De l’usage des tirets d’incise comme marque de rythme

Tout récemment reçu ceci, ce qui fait extrêmement plaisir, pas seulement pour les bouquins mais parce que quelqu’un s’en est rendu compte, et aime :

En lisant Port d’âmes (que j’ai adoré!) et Comment écrire de la fiction (un vrai phare dans la purée de pois de l’écriture de mon roman) j’ai remarqué que tu utilises régulièrement des tirets en fin de phrase – un peu comme pour préciser la pensée mais sans faire une autre phrase. C’est la première fois que je remarque cette façon de procéder et elle me plaît beaucoup. Seulement, j’ai quelque difficulté à tirer de mes observations une règle claire d’utilisation (même si j’imagine qu’il n’existe pas de règle précise à ce sujet).

A l’occasion d’un article de blog, pourrais-tu expliquer comment tu procèdes? Comment fais-tu le choix de mettre, ou pas, des tirets en fin de phrase? D’où tires-tu cet usage?

Absolument. (Au cas où, pour voir ce dont il est question, voici un petit bout de Port d’Âmes).

Effectivement, il ne me semble pas que ce soit tellement courant en français. Pour ma part, très clairement : j’ai piqué ça à l’anglais, où c’est très répandu. En anglais, l’usage du point-virgule en narration est un petit peu plus rare qu’en français ; on tend à employer à la place un tiret, ce qui déborde sur un effet plus vaste de coupure. Ce genre de truc est ultra fréquent :

He turned around – and there she was.

Or, en français, on utilise le tiret principalement pour l’incise. Juste au-dessus du passage précédent, on trouve ça :

Qui est là l’usage “strict” du tiret d’incise en français, fonctionnant par paires, un peu comme des parenthèses, et formant une proposition isolée du reste du texte1.

Sauf que ça se complique. En français, le deuxième tiret d’incise est omis s’il se trouve en fin de phrase ou de proposition ; pour être clair, on l’omet s’il est suivi d’un point-virgule, point d’exclamation ou d’interrogation. En toute rigueur (et nonobstant les erreurs typographiques que ça représente), les extraits précédents pourraient s’écrire de la sorte :

On ne venait pas à la Cité franche sans raison – fût-ce seulement le souhait de se perdre –.

Une femme seule – en fuite, peut-être ? –.

C’est absolument faux mais vous voyez l’idée. La phrase se termine-t-elle parce que le second tiret est absorbé par le point ? Ou bien s’agit-il d’une rupture à l’anglaise ?

Aha. Qui sait ? Ce n’est pas à moi de vous le dire. Et c’est une grande partie du truc.

Je joue volontairement sur un mélange entre les conventions des deux langues dans mon propre travail. En français, le tiret marque conventionnellement une rupture forte – presque davantage que le point-virgule. (See ? I did it again.) Mais en l’employant avec la libéralité de l’anglais, je m’arroge un marqueur de rythme supplémentaire et différent ; l’effet d’un changement soudain de direction, et pourtant dans la continuité de ce qui précède (le tiret d’incise marque à la fois une précision et une coupure puisqu’on insère autre chose dans le flux linéaire de la phrase). Je m’offre littéralement un signe typographique supplémentaire aux règles relativement floues (puisque partiellement importées d’ailleurs), m’octroyant donc de la liberté, qui peut tantôt marquer une coupure sémantique plus nette que le point-virgule, une rupture pour un effet de théâtre – et bim ! –, tantôt au contraire une précision finalement douce dans le flux du texte – un peu comme ici en revanche.

Ça a en plus un intérêt fondamental dans ce métier : l’effet repose partiellement sur l’interprétation du lecteur·ice, ce qui le pousse à l’investir et donc à s’approprier / habite le récit. Ce qui est le cœur de toute narration.

