Mickey in outer space

Ça date d’hier : Disney a acheté Lucasfilm pour (accrochez-vous au siège) plus de 4 milliards de dollars. George Lucas, créateur de Star Wars, mentionne qu’il a toujours pensé passer le flambeau de la licence (on dit licence, sacredieu, pas franchise, “franchise” c’est en anglais, si je vous parle de franchise en français, c’est que j’ai un truc à vous dire et que je l’avoue sans détour, comme ici quand je vous confie qu’on dit licence en français, et pas franchise, sacredieu, KNOW THE DIFFERENCE IT CAN SAVE YOUR LIFE) à de nouveaux réalisateurs (c’est chiant de reprende le fil, hein ?) et que ce n’était pas plus mal que cela se fasse de son vivant.

Dans la foulée, Disney annonce un Star Wars 7 pour 2015. George Lucas sera “consultant créatif” sur les films, ce qui, en langage hollywoodien, signifie : “tu pourras regarder ce qui se trame, on associera ton nom au générique, on te demandera peut-être ton avis, mais rien ne nous oblige à l’écouter ». (Parfois, ils ajoutent “bâtard” en signant le contrat d’une main crispée, mais seulement entre leurs dents serrées, et pas trop fort.)

Le Net est en émoi face à ce rachat : Disney est devenu synonyme d’entertainment édulcoré à grand spectacle avec une coloration franchement niaise. Que va devenir Star Wars entre leurs mains ? Frissons d’angoisse, apoplexies, frémissements, etc.

J’ai envie de dire : “que peut devenir Star Wars de pire entre leurs mains qu’entre celles de George Lucas ?” Après Jar-Jar- Binks, les roulades dans les foins avec Natalie Portman, Anakin Skywalker le gamin magique qui remporte les batailles interstellaires en appuyant sur tous les boutons du cockpit, Anakin Skywalker l’adolescent tourmenté par ses hormones qui se la joue ANGST ANGST ANGST, Anakin Skywalker qui est gentil puis méchant puis gentil puis je vais péter la gueule à tout le monde, “Nooooo” ?

On craint une dérive vers une infantilisation de la licence, Star Wars étant considéré plus mature que d’autres, comme Tron. Plus mature ? Wat ? Replaçons-nous un instant en 1978, dans le contexte de la première trilogie. Deux robots duettistes mignons, des petits extraterrestres rigolos qui font “ouh tchen di” ou, plus tard, des nounours en peluche qui se rangent du côté des gentils : à qui cela s’adressait, si ce n’est aux enfants ? Ce n’est pas pour dire que Star Wars est une licence jeunesse ; sa force a justement été de savoir s’adresser à tous les publics avec un beau dosage d’action, de personnages forts, d’images inoubliables. Mais C3-PO, R2-D2 et les Ewoks sont les icônes d’enfance des trentenaires d’aujourd’hui, qui ne les ont jamais quittés ; c’est un mécanisme classique de faire grandir ses héros avec soi, et donc de les considérer avec un oeil légèrement plus émerveillé que si, mettons, Star Wars 7 introduisait une peuplade de licornes magiques sur une planète arc-en-ciel. (Je prie qu’ils aient cette idée complètement idiote. Sérieusement. Que je leur colle un procès à la Harlan Ellison, maintenant que c’est écrit noir sur blanc et daté.)

Mais où trouver les idées ? Hé, Star Wars a été dès le début pensé comme une longue série, un univers dont Lucas n’a dévoilé qu’une infime partie. Mais, et la dérive merchandising ? Hé, vous rigolez ? Star Wars inonde le marché de draps Star Wars, de tasses Star Wars, de lance-flammes Star Wars (les enfants l’adorent) depuis 35 ans ; Lucas a même fondé sa fortune sur les droits dérivés.

Star Wars racheté par Disney ? Disney a montré, avec Pirates des Caraïbes et même Tron : Legacy qu’ils savaient faire de bons films.

Résultat, à mon sens, on ne court que deux risques : 1) d’avoir davantage de Star Wars alors que Lucas sortait les films au compte-goutte ; 2) qu’ils soient éventuellement meilleurs que La Menace Fantôme. En ma qualité d’atome de public, je trouve que c’est un bon deal.

