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N’écrivez pas ce qui vous saoule

On trouve cette recommandation sous diverses formes : chercher enthousiasme et amusement dans la création ; dans les mots d’Elmore Leonard, « s’efforcer de ne pas écrire les parties que les lecteurs tendent à sauter ». Dans les faits, alors que l’on part à la découverte de son histoire, et que l’effort de maintenir les modèles mentaux de sa narration peut être important, le gros fun n’est pas toujours facile à saisir. Écrire peut être difficile, on le sait, et c’est une importante cause de procrastination.

En outre, une narration complexe (sur un roman, ou davantage) exige parfois certains passages un peu plus mécaniques. Tel personnage doit se rendre à tel endroit pour la suite de l’action ; telle information doit être donnée au lecteur ou communiquée à quelqu’un.

« Doit » devrait (heh) représenter un verbe signal d’alarme. On en parle suffisamment dans Procrastination, il n’y a pas de « doit » dans la création. Mon avis : il y a ce qu’on veut, et ensuite, une exécution que l’on espère efficace. « Devoir » en passer par telle ou telle étape dans la création peut quand même être ponctuellement nécessaire (« je dois établir clairement tel lieu pour la baston qui suit ») mais il est facile d’atteindre l’overdose de nécessités narratives – et là, le fun s’évapore à jamais, rendant l’écriture non seulement difficile, mais chiante à crever.

Mais comment faire, alors, si l’histoire exige quand même de tels passages, si l’on « doit » passer par telle ou telle étape pour la faire avancer ? Parce que ces exigences mécaniques sont parfois bien présentes.

On peut résoudre cette difficulté en cherchant quelque chose d’excitant à écrire dans un passage « nécessaire » – c’est une solution efficace et souvent fonctionnelle. Mais en poussant plus loin, humblement, ma réponse est : ne les écrivez pas. Sérieusement.

Règle empirique : si un truc vous saoule et qu’il s’agit d’une exigence purement mécanique de la narration, passez dessus au plus vite pour atteindre les passages qui vous amusent vraiment (c’est là qu’il est important de savoir manier la différence entre show et tell). N’imaginez pas que le lecteur ronchonnera : en général, on nous sait gré d’avancer rapidement jusqu’à la prochaine étape excitante de notre narration, beaucoup plus rarement de ralentir. (Une exception à cela : gérer correctement ses variations de rythme et de suspense, ce qui peut induire un étirement ponctuel de l’action, mais c’est souvent une chose qui s’affine aux corrections, pas au premier jet.)

Bien sûr, quand on lutte, la différence entre difficulté et ennui dans l’écriture peut être ténue. La première est inévitable, peut-être même souhaitable, car elle force à sortir de sa zone de confort, pour trouver de nouvelles solutions et idées personnelles à une embûche narrative. En revanche, le second vous tuera à la longue – et tuera votre lecteur. Si vous vous emmerdez, cherchez un moyen de passer au plus vite. Et si, au pire, il fallait vraiment un passage plus démonstratif, vous pourrez toujours l’intégrer aux corrections avec le recul.

Voyez-le simplement comme ça : personne n’aime les fillers dans les anime.

2022-09-10T03:39:25+02:00mardi 13 septembre 2022|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur N’écrivez pas ce qui vous saoule

Locus relaie le limogeage scandaleux de Stéphanie Nicot des Imaginales

Je suis loin d’avoir été le seul à m’émouvoir de cette décision aussi scandaleuse qu’imbécile (rappel des épisodes précédents, et pourquoi la ville d’Épinal s’est mise dans une situation impossible), mais l’affaire franchit à présent les frontières : Locus, le magazine professionnel le plus important de l’imaginaire (en langue anglaise), s’en est fait l’écho ici, et ça n’est pas à la gloire de la mairie d’Épinal, comme de juste.

La ville a également réagi négativement aux requêtes présentées par Nicot pour obtenir une meilleure rémunération, pourtant, dans son appel d’offre, elle propose un salaire plus élevé que celle-ci n’en a jamais touché.