Et surtout, et c’est ma raison première d’en faire usage, cela crée une illusion de superposition, de recoupement. Je cause dans Comment écrire de la fiction ? du problème que représente le tesseract de la fiction (en deux mots, la littérature est une forme strictement linéaire – on lit toujours phrase à phrase – alors que le théâtre de la fiction est multidimensionnel – sensorium, action – et une des grandes difficultés de notre art consiste à “compresser” cette multidimensionnalité dans la linéarité du langage). Le tiret me permet une “tricherie” – une illusion, certes, mais on en retire l’impression d’une bousculade, que les parties de la phrase se superposent en partie parce que le tiret induit en principe une retenue pour une respiration.

Reprenez l’exemple anglais :

He turned around – and there she was.

Il se retourne, avec une intention initiale – quand soudain, tiret ! Changement. Préparation subtile d’une microseconde, retenue du souffle, on sait qu’autre chose se prépare mais pas encore quoi ; le personnage le sent peut-être déjà intuitivement, du coin du regard, mais pas encore, et d’un coup – il la voit. (Remarquez comme je l’ai refait ici, en plus étalé.) Surprise, glissement, mais le souffle peut reprendre ; cet espace génère (à ma sensibilité en tout cas) une superposition mentale des deux parties de la phrase et contribue énormément à déployer la multidimensionnalité du théâtre mental de la littérature.

Un peu cet effet-là si on essayait de se la jouer Maison des feuilles.

En tout cas, c’est mon ressenti, alors c’est ce que je fais.

Y a-t-il des règles ? Pas vraiment que je sache. À partir du moment où l’on fait bien la part des choses entre le véritable tiret d’incise français et cette espèce de tiret de rythme, auquel cas pour ma part j’importe les règles de l’anglais, où cela se comporte plus ou moins comme un gros point-virgule2. Je plaisante souvent en disant que les auteur·ices ne font pas de faute de français, ils font progresser la langue ; le premier qui refuse qu’on s’octroie d’être un peu créatif avec la typo d’une manière non-intrusive pour se donner un outil supplémentaire puissant et évocateur, je l’assomme avec l’intégrale de Danielewski.

Et il est donc très important de préciser qu’on est d’accord que je ne prétends pas avoir inventé ça, ni avoir été le premier à l’importer ainsi. On trouve des citations qui en font usage partout dans la littérature française. Mais je trouve intéressant qu’une brève recherche ne fasse pas du tout apparaître cet usage dans les sites grand public du français en France, alors qu’il est cité systématiquement dans tous les sites québécois (lequel est au contact quotidien de l’anglais), y compris les moins techniques. (Voici par exemple ici, et .) (Faudrait que je fouille dans mon Grévisse, mais il est actuellement dans un carton à 17000 km.)

Il faudrait enfin parler du tiret de fin de phrase ou de paragraphe, qui représente clairement un emprunt visuel à une typographie très moderne, dans le but de marquer une rupture immédiate, une destruction de phrase pour marquer la surprise, l’ébahissement ou l’horreur – quand le point d’exclamation ne suffit pas, parce qu’il permet de terminer la pensée ! Alors que là… ça monte… que va-t-il se passer ? Et, d’un coup – 

Je repose mon cas.

  1. Et d’ailleurs, dans le premier extrait, a-t-on affaire à deux phrases interrompues ou à une seule grosse incise ? À vous de voir.
  2. Sachant que la typographie anglaise n’impose pas d’espace avant les signes doubles au contraire du français – words flow like this; as, they do, here –, je me demande si cet usage du tiret n’a pas émergé d’un besoin de marquer une coupure visuelle plus nette par rapport à la virgule, alors qu’en français, l’espace insécable marque plus clairement la différence ; on le constate juste ici.
2024-04-20T10:08:12+02:00mercredi 24 avril 2024|Best Of, Technique d'écriture|0 commentaire

La création se nourrit aussi de silence

Réflexion aléatoire parce qu’on en a parlé lors de la table ronde à Sirennes sur “Vivre de son écriture”, ainsi, un peu plus avant, dans l’épisode de Procrastination sur le burn-out – à de très rares exceptions de constitution près, le cerveau se nourrit d’activité mais aussi de repos. Notre société ultra productiviste qui pousse à voir les êtres humains comme des machines – et donc à considérer la créativité comme un processus industrialisable – y laisse peu de place, mais : créer se nourrit de temps, d’attention, de mûrissement et de vagabondage.