2012-10-31T10:01:46+01:00mercredi 31 octobre 2012|Le monde du livre|14 Commentaires

Ce week-end : Ploërmel, les Imaginaires de Brocéliande

Oyez, oyez, peuple de Bretagne !

Sur le long week-end qui s’annonce, le premier festival Les Imaginaires de Brocéliande se tiendra à Ploërmel, à 70 km de Rennes, en pleine forêt de Brocéliande. Au programme : des expositions, des rencontres, des soirées et des balades contées, du cinéma et un salon du livre fantastique !

J’y serai samedi et dimanche (3-4 novembre) pour des rencontes et dédicaces. Et il y a du beau monde : jetez un oeil à la liste. Le cadre est joli, c’est une belle sortie pour un week-end. Toutes les infos pratiques sur le site de l’événement.

J’en profite pour rappeler également que vendredi, je serai présent virtuellement sur le chat du forum L’Alchimie des Mots pour une discussion à bâtons rompus en ligne. Venez me poser les questions qui fâchent !

 

2012-10-30T09:48:14+01:00mardi 30 octobre 2012|Dernières nouvelles|2 Commentaires

Le racket de Facebook : pourquoi vous ne verrez plus le contenu qui vous intéresse

Facebook, connu pour ses méthodes cavalières, son attitude monopolistique, son usage moins que reluisant des données personnelles, vient de franchir un nouveau cap d’indécence. Lisez bien ce qui suit, car cela vous concerne, que vous soyez un utilisateur simple ou un communicant, dans votre droit à parler et à être entendu sur le premier réseau social mondial. Facebook abuse de sa position dominante en prenant ses utilisateurs en otage d’une façon proprement intolérable.

Autrefois (il y a un an), quand vous postiez une nouvelle sur votre mur ou votre page (« Je me suis marié ! » ou bien « J’ai publié un nouveau livre ! »), tous vos amis, tous ceux qui s’étaient abonné à votre page, la voyaient1. C’est normal : à la base, si vous êtes ami avec quelqu’un, ou si vous “aimez” sa page, c’est que vous être intéressé(e) par ce que la personne ou le groupe en face veut vous dire. Vous voulez l’entendre, ou du moins le savoir. Mettons, pour faire simple, que c’est une forme d’abonnement.

Sauf que non.

L’équation – calculée par Dangerous Minds dans cet article, sur lequel se fonde le présent billet et dont je ne fais que reprendre les conclusions – est d’une terrible et scandaleuse simplicité. Curieusement, depuis plusieurs mois, la portée des contenus baisse artificiellement – ceux-ci ne sont vus que par 15% des personnes qui vous suivent et amis. Comme par hasard, Facebook propose une solution : pour toucher les 85% restants… Payez.

Soit, payez pour parler à vos amis, vos clients, vos lecteurs, votre famille – ce que vous êtes censé faire naturellement sur un outil comme Facebook. Si vous publiez une nouvelle, un article sur votre mur ou votre page : vous pouvez payer Facebook pour “promouvoir” ce contenu et s’assurer qu’il soit davantage visible auprès de vos abonnés. Sinon… il a toutes les chances de tomber aux oubliettes. Tant pis pour vous.

En tant qu’utilisateur simple du réseau, cela signifie que vous ne verrez plus forcément le contenu qui vous intéresse, pour lequel vous avez accepté de recevoir des mises à jour : groupes de musique, écrivains, blogs… Mais aussi vos amis : votre soeur a perdu son chat, votre frère a eu un bébé, votre neveu a eu son bac, votre maman a organisé une sortie au musée – vous aurez de grandes chances de l’ignorer, à moins d’aller manuellement sur la page, de faire partie des 15%, ou que les personnes en question aient payé pour promouvoir leur statut…

Plus que ridicule : scandaleux, une véritable prise d’otage, un racket parfaitement mafieux. Se rendre indispensable en montrant (plus ou moins) patte blanche, puis, une fois la position dominante atteinte, dire “maintenant, pour continuer à utiliser dans des conditions normales un outil qui fait partie de votre vie, il va falloir passer à la caisse ».

