The hills-a
Bon, je pensais avoir eu une idée rigolote, mais comme souvent, quelqu’un l’avait déjà faite sur Internet :
(Oui, ceci est une façon subtile de dire que j’ai pas mal de boulot et qu’aujourd’hui, c’est un peu relâche sur le blog…)
Bon, je pensais avoir eu une idée rigolote, mais comme souvent, quelqu’un l’avait déjà faite sur Internet :
(Oui, ceci est une façon subtile de dire que j’ai pas mal de boulot et qu’aujourd’hui, c’est un peu relâche sur le blog…)
Bon, auguste lectorat, c’est un article sérieux, voire important pour moi. Sachant que tout cela n’est que vision de l’esprit, proposition, attitude personnelle. Combat continuel, d’ailleurs, sur lequel je n’oserais prétendre à l’impeccabilité. Mais, par les temps qui courent, c’est un truc qu’il me semble important de partager.
Je cite souvent ce philosophe de l’extrême qu’est Ken le Survivant en version française : « les temps comme les œufs sont durs ». Lapalissade, l’état du monde, la dérive sécuritaire, que ce soit envers la délinquance ou le terrorisme, etc. Encore une fois, avec les événements de Nice la semaine dernière, les réactions s’enflamment, les politiques s’en emparent, etc. Les commentaires tendent à aller dans deux directions :
Le débat se prend un mur quand les deux points de vue se rencontrent. Les premiers (traditionnellement de droite) reprochent aux seconds leur angélisme, leur laxisme, leur vision peu réaliste du monde ; les seconds (traditionnellement de gauche) reprochent aux premiers leur autoritarisme, leur réponse à la violence par d’autres violences et l’entretien d’un cycle sans fin.
Parfois (et même souvent), ces deux visions luttent dans la même personne. La réaction aux attentats, par exemple, peut mêler la peur, la colère (et donc des envies se rapprochant de la première réponse) à l’inquiétude de l’avenir, un ferme attachement à des valeurs républicaines (encourageant la seconde réponse). À force de peur, de colère, la seconde réponse cède parfois la place à la première (comme le chantent les Fatals Picards) – c’est exactement, soit dit en passant, faire le jeu des terrorismes qui cherchent à construire une rhétorique manichéenne.
J’aimerais humblement soumettre à l’Internet multimédia que l’erreur fondamentale consiste à considérer – selon la rhétorique exposée plus haut – que ces deux visions du monde sont fondamentalement irréconciliables. Que quelqu’un qui souhaite de la sécurité ne cherche nécessairement pas à expliquer ni améliorer la situation, ou que quelqu’un qui cherche à comprendre entraîne obligatoirement le chaos. Je soumets donc au vaste monde un principe développé avec un ami proche lors d’une soirée de refaisage de monde (y avait effectivement du rhum arrangé, merci), que nous avons baptisé : « compassion, mais prison« .
Voici le cas général dont il a fini par dériver. Un fait divers comme il y en a hélas tant met en scène le crime tragique d’une mère de famille seule, submergée par sa charge et le désespoir, qui assassine ses trois enfants.
La première réponse condamne, conspue, hue et s’émeut d’un tel « monstre », « ne comprend pas comment c’est possible », voire appelle au bûcher. La seconde (qui ici incarnerait probablement l’avocat de la défense) place le cas de cette femme dans le désespoir qui est le sien, la maladie mentale qui l’atteint peut-être, etc.
Nous posons (avec mon camarade, car il détient autant la paternité de cette discussion que moi) que l’on peut parfaitement nourrir de la compassion pour cette pauvre femme, qui a été poussée à un acte inimaginable, et qui, surtout, va devoir vivre avec pour le restant de ces jours – je ne sais pas si vous imaginez ; si le crime choque les consciences, que dire que la personne qui l’a commis ? Mais que, dans le même temps, cela n’empêche nullement de la juger coupable ; d’appliquer la loi avec toute la fermeté requise ; et de s’assurer que la peine soit purgée. (Rappelons que dans une société civilisée – à vous de juger si nous en sommes une – la prison n’a théoriquement pas pour but de châtier mais de protéger la civilisation de ses éléments dangereux qui sont mis à l’écart.)
Id est : Compassion, mais prison.