Cela n’exclut pas l’application de la discipline, de prendre soin de toucher son manuscrit tous les jours, de s’efforcer de raffiner son approche pour créer plus facilement. Si l’on n’investit pas le temps qualifié en anglais de BICHOK – butt in chair, hands on keyboard (le cul sur la chaise, les mains sur le clavier), il ne se passe rien, et c’est là que bloquent 95% des aspirateurs écrivain·es. Mais il y a une raison pour laquelle le slogan de Getting Things Done est “la productivité sans stress” : s’organiser réduit le stress, ce qui permet de travailler plus facilement donc de façon plus productive, mais c’est une conséquence et non le but. Le but devrait toujours être un art de vivre qui permet de se rapprocher toujours davantage de ses vœux – en l’occurrence, écrire des récits dont l’on est content et avec le moins de difficulté possible. Produire des pages à la chaîne est très impressionnant, mais, si on y arrive, c’est une conséquence d’un épanouissement dont, je crois, la source est ailleurs (comme la vérité).

Le processus de création de la bande originale de Psycho Starship Rampage a été l’un des plus doux que j’aie connus, parce qu’un jeu vidéo, ça prend des années à se faire, alors qu’une production sonore, beaucoup moins. J’ai pu accompagner de loin en loin le développement et fournir des sons par étapes successives, permettant d’alterner les phases d’incubation / réflexion / fredonnements ridicules dans l’enregistreur de mon téléphone et de production concentrée devant Ableton. Quand j’ouvrais l’application, je savais parfaitement ce que j’allais faire, comment, ce qui m’a permis d’être comparativement très rapide dans l’exécution, mais cette vitesse n’a aucun sens : elle existait justement parce que, de loin en loin, j’avais réfléchi des semaines.

Il y a un moment où l’on a besoin de laisser reposer, et un moment où l’on a besoin de mettre un coup de collier et de s’autocoudepiéaucuter. On met souvent l’accent sur le second car il est, évidemment, plus difficile. L’action est infiniment (au sens très strictement mathématique) plus difficile que l’inaction. Mais l’inaction a sa valeur, au même titre que l’on insiste sur show, don’t tell, mais le tell a aussi sa valeur. Il est juste beaucoup plus facile, donc on met constamment l’accent sur le show.

Comment décider au moment où l’on passe de l’un à l’autre ? Ma foi, vous êtes de grandes personnes ; au final, celui ou celle qui crée, c’est vous ; celui ou celle qui sait ce dont il ou elle a besoin, c’est vous. Une part de la maturité de la création consiste à reconnaître le mode dont on a besoin à un moment donné. Et le professionnalisme à s’astreindre à observer celui que les obligations du moment dictent alors qu’on pencherait vers l’autre.

Tant que cela ne devient justement pas une habitude.

2024-04-14T15:50:14+02:00mercredi 17 avril 2024|Technique d'écriture|0 commentaire

Procrastination podcast s08e04 – Faire la chronologie d’un récit

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s08e04 Faire la chronologie d’un récit“.

Cette quinzaine, Procrastination rentre dans le détail technique de cet outil fréquemment recommandé : quels outils, quelles méthodes pour construire la chronologie de son récit ? Lionel (qui essaie très fort de ne pas transformer l’épisode en panégyrique pour Aeon Timeline) propose de l’utiliser pour la construction a priori, tant que pour vérifier la cohérence des fils narratifs a posteriori. Estelle ajoute à cela les ruptures intéressantes que le récit peut proposer, comme les retours en arrière et sauts en avant ; la chronologie peut ainsi s’avérer un outil précieux pour dynamiser sa narration. Mélanie rappelle qu’on peut aussi toujours écrire des récits qui permettent de faire l’abstraction de tout ce bazar !