Locus

➡️ Lire l’article

2022-09-10T03:38:14+02:00lundi 12 septembre 2022|Le monde du livre|Commentaires fermés sur Locus relaie le limogeage scandaleux de Stéphanie Nicot des Imaginales

Donnez de l’impact à vos textes en supprimant les verbes d’indirection

L’indirection, c’est un horrible anglicisme venu du monde de la programmation : c’est une technique pour accéder à l’adresse d’un objet. Dans le monde réel, ça pourrait donner ça : au lieu de dire « le ministère des Armées », on dirait « le ministère installé rue Saint-Dominique à Paris ». C’est exact, mais ça nécessite quand même un petit effort mental pour savoir de quoi on parle. C’est indirect. (Je précise que l’expression « verbe d’indirection » n’existe absolument pas dans l’analyse littéraire respectable, c’est juste mon propre terme pour le truc.)

Le rapport avec l’écriture de fiction ? Tous les verbes qui induisent une médiation entre l’action et les personnages créent le même effet indirect. Comparez :

Jean-Eudes vit que le compte à rebours de la bombe n’indiquait plus que sept secondes.

Avec, pour la même action exactement :

Le compte à rebours de la bombe n’indiquait plus que sept secondes.

Niveau tension, c’est quand même autre chose. Dès que l’on place un intermédiaire entre l’action et le personnage, et donc le lecteur, on éloigne les événements – c’est mécanique. Donc, ils perdent en impact. Dans vos relectures, pensez-y : passer le point de vue en induit est une manière très simple et efficace de donner de l’immédiateté à votre action.

Bien sûr, c’est comme tout, ça n’est pas forcément à systématiser. Si vous avez bien compris l’effet, vous pouvez choisir dans certaines circonstances, au contraire, de désirer une indirection pour établir une distance clinique, ralentir le rythme, que sais-je encore.

Dans ce contexte, l’indirection était peut-être indiquée.
2022-09-03T02:00:54+02:00jeudi 8 septembre 2022|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Donnez de l’impact à vos textes en supprimant les verbes d’indirection

Atelier de rentrée : Écrire un roman fantastique [à distance]

La retraite chez Parenthèse est complète, mais je suis heureux de pouvoir proposer d’autres ateliers et cours cet automne. L’école Les Mots propose toute une série d’ateliers de rentrée organisés en visio, et je suis fier de porter les couleurs de l’imaginaire dans ce programme ! Cet octobre, au cours d’un atelier à distance sur quatre mois, lancez-vous dans l’écriture de votre projet d’imaginaire, en partant de zéro jusqu’à un debrief de vos premiers temps d’écriture.

Cet atelier suit une nouvelle formule et se déroulera entièrement à distance, en trois phases : 

  1. Les quatre premières séances collectives, en octobre / novembre, viseront à cerner les exigences romanesques de l’imaginaire et ses techniques fondamentales.
  2. Le mois de décembre sera ensuite consacré à avancer dans un texte plus long, chez vous. 
  3. Nous nous retrouverons ensuite deux fois en janvier pour échanger en groupe sur le processus de cette écriture, vous aider à affiner votre trajectoire et vous armer de sorte que puissiez conduire ensuite, par vous-même, le projet à son terme. 

Bonus inclus dans la formule : Les Mots proposent ensuite une séance facultative sur le thème de l’édition. Charlotte Milandri, responsable du service éditorial de l’école, évoquera les attentes des éditeurs, les défauts récurrents d’un manuscrit, certaines techniques de retravail et elle répondra à vos questions sur le monde de l’édition.

(Attention, contrairement à d’autres formules de l’école, cet atelier ne permet pas de proposer un retour détaillé et personnalisé sur chaque production ; les séances de debriefing sont collectives, comme dans un stage intensif. Il s’agit ici d’apprendre les bons outils et d’accompagner le lancement de votre projet afin que vous puissiez le poursuivre de manière autonome.)

➡️ Voir les infos pratiques et modalités d’inscription.

2022-11-16T08:09:40+01:00mardi 6 septembre 2022|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Atelier de rentrée : Écrire un roman fantastique [à distance]

La retraite d’écriture chez Parenthèse est complète

Un mot de remerciement pour votre confiance et la rapidité assez stupéfiante à laquelle les places se sont remplies : la retraite d’écriture près d’Orléans chez Parenthèse est complète. Vu l’intérêt pour l’initiative, j’essaierai probablement de reproposer des choses de ce genre !

2022-09-03T01:59:41+02:00lundi 5 septembre 2022|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur La retraite d’écriture chez Parenthèse est complète

Une page de présentation sur l’univers de Léviathan

C’est presque risible, le temps depuis lequel je promets de développer les univers sur le site (Évanégyre bien sûr, mais aussi Léviathan). Il y avait d’ailleurs un peu de contenu jadis, mais qui a disparu avec un passage sur une certaine version de WordPress.