Il n’est pas honteux de désirer la sécurité, la paix, le calme, pour soi et ses proches. Il est nécessaire de comprendre le contexte plus vaste d’un crime, quelle que soit sa nature, de manière à faire progresser la société, voire le monde. On peut simultanément désirer plus de sécurité dans un quartier difficile, que les responsables soient identifiés et arrêtés, maintenant, tout en comprenant que la délinquance est due à un déficit d’éducation et qu’on ne relèvera jamais la situation sans un projet ambitieux de société, demain. On peut exiger la sécurité sur son sol, dans les transports, refuser les discours intégristes, maintenant, tout en mesurant qu’il existe des pans de société livrés à eux-mêmes et que bombarder des positions civiles à l’étranger risque d’alimenter davantage le terrorisme, demain.
See what I did there?
La première réponse concerne le présent. La seconde concerne l’avenir. La première traite de la situation dont on a hérité et des façons de la cadrer, la seconde de projets pour construire un meilleur héritage. Il n’est pas étonnant que les deux dimensions se heurtent parce qu’elles ne parlent pas de la même échelle ni du même problème, et, pour cette raison, justement, elles ne devraient pas s’opposer mais se compléter. J’avance aussi que, dans le cœur et la conscience de chacun, il n’est nullement impossible de nourrir de la compassion pour un criminel, que son chemin / sa souffrance / sa maladie mentale aura amené sur un chemin terrible et sanglant, tout en s’assurant avec la dernière des énergies qu’il se retrouve bien sous les barreaux et qu’il y reste. Compassion (je suis désolé au sens du regret sincère), mais prison (je suis désolé au sens de la fermeté indiscutable).
Nous protestons beaucoup sur la classe politique et son ineptie, ces temps-ci. Pour certains, la solution est d’abandonner les urnes – comme si la classe politique était une fatalité imposée d’en-haut. Je ne nie pas leur aspect élitiste, leur structure de « classe », relativement étanche – mais une des paroles sur la démocratie, la société, le monde les plus importantes à mon sens a été prononcée par Gandhi : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ». Personne ne change le monde tout seul ; personne ne peut l’endosser tout entier ; mais personne, également, n’est exempt de toute empreinte. Les actes, les paroles, aussi faibles soient-ils, comptent. C’est l’histoire d’une petite fille excédée qui hurle sur sa maman, alors sa maman excédée hurle son papa, alors son papa excédé hurle sur un conducteur dans la circulation, alors le conducteur excédé qui dirige une entreprise hurle sur ses employés, alors un des employés, excédé, hurle sur son épouse, laquelle est institutrice de maternelle et qui, excédée, hurle sur ses élèves, dont la petite fille du début.
Si la classe politique est une fatalité et qu’on a raison de mettre le suffrage universel en faillite (ce dont je disconviens – merci de ne pas détourner les commentaires vers le sujet de l’abstention, la modération sera sans pitié), alors la parole de Gandhi est fondamentale. Si la classe politique n’est pas une fatalité et que le suffrage universel a sa place, alors la parole de Gandhi est fondamentale aussi, car c’est par le travail de chacun qu’on pourra peut-être arriver à mériter une classe politique de meilleure tenue.
Compassion, mais prison, c’est dire qu’il n’est absolument pas impossible de se soucier d’avenir en s’inquiétant du présent, mais aussi, et c’est fondamental, que, quelle que soit l’action proposée ou entreprise, il ne faut jamais hypothéquer l’un au profit de l’autre.
Maintenant, c’est dit, faites-en ce que vous voulez.
Salut, auguste lectorat, c’est le retour de moi énervé, ça t’avait manqué, je ne sais pas, mais greuh.
Alors il se trouve que, depuis quelque temps, j’ai un léger pied dans l’enseignement, et donc de plus en plus de contacts un peu partout sur le sujet. Sais-tu qu’il est impossible de virer un élève de cours sans un camarade pour l’accompagner là où il a été viré, pour des raisons d’assurance (des fois qu’il cherche à ingurgiter un porte-savon) ? Qu’on ne peut, d’ailleurs, le virer que s’il met en danger sa vie ou celle des autres ? (Qu’il mette en danger l’apprentissage des autres, on s’en cogne) Te fais-je un dessin sur le niveau du brevet des collèges (qui, surprise, n’est pas obligatoire non plus pour entrer au lycée – bah ouais, sinon ça implique un… redoublement), sur le niveau du bac, sur le niveau d’orthographe parfois indigne que je découvre en Master de filière littéraire ? Sais-tu que l’admission en Master 1 ou 2 est de droit ? Sais-tu justement que le redoublement est à présent quasi-interdit à tous les niveaux (il faut l’accord des parents, et s’ils s’y opposent, même si la petite Kevina a 4 de moyenne, elle passera quand même au niveau supérieur) ? Et n’attaquons pas la réforme des collèges, etc.