“Facebook, est gratuit et le sera toujours” ? Ben tiens. Pour un petit blog, un groupe de musique indépendant, un auteur comme moi, en plus d’être scandalisé par la pratique, cela ne vaut pas le coup. Payer 5$ par article de blog que je voudrais promouvoir ? Je vais un salon, je devrais débourser 5$ pour que cette nouvelle puisse vous atteindre ? Quel type de communication est-ce là ? Je n’ai pas 15$ par mois à mettre dans la poche de Zuckerberg. C’est déjà – quand ça marche convenablement – ce que je touche en droits d’auteur pour un salon littéraire entier !

Et je ne vous parle pas des pages – jetez un oeil aux tarifs :

Imaginez le coût que cela représente si vous gérez un blog pro publiant 5 articles par jour…

Je vous encourage vivement à faire circuler l’information. Facebook est déjà une entreprise parfaitement prospère, cette opération n’est qu’un mouvement purement avide et scandaleux qui achève de me la rendre détestable. Je m’y trouvais pour les amis et aussi pour créer ce qu’on fait ici : une communauté sympa où la discussion est intéressante et fournie. Si je ne peux plus communiquer avec vous – je ne parle pas des nouvelles éditoriales ou de mon actu littéraire, simplement de vous parler, bon sang, c’est ma raison première d’avoir un blog – qu’est-ce que je fais là-bas ?

Heureusement, il y a d’autres solutions que Facebook pour se tenir au courant.

Comment faire pour rester informé ?

Il existe d’autres réseaux sociaux qui n’ont pas – pour l’instant – introduit ce genre de fonctionnement haïssable. Twitter est le premier, mais il est par nature volatile. Google+, en est un autre, et il est calqué sur Facebook – si vous avez un compte GMail, l’inscription est transparente ; enfin, pour les tenants du libre, le projet Diaspora se veut être un réseau open source (J’avais annoncé mon départ des deux derniers pour des raisons que je pense toujours, mais face au geste de Facebook, j’y reviens.).

Toutefois, il existe d’autres façons de faire, plus anciennes et surtout plus libres, et ce site vous les a toujours proposées.

La plus simple est le flux RSS. Un flux RSS est un canal d’information fourni par un site qui contient les nouveautés publiées sur celui-ci – exactement comme le flux d’informations d’une page Facebook. C’est une solution gratuite, standard, que personne ne prendra jamais en otage. Pour en profiter, il suffit d’employer un logiciel – souvent intégré au navigateur, donc très simple – qui permette de lire ces flux et vous en tenir informé. C’est aussi simple que d’utiliser Facebook, et vous pouvez classer vos abonnements comme bon vous semble. Les deux solutions les plus populaires sont Google Reader et Netvibes. Il suffit d’ouvrir un compte, puis de vous abonner chaque fois qu’un site vous intéresse et qu’il propose un flux (icône ci-contre). Le flux principal de ce site est à l’adresse suivante :

http://feeds.feedburner.com/lioneldavoust

Enfin, il y a la lettre d’informations. Encore plus simple : après abonnement, les nouvelles vous arrivent directement par mail. On rechigne parfois à s’y inscrire, ce qui est compréhensible, car cela ajoute encore au volume de courrier électronique que l’on reçoit. En ce qui me concerne, ma liste a un trafic très réduit, et propose deux “niveaux” d’abonnement. Le niveau “basique” n’envoie que les nouvelles les plus importantes (les actus éditoriales), ce qui représente très peu de messages. De manière optionnelle, il est possible de s’abonner également au blog – de recevoir une notification à chaque nouvel article. Si vous souhaitez vous abonner, c’est ici.

Ce que cela signifie pour moi (et donc, pour vous et moi)

Pourquoi, finalement, suis-je sur les réseaux sociaux ?

Je l’ai dit plus haut, j’y suis pour la même raison que je tiens un blog : parce que j’aime tenir un bar. J’ai lu il y a longtemps sur la liste de discussion SFFranco – je ne sais plus par qui – que l’écrivain pouvait s’apparenter à un chamane moderne : il part en des lieux étranges, en lui-même, et il en rapporte des histoires pour partager avecsla tribu. Cela ne recouvre pas tous les méandres de la complexité affective du métier, mais j’aime assez. Je blogue, je suis sur les réseaux sociaux, je partage récits de voyage, aventures, photos, technique d’écriture, articles sur le métier, un peu pour la même raison : pour tenir un lieu de discussion sympa (bien sûr, je parle aussi de mon actu, mais il faut bien faire tourner la boutique), pour nous fédérer, vous et moi.