Bref, à mesure que La Succession des Âges avance lentement mais sûrement, et qu’Évanégyre va vers la conclusion de son premier grand cycle, ordonner un peu tout ça devient nécessaire (je reçois de plus en plus de questions me demandant par où commencer, et je vous entends : c’est pas clair. La réponse étant : par n’importe quoi, c’est prévu pour).

Je n’ai pas la bande passante mentale pour proposer un grand et beau portail tout de suite, mais un petit peu vaut mieux que rien du tout, donc je vais m’efforcer d’étoffer un peu tout ça petit à petit. Avant de m’atteler à Évanégyre, la logique voulait de proposer au minimum une présentation de l’autre univers, qui manque depuis des mois, ce qui est chose faite :

La présentation de l’univers de Léviathan (« La Voie de la Main Gauche »)

2022-08-28T08:18:10+02:00mercredi 31 août 2022|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Une page de présentation sur l’univers de Léviathan

Certaines questions d’écriture sont des solos de guitare

En lien avec l’article de la semaine dernière sur la construction des opinions personnelles avant la consultation d’autrui, une observation sur des questions d’écriture en particulier, artistiques en général, que je vois souvent circuler en ligne. Elles se formulent à peu près toutes de la même manière :

Comment puis-je faire x dans mon histoire ? Quelle technique pour accomplir y ? Vous pensez quoi de faire z ?

Ce n’est pas parce qu’on est en écriture et que l’approche technique a (heureusement) traversé l’Atlantique depuis les États-Unis que l’écriture est devenue une science ; qu’il existe une bonne réponse, un code (ou une poignée) garantissant le succès dans l’exécution. Ça serait trop simple. Je dirais même, au contraire, que chercher cela est prendre le problème à l’envers. Cela revient à demander :

Comment puis-je faire un solo de guitare qui déchire ?

Ben, au-delà de te muscler les doigts, faire des gammes et comprendre l’harmonie, la réponse devient très vite éminemment subjective, tant pour toi que le public, et donc, elle ne peut connaître de réponse objective. En chercher une, je le crains, est même une manière assez sûre de tuer la vie et le naturel d’un projet.

D’accord, mais quand même, comment accomplir un effet donné dans une histoire ? Alors, on peut parler de pistes, bien entendu, on peut étudier des approches, partager son expérience. Mais il est fondamental de se rappeler qu’elles sont une voie parmi une infinité, juste un point de départ pour l’exploration. Trouver la manière d’accomplir quelque chose dans une histoire est nécessairement consubstantiel des événements, des personnages, du stade de l’histoire, et surtout, surtout, de la sensibilité et des intentions de l’auteur ou autrice. De la même façon qu’un solo de guitare émerge de sa chanson, et la nourrit en retour. Au bout du compte, c’est indissociable. Et surtout, ça ne connaîtra jamais de réponse absolue.

La question est légitime. Mais pour y répondre, je crois qu’il faut partir avant tout de son projet, de son envie personnelle, et de creuser en soi la manière dont on veut procéder dans cette instance précise. Car c’est de la création : une réponse ne servira qu’une fois telle quelle dans un contexte donné. Oui, les leçons acquises à cette occasion viendront nourrir les projets suivants, la clairvoyance, de manière à cerner peut-être un peu plus vite ce qui fonctionne ou pas ; mais à nouveau projet, nouvelles réponses, nouvelles exécutions subtilement ou très différentes.

Je sais, c’est pas pratique. Mais en fait, si on se laisse le loisir d’explorer et de se faire plaisir, c’est plutôt cool ! Comme dit le proverbe, on ne se baigne pas deux fois dans le même solo de guitare (ou un truc du genre). Vos réponses, votre personnalité, votre humeur à un moment (et même les difficultés qui peuvent être reliées à l’exécution d’un passage) sont mille fois plus intéressantes que tous les modes d’emploi du monde.

Veuillez ne pas en prendre ombrage, mais dorénavant, je crois que j’appellerai cela des « questions solo de guitare » avec cet article comme point de départ à la conversation – parce que ce genre d’interrogation sur l’approche revient assez souvent.

2022-08-28T08:17:48+02:00lundi 29 août 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires
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