Alors, bah oui, hein. Faisons passer tout le monde d’un niveau à l’autre, même en cas de décrochage grave ; surtout, que les élèves sortent du système scolaire fissa.
Parents, qui interdisez les redoublements contre l’avis des conseils de classe, ce que vous faites est criminel. Redoubler ne signifie pas que votre enfant est stupide, mais qu’il rencontre des difficultés, qui peuvent être de toute nature : difficultés de méthodes ; d’apprentissage ; de maturité ; ou, peut-être aussi, que c’est un glandu fini qui n’a rien branlé et qui a besoin qu’on lui mette un peu de plomb dans la tête, et c’est aussi votre boulot. Peut-être aussi qu’il n’est pas heureux (houlà, un mot grossier, le bonheur) dans une filière d’apprentissage classique. Un gamin en retard scolaire, le forcer à continuer de marcher, c’est le meilleur moyen qu’il décroche complètement, parce que, breaking news, les retards se comblent rarement d’eux-mêmes et les mômes n’obtiennent pas de révélations divines où, tout à coup, ils proclament : « Mais oui, je vais arrêter de jouer à la PlayStation et plutôt calculer des équations différentielles ! » Un refus de redoublement, c’est multiplier drastiquement les risques de décrochage puis d’échec scolaire, mais, forcément, certains parents vivent tant à travers leurs mômes qu’ils ne peuvent pas accepter un seul instant qu’ils rament un peu. Parce que, grands dieux, qu’on les en garde : ce serait les insulter, eux, directement. Ne faisons rien – ça va forcément s’arranger. Il est intelligent, puisqu’il est mon fils.
Non, ça n’a rien à voir.
Cette politique éducative également est criminelle, parce qu’elle ne fait que de la gestion de flux (plus vite on sort les élèves du système, moins ça coûte – qu’on nous garde de proposer un enseignement de qualité en y mettant des moyens !), et qu’elle séduit les parents, les berce dans l’illusion scandaleuse que tout va bien dans l’apprentissage de leur enfant, qu’il est intelligent, alors ça les flatte, ça les fait rêver, peut-être auront-ils une meilleure place, une meilleure vie ; quand on n’y arrive pas soi-même, autant la vivre par procuration à travers la descendance, hein ? Tu seras pharmacien parce que papa ne l’était pas. J’imagine peu de façons aussi ignobles de mentir qu’en flattant l’électeur par de faux compliments sur ses enfants – et en l’en rendant complice, par-dessus le marché. La réussite universitaire n’est pas synonyme de réussite. Surtout quand on la vide tellement de son sens qu’elle ne signifie plus rien.
Ce qui se passe, comme toujours, c’est qu’on favorise ceux qui auront les moyens de payer des profs à domicile, ceux qui naîtront dans des familles où l’apprentissage et la culture occupent une place centrale, ceux qui pourront être accompagnés par l’entourage au quotidien dans le développement de leurs talents, voire ceux qui pourront payer une école privée (qui sélectionne, elle, et pas qu’un peu) à quinze mille brouzoufs l’année ; donc, ceux qui ont des ressources. C’est une forme écœurante d’élitisme tout en maintenant dans le mensonge des générations entières de mômes incapables de s’évaluer et de parents trop fiers de les voir décrocher des médailles en chocolat ; c’est une forme scandaleuse de séduction démagogique, qui réussit l’exploit d’écarter à la fois de la discussion toute considération d’excellence ET le développement personnalisé des talents. Et si, à la sortie, les mômes sont nuls, incompétents, chômeurs ? Ah, ça ne peut pas être la faute de l’État ; c’est le marché du travail, ma bonne dame, qui est concurrentiel, c’est la mondialisation, c’est la faute aux Chinois. Nous, on leur a filé un diplôme, c’est qu’ils sont intelligents, vos mômes, hein, et donc vous aussi. Voilà, votez pour moi.
C’est ainsi qu’on parvient à la faillite de l’effort.