Références citées

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2023-11-15T08:10:21+01:00mercredi 1 novembre 2023|Procrastination podcast|2 Commentaires

Présent sur Bluesky, et ma foi, c’est fort cool

Comme les réseaux commerciaux sont en train d’imploser et que TwiX devient irrespirable, faut bien aller expérimenter avec ce qui se passe, et après avoir ouvert un compte sur Mastodon (coucou), me voilà sur Bluesky (recoucou).

Impressions au bout de deux semaines : je me trouve à avoir plus de plaisir à consulter Bluesky que Mastodon. Mastodon a cet aspect mal équarri, un peu inutilement compliqué qu’a souvent l’open source (brûlez-moi, mais c’est mon avis) : les instances distinctes qui composent le réseau lui donnent un aspect extrêmement insulaire à mon goût. En gros, hormis certaines personnes avec qui j’échange depuis longtemps, je ne vois personne en-dehors de mon instance, et personne ne me voit, ce qui enlève quand même beaucoup de l’aspect social au terme réseau. En pratique, j’ai l’impression d’une version publique de Discord, voire d’un forum (le rythme de Mastodon étant plus lent), mais sans les avantages (pas de recherche ni d’archivage des conversations).

Par comparaison, Bluesky est… l’ancien Twitter. Littéralement. Mêmes fonctions de base, mais en plus léger : le site est minimaliste, sans algorithme (je n’ai plus l’habitude d’une timeline réellement chronologique !) ni pub. L’ambiance est excellente pour l’instant (peut-être parce qu’il n’y a pas encore masse de fâcheux à cause des invitations requises, peut-être parce que la modération est sévère), et il semble que le milieu de l’édition s’y déplace plus favorablement que sur Mastodon (qui attire plutôt un public technologique, forcément).

Bluesky est en revanche beaucoup plus rudimentaire que Mastodon en termes d’outils et d’automatisations. Pour planifier des messages, je n’ai trouvé littéralement qu’un seul outil, Fedica (concurrent de Buffer). Pour poster automatiquement les mises à jour du site, il faut passer par une manip’ d’assez haut vol (configurer un bot via un container Docker, voir cet article très utile – ça tourne pour ma part sur mon Synology).

Bref, si vous voulez faire des choses un peu compliquées avec Bluesky comme une intégration WordPress, préparez-vous à devoir aller chercher loin. Sinon, vous serez plus content sur Mastodon, mais préférez le cas échéant une instance à la fois grosse et bien ciblée en termes de thème.

2023-12-11T08:32:31+01:00lundi 30 octobre 2023|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Présent sur Bluesky, et ma foi, c’est fort cool

Procrastination podcast s07e16 – Le burn-out de l’écrivain

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e16 – Le burn-out de l’écrivain“.

Un sujet difficile mais important que l’équipe souhaitait aborder de longue date – le burn-out, ce moment terrible où l’esprit et/ou le corps lâchent à force d’épuisement professionnel. Et comment l’éviter ? Lionel délimite et définit le terme, et admet être à son avis passé par là. Mélanie aussi ; elle parle des répercussions des années plus tard, et raffine la différence entre l’épuisement physique et celui de l’inspiration, lié à la pression de produire. Estelle met en avant l’importance de l’entourage, de la diversité des activités, des loisirs, et dénonce l’image de la productivité parfaite et toxique qui circule sur les réseaux.

Références citées

  • Dean Wesley Smith
  • Terry Pratchett
  • Elizabeth Gilbert, Comme par magie
  • Le super groupe d’écriture d’Estelle !

