La boîte à outils de l’écrivain : Scapple, un outil unique pour les réflexions libres et le mind-mapping

scapple

La cartographie mentale ou heuristique (le mind-mapping), c’est très tendance. À en croire ses plus fervents partisans, c’est la solution ultime pour mettre ses idées en ordre ; c’est même la seule manière d’ordonner ses idées, pour et même, pour prendre des notes, donner une conférence, apprendre un cours, obtenir la paix au Proche-Orient. Je disconviens respectueusement. C’est une technique utile pour regrouper des concepts voisins, pour détailler un sujet épineux, mais j’ai toujours préféré les plans hiérarchiques (je fonctionne par plans, c’est probablement le résultat de décennies d’apprentissage et de prise de notes selon cette méthode). Du coup, j’étais fort dépourvu quand la question fut venue : qu’utilises-tu pour cette technique ? Je reconnais son aspect fondamental pour beaucoup de monde, mais, n’étant que moyennement concerné (elle ne me sert que dans des cas très précis), je n’ai pas ressenti le besoin de creuser le sujet, et, dès lors : comment faire une recommandation ? XMind, Inspiration, yEd, Curio, Freemind, Mindnode, et leurs quelque quarante douze mille concurrents ?

Et puis il y avait Scapple. Scapple est un petit outil conçu par Literature and Latte, les sublimes auteurs de Scrivener, dont je ne peux cesser de dire suffisamment de bien. À première vue, Scapple me semblait trop simple, ou trop bancal : pas beaucoup de styles, encore moins de types de relations, une étrange façon de créer des liens entre bulles (glisser – déposer)… Mais Scrivener fait souvent le même effet à la première ouverture : sous-estimé, voire un peu abscons.

Scapple, c’est un peu la même chose : il cache un outil extrêmement flexible, très bien conçu, dont les limites sont justement étudiées intelligemment pour pousser l’auteur, non pas à tripoter des styles pendant des heures, mais à réfléchir. Scapple est un peu austère, et c’est le but : on n’est pas là pour coller des dessins et de jolies icônes, on est là pour jeter ses idées sur la feuille, dégager les relations entre concepts, voire établir une référence pour son histoire. Sur le projet actuel (la trilogie « Les Dieux sauvages »), j’ai au moins cinq ou six documents Scapple ouverts en permanence : les personnages, leurs relations, et même le plan des trois livres, annotés, de façon bien plus visuelle (surtout avec une foule de fils narratifs concurrents) et relationnelle qu’une bête liste de scènes.

Et surtout, c’est plus libre.Voici par exemple un petit morceau des relations politiques dans La Messagère du Ciel (livre I des « Dieux sauvages »), spoiler-free, teaser-full :

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Scapple propose un canevas vierge, sans limites, où il suffit de double-cliquer pour placer une bulle. Le logiciel se prête bien à une entrée rapide des idées, et ne les relie pas par défaut les unes aux autres (sauf si l’utilisateur le souhaite, avec un raccourci clavier). Pour créer et identifier des liens, comme dit précédemment, il suffit de déposer les bulles les unes sur les autres. En d’autres termes, contrairement à tous les autres logiciels de mind-mapping que j’ai testés, Scapple ne part pas du principe que l’on souhaite forcément relier les concepts les uns aux autres ; en d’autres termes, que l’on « épuise » un fil de réflexion avant de passer au suivant. Parce que, je ne sais pas vous, mais mon pauvre cerveau bordélique ne fonctionne pas de la sorte : un personnage me fait penser à son passé qui me fait penser à un événement historique qui m’amène à un fil narratif puis un autre personnage… De façon purement analogique et non ordonnée (sinon, je passe directement au plan hiérarchique). Scapple permet donc d’empiler réellement tout un tas d’idées sans lien les unes avec les autres, permettant de déduire les liens a posteriori – et c’est justement là, à mon sens, que se trouve l’essence de la cartographie mentale. 

