Un portrait flatteur (ou pas)

Exercice n°1 de la Masterclass 2014 des Imaginales : rédiger sa propre présentation. 

Sa vie, il l’aura vécue en racontant les tragédies des autres, les accidents absurdes qui peuvent souffler un destin de façon aussi cruelle que sinistrement drôle : Lionel Davoust n’imaginait probablement pas pour lui-même une fin qu’il n’aurait pas désavouée dans un de ses romans. Le corps du célèbre romancier, chevalier d’industrie lauréat de trois prix Nobel de littérature et célèbre inventeur du sérum d’immortalité, a été retrouvé sans vie flottant à l’extérieur du sas numéro 3 de la Nouvelle Station Spatiale Internationale juste après le départ du vol hyperspatial pour Bételgeuse de 9h06. Les services de police, à l’issue de l’examen du corps, penchent pour une regrettable maladresse de la part du célébrissime auteur. Les détails à notre disposition le décrivent en effet comme coiffé d’un string en dentelle rouge qui, selon les analyses préliminaires, ne lui appartient sans doute pas, avec de nombreux confettis dans ses cheveux (dont l’on se rappelle qu’ils furent reconstruits par nanotechnologie en 2254) et ses vêtements tachés d’un vomi qui, selon les analyses ADN préliminaires, lui appartient sans doute possible. De nombreux témoins, dans des états variables de colère, affirment l’avoir vu ou entendu rentrer titubant, une coupe de champagne à la main, à l’aube artificielle de la station, en hurlant une version très fausse de Stairway to Heaven. Une bien tragique ironie quand on se rappellera que c’est sur cette chanson précisément que le romancier à succès se fit recaler à la session 2260 de The Voice. Connu par sa tendance à ne jamais se satisfaire d’un seul domaine, Davoust aura-t-il cédé à un désespoir amplifié par l’alcool, et mis impulsivement fin à ses jours en ouvrant un sas interdit au public ? Ou bien cherchait-il les toilettes et aura-t-il pris le mauvais virage à l’intersection du corridor B ? Les services d’enquête interrogent actuellement ses quatre épouses, qui doivent se partager l’une des plus grandes fortunes du monde connu.

Ouest-Espace, 23 janvier 2384

2014-05-30T15:39:47+02:00mardi 3 juin 2014|Expériences en temps réel|13 Commentaires

Pensées aléatoires : du mûrissement

L’esprit mûrit comme le visage. De même que les traits distinctifs s’affirment et se gravent avec l’âge, le caractère et les processus de pensée se creusent en de mêmes sillons, déjà naissants à l’orée de l’âge adulte. Bien puissant et rusé est celui qui parvient à sortir de ses ornières ; qui, par une jouvence esthétique, rafraîchit son esprit pour lui faire explorer des terres vierges.
2018-07-17T17:11:15+02:00mercredi 28 mai 2014|Best Of, Expériences en temps réel|5 Commentaires

Facebook m’interroge

Parce que je bosse où je veux, comme je veux. Mais la firme à Zuckerberg, ça l’ennuie :

whereis-facebook

J’ai envie de te dire, Facebook, prends deux copies doubles et quatre heures, et rends-moi ton traitement de la question.

J’avais déjà noté un effet similaire quand j’étais parti sur le Silurian : impossible de dire à Facebook que je n’habite nulle part, ou bien par 57.9 N x 6.1 E. Pour le réseau bleu, on habite forcément dans une ville, qui doit appartenir à sa base de données. Ce qui, en terme d’optique de vie, me semble révélateur, et un peu dérangeant.

2014-04-10T14:46:33+02:00vendredi 18 avril 2014|Expériences en temps réel|3 Commentaires

La solution trouvée à tout problème de procrastination

mit-seal_400x400Cela faisait quelque temps que je me montrais mystérieux concernant des projets en cours, je peux à présent l’annoncer : j’ai joint mes forces avec le prestigieux Massachusetts Institute of Technology, et nous avons trouvé, conjointement, l’ultime solution  à tout problème de procrastination, que nous sommes en mesure de vous dévoiler dans le cours de cet article.