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2023-05-15T08:53:56+02:00lundi 1 mai 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e16 – Le burn-out de l’écrivain

Procrastination podcast s06e11 – Volume et vitesse d’écriture

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s06e11 – Volume et vitesse d’écriture“.

Comme toujours dans Procrastination, pas de normes, le moins possible de prescriptions, mais une interrogation sur la tendance à la compétition sociale pour écrire le plus, ou le plus vite possible : quel effet annoncer votre wordcount sur Twitter peut-il avoir sur votre cerveau ?
Mélanie reconnaît l’effet d’émulation chez certains auteurs, mais ne s’est jamais sentie à l’aise avec cette pratique, qui peut donner à ceux et celles dont le rythme est différent une impression d’inaptitude. Certains projets et certaines façons de travailler peuvent nécessiter un temps de maturation incompressible.
Estelle loue l’entourage virtuel et le soutien communautaire que l’on peut tirer d’une telle communication quand on ne bénéficie pas d’un milieu qui partage ses passions ; mais avertit qu’un mot écrit n’est pas forcément un mot qui reste dans un manuscrit.
Pour Lionel, le rythme varie énormément au cours d’une journée de travail, de l’écriture d’une scène ou d’un livre, et la moyenne horaire est une métrique trompeuse, surtout que “rentrer du signe” n’est pas l’intégralité du métier. Il avance toutefois les vertus qu’il trouve au fait de s’astreindre à un certain rythme soutenu.

Reférences citées

– Le NaNoWriMo, https://nanowrimo.org

– Stephen King, Écriture

– Terry Pratchett

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2022-04-03T08:56:25+02:00mardi 15 février 2022|Procrastination podcast|3 Commentaires

Procrastination podcast s06e02 – La narration au présent

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s06e02 – La narration au présent“.

Un épisode peut-être encore plus axé sur la subjectivité et la perception que d’habitude, tandis qu’il est temps (heh) de discuter du présent de l’indicatif dans la narration. Quelles en sont les forces et les faiblesses ? Doit-on le réserver à certains types de récits uniquement ou bien est-il plus riche qu’on ne pense ? Est-ce la lutte des classiques contre les modernes ?
Pour Estelle, il transmet une oralité, mais surtout une immédiateté qui en font les forces. On l’imagine souvent réservé à la littérature jeunesse, mais absolument pas !
Lionel (définitivement dans le camp classique cette quinzaine) met en garde contre la sécheresse qu’il peut induire et questionne le bien-fondé de la perte de la voix du conte, disputant l’immersion que le présent procure.
Mélanie attire l’attention sur certaines situations peu maniables avec les temps classiques (notamment la narration à première personne du singulier au passé simple), que le présent résout élégamment, et expose son usage intuitif de la forme.

Références citées

– Jean Genêt, Notre-Dame des Fleurs

– Virginie Despentes, Les Jolies choses

– Francis Berthelot, Rivage des intouchables

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2021-10-20T18:06:51+02:00vendredi 1 octobre 2021|Procrastination podcast|2 Commentaires

Procrastination podcast s05e14 – Conseils de survie pour écrire l’action

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e14 – Conseils de survie pour écrire l’action“.

Le scène d’action est un trope extrêmement fréquent des genres populaires, dont l’imaginaire ; elle présente des défis techniques particuliers, requérant une première discussion globale sur l’approche et les conseils fondamentaux. Tout d’abord, pour Estelle, l’action est trop souvent traitée à part, comme un passage obligatoire, alors qu’elle doit s’insérer naturellement dans le récit, et qu’elle présente en réalité les mêmes fondamentaux que le reste de la narration – enjeux, caractérisation, évolution des personnages. Pour Lionel, c’est une expression sous pression de la volonté de personnages et de leur approche de leur résolution des problèmes ; mais sa concision et la clarté qu’elle requiert en font les difficultés principales. Quant à Mélanie, ce n’est pas son truc… prouvant là encore que l’on peut tout à fait s’en affranchir !

