Le monde est différent. Nous pas.
Well, fuck.
John Scalzi
Je ne vais pas prétendre que j’ai une grande analyse profonde à vous proposer alors que le monde entier a la gueule de bois, que nous sommes innombrables à être terrifié·es du monde dans lequel nous nous réveillons aujourd’hui et de ce qui nous attend pour les quatre ans à venir.
Une pensée cruciale, cependant : il est indispensable de ne pas baisser les bras. Je sais qu’on en a tou·tes gros sur la patate, que le monde est vraiment très très compliqué, est-ce qu’on pourrait calmer un peu le manège un moment s’il vous plaît – il est sain et normal de se poser un peu avec ses émotions, d’accepter qu’on vient de prendre une brique sur le coin de la gueule et que ça fait mal, deux secondes, je dis aïeuh, je suis à vous dans un instant.
Cependant, la vie n’est pas finie, la civilisation n’est pas vaincue, le monde n’est pas mort. Je sais que c’est extrêmement tentant de penser ou de parler ainsi, parce qu’on en a marre, mais les mots ont du pouvoir, et si nous commençons à les dire, même de dégoût, ils finiront, à force, par prendre de la réalité. Nous créons notre environnement autant qu’il nous façonne.
That is very much how autocracies take hold. People get tired of fighting. Mass withdrawal from the public sphere is the foundation of autocracy.
https://talkingpointsmemo.com/edblog/status-check-before-midnight – emphase de mon fait
L’avenir peut sembler bouché, le monde épouvantable, et ils le sont à bien des degrés. Les droits de tout ce qui n’est pas hétéro, cis, homme, blanc et riche, l’équilibre géopolitique, le climat, tout ça se trouve en très réel danger. La colère envers les irresponsables qui ont voté pour un criminel fasciste est légitime. Mon cœur saigne pour tous les amis qui se trouvent là-bas et les innombrables personnes qui ne voulaient pas de lui.
Pour essayer de nous donner une lueur d’espoir, rappelons-nous que :
- Dans les années 1950, le McCarthysme battait son plein avec l’existence d’un comité jugeant les activités anti-américaines (HUAC).
- Dans les années 1960, la crise de la baie des Cochons a amené le monde au bord de la Troisième Guerre Mondiale.
Le monde a survécu, et ce qui passe pour notre civilisation aussi.
Ce n’est absolument pas pour minimiser et dire que tout ira bien – non, parce que l’élection de Trump et ses doctrines vont faire, et font déjà plus que ravages : des morts. Et ça n’est que le début. Mais sa présence n’est pas une fatalité, un signal d’extinction. L’humanité a déjà connu des crises graves, et elle est encore là, grâce à la décence, aux bonnes volontés, aux personnes courageuses qui ont gardé un compas moral.
La seule véritable catastrophe consiste à jeter l’éponge. Ne le faisons pas, où que nous soyons. Tou·tes, à notre échelle, nous devons résister, par la pensée, la parole et l’acte.
Et, en passant, l’une des leçons les plus immédiates et tellement faciles à retirer pour nous dans le reste du monde, c’est qu’il faut voter. Les extrémistes vont toujours aux urnes, et quelle que soit l’opinion qu’on pouvait avoir de Kamala Harris, la situation était claire : dans un cas, il y avait une candidate respectueuse du processus démocratique, des institutions de son pays, dans l’autre, un autocrate avéré, condamné plusieurs fois, leader d’une insurrection, qui cite Hitler tranquille.
Ce n’est pas la même salade. Du tout. Et si la France ou d’autres pays se trouvent confrontés à ce même genre de situation, j’espère que nous aurons collectivement la clairvoyance de le constater, quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir de « l’alternative ».
Les votes comptent. Les États-Unis vont endurer quatre ans (on espère que ça se limitera à ça) très douloureux, et le monde aussi, par voie de conséquence. Qu’il le veuille ou non, ce pays montre le chemin au monde: maintenant qu’ils ont fait cette erreur colossale, ne la faisons pas à notre tour. Et ça peut être, parfois, aussi décisif que bouger son cul en nombre pour éviter qu’une pure ordure se retrouve élue par défaut.
Testons Apple Notes pour faire une base de connaissances en 2025
Le meme est connu.
Mais a-t-il une quelconque valeur ? Toujours à la recherche de l’organisation magique qui, évidemment, réglera tout problème de concentration, m’octroiera la clairvoyance ultime façon fin de 2001, et accessoirement rendra plus claires la myriade d’idées et de trucs que je garde en tête pour « Les Dieux sauvages », j’ai fini par me dire : eh ! Et si j’essayais Apple Notes ? On peut faire des liens entre notes façon wiki / Zettelkasten, maintenant…
Pourquoi c’est bien
En effet, Apple Notes offre des tas de trucs grands et petits qui rendent vraiment la vie plus facile, grâce à l’intégration profonde au système. Déjà, c’est la seule app à offrir une réelle intégration poussée entre écriture manuscrite et texte tapé. Il est facile et réellement agréable de prendre des notes à la main sur son iPad grâce à un très bon jeu d’outils d’écriture manuscrite, puis de passer sur son Mac pour les mettre en forme au clavier, et les deux types de contenu se mélangent proprement dans la majeure partie des cas. Évidemment, la reconnaissance de caractères est présente.