Le contexte

Ma série d’articles de l’été dernier sur la productivité a obtenu un fort retentissement à l’étranger, notamment auprès du professeur Hildefons Labarrière, d’origine germano-québecoise, excellent locuteur de l’anglais, du français et du hongrois. Il dirige le Département des Études Chronologiquement Contrariées (Department of Retarded Studies) au MIT et m’a proposé, à l’automne dernier, cette collaboration. Selon ses termes :

Les écrivains symbolisent un champ de bataille extrêmement précieux dans notre domaine d’études : hantés par le chaos et l’absurdité, ils s’efforcent toute leur vie de donner forme à ces impulsions qui les dirigent, sans se rendre compte qu’ils sont voués à la défaite. Il nous était donc particulièrement intéressant de travailler avec M. Davoust et avec l’illusion qu’il peut donner un semblant d’ordre à sa vie, alors que c’est clairement perdu d’avance.

photo-Accessories-Head-Welding-Helmet-_12_1024L’étude

C’est sur la foi de ces paroles élogieuses que j’ai donc voyagé jusqu’à Massachusetts, la ville du prestigieux institut, pour me soumettre pendant trois mois à toutes les expériences conçues par le professeur Labarrière et son équipe. Il s’agissait d’étudier mon activité neurologique à l’aide d’un casque de dernière génération (ci-contre) dont les électrodes, au contact de mon crâne, fournissaient des relevés d’une grande précision :

Tout était prêt depuis des années ; les protocoles, l’équipement. M. Davoust n’est pas le premier auteur à s’imaginer qu’il peut échapper au fléau de sa profession. Le problème, c’est que les écrivains, ces créatures vaines, se préoccupent souvent de leur santé capillaire. Il va sans dire que la calvitie absolue de M. Davoust a constitué un critère de premier choix pour l’adopter comme sujet d’expérience : les électrodes, au contact direct de sa peau, ont fourni des résultats sans précédent.

Le protocole consistait, très simplement, à enregistrer mon activité cérébrale et à la mettre en corrélation avec ma lenteur de mise en travail dans une variété de conditions imposées, comme par exemple :

  • Privation absolue de café
  • Après une nuit hachée toutes les deux heures
  • À l’issue d’un repas nourrissant ou, au contraire, constitué exclusivement d’endives à l’eau
  • En fonction de l’heure de la journée, de la quantité de luminosité disponible, du bruit ambiant
  • Au contraire, travail des mécanismes de récompense : un verre de whisky chaque fois que je passe sur Facebook (si j’ai pu vous sembler incohérent ces derniers mois, ce n’est pas moi, c’est l’Oban)
  • En me jetant une rondelle de saucisson tous les 1000 signes écrits
  • En me passant du Christophe Maé dès que ma vitesse de frappe tombait en-dessous des 2500 signes à l’heure

Donnant, par exemple, des graphes d’activité comme suit :

sismogram

Le résultat

Les conclusions de l’équipe du professeur Labarrière sont, à l’image des plus grandes avancées scientifiques : à la fois révolutionnaires et d’une simplicité limpide dans leur approche, tels la mécanique quantique, le calcul différentiel ou la relativité générale. Après deux mois de relevés soigneux et d’écriture (pour ma part) dans toutes les conditions possibles (dans un congélateur, au fond de l’eau sans bouteilles, suspendu par les pieds au-dessus d’une fosse à lions, conditions dans lesquelles ma productivité était maximale puisque, pour 1000 signes écrits, on me relevait de dix centimètres), la conclusion est simple :

Pour cesser de procrastiner, il faut s’y mettre. 

