On est prudent à 24 ans
Autre petit morceau déterré de mes archives de courriel en 2002 (par rapport à celui-ci), pour s’amuser un peu (et parce que je reviens d’Épinal), cette fois plus en rapport avec les sujets actuels. Je m’amuse de la circonspection alors fréquemment d’usage à l’époque : Internet était un bien plus petit village, le réseau n’avait pas encore accéléré drastiquement les rythmes de nos vies, on prenait fréquemment le temps d’écrire des messages d’une page pour exprimer son point de vue, posément, comme dans un salon chic. Vous les voyez, les dorures sous les octets ? Je constate avec amusement (et une pointe d’impatience, quand même) la multiplication des précautions oratoires : qui emploie aujourd’hui « AMHA » (à mon humble avis) ? Qui s’en souvient même ? Internet, c’était mieux avant, quand on était seuls dessus – sérieusement, mettre des gens en contact, c’est quand même mieux quand c’est des gens qui pensent pareil, hein.
JE PLAISANTE. Rhôôôôô. Vous, vous faites partie des gens qui ne pensent pas pareil, hein.
Bref. Le contexte : une réponse – toute mignonnette de prudence – sur une liste de diffusion à un article de China Miéville dont je ne peux deviner la teneur qu’en creux, et dont le lien a disparu. Je constate avec le recul une forme de cohérence dans le discours, mais une rigueur bien moindre (parler de mythe campbellien dans le cas de Gilgamesh, c’est un tout petit peu prendre le truc à l’envers, arghhh).
Mouais.
Je suis assez d’accord sur le fait que l’on a une succession de quêtes tolkienniennes en fantasy.
Mais je ne suis pas d’accord sur le fait que ce soit un problème.
Miéville brosse un portrait un peu moribond de la fantasy, alors que le genre se porte très bien, merci 🙂Après tout, la quête, le voyage du héros, ça existe depuis Gilgamesh, L’Odyssée etc. Alors, dire qu’il faut faire autre chose aujourd’hui ne me semble pas l’*unique* manière de vitaliser le genre.
Le problème AMA, comme toujours, ce sont les quêtes sans qualité, calquées sans imagination. Prenez Eddings: la quête est archi classique, mais cela fonctionne à mon avis, parce que son univers est riche et amusant.
Mais je suis également d’accord avec lui lorsqu’il dit qu’il est regrettable qu’un genre spéculatif se borne autant à son modèle. En un mot: il y a de la bonne fantasy classique et on peut AMHA continuer à en faire.
Mais il ne faut pas non plus faire que ça, bien sûr. Les nouvelles orientations en urbaine par exemple montrent que la fantasy peut offrir bien d’autres choses, et c’est tant mieux.
Il est vrai qu’une frange du marché a pour règle d’offrir avant tout de l’évasion, et pas de la réflexion. Je serais tenté de répondre: et alors, bon sang? Il y a une place pour tout. En SF, si je veux être diverti, m’évader, je lis un bon gros space opera d’aventures. Si je veux réfléchir, je lis Greg Bear. Y a-t-il un problème à l’un ou à l’autre?
En fantasy, si je veux m’évader, je prends une triologie / décalogie à rallonge. Si je veux réfléchir, je choisis plutôt de courts romans incisifs.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec une vision intellectualiste de la littérature qui postule que tout doit être réflexion. Miéville a un peu trop tendance à oublier que les nouveaux courants de la fantasy (urbaine, etc.) se développent très bien et proposent, eux, davantage de réflexion, mettent en scène des visions qui défient notre conception du monde etc.
Il y a donc de la place pour les deux, comme le prouvent AMA les marchés à l’heure actuelle. Donc j’ai l’impression que l’argumentaire part d’un bon sentiment, mais qu’il est un peu dépassé. Le marché et les lecteurs arrivent à ces nouveaux courants de fantasy.
Tant mieux. Mais ne jetons pas non plus la pierre à la BCF.
Alors, les lecteurs sont-ils bel et bien arrivés depuis presque quinze ans à ces nouveaux courants de fantasy ? Je ne saurais dire, mais, le cas échéant, VOUS L’AUREZ LU ICI EN PREMIER.