Références citées

– David Cook, Advanced Dungeons & Dragons 2e édition, Guide du Maître

– J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux

– David Gemmel

– Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses

– Ellen Kushner, À la pointe de l’épée

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2021-04-14T18:08:52+02:00vendredi 2 avril 2021|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e14 – Conseils de survie pour écrire l’action

Procrastination podcast s05e05 – Être auteur et timide

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e05 – Être auteur et timide“.

Le métier d’auteur, ce n’est pas seulement rédiger des chefs-d’œuvre derrière son clavier (même si ça commence par là) – c’est aussi nouer des relations avec éditeurs, et espérons-le, des lecteurs, des journalistes, des partenaires – des tas de vrais gens. Comment survit-on à cette nécessité quand l’on a décidé (peut-être résolument) d’exercer un art solitaire ?
Mélanie a une excellente nouvelle : cela s’apprend, et miser sur ses propres forces et aisances, prendre garde à ses besoins, est une stratégie certainement meilleure à une astreinte à des devoirs qui ne nous correspondent pas. Estelle prolonge le point de vue en parlant des obstacles inconscients de l’auteur, et donne quelques trucs pour arriver à parler de son travail sans se liquéfier. Enfin, Lionel rappelle les définitions de l’introversion et de l’extroversion, et loue les bienfaits de l’improvisation théâtrale.

Références citées
– Carl Gustav Jung
– Le festival OFF d’Avignon

Procrastination est animé par Mélanie Fazi ( https://www.melaniefazi.net ), Estelle Faye ( http://www.estellefaye.fr/ ) et Lionel Davoust ( https://lioneldavoust.com ). Diffusion : Elbakin.net.

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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2020-12-02T18:27:14+01:00lundi 16 novembre 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e05 – Être auteur et timide

Formatage des dialogues : ce que les guillemets permettent et que les tirets interdisent

Aaaah, le formatage typographique des dialogues, le sujet favori des passionnés d’origami et de bateaux en allumettes. Un travail minutieux, obsessionnel, dont l’achèvement confère une impression d’équilibre et de complétude dans le monde.

Et qui suscite la terreur du reste du monde.

Moi, j’ai pas la patience pour les bateaux en allumettes, alors je typographie mes dialogues avec amour à la place. C’est pourquoi le présent blog comporte déjà pas mal de matériel sur le sujet :

Ainsi qu’un épisode de Procrastination : s03e18 – Ponctuer des dialogues.

Sinon, par quel grand mystère de l’Internet ma recherche “dialogue meme” ne me renvoie-t-elle quasiment que des images de films indiens ?

À présent, en tant que Grand Prêtre Missionnaire de l’Église du Guillemets à Chevrons, dans les articles sus-cités, j’ai porté la Seule et Vraie Parole™ de la typographie des dialogues : les guillemets, say mieux, parce qu’on peut faire avec des trucs que l’usage des tirets seuls interdisent. (Voir les articles précédents pour voir de quoi qu’on cause exactement.)

Sauf que, comme on me l’a fait remarqué, je n’ai jamais vraiment prouvé la chose. Dont acte. Oyez, oyez, benedicite amor in excelsis guillemeto.

Idée reçue : les tirets donnent davantage de rythme que les guillemets

Déjà, c’est le premier argument des mécréants tenants du Tiret Cadratin seul : les tirets, par leur incitation à enchaîner les répliques, donneraient des dialogues plus rythmés et nerveux.

— Ah bon ?

— Effectivement.

— Mais comment ?

— Eh bien, un peu comme ça. On enchaîne, on enchaîne, dans le feu de l’action !

— C’est vrai que c’est drôlement rythmé !

— Les didascalies, c’est bon pour Marcel Proust.

Genre comme ça.

Sauf que… les guillemets ne changent rien à cet usage. Pour mémoire, on utilise aussi les tirets avec les guillemets, ils ouvrent et closent juste le dialogue.

« Ah bon ?