La fonction qui tue, pour moi, dans Scapple, c’est la facilité avec laquelle on peut rassembler les notes sous une même bannière : il suffit de dessiner un cadre autour, et hop, toutes les bulles à l’intérieur sont considérées associées et bougeront ensemble dès qu’on déplacera ce cadre. Je n’ai sérieusement jamais vu de logiciel qui rende cette opération aussi simple et naturelle, alors que cela me semble pourtant fondamental, dès que l’on étoffe ses données et qu’on les ordonne. Mais aussi, le logiciel ne se limite pas à la cartographie mentale, et c’est agréable : un organigramme, voire un brouillon de chronologie, tout cela se fait très bien dedans aussi.

Scapple ne regorge pas de styles – quatre types de bulles, une poignée de relations (en gros, pointillé ou continu, flèche ou pas flèche), des couleurs basiques et le minimum en manière de formatage de texte – mais, encore une fois, il s’agit de jeter des idées sur la page virtuelle et de les classer de façon claire et fonctionnelle, pas esthétique. Il me semble qu’il fournit le bon équilibre entre fonctionnalités et simplicité. J’apprécie assez, dans ce genre d’outil, le confort qui consiste à me dire qu’il est inutile de chercher dix minutes comment faire un truc donné qui me servira une fois toutes les pleines lunes : Scapple ne le fait pas, point barre, et je peux assez facilement l’émuler de toute façon en trois secondes avec les outils qu’il me donne. Pour finir, Scapple se synchronise avec Scrivener : il suffit de cliquer-déplacer ses notes pour les voir magiquement transcrites dans le classeur de Scrivener.

Un avertissement important toutefois : pour utiliser Scapple avec profit, il est impératif d’apprendre deux raccourcis clavier qui sauvent, surtout quand on a l’habitude des logiciels de mind-mapping classiques et qu’on est perdu :

  • Pour relier deux bulles avec une flèche et non une ligne simple, maintenez Option sous Mac, Alt sous Windows, au moment du glisser – déposer (pour une relation bidirectionnelle, glissez – déposez une seconde fois en sens inverse) ;
  • Pour créer une bulle directement reliée avec une flèche à la précédente, le raccourci est Contrôle-Option-Commande + une flèche dans la direction où vous voulez créer la note (Contrôle-Option-Commande-flèche bas pour une bulle située en-dessous de la précédente, par exemple) sous Mac, Alt-Majuscule + flèche sous Windows.

En résumé, Scapple n’est pas tant un logiciel de mind-mapping que de mind-mining. On retrouve la philosophie de Scrivener qui consiste à ne pas contraindre l’auteur dans un mode de pensée prédéfini, mais à lui fournir des outils aussi flous, ou précis, qu’il le souhaite selon son mode de pensée. Et, quand un logiciel se targue de m’aider à réfléchir, c’est justement ce que j’attends : qu’il s’adapte à moi, et non l’inverse.

Scapple est disponible ici sous Windows et ici dans le Mac App Store (liens affiliés, n’oubliez pas de commander par la boutique pour soutenir le blog).

2019-06-07T22:44:01+02:00jeudi 30 juin 2016|Best Of, Technique d'écriture|11 Commentaires

Tout le monde diplômé, tout le monde au chômage

Salut, auguste lectorat, c’est le retour de moi énervé, ça t’avait manqué, je ne sais pas, mais greuh.