Je n’avais jamais vraiment essayé de mélanger les deux modes de travail, mais c’est extrêmement alléchant. La liberté offerte par la réflexion manuscrite s’allie à la tranquillité de tout retrouver au même endroit, au lieu de se trouver séparé entre apps, ce qui nuit à la distillation des idées dans leur forme définitive. Imaginez : vous griffonnez des trucs sans suite dans le même environnement où ces trucs vont peut-être donner une structure, une histoire, une saga. C’est difficile d’en revenir.
Comme mentionné plus haut, on peut aussi faire des liens entre notes (ce n’est pas nouveau, mais ça reste obscur pour pas mal de monde) : il suffit de taper >>
dans le texte et l’app suggère une liste de notes récentes, ou bien l’on peut en créer une nouvelle. Les liens sont également renommés partout automatiquement si l’on renomme la note d’origine.
Notes propose d’organiser ses données par dossier et/ou par tag, et permet même de faire des requêtes simples pour créer des vues dynamiques de ses informations (« Montre-moi toutes les notes modifiées le mois dernier dans ce dossier avec ce tag »), dites « dossiers intelligents » (comme dans Mail ou le Finder).
La capture d’idées au vol dans Notes est extrêmement rapide, intégration au système oblige, avec la fonction des « notes rapides » accessible partout dans macOS et iOS, et inclut même à présent le dictaphone ! Pour meumeumer des idées de morceaux, c’est très pratique. Et sur iPad, on peut même configurer sa tablette pour ouvrir une note manuscrite depuis l’écran verrouillé rien qu’en tapotant l’écran avec son stylet, comme un bon vieux bloc-notes analogique (ou une tablette reMarkable). Toutes ces petites fonctionnalités réduisent la friction et permettent de faire chanter l’app sous ses doigts. La la la.
Enfin, si l’on a activé la protection avancée des données, toutes les notes sont chiffrées de bout en bout.
Mais c’est encore un peu branlant
Dans ce test, je me suis dit rapidement : « yeah, mais en fait, le meme a raison : les grandes personnes utilisent Apple Notes ». Et puis… argh. La friction qu’on enlève d’un côté, d’une façon très Apple, on la retrouve de l’autre, d’une façon hélas… très Apple aussi, en tout cas l’Apple des dix dernières années qui laisse des bugs ou des oublis incompréhensibles en place pendant des années.
Déjà, et c’est l’énorme point noir, la synchro fait un peu peur. C’est iCloud, on en a parlé, et dans mes tests sous iOS 18.à et macOS 15.0, j’ai eu des notes complexes (mélangeant donc plusieurs pages d’écriture manuscrite et du texte) qui, oh ben comme c’est surprenant, refusaient de se synchroniser. Depuis les versions .1, ça semble s’être débloqué dans mes tests ultérieurs, mais j’ai toujours un peu l’impression de conduire ma vieille bagnole avec iCloud : des jours elle démarre, des jours non. Or moi, j’ai besoin d’aller quelque part.
Ensuite, la performance de l’app fait peur aussi. Mon iPad Pro M4 flambant neuf chauffe comme ma vieille Surface Pro quand j’écrivais à la main dessus il y a dix ans, ce qui est complètement inacceptable, et l’app iPadOS lag aléatoirement (probablement en raison de la chauffe). Quand ça marche, c’est génial. Mais des fois, comme avec iCloud, ça tousse, et si j’accepte les compromis d’une app simple, j’attends une performance impeccable (c’est ce qui me ramène toujours à Bear).
Le formatage du texte est… bizarre ? Il semble que ça soit du texte riche, l’app propose des styles par défaut, donc ça ressemble de loin à un formatage standard, mais en fait non, on se rend compte qu’on peut changer absolument tout, comme la police et la taille du texte, mais seulement sur Mac, donc il y a des styles, mais ça n’est pas aussi propre que du Markdown… Bref : c’est bizarre.