Je vois de plus en plus d’étudiants partisans du moindre effort qui suivent, cahin-caha, une formation sans conviction et donc sans réelle compétence, qui l’obtiennent avec des moyennes ric-rac, et qui arrivent en fin d’études avec la surprise totale que, ben, faut bosser. Le pire, c’est que je les houspille, les maltraite, et ils aiment ça, parce que, diable, je suis peut-être le premier, ou l’un des rares, à leur dire sincèrement ce que vaut leur travail, et que, bordel, ils en ont bien besoin ! Comment peuvent-ils s’évaluer, se situer, se construire ? Où sont les difficultés, les épreuves qui permettent de se mesurer à soi-même, et surtout, leçon plus importante encore, qui permettent de constater que ces difficultés-là ne sont pas celles au bout du compte qui stimulent, qui motivent – qu’on n’est peut-être pas taillé pour cette filière-là mais pour une autre ?
Et quand le réveil-matin sonne, trop tard, quand le mensonge se dissipe enfin et que vient le moment de découvrir Pôle emploi, quand on se rend compte qu’on n’a rien appris parce que le gouvernement préfère protéger la paix sociale que lancer une réelle politique d’éducation ambitieuse qui permette à chacun de trouver sa place et sa passion, on commet un réel crime contre l’humanité ; on ment à des générations entières, déboussolées, animées d’une colère dangereuse mais aussi parfaitement compréhensible quand elles se rendent compte qu’elles ne sont bonnes à rien et que la société ne leur a pas gardé une place cotonneuse jouant cette même berceuse qu’on leur a joué toute leur vie.
En général, ça se passe mal quand il faut expliquer que le père Noël n’existe pas, ou que c’est Najat Vallaud-Belkacem qui a déposé ta licence au pied du sapin.
Ça m’écœure. L’attitude de l’Éducation Nationale et des directives ubuesques de ses hauts fonctionnaires qui n’ont jamais approché une classe de leur vie, l’attitude des parents trop vexés dans leur amour-propre par les difficultés de leurs enfants pour reconnaître et chercher les sources des problèmes, tout ça me donne envie de déménager dans un pays scandinave ou au Bhoutan. J’ai toujours eu une tolérance très basse à la bêtise ; quand ça provient du système éducatif, lequel est censé, du moins théoriquement, représenter le bastion où, par excellence, on la combat, ça me donne juste envie de ressortir mon permis de gifler.
Allez, pour terminer sur une note plus constructive, je t’encourage très, très chaudement, auguste lectorat, à dévorer les conférences TED de Ken Robinson sur le sujet de l’éducation (qui sont en plus très drôles). Il y en a trois d’un quart d’heure pièce, il connaît le sujet bien mieux que moi et j’adhère entièrement à son propos.
Et voilà, on est rentrés, T’ENTENDS, et même le ciel a PLEURÉ de voir que c’était FINI, et qu’on PARTAIT, parce que c’était TROP BIEN, et qu’on est TRISTES, voilà. Oh, mec, just one year of love is better than a lifetime alone, juste quatre jours de festival c’est déjà bien, tu comprends, il y en a qui n’ont pas pu venir, alors sois content et arrête de nous faire baver. Mais BOUH, c’était une édition fantastique, alors on a le BLUES que ça soit fini, okay ? Même si nous sommes sur les rotules, mais c’est de la belle et bonne fatigue, genre t’as gravi les Andes à pied et là, BAM ! Le Machu Picchu dans ta face ! Tu peux COMPRENDRE ? Hein ?