Alors il se trouve que, depuis quelque temps, j’ai un léger pied dans l’enseignement, et donc de plus en plus de contacts un peu partout sur le sujet. Sais-tu qu’il est impossible de virer un élève de cours sans un camarade pour l’accompagner là où il a été viré, pour des raisons d’assurance (des fois qu’il cherche à ingurgiter un porte-savon) ? Qu’on ne peut, d’ailleurs, le virer que s’il met en danger sa vie ou celle des autres ? (Qu’il mette en danger l’apprentissage des autres, on s’en cogne) Te fais-je un dessin sur le niveau du brevet des collèges (qui, surprise, n’est pas obligatoire non plus pour entrer au lycée – bah ouais, sinon ça implique un… redoublement), sur le niveau du bac, sur le niveau d’orthographe parfois indigne que je découvre en Master de filière littéraire ? Sais-tu que l’admission en Master 1 ou 2 est de droit ? Sais-tu justement que le redoublement est à présent quasi-interdit à tous les niveaux (il faut l’accord des parents, et s’ils s’y opposent, même si la petite Kevina a 4 de moyenne, elle passera quand même au niveau supérieur) ? Et n’attaquons pas la réforme des collèges, etc.

Alors, bah oui, hein. Faisons passer tout le monde d’un niveau à l’autre, même en cas de décrochage grave ; surtout, que les élèves sortent du système scolaire fissa.

Parents, qui interdisez les redoublements contre l’avis des conseils de classe, ce que vous faites est criminel. Redoubler ne signifie pas que votre enfant est stupide, mais qu’il rencontre des difficultés, qui peuvent être de toute nature : difficultés de méthodes ; d’apprentissage ; de maturité ; ou, peut-être aussi, que c’est un glandu fini qui n’a rien branlé et qui a besoin qu’on lui mette un peu de plomb dans la tête, et c’est aussi votre boulot. Peut-être aussi qu’il n’est pas heureux (houlà, un mot grossier, le bonheur) dans une filière d’apprentissage classique. Un gamin en retard scolaire, le forcer à continuer de marcher, c’est le meilleur moyen qu’il décroche complètement, parce que, breaking news, les retards se comblent rarement d’eux-mêmes et les mômes n’obtiennent pas de révélations divines où, tout à coup, ils proclament : « Mais oui, je vais arrêter de jouer à la PlayStation et plutôt calculer des équations différentielles ! » Un refus de redoublement, c’est multiplier drastiquement les risques de décrochage puis d’échec scolaire, mais, forcément, certains parents vivent tant à travers leurs mômes qu’ils ne peuvent pas accepter un seul instant qu’ils rament un peu. Parce que, grands dieux, qu’on les en garde : ce serait les insulter, eux, directement. Ne faisons rien – ça va forcément s’arranger. Il est intelligent, puisqu’il est mon fils.

Non, ça n’a rien à voir.

Cette politique éducative également est criminelle, parce qu’elle ne fait que de la gestion de flux (plus vite on sort les élèves du système, moins ça coûte – qu’on nous garde de proposer un enseignement de qualité en y mettant des moyens !), et qu’elle séduit les parents, les berce dans l’illusion scandaleuse que tout va bien dans l’apprentissage de leur enfant, qu’il est intelligent, alors ça les flatte, ça les fait rêver, peut-être auront-ils une meilleure place, une meilleure vie ; quand on n’y arrive pas soi-même, autant la vivre par procuration à travers la descendance, hein ? Tu seras pharmacien parce que papa ne l’était pas. J’imagine peu de façons aussi ignobles de mentir qu’en flattant l’électeur par de faux compliments sur ses enfants – et en l’en rendant complice, par-dessus le marché. La réussite universitaire n’est pas synonyme de réussite. Surtout quand on la vide tellement de son sens qu’elle ne signifie plus rien.

Ce qui se passe, comme toujours, c’est qu’on favorise ceux qui auront les moyens de payer des profs à domicile, ceux qui naîtront dans des familles où l’apprentissage et la culture occupent une place centrale, ceux qui pourront être accompagnés par l’entourage au quotidien dans le développement de leurs talents, voire ceux qui pourront payer une école privée (qui sélectionne, elle, et pas qu’un peu) à quinze mille brouzoufs l’année ; donc, ceux qui ont des ressources. C’est une forme écœurante d’élitisme tout en maintenant dans le mensonge des générations entières de mômes incapables de s’évaluer et de parents trop fiers de les voir décrocher des médailles en chocolat ; c’est une forme scandaleuse de séduction démagogique, qui réussit l’exploit d’écarter à la fois de la discussion toute considération d’excellence ET le développement personnalisé des talents. Et si, à la sortie, les mômes sont nuls, incompétents, chômeurs ? Ah, ça ne peut pas être la faute de l’État ; c’est le marché du travail, ma bonne dame, qui est concurrentiel, c’est la mondialisation, c’est la faute aux Chinois. Nous, on leur a filé un diplôme, c’est qu’ils sont intelligents, vos mômes, hein, et donc vous aussi. Voilà, votez pour moi.