Si je ne peux plus faire ça correctement – ou alors, en mettant la main au portefeuille – pourquoi rester ?

Merci, Facebook, de ce petit réveil-matin, de ce rappel qu’à s’en remettre à une entreprise tierce, on ne demande qu’à être menotté. Au lieu de diluer mon énergie sur des réseaux qui ne m’appartiennent pas, je vais me replier sur ce qui m’appartient : ce site, ce blog, où je suis propriétaire de l’intégralité du contenu, où je suis le patron incontesté. Je ne déserte pas FB, G+; Twitter pour autant, où les articles et certains liens idiots continueront à être répercutés, mais j’y glanderai beaucoup moins – à quoi bon ? -, et vais m’employer à re-déporter la conversation et l’activité ici. En prévision, je vais déménager le serveur sur une plus grosse machine dès que j’aurai une fenêtre de tir, afin de supporter la potentielle montée en charge.

Je vais, contraint et forcé, “promouvoir” cet article sur Facebook – ce sera la première et dernière fois que Zuckerberg recevera mes 5$. Je vous invite très vivement, dès maintenant, à :

Pour ne pas perdre le contact si les articles sérieux ou moins sérieux, si l’actu littéraire, ou tout à la fois, vous intéressent ici. Car si vous ne comptez que sur les réseaux sociaux, nous risquons de nous perdre.

Faites tourner l’information, s’il vous plaît. Facebook joue beaucoup sur la désinformation et le manque de maîtrise de ses utilisateurs, et ce scandale doit être exposé.

  1. Pondéré par des algorithmes de popularité, mais n’entrons pas là-dedans.
2012-11-02T22:59:52+01:00lundi 29 octobre 2012|À ne pas manquer|97 Commentaires

Vendredi 2 novembre : entretien-chat sur l’Alchimie des mots

Oyez, oyez ! Ou plutôt, ois, ois (aucun rapport avec le Capitole), auguste lectorat !

Merci à Sophie, créatrice de cette chouette bannière.

La semaine prochaine – vendredi 2 novembre – l’association et forum de lecture L’Alchimie des Mots me fait le plaisir de m’inviter à une discussion en ligne autour des livres. Pour participer, c’est très facile : il suffit de créer un compte sur le forum, de vous connecter à 21h vendredi prochain (le chat est en bas de page), et de suivre les instructions de Selene, l’animatrice et modératrice de la rencontre. L’adresse :

http://l-alchimie-des-mots.forumactif.org/

L’annonce de la recontre se trouve sur cette page. Même si nous discutons beaucoup ici, j’espère vous y retrouver également là-bas, c’est l’occasion de discuter de façon plus approfondie des livres, d’écriture, des mythes, des projets à venir, cette fois non pas en réaction aux articles proposés sur le blog, mais à vos questions et centres d’intérêt !

2012-10-25T12:40:11+02:00vendredi 26 octobre 2012|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Vendredi 2 novembre : entretien-chat sur l’Alchimie des mots

Léviathan : La Chute sur Blog-o-Livre

Couv. Alexandre Fort

7/10. La plume de l’auteur se révèle vraiment efficace et entrainante que ce soit dans la construction du récit, mais aussi dans les différentes descriptions qui se révèlent vraiment fascinantes par moments. […] En tout cas je lirai le tome deux avec plaisir.

Un avis de Blackwolf à lire sur son blog.

2012-10-25T10:12:37+02:00jeudi 25 octobre 2012|Revue de presse|Commentaires fermés sur Léviathan : La Chute sur Blog-o-Livre

Créer du lien : édition mondiale, faaaake, go pex noob & death metal cat.

Obésité et malnutrition : cette fois, voyons une carte des pays du monde pondérés par la taille de leur marché d’édition. Le jour où la Russie et l’Afrique s’éveilleront… La Chine, en revanche, c’est fait.

Puisqu’on parle d’édition, un article scientifique sur le modèle économique de Nine Inch Nails et autres groupes qui s’adressent directement aux fans. Je compte le lire de près mais il semble déjà oublier une chose : à mon sens, le succès de ces groupes dans ce business model est possible aussi parce que des éditeurs et des communicants leur ont permis d’avancer sur le devant de la scène. Je me demande si, sortis aujourd’hui de nulle part, ils fédéreraient le même public.