Non, mais vraiment, sérieusement. Un temps splendide, plein de nouvelles additions (un village plus étendu et un nouveau dôme de la science, notamment), l’ambiance Imaginales chaleureuse qu’on retrouve à tous les niveaux, dans l’équipe, parmi les auteurs, avec les festivaliers, cette édition, des dires de beaucoup, était particulièrement belle. Si vous aimez l’imaginaire et que vous n’êtes pas venu-e parce que c’était « trop compliqué » ou « trop loin », vous avez raté un truc…
Si je ne fais presque jamais de comptes rendus de festivals, c’est parce que j’ai toujours peur d’oublier quelqu’un, de ne pas citer tous les beaux moments partagés, dans la fatigue du retour. Mais il y a eu chaque jour des moments spéciaux, réellement humains, de superbes moments drôles, fins ou juste gentils, que ce soit en débat, au détour d’un livre et surtout avec vous tous qui êtes venus en si grand nombre. Un immense MERCI, aux stagiaires de la Masterclass et à Jean-Claude Dunyach avec qui nous l’animons, à Damien Didier Laurent et au personnel de la bibliothèque, à l’organisation (Stéphanie Nicot, Stéphane Wieser, Elisabeth Del Genini, Arnaud Gentit, Flavie Najean, Marion Bailly, tous les animateurs – avec un salut particulier à Christophe de Jerphanion autour de la magie des bocaux à poisson -, traducteurs, tous les bénévoles, chauffeurs, employés de la buvette, de l’entretien, j’en oublie hélas sûrement), à tous les camarades en débat et au sommaire de l’anthologie, à son directeur et à son illustratrice (Jean-Claude Vantroyen et Hélène Larbaigt), à tous les autres croisés au hasard de la bulle, un grand bravo à Stéphane Platteau (coup de cœur cette année), merci aux JM (et évidemment à ma préférée d’entre eux), des bises à Sara Doke, Nabil Ouali, Estelle Faye, Sylvie Miller, Philippe Ward, aux Deep Ones, tous les autres encore, mes humbles salutations à James Morrow et Chris Priest que j’ai eu l’immense honneur d’accompagner cette année, aux éditeurs, aux libraires qui ont couru partout, à Simon Pinel de Critic qui m’a dirigé de jour en jour…
Et à vous tous, bien sûr, que j’ai eu le plaisir de rencontrer ou revoir, auguste lectorat de longue ou de brève date. Merci, d’être venus, de tenter un nouveau bouquin, de revenir prendre le suivant. C’est splendide de pouvoir partager des histoires, des frissons, des réflexions, des rires (et des horreurs) avec vous tou.tes.
J’en ressors avec des étoiles plein les yeux, une motivation remontée comme un coucou suisse et de nouveaux projets abordés lors de ce festival qui promettent de déboucher sur de très jolies choses. Dans les jours qui viennent, je vais répercuter sur Facebook quelques comptes rendus écrits par des gens meilleurs que moi pour ça, mais, pour commencer, je ne peux que vous recommander le très chouette vlog de Samantha Bailly qui retrace l’ambiance au jour le jour, entre autres le débat que nous avons partagé sur la professionnalisation de l’écriture :
Allez voir le reste et sa chaîne, c’est très sympa et très drôle sur la vie d’auteur !
Les présentations à jour de la Masterclass arriveront sous peu sur la page dédiée, et je vais répercuter aussi les tables rondes auxquelles j’ai eu le plaisir de participer. Les Imaginales sont terminées, mais on va rester un peu dans l’ambiance en attendant l’année prochaine !
MERCI !
Autre petit morceau déterré de mes archives de courriel en 2002 (par rapport à celui-ci), pour s’amuser un peu (et parce que je reviens d’Épinal), cette fois plus en rapport avec les sujets actuels. Je m’amuse de la circonspection alors fréquemment d’usage à l’époque : Internet était un bien plus petit village, le réseau n’avait pas encore accéléré drastiquement les rythmes de nos vies, on prenait fréquemment le temps d’écrire des messages d’une page pour exprimer son point de vue, posément, comme dans un salon chic. Vous les voyez, les dorures sous les octets ? Je constate avec amusement (et une pointe d’impatience, quand même) la multiplication des précautions oratoires : qui emploie aujourd’hui « AMHA » (à mon humble avis) ? Qui s’en souvient même ? Internet, c’était mieux avant, quand on était seuls dessus – sérieusement, mettre des gens en contact, c’est quand même mieux quand c’est des gens qui pensent pareil, hein.
JE PLAISANTE. Rhôôôôô. Vous, vous faites partie des gens qui ne pensent pas pareil, hein.
Bref. Le contexte : une réponse – toute mignonnette de prudence – sur une liste de diffusion à un article de China Miéville dont je ne peux deviner la teneur qu’en creux, et dont le lien a disparu. Je constate avec le recul une forme de cohérence dans le discours, mais une rigueur bien moindre (parler de mythe campbellien dans le cas de Gilgamesh, c’est un tout petit peu prendre le truc à l’envers, arghhh).
Mouais.
Je suis assez d’accord sur le fait que l’on a une succession de quêtes tolkienniennes en fantasy.
Mais je ne suis pas d’accord sur le fait que ce soit un problème.
Miéville brosse un portrait un peu moribond de la fantasy, alors que le genre se porte très bien, merci 🙂Après tout, la quête, le voyage du héros, ça existe depuis Gilgamesh, L’Odyssée etc. Alors, dire qu’il faut faire autre chose aujourd’hui ne me semble pas l’*unique* manière de vitaliser le genre.