— Effectivement.

— Mais comment ?

— Eh bien, un peu comme ça. On enchaîne, on enchaîne, dans le feu de l’action !

— C’est vrai que c’est drôlement rythmé !

— Les didascalies, c’est bon pour Marcel Proust. »

Ça change donc que dalle au rythme.

Maintenant, si ça ne change rien, pourquoi s’ennuyer avec un signe supplémentaire ? Eh bien, parce que :

Les guillemets donnent davantage de flexibilité dans le rythme

« J’aime l’odeur du saucisson au petit matin », lâcha Bob en contemplant l’horizon. Les premiers feux de l’aube ourlaient l’océan. « Avec le café, c’est excellent.

— Ça marche aussi avec les fruits de mer », répliqua Plectrude en désignant son tourteau. Bob retint une grimace ; après tout, il s’efforçait d’être un pluraliste du petit-déjeuner. « Un peu de gorgonzola, et c’est un repas de champion. »

La force des guillemets, c’est la possibilité (et non l’obligation) d’entremêler les flux de la narration et du dialogue dans un rythme quasi-cinématographique et simultané. Mon exemple est un peu lourd en incises, mais c’est pour condenser les deux problèmes que pose l’usage des tirets seuls. Réécrivons donc ce passage avec :

— J’aime l’odeur du saucisson au petit matin, lâcha Bob en contemplant l’horizon. (Les premiers feux de l’aube ourlaient l’océan.) Avec le café, c’est excellent.

Le premier problème apparaît. Une partie de la didascalie appartient au dialogue, ce qui pousse la phrase isolée à devoir être identifiée par des parenthèses. Personnellement, en tant que fan d’origami et de bateaux en allumettes, je trouve ça moche. Mais bon, c’est parfaitement compréhensible. En pluralistes du petit-déjeuner, admettons donc.

Mais, beaucoup plus gênant :

— Ça marche aussi avec les fruits de mer, répliqua Plectrude en désignant son tourteau.

Bob retint une grimace ; après tout, il s’efforçait d’être un pluraliste du petit-déjeuner.

— Un peu de gorgonzola, et c’est un repas de champion.

See what I did there? Qui parle maintenant à votre avis, à la seconde réplique ?

Le formatage en tirets seuls impose que chaque réplique commence sur sa ligne seule. Par conséquent, selon le rythme du récit, le dernier personnage à avoir eu sa didascalie est implicitement considéré comme étant le nouveau locuteur, et de toute façon, l’alternance des tirets impose un passage de relais constant.

Si je veux écrire la seconde partie avec des tirets, je ne coupe pas à la nécessité de repréciser le locuteur :

— Ça marche aussi avec les fruits de mer, répliqua Plectrude en désignant son tourteau.

Bob retint une grimace ; après tout, il s’efforçait d’être un pluraliste du petit-déjeuner.

— Un peu de gorgonzola, reprit la jeune teutonne, et c’est un repas de champion.

Voilà pourquoi les guillemets permettent une économie de moyens et davantage de diversité de rythmes que les tirets seuls. Je me suis régulièrement confronté au problème en traduction. L’anglais utilise uniquement des guillemets (avec une typographie légèrement différent de la nôtre, mais c’est un autre problème) :

“English is awesome, innit?” she exclaimed. “Shakespeare spoke it, they say.”

“True that,” Bob said. “But then again, so does Kim Kardashian.”

Quand les consignes typographiques des éditeurs imposent, de leur côté, l’usage des tirets seuls, je vous garantis une chose : le rythme de l’original ne peut pas être entièrement conservé. Le cas précédent, où la réplique de Plectrude se trouve chassée à la ligne suivante, dictera en traduction l’ajout de précisions absentes de l’original. Sinon, c’est confus, voire on en arrive à des contresens.

2020-08-10T13:05:09+02:00lundi 10 août 2020|Best Of, Technique d'écriture|11 Commentaires

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