Il y a un sérieux problème sur les journaux scientifiques (il y a l’étude hautement contestable sur les OGM qui a été acceptée) puisqu’un papier absurde, sorti d’un générateur automatique, a été accepté lui aussi. On peut s’amuser à jouer avec les générateurs aléatoires dont il est question et briller en société (« saviez-vous, Nadine, que la closure np-complexe d’un sous-ensemble de Riemann est ductile si et seulement si sa fonction générative est bijective sur R ? »).

Absurdié alors, la connerie des Républicains ne connaît toujours pas de limite, cette fois, on accuse une candidate aux sénatoriales de jouer à WoW. La critique est d’une telle bêtise qu’elle en révèle bien davantage sur ses auteurs que sur leur cible. Alors que s’il faut brûler ladite candidate pour une raison valable, c’est d’être seulement niveau 68. Go pex, noob !

Dark Vador se balade en banlieue.

Enfin, toute compilation de liens ne serait pas complète sans une vidéo de chat.

2012-10-22T10:35:06+02:00mardi 23 octobre 2012|Juste parce que c'est cool|8 Commentaires

3333

Juste parce que ça me fait plaisir, et que j’ai envie de le partager avec toi, auguste lectorat :

Ce décompte n’est même déjà plus juste, et il ne l’était pas complètement puisque la migration de mes deux anciens blogs dans les archives n’est pas tout à fait achevée. Mais c’est le genre de chiffre qui marque, et ça se fête, alors voilà. Merci pour toutes ces belles discussions, ces interventions, ces prises de bec aussi, parfois. Je plaisante avec le fil de commentaires le plus cool de la blogosphère, mais je le pense. J’ai les meilleurs lecteurs du monde, exigeants, drôles, fins et ouverts d’esprit, et c’est vous.

2012-10-19T11:01:34+02:00lundi 22 octobre 2012|Dernières nouvelles|6 Commentaires

Il faut cesser d’amalgamer droit d’auteur et copyright

Tandis que les anciens modèles économiques de distribution et de production de la culture se fissurent avec la dématérialisation et le téléchargement, un certain nombre de nouvelles théories émergent, des réflexions se forment, sur l’évolution de l’art et la rémunération de ses acteurs, du créateur au distributeur.

Parmi ces discussions, et puisque la plupart des initiatives viennent des États-Unis, on voit régulièrement la traduction, maladroite et erronée, de “copyright” par “droit d’auteur” en français.

Cet article vise à démontrer, de façon claire et définitive, pourquoi cet amalgame, en plus d’être une ânerie, représente un danger pour la création, et pourquoi, au lieu de considérer la question comme accessoire, les tenant du libre devraient au contraire s’en soucier au plus haut point.

Par ailleurs, cet article a été relu et validé par un spécialiste du droit d’auteur, qui étudie sur le plan juridique son application et les différences de régime entre US et France. Caveat : merci de ne pas venir protester en commentaires pour dire que les choses ne fonctionnent pas comme ça : mon métier me fait pratiquer cela au quotidien, ces questions font la profession de mon relecteur, ce qui, pardonnez-moi d’être abrupt, ne fait pas le poids face aux oui-dire, aux rumeurs et aux conceptions erronées.

Maintenant, avanti.

Quels sont les droits sur une oeuvre de l’esprit ?

Les droits relatifs à une oeuvre de l’esprit s’articulent selon deux axes.

Le respect de l’oeuvre : le droit moral

Le droit moral concerne la reconnaissance de la souveraineté du créateur sur sa création. Puisqu’il en est le créateur, sans qui rien n’existerait, il a tout pouvoir sur son oeuvre. Il peut notamment exiger que soit respectée l’intégrité de son oeuvre, et qu’elle ne soit pas exploitée d’une façon qui lui déplaise. Par exemple, le droit moral signifie, mais ne se limite pas aux points suivants :

  • L’oeuvre ne doit pas être altérée. (Le galleriste ne peut pas rajouter un Mickey sur mon tableau ; l’éditeur ne peut pas me sucrer un chapitre sans mon consentement.)
  • Elle doit être exploitée conformément à mes voeux. (Je peux refuser que Marine Le Pen utilise ma chanson pour introduire un de ses meetings si je déteste ses idées ; si un éditeur charcute une de mes traductions, je peux refuser que mon nom apparaisse pour ne pas être associé à ça.)
  • J’en suis le créateur et c’est inaliénable1. C’est le droit de paternité.