Le problème AMA, comme toujours, ce sont les quêtes sans qualité, calquées sans imagination. Prenez Eddings: la quête est archi classique, mais cela fonctionne à mon avis, parce que son univers est riche et amusant.
Mais je suis également d’accord avec lui lorsqu’il dit qu’il est regrettable qu’un genre spéculatif se borne autant à son modèle. En un mot: il y a de la bonne fantasy classique et on peut AMHA continuer à en faire.
Mais il ne faut pas non plus faire que ça, bien sûr. Les nouvelles orientations en urbaine par exemple montrent que la fantasy peut offrir bien d’autres choses, et c’est tant mieux.
Il est vrai qu’une frange du marché a pour règle d’offrir avant tout de l’évasion, et pas de la réflexion. Je serais tenté de répondre: et alors, bon sang? Il y a une place pour tout. En SF, si je veux être diverti, m’évader, je lis un bon gros space opera d’aventures. Si je veux réfléchir, je lis Greg Bear. Y a-t-il un problème à l’un ou à l’autre?
En fantasy, si je veux m’évader, je prends une triologie / décalogie à rallonge. Si je veux réfléchir, je choisis plutôt de courts romans incisifs.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec une vision intellectualiste de la littérature qui postule que tout doit être réflexion. Miéville a un peu trop tendance à oublier que les nouveaux courants de la fantasy (urbaine, etc.) se développent très bien et proposent, eux, davantage de réflexion, mettent en scène des visions qui défient notre conception du monde etc.
Il y a donc de la place pour les deux, comme le prouvent AMA les marchés à l’heure actuelle. Donc j’ai l’impression que l’argumentaire part d’un bon sentiment, mais qu’il est un peu dépassé. Le marché et les lecteurs arrivent à ces nouveaux courants de fantasy.
Tant mieux. Mais ne jetons pas non plus la pierre à la BCF.
Alors, les lecteurs sont-ils bel et bien arrivés depuis presque quinze ans à ces nouveaux courants de fantasy ? Je ne saurais dire, mais, le cas échéant, VOUS L’AUREZ LU ICI EN PREMIER.
Comme je passe progressivement tous mes outils sous matos Apple, je suis amené à plonger un peu dans mes archives, histoire de faire du tri – et mes archives de courriel remontent à 1997, soit – gasp – presque 20 ans d’Internet et de lolcats.
Là, je triais mes brouillons, accumulés au hasard et jamais envoyés, ou bien sauvegardés par erreur à la suite d’un bug de serveur ; une centaine à archiver mais surtout à vider, dont celui-ci rédigé en 2002 :
Hello Cecile,
J’ai reflechi a tes histoires de recensement qui augmentent sur les annees. Je crois avoir saisi pourquoi les reviewers ne sont pas satisfaits du test de Student:
– Les residus ne sont pas distribues normalement
– Les individus statistiques etudies (ici les sites) ne proviennent pas d’echantillons differents: ce sont les memes avec une progression de temps.Tu pourrais peut-etre essayer plutot le test U de Mann-Whitney ou le test de Wilcoxon, qui sont non-parametriques?
Amities
Lionel
Ça en jette, quand même. Je suis émerveillé d’avoir un jour pu formuler ce genre de théorie. Aujourd’hui, je n’ai qu’une très vague idée de ce que je raconte dans ce brouillon – et je ne sais absolument pas si c’est valide, si ça se trouve, je raconte n’importe quoi (et c’est pour ça que le courrier n’est jamais parti). Je sais que j’ai su ce qu’était un test de Student et je me rappelle vaguement de ce qu’était un test non-paramétrique, mais au-delà du fait que ce ne sont pas les tests qu’on trouve dans Cosmopolitan, j’avoue que j’aurais besoin de me rafraîchir un peu la mémoire avant de piloter de nouveau Statistica comme un petit Mendel en herbe.
Le plus mignon, probablement, c’est qu’à l’époque, je restais focalisé sur la standardisation de mes courriers électroniques qui ne comportaient, à dessein, aucun accent afin d’être lisibles sur le plus grand nombre de terminaux possibles. (À l’Agro, il m’arrivait de lire mes mails sur des terminaux Unix monochromes où tous les accents sortaient comme peu ou prou comme ça : « E=9 »).