Y a des tas de petits bugs ou de petites limitations. En vrac, les trucs rencontrés dans mon usage : les notes rapides permettent d’ajouter un lien au contexte où l’on se trouve (app, page web, mail) pour y revenir ensuite mais ils sont régulièrement inexacts entre plate-formes (le lien iOS ne marche pas correctement sous Mac) ; les tags ne sont pas hiérarchiques ; commande-clic sur un lien de note ne l’ouvre pas dans une nouvelle fenêtre, ce qui est vachement important pour manipuler rapidement ses notes ; on ne peut pas mettre les dossiers intelligents dans des dossiers normaux ; l’historique Annuler / Rétablir est vidé à chaque changement de note, ce qui augmente le risque de mauvaise manipulation irrécupérable ; on ne peut pas imprimer sur Mac plus que la page 1 d’une note contenant de l’écriture manuscrite… Rien de bien rédhibitoire individuellement, mais à force, ça fait beaucoup, et c’est agaçant de trouver des portions tellement propres et léchées de l’app, des moments où l’on se dit « wahou, c’est trop bien pensé » et d’autres qui arrêtent avec un « quoi ? on peut pas faire ça ? mais what the otarie ? »
Enfin, et c’est le point le plus ennuyeux à l’heure actuelle pour une base de connaissance : Apple Notes ne propose pas de backlinks (de lien retour), c’est-à-dire une section montrant toutes les notes dont les liens pointent vers celle sur laquelle on travaille (ce qui n’est pas rigoureusement indispensable, mais tellement pratique). Il existe cependant à ma connaissance trois façons d’importer cette fonctionnalité :
- Avec les apps ProNotes ou Alto.computer (uniquement sur Mac) qui ajoutent des boutons discrets à l’interface pour proposer une liste de liens retour,
- Ou avec un Raccourci malin qui fait une recherche dans la base sur le titre de la note (je l’ai vu faire, je n’ai pas d’exemple tout fait à proposer)
Mais ça veut dire dépendre d’un outil tiers pour une fonction considérée incontournable par beaucoup… Et c’est fâcheux.
On fait quoi ?
Évidemment, les projets de développement pour cette app étant encore plus opaques que la volonté de Zeus, vous avez la totale liberté de sacrifier une biche pour lire ses entrailles et voir si Apple projette un jour de remédier à tout ça, ou bien si ça va rester en l’état pendant les douze prochaines années.
Sur le papier (électronique), Apple Notes offre ce qui s’approche le plus du Graal : une app qui fait tout suffisamment bien pour proposer un jeu de fonctionnalités cohérent, certes moins puissant que pour d’autres outils spécialisés (pas de vue graphe à la Obsidian, mais ça n’est pas l’idée), mais dont l’intégration produit plus que la somme des parties. Hélas, l’érosion de l’assurance qualité d’Apple se fait sentir assez fort ici, et le verrouillage des données sous un format propriétaire (on peut toujours exporter, mais ça n’est pas aussi portable qu’un bon vieux fichier Markdown) me rend vachement frileux.
L’année prochaine, peut-être. S’ils ajoutent les backlinks, par exemple… va falloir discuter.
Écrire en musique : Void Stasis
En voilà de la musique qu’elle respire la joie de vivre, avec des titres charmants et évocateurs comme « Lung Fibrosis » ou « Costochondrial Separation », et avec une image de couverture qui évoque tout de suite les petits oiseaux et les licornes et pas du tout des univers en état de mort tiède dont les astres sont trop lointains et arides pour jamais pouvoir soutenir la moindre forme de vie –
Void Stasis est un collectif de dark ambient dont le premier album, Ruins, avait déjà fait parler de lui, mais le suivant, Viral Incubation, est un petit chef-d’œuvre du genre, incroyable et glaçant hommage à toutes les horreurs de SF type Alien : l’expédition arrive sur la planète, découvre des trucs extraterrestres anciens, cosmiques et indicibles, ça tourne au drame atroce, et elle s’en tire de peu dans le sang, les larmes et les explosifs. Absolument pas recommandé pour écrire des scènes ensoleillées et guillerettes, mais si vous versez dans le glauque ou l’horreur, c’est juste parfait (pas du tout invasif pour l’esprit, donne juste assez de textures pour le concentrer). Bizarrement, je tourne beaucoup à ça pour certains passages de La Succession des Âges.
Si vous ne connaissez pas encore, vous pouvez en profiter pour jeter un œil à la page Bandcamp du label Cryo Chamber, éditeur de Void Stasis et autres artistes du même tonneau comme Atrium Carceri ou (mon autre chouchou du moment) Tineidae – j’ai à peine commencé à mettre le doigt dans la machine mais il y a de quoi peupler quantité de sessions d’écriture sinistres – ou de méditations aux frontières des ténèbres.
Procrastination podcast s09e04 – Les prologues
Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s09e04 – Les prologues« .
Le prologue le plus célèbre de l’imaginaire est probablement celui du Seigneur des Anneaux ; mais Lionel argue que ce n’est plus vraiment possible d’en écrire ainsi de nos jours… Qu’est-ce qui fait un bon, ou un mauvais prologue ? Quels en sont les atouts, les fonctions ?
Estelle les adore ! Ils peuvent donner un avant-goût du premier chapitre, avancer les enjeux du récit, créer des contrastes, établir le pacte de lecture. (Et elle aime aussi les prologues mythologiques.)
Lionel les voit comme une énorme promesse narrative, qu’il va falloir payer par la suite : attention à ça !
De son point de vue de lectrice et traductrice, Mélanie approuve l’aspect accrocheur du prologue, et parle un peu des techniques de Brandon Sanderson.
Références citées
- X-Files, série TV de Chris Carter
- Game of Thrones, série TV adaptée des romans de G. R. R. Martin
- Furiosa, film de George Miller
- Jean Racine
- « Les Archives de Roshar », série de Brandon Sanderson
Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :
Bonne écoute !