« Nous pensons que notre découverte, assidûment documentée et fouillée, ouvrira de nouveaux horizons productivistes au monde moderne, en stimulant des environnements où l’on s’y mettra pour de bon, par exemple à l’aide de fosses à lions ménagées au rez-de-chaussée des immeubles de bureau pour y jeter les salariés coupables de procrastination régulière. On allie ainsi le meilleur de la science moderne à la tradition séculaire : les Romains savaient déjà, dans un contexte de paix sociale, faire un usage créatif des lions », s’enthousiasme le professeur Labarrière.

À cette fin, alors que l’équipe scientifique apporte la touche finale à l’article qui sera publié dans Nature, je prépare un livre rassemblant le coeur de cette conclusion, sous la forme d’une page unique facile à lire, bientôt disponible en librairie pour un prix qui, m’a-t-on d’ores et déjà assuré, sera sous la barre des dix euros.

2014-03-31T18:41:54+02:00mardi 1 avril 2014|Expériences en temps réel|26 Commentaires

Le cadeau à mille dollars

Mais quelle opération commerciale alléchante, vue chez un papetier en ligne :

tablette_wtf

Je ne vois qu’un seul public pour cette offre : les directeurs d’achat de grandes boîtes qui en profitent pour se barboter une Galaxy Tab au passage lors d’une commande de gros. Mais même. On ne peut pas supposer qu’ils en aient déjà une, justement parce que c’est une grosse boîte ? Qui va cracher 5000 brouzoufs hors taxe de ramettes de Clairefontaine pour une tablette ?

Et même, ce n’est pas un peu antinomique, philosophiquement ? Achète du papier, gagne du virtuel ?

Je me pose vraiment trop de questions.

2014-02-18T19:31:19+01:00jeudi 20 février 2014|Expériences en temps réel|2 Commentaires

Créer du lien : spécial espoir

Allez, parce qu’au milieu de tout cet énervement (ce pour quoi j’assume et plaide coupable à la fois), toute cette peine et cette incompréhension entre les gens, il est important aussi de se concentrer sur ce qui est bon dans le monde. C’est bientôt le week-end, c’est la Saint-Valentin, alors faisons-nous un peu de chaud au coeur et enterrons les armes.

Pour commencer, 21 photos dites « qui restaureront votre foi dans l’humanité » ; je ne sais pas si cela ira jusque là, mais certaines sont véritablement touchantes. Ensuite, faites ce test sur l’état dans lequel vous croyez que le monde se trouve, et constatez combien vous vous trompez. (Il reste du chemin, bien sûr !) On parle hélas beaucoup des intégristes du salon beige, mais bannissons les amalgames : tous les croyants ne sont pas à mettre dans le même sac, citons par exemple cette campagne chrétienne s’efforçant, elle, de construire des ponts avec la communauté LGBT et s’excusant régulièrement de mauvais traitements infligés par l’Église. Et plutôt que de nous consterner agressivement du créationnisme, prenons une profonde inspiration, sourions et rejoignons l’église pastafariste.

Et parce qu’Internet ne serait pas Internet sans des animaux mignons : the Daily Squee n’a qu’une mission dans la vie, vous faire fondre devant des bébêtes mignonnes. (Ouais, c’est niais, mais quand on en a gros, c’est meilleur pour la ligne qu’un pot de glace.)

Bon week-end, paix et bonne humeur !

2014-02-11T23:43:20+01:00vendredi 14 février 2014|Expériences en temps réel|3 Commentaires

Faut qu’on m’explique

Je connaissais le numérique plus cher que le physique, les frais d’envoi délirants du physique, les DRM qui t’empêchent de lire ce que tu as acheté, les achats qui sont en fait des licences révocables… mais là :

mp3_price

Tu peux acheter un truc cher, ou bien acheter un truc moins cher et on t’offre le truc cher avec.

21e siècle, rentre chez toi, t’es bourré.

2014-01-02T10:16:30+01:00jeudi 2 janvier 2014|Expériences en temps réel|7 Commentaires
Aller en haut