Le jour où j’ai accepté d’utiliser les accents comme tout le monde et de perdre un peu d’interopérabilité, je crois que j’ai perdu un peu d’intégrité. Une terrible et tragique pente qui m’a conduit jusqu’à acheter un iPad. Tout a une cause.
Tout.
De temps en temps, on teste des trucs, par exemple pour répondre à la question : « quelle photo pourrais-je mettre pour illustrer la page du site relative aux projets en cours ? »
Et puis on se dit que c’est rigolo mais que, quand même, ça ne va pas le faire.
ALL WORK AND NO PLAY BLAH BLAH
La capture d’écran de droite n’est qu’un exemple parmi beaucoup trop d’autres que je reçois en ce moment. (J’aurais pu laisser le nom en clair, vu que mon profil Facebook est public, mais je ne suis pas du genre à lancer des chasses aux sorcières. On appréciera quand même le mec qui vient troller chez toi sans te connaître, puis, quand tu le rappelles à l’ordre – parce que tu es quand même chez toi -, te bloque en se drapant dans sa dignité blessée.)
Auguste lectorat, tu auras peut-être remarqué un léger changement de ton en ces lieux depuis un ou deux mois. Peut-être un peu plus distant, formel. Ce n’est pas un hasard : je fatigue. L’ambiance sur les réseaux sociaux ces temps-ci me semble fréquemment, disons, regrettable ; la tendance au commérage de l’être humain s’y trouve tristement magnifiée, certains derrière des écrans se sentent pousser des ailes d’audace qu’ils n’auraient jamais face à face. Heureusement, il y a aussi des moments de grâce, parce que, auguste lectorat, tu es beau ; et des tas de jolies choses, de gentillesses pour lesquelles je te remercie profondément, vraiment – espérant être à la hauteur.
Qui ne veut pas être brûlé n’a qu’à pas jouer avec le feu ; j’en ai bien conscience, et si certains articles suscitent l’ire, c’est aussi qu’ils sont sujet à de hautes controverses. Normal. Néanmoins, depuis un an, la proportion de commentaires haineux et insultants que je me retrouve à modérer sur les réseaux sociaux dépasse la mesure de ce que je suis prêt à tolérer dans l’exercice naturel de mes fonctions (c’est-à-dire, en n’étant pas payé pour ça). Le blog ne pose aucun problème : maître de mes lieux, je supprime à tour de bras sans état d’âme.
Je pourrais me consoler en me disant que cela reflète d’autant l’accroissement d’un potentiel auditoire, mais je ne me flatte pas d’une telle importance – les statistiques de lecture affirment le contraire, puisque notre époque est faite de buzz, de communications virales, de réactions instinctives à chaud sur le titre d’un article, il ne s’agit pas d’auditoire mais de passages épisodiques qui parasitent sans rien apporter à personne ; d’ailleurs, certains commentaires extérieurs à la communauté habituelle prouvent de plus en plus fréquemment que leurs auteurs n’ont pas lu ce qu’ils commentent. Je constate également que les actualités sur les parutions suscitent peu d’intérêt et de partages, et que les articles fouillés, comme le diptyque (1, 2) sur la gestion des mails de la semaine dernière, font fréquemment des bides. Que cela n’intéresse personne n’est pas grave en soi – ce qui l’est, c’est le temps que je passe à les écrire en me trompant visiblement d’auditoire. Je m’interroge aussi sur ma communication relative à mon actualité – ça ne soulève guère l’enthousiasme. Veux-tu bien m’aider, auguste lectorat, et me dire ce que tu aimerais voir ? Comment rendre ces informations plus intéressantes ?
J’ai toujours dit que j’arrêterais ce blog s’il ne m’amusait plus, et, sous sa forme actuelle, je commence à me lasser de ne pouvoir aborder un sujet un tant soit peu sensible sans devoir faire ensuite de la modération chirurgicale, en particulier sur Facebook. (Les commentaires étant jumelés entre le site et Facebook, où se déroule le gros des conversations de nos jours, mon profil est obligatoirement public pour respecter, paradoxalement, la vie privée de tous – il est manifeste que les posts sont publics, et donc qu’on doit faire attention à sa parole ; hélas, ça attire tout un éventail d’abrutis, comme le spécimen pointé plus haut.)