C’est ainsi qu’on parvient à la faillite de l’effort.

Facebook-education

Je vois de plus en plus d’étudiants partisans du moindre effort qui suivent, cahin-caha, une formation sans conviction et donc sans réelle compétence, qui l’obtiennent avec des moyennes ric-rac, et qui arrivent en fin d’études avec la surprise totale que, ben, faut bosser. Le pire, c’est que je les houspille, les maltraite, et ils aiment ça, parce que, diable, je suis peut-être le premier, ou l’un des rares, à leur dire sincèrement ce que vaut leur travail, et que, bordel, ils en ont bien besoin ! Comment peuvent-ils s’évaluer, se situer, se construire ? Où sont les difficultés, les épreuves qui permettent de se mesurer à soi-même, et surtout, leçon plus importante encore, qui permettent de constater que ces difficultés-là ne sont pas celles au bout du compte qui stimulent, qui motivent – qu’on n’est peut-être pas taillé pour cette filière-là mais pour une autre ?

Et quand le réveil-matin sonne, trop tard, quand le mensonge se dissipe enfin et que vient le moment de découvrir Pôle emploi, quand on se rend compte qu’on n’a rien appris parce que le gouvernement préfère protéger la paix sociale que lancer une réelle politique d’éducation ambitieuse qui permette à chacun de trouver sa place et sa passion, on commet un réel crime contre l’humanité ; on ment à des générations entières, déboussolées, animées d’une colère dangereuse mais aussi parfaitement compréhensible quand elles se rendent compte qu’elles ne sont bonnes à rien et que la société ne leur a pas gardé une place cotonneuse jouant cette même berceuse qu’on leur a joué toute leur vie.

En général, ça se passe mal quand il faut expliquer que le père Noël n’existe pas, ou que c’est Najat Vallaud-Belkacem qui a déposé ta licence au pied du sapin.

Ça m’écœure. L’attitude de l’Éducation Nationale et des directives ubuesques de ses hauts fonctionnaires qui n’ont jamais approché une classe de leur vie, l’attitude des parents trop vexés dans leur amour-propre par les difficultés de leurs enfants pour reconnaître et chercher les sources des problèmes, tout ça me donne envie de déménager dans un pays scandinave ou au Bhoutan. J’ai toujours eu une tolérance très basse à la bêtise ; quand ça provient du système éducatif, lequel est censé, du moins théoriquement, représenter le bastion où, par excellence, on la combat, ça me donne juste envie de ressortir mon permis de gifler.

Allez, pour terminer sur une note plus constructive, je t’encourage très, très chaudement, auguste lectorat, à dévorer les conférences TED de Ken Robinson sur le sujet de l’éducation (qui sont en plus très drôles). Il y en a trois d’un quart d’heure pièce, il connaît le sujet bien mieux que moi et j’adhère entièrement à son propos.

2016-07-01T08:45:25+02:00mercredi 29 juin 2016|Humeurs aqueuses|43 Commentaires

Port d’Âmes finaliste du prix Elbakin !

Couv. François Baranger

Couv. François Baranger

Eh bien, voilà une splendide nouvelle aussi tandis que l’été approche (enfin, qu’il est censé approcher) : Port d’Âmes est finaliste du prix Elbakin, en belle et forte compagnie qui plus est, et cela me fait extrêmement plaisir ! Grand merci au jury du prix pour avoir remarqué le roman, et félicitations à tous les nominés !