L’exploitation de l’oeuvre : les droits patrimoniaux

Avec les droits patrimoniaux, nous quittons le monde pur de l’idée. Quand une création est disséminée, elle est exploitée, et cela relève classiquement de la logique économique : le public va jouir de l’oeuvre, en retirer un plaisir (ou un avantage, si, par exemple, une entreprise veut illustrer sa publicité avec ma chanson), et va donner de l’argent en échange de ce travail. Sachant que dans la logique de marché2, la jouissance d’un produit se rapporte à l’achat de celui-ci, l’exploitation de la création se fonde, en première approche, sur la production d’exemplaires et leur commercialisation.

C’est ce que recouvrent les droits patrimoniaux : une oeuvre fait partie du patrimoine d’un créateur, droits qui sont exploités contre, espérons-le, rémunération. Notons que ces droits appartiennent à la base, eux aussi, au créateur ; mais que, la plupart du temps, il n’est pas armé pour les exploiter (on est rarement auteur, éditeur, distributeur et libraire à la fois), aussi va-t-il les céder, contre rémunération, à un acteur qui va, lui, les exploiter, et dont c’est le métier.

C’est pourquoi les contrats d’édition etc. s’appellent techniquement des “contrats de cession de droits d’exploitation ».

Maintenant, abordons les particularités des deux régimes : copyright et droit d’auteur.

Copyright Vs. Droit d’auteur

Même Wikipédia, en préambule de la page copyright, fait un distinguo clair :

Le copyright relève plus d’une logique économique et accorde un droit moral restreint, là où le droit d’auteur assure un droit moral fort en s’appuyant sur le lien entre l’auteur et son œuvre.

Entrons dans les détails.

Qu’est-ce que le copyright ?

Le copyright est une marchandise.

Le copyright, étymologiquement, concerne the right of the copy, ce qui n’est pas, contrairement à ce qu’on lit partout (autre ânerie), le droit de copie, mais le droit relatif à l’exemplaire, soit, en réalité, avant toute chose, le droit relatif à l’exploitation des oeuvres, soit les droits patrimoniaux. Le copyright, reconnu à l’échelle mondiale, mentionne un droit moral, mais celui-ci – et c’est toute l’importance du distinguo – est secondaire aux droits patrimoniaux. En d’autres termes, pour simplifier, pour qu’il existe une exploitation d’une oeuvre, il faut quelqu’un à qui l’attribuer, donc cela implique la nécessité d’un droit moral, mais celui-ci est réduit. Le droit moral, dans ce régime, peut être cédé de manière irréversible. Dans le régime du copyright, tout droit est achetable, et son acquéreur en fait ce qu’il veut. Je n’aime pas l’expression, mais le copyright est, pour simplifier, la loi de l’argent.

Par extension, le copyright peut s’appliquer à toute oeuvre de l’esprit originale – un logo, comme celui des Jeux Olympiques – et peut être déposé par un producteur, un éditeur, une entreprise, sur une oeuvre, collective ou non. C’est une première évidence qui fait de la traduction de “copyright” par “droit d’auteur” une absurdité : comment peut-il y avoir un droit d’auteur quand on a affaire à la création d’une entreprise américaine qui a acheté le droit de paternité d’une oeuvre, au point qu’il n’y a donc plus d’auteur ?

Pour résumer : Copyright = Droits patrimoniaux > Droit moral

Qu’est-ce que le droit d’auteur ?

Le droit d’auteur protège l’Homme.

Il protège avant toute chose, non pas l’oeuvre, mais les droits du créateur sur sa création. Ils sont inaliénables, et seuls les droits patrimoniaux sont cessibles.

