comme Stéphanie, célébrons les bons moments, et regardons dignement vers l’avenir. Car cette convivialité continuera à exister partout où nous célébrerons l’imaginaire vivant, celui qui n’a pas peur d’interroger le monde, de défricher des terrains inconnus, et qui sait que l’expérimentation et la diversité sont le terreau même qui le nourrit.

  1. En plus, une personne qui y était m’a dit que le contenu de la conférence était bien loin de l’intitulé putassier. Dès lors, on est en droit de s’interroger : pourquoi spécialement un tel intitulé, surtout pour une confrérie pour qui « dire » a l’importance qu’on sait… ?
  2. Complète transparence : oui, j’en faisais partie, c’est pour ça que je le sais, mais j’ai très vite répondu qu’avec tout l’honneur que cela représentait, je n’aspirais pas à ce genre de tâche, mais à me concentrer sur la création.
2022-07-25T07:28:12+02:00lundi 25 juillet 2022|Le monde du livre|7 Commentaires
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