Voici la liste complète :

Meilleur roman fantasy français :

Meilleur roman fantasy français Jeunesse :

  • Elia, la passeuse d’âmes, de Marie Vareille, éditions PKJ.
  • L’autre herbier, d’Amandine et Nicolas Labarre, éditions Les Moutons électriques.
  • Les loups chantants, d’Aurélie Wellenstein, éditions Scrineo.
  • Les Mystères de Larispem de Lucie Pierrat-Pajot, éditions Gallimard
  • Un ogre en cavale, de Paul Beorn, éditions Castelmore.

Meilleur roman fantasy traduit :

Meilleur roman fantasy traduit Jeunesse :

NB :

  • Cette année, nous ne décernerons pas de prix spécial.
  • Mon roman Le village étant publié comme Un étranger en Olondre chez les Editions de l’Instant, je (Emmanuel Chastellière) ne participerai pas aux débats concernant cette catégorie du prix.

[Source]

2016-06-27T11:04:46+02:00mardi 28 juin 2016|À ne pas manquer|5 Commentaires

Léviathan, la bande originale, première partie en vente !

lachute-points

Couv. Plainpicture / Bluegreen / M. Pitts

C’est un grand et beau jour, auguste lectorat : la bande originale tirée de la trilogie Léviathan, composée par l’illustre Jérôme Marie, est disponible à l’achat (et ce pour un tout petit prix : 3€ !).

Il s’agit de la première partie du projet, qui en contiendra entre 8 et 10 par tome. Cette première partie introduit le personnage de Michael Petersen, un père de famille sans histoire à l’exception du naufrage qui a coûté la vie de ses parents et dont il garde, depuis, un mélange d’attirance et de terreur envers l’océan… Et sa fête de départ un peu triste, car il part en Antarctique pour trois mois – un voyage qui va déclencher toute une cascade de terribles événements dont il sera le centre.

Chaque mouvement est assez long : ne craignez pas de payer 3€ pour un morceau de trois minutes vite oublié, on est bien au-delà, c’est de la grande et belle musique qui s’écoute à tête reposée et dans laquelle on voyage ! Lien direct pour l’achat.

Sinon, la page Facebook du projet se trouve toujours ici, n’hésitez pas à vous y abonner pour être informé des dernières nouvelles. Jérôme Marie compte publier un mouvement par mois.

https://soundcloud.com/circes76/leviathan-extrait-1

https://soundcloud.com/circes76/leviathan-extrait-2

2016-06-22T18:19:37+02:00lundi 27 juin 2016|À ne pas manquer|1 Commentaire

Entretien chez les Artisans de la Fiction à propos de la technique narrative

Les Artisans de la Fiction : Quels sont vos techniques pour la caractérisation d’un personnage, lors de sa première apparition dans un texte ?

N’importe quoi qui serve l’histoire ou le personnage dont il est question. Mais disons que je suis un convaincu de l’adage « show, don’t tell » (montrez, ne dites pas). Dans tous les récits, à tous les niveaux et donc aussi pour les personnages, je préfère montrer les enjeux, les caractéristiques, la psychologie par l’exemple, l’action, plutôt qu’en le relatant simplement. Je suis un lecteur impatient et j’aime qu’on m’embarque dans un récit, pas qu’on me le dise sans que je puisse le vivre.

Heya ! Les Artisans de la Fiction m’ont proposé une interview assez technique sur la, euh… technique de l’écriture. Démarche de passation, débuts, construction, personnages, nous parlons de pas mal de trucs, et c’est ici.

2019-08-28T21:23:07+02:00jeudi 23 juin 2016|Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Entretien chez les Artisans de la Fiction à propos de la technique narrative

Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême

T'as vu mon space vison ?

T’as vu mon space vison, la classe hein ?