Hérité du droit romain et repris en 1789 avec la Révolution, le droit d’auteur, en vigueur en France et dans certains pays européens, emploie la logique inverse du copyright. Il place le droit moral – donc le créateur, souverain sur son oeuvre, celui sans qui, rappelons-le, rien n’existerait – au centre du dispositif, et les droits patrimoniaux découlent de son désir d’exploitation. Seul un créateur dispose de droits d’auteur. Pas une compagnie, une entreprise, un acteur économique3, seulement un créateur (ou un groupe de créateurs), ce qui place l’art au centre du dispositif économique, et subordonne, autant qu’il est possible et contrairement au copyright, l’importance de la création aux impératifs de marché, et non l’inverse.

Selon le droit d’auteur, le droit moral est souverain, non pécuniaire, incessible et inaliénable.

Pour résumer : Droit d’auteur = Droit moral > Droits patrimoniaux

Pourquoi il faut faire la différence

Même si les deux régimes s’efforcent de répondre aux mêmes impératifs, ils le font de manière opposée, répondant à deux conceptions différentes de l’économie, l’une anglo-américaine et libérale, l’autre européenne et d’ascendance romaine. Dans le droit d’auteur, le droit moral prime, ce qui place la création avant la logique économique, alors que dans le copyright, les droits patrimoniaux priment, ce qui place l’économie avant la création.

Répétons-le :

Le copyright est une marchandise.

Le droit d’auteur protège le créateur.

Or, droit moral, par exemple, il ne pourrait exister les licences Creative Commons chères aux libristes. En effet, dans une licence CC-By, par exemple, un artiste abandonne ses droits patrimoniaux, MAIS – et c’est le pilier de la licence, une des façons par lesquelles bien des créateurs se sont faits connaître, comme Cory Doctorow – il exige que l’oeuvre lui soit attribuée. C’est encore plus prégnant dans le cas de la licence CC-By-SA, où l’auteur autorise à ce que son travail soit “remixé”, adapté, édité, MAIS uniquement si la nouvelle oeuvre résultante est distribuée selon le même mode libre. C’est une expression très forte du droit moral.

Quelle équivalence ?

Il n’y en a pas, même si une certaine partie des régimes se calquent l’un sur l’autre. Mais, en défintive, c’est très simple.

Le “copyright” en anglais, c’est le “copyright” aussi en français, car, on l’a vu, cela fait appel à une conception et un régime anglo-américains des choses.

Le “droit d’auteur », c’est “author’s rights” en anglais. Car cela fait appel à quelque chose de différent de leur conception des choses.

Il est capital de faire la distinction car, quand nombre d’activistes veulent torpiller le copyright et qu’ils traduisent par droit d’auteur, ils s’attaquent justement au pilier qu’ils souhaitent valoriser et défendre le plus souvent : le droit moral. La loi est un domaine rigoureux, où le vocabulaire a un poids, un sens précis, et qui ne tolère par l’à-peu-près.

Si l’on veut parler de ces sujets, il convient de savoir exactement de quoi l’on parle et d’employer les mots justes, en sachant ce qui se place derrière, si l’on veut commencer à être écouté.

EDIT : Franck Macrez, juriste et spécialiste du droit d’auteur, apporte ces précisions à l’article : 

Dans le droit moral, il n’y a pas que le droit au respect, dommage de le réduire à cela (le droit de divulgation c’est fondamental). Dans les droits patrimoniaux, il y a reproduction et représentation (important car le copyright ne connaît que la copie, d’où les textes absurdes qui nous viennent de Bruxelles, p. ex. sur les copies provisoires).

  1. Pas aux USA – ou le droit de paternité est cessible.
  2. On peut vouloir changer de logique. On conviendra qu’avant de réformer le copyright, il va d’abord falloir une révolution bolchevique pour changer la société, et ce n’est pas le thème de cet article.
  3. Hormis dans le cas d’ayant-droits après décès du créateur, mais il s’agit d’un transfert de droits.
2014-08-30T18:32:02+02:00vendredi 19 octobre 2012|Best Of, Le monde du livre|27 Commentaires

The Sound of Cylons

Pure awesome genius.

(Je pense toujours aux articles promis ici et là, notamment sur droit d’auteur et copyright. Mais je suis à Paris pour 24h et entre deux portes pour discuter de Potentiels Grands Projets d’Avenir (TM). Ne zappez pas.)

2012-10-16T14:54:50+02:00jeudi 18 octobre 2012|Juste parce que c'est cool|8 Commentaires
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