Les débuts sont finalement tous un peu les mêmes (non pas du point de vue du contenu, mais de l’approche, évidemment). Même un auteur structurel comme ton serviteur, auguste lectorat, qui aime construire des langues fictives, des cartes, définir le passé et l’origine sociale de chaque personnage, connaître son âge au mois près, a forcément besoin de se lancer dans l’arène. Aucun plan de bataille ne survit au contact de l’ennemi, ce qui n’est pas de Sun Tzu, bien qu’on aurait pu le croire, mais d’Helmuth Karl Bernhard von Moltke, un mec qui devait se marrer quand il s’agissait de signer sa carte 12-27 dans ce foutu petit emplacement tout minuscule.

L’écriture d’un roman commence à peu près toujours pareil, et je commence à en avoir commencé (tu suis ?) – et fini, surtout – suffisamment pour mesurer que : c’est normal. Passer dix minutes sur une phrase, se trouver atrocement lent, ne pas comprendre comment, sur les manuscrits précédents, on a pu connaître des moments de grâce et des journées à 50 000 signes et se voir péniblement en boucler 10 000 pour l’instant, tout cela est normal, cela fait partie du processus. L’écriture est un muscle, ou bien : un moteur diesel, il faut que ça chauffe. Surtout quand on s’engage dans une trilogie au long cours comme « Les Dieux sauvages », laquelle contiendra une flopée de personnages et de lieux (à telle enseigne que, pour la première fois, je pense placer un aide-mémoire des noms, notamment pour ceux qui lisent sur une longue période et peuvent avoir oublié qui est qui) ; il faut se familiariser avec les personnages, avec le ton, le vocabulaire, s’apercevoir que ces gens ne disent peut-être pas « ouais » ou « merde » aussi naturellement que nous, qu’on a besoin d’un juron local tout de suite, et d’une information sur la chasse au collet, et d’ailleurs à combien de mois sommes-nous exactement de la fonte des neiges, et ah, tiens, finalement, Machin, tu veux dévider tout ton passé là tout de suite parce que ça te pèse et que ça ne peut pas attendre le chapitre 12 ? Okay…

Pour ma part, l’écriture suit une courbe logarithmique, avec un début lent, le temps que tous ces gens trouvent leur voix (et moi avec), que l’orchestre apprenne à se connaître, qu’on entame le voyage tous ensemble. La préparation est bien jolie, mais vient toujours un moment où il faut se lancer aux côtés des protagonistes, et nul plan n’y suffira jamais. Mais c’est aussi une partie du plaisir, justement, et c’est pour cela, je le crois de plus en plus, qu’il ne faut pas trop s’appesantir en préparation – oui, je vous regarde, camarades auteurs structurels. La préparation donne un filet de sûreté, nous savons où nous allons, nous n’allons pas caler en plein désert, mais, en principe, on peut finir par s’abstenir d’étudier de façon obsessionnelle la carte pour davantage profiter de la promenade, des chemins de traverse, des éventuels raccourcis ou meilleurs trajets qui se présenteront, et prendre du plaisir à la balade. Pour avancer, il suffit peut-être d’avoir un objectif de long terme bien compris et assimilée, d’une idée claire de la scène en cours et d’une vague conception de la poignée qui suivra ; avec les bonnes questions narratives – où sont-ils, que veulent-ils, comment cela fait-il avancer l’histoire – l’auteur détient toujours une boussole, ce qui compte peut-être davantage, au bout du compte, qu’une carte très fiable. On n’écrit qu’une scène à la fois, qu’une phrase à la fois, jamais un roman tout entier ; il faut arrêter d’angoisser qu’il faut tout avoir en tête à chaque instant. Impossible.

Du moins, découvre-je, c’est ce que vers quoi je tends de plus en plus actuellement dans ma pratique, et dans l’écriture des Dieux sauvages. Et tu sais quoi, auguste lectorat ? Eh bien, c’est fun. Mais je me rends compte aussi que j’aurais été incapable d’une telle approche il y a plusieurs bouquins, parce que j’avais trop peur. Bon sang, il faut bien que j’apprenne des trucs sur la durée, à force, le plus important étant : me faire confiance, mon inconscient sait ce que je fais et me guidera si je le laisse faire, mon conscient peut lâcher prise et se concentrer juste sur l’action du moment. Ça va aller. J’ai déjà fait tout ça plusieurs fois, au bout d’un moment, ça ne peut pas être entièrement un coup de chance (ainsi que le hurlent évidemment, toujours, tous les egos névrotiques de tous les auteurs de la Terre). Je ferai de mon mieux, comme à chaque fois, et je le referai – je ne peux pas davantage, et je refuserai moins. Et j’ai appris des trucs. Donc, si je prends seulement soin de m’écouter, cela a même de fortes chances de devenir meilleur à chaque fois1.

Au fait, le titre de travail du Livre I des « Dieux sauvages », titre qui a de fortes chances de devenir définitif, est La Messagère du ciel. 

  1. Cela ne veut pas dire qu’il faut attendre ma mort pour acheter mon dernier bouquin, hein. Mon éditeur n’est pas d’accord. Et moi non plus. Sinon, ma mort arrivera plus tôt que tard, de toute façon – d’inanition.
2016-06-21T19:15:17+02:00mercredi 22 juin 2016|Technique d'écriture|15 Commentaires

Les lycéens parlent des Imaginales sur leur radio (Schuman à Metz)

_Imaginales__2e_jour__Il_fait_encore_beau___Epinal____fantasy__livres__evenementLes lycéens de Schuman, à Metz, ont leur propre radio et ils ont consacré toute une section d’un de leurs derniers numéros aux Imaginales ainsi qu’aux finalistes du prix Imaginales des lycéens. J’y glisse quelques mots vers la fin, en rapport à Port d’Âmes et au festival (la section sur les Imaginales commence à 48 minutes environ). Merci à Aline et Lucie pour cette rencontre :

https://soundcloud.com/radioschumanmetz/radio-schuman-metz-s03e03

2016-06-14T10:51:51+02:00lundi 20 juin 2016|Entretiens|Commentaires fermés sur Les lycéens parlent des Imaginales sur leur radio (Schuman à Metz)

Écrire des histoires : devenir écrivain professionnel ? (table ronde aux Imaginales 2016)

Imaginales-tr-ecrivain-pro
Photo ActuSF. Jean-Luc Marcastel, Sylvie Miller, Samantha Bailly, LD, Johan Heliot.

Et pour finir sur les captations des Imaginales 2016 (merci à ActuSF qui réalise tout ce travail), une table ronde qui portait sur l’écriture, le métier, sa technique, ses réalités… Avec quelques avertissements pour ceux et celles qui veulent se lancer dans l’aventure…

Modérée par Sylvie Miller. Avec : Samantha Bailly, Johan Heliot, Jean-Luc Marcastel et moi-même, donc. La captation est écoutable ou téléchargeable sur cette page.

Extrait vidéo :

2023-02-04T07:07:31+01:00jeudi 16 juin 2016|Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Écrire des histoires : devenir écrivain professionnel ? (table ronde aux Imaginales 2016)

Mise à jour des présentations d’atelier mises à disposition (par Jean-Claude Dunyach)

jcd-trouverediteur-thumbDonc, à la fin du mois dernier, c’était les Imaginales, cette grande et belle fête de l’imaginaire : Jean-Claude Dunyach et moi-même y avons proposé une Masterclass sur la correction des manuscrits et les relations avec le monde éditorial. Jean-Claude propose l’intégralité de ses présentations réalisées à l’occasion de cette journée en téléchargement gratuit, et les a récemment mises à jour : ce petit mot, donc, pour signaler que les nouvelles versions sont en ligne, au même endroit que précédemment :

Pour ma part, on y trouvera Écrire, une technique, un métier et Trouver une idée, construire un scénario.

2016-06-14T10:03:25+02:00mercredi 15 juin 2016|À ne pas manquer, Technique d'écriture|3 Commentaires
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