Il est donc possible que des choses évoluent par ici. Je tiens à ce mode d’interaction avec tout le monde, je tiens à l’habitude, tenue depuis quatre ans presque sans interruption, de proposer du nouveau chaque jour ouvrable ou presque. Je refuse de laisser une poignée de mal-comprenants me pourrir la vie, mais les choses atteignent un stade où il faut trouver de nouveaux modes de fonctionnement pour ne pas perdre joie, bonheur et lolcats. Pour l’instant, donc, le ton devient un peu plus distancié et se tient sciemment à l’écart de tout terrain miné, le temps que j’aie réfléchi à la question. Qu’est-ce que j’offre ici ? Pourquoi ? Pour quel auditoire ? Le temps est probablement venu de structurer un peu le côté auberge espagnole des débuts (qui remontent à MySpace, olol).
Il est probable que je passe mon profil personnel Facebook en « page officielle » sous peu. J’y ai toujours rechigné, parce que j’aime la proximité que procure un profil personnel, et l’aspect « page officielle » comme « site officiel » pourrait laisser entendre que certains voudraient en ouvrir des non-officiels, ce qui, quand même, nous ferait tous bien marrer. Mais Facebook a retiré les outils qui permettaient d’ouvrir l’audience à tous tout en fermant les commentaires aux extérieurs. Je crains qu’il ne me faille faire comme beaucoup de mes camarades l’ont déjà fait (et je les comprends), à savoir une page publique et un profil personnel réduit, pour clarifier les intentions. Cela n’empêchera pas la page publique de conserver le même ton qu’ici, et de vivre autant que mon profil actuel.
En tout cas, si cette crainte devait se soulever : non, je ne cesserai pas de proposer du contenu relatif à l’écriture. Ce sera peut-être appelé à muter, toutefois. Il y a, avec deux camarades pour qui j’ai beaucoup d’estime et d’amitié, un super projet dans les cartons à ce sujet. Sortie prévue en septembre – mais nous en dirons davantage quand nous aurons accumulé assez de matériel. Surprise !
Bon, voici un petit coming out (caveat : post à haute teneur personnelle, passez votre chemin si ma vie ne vous semble pas trépidante – vous avez tort – je trépide beaucoup – à vous de voir) : je me suis trompé.
Ou alors, je vieillis. Bientôt, je me mettrai des écarteurs dans les oreilles, je ressortirai mes chemises de bûcheron (j’en portais dans les années 90 before it was cool), j’irai chez Starbuck et…
Non, en fait, c’est surtout que la technologie a évolué conformément à mes attentes et a atteint la maturité que je commençais à désespérer de lui voir atteindre.
Plus, Windows 10 me rend dépressif.
Auguste lectorat, tu m’as entendu le dire, je me moquais plus ou moins gentiment d’Apple et de son design Gucci, de ses machines hors de prix, de son interface mignonnette, de son manque d’extensibilité, du culte absurde que la marque génère, de son écosystème fermé, de son manque relatif d’innovation… Je me fondais pour cela sur un iPad 4 que j’ai conservé quatre semaines avant de criser sur l’incapacité de faire quoi que ce soit de vaguement productif (du genre partager une page web de Chrome à un service du type Buffer), et de le revendre illico. Et puis les années ont passé.
J’ai une exigence bien particulière : je suis souvent en déplacement et je ne réfléchis bien qu’avec un stylo en main. L’écriture génère une quantité considérable de notes (surtout pour l’écriture d’une trilogie – Léviathan représente une chemise à sangles entière rien qu’en réflexions papier) – et il est hors de question de me trimballer tout ça en voyage. Du coup, je recherche depuis plusieurs années une solution de rédaction numérique idéale qui me permette de transporter et d’ordonner mes idées manuscrites dans le poids d’un seul appareil.
J’ai essayé les Galaxy Note grand format chez Samsung. Moyennant un stylet de meilleure qualité acheté directement chez Wacom, c’était pas mal.
J’ai placé beaucoup d’espoir dans la Surface Pro. Sur le papier, une machine géniale. Dans les faits, une qualité d’écriture dégueulasse (et une chauffe inconfortable). Un super PC miniaturisé, mais : inutilisable pour cette exigence précise.
En désespoir de cause, « foutu pour foutu », j’ai essayé l’iPad Pro et son stylet.
Ça défonce tout. Je suis tombé amoureux. J’ai revendu tout le reste. (Je proposerai probablement un petit test plus détaillé sur le sujet des tablettes, d’ailleurs : ayant à peu près tout eu et tout revendu, je crois pouvoir faire autorité.)
J’ai redécouvert iOS et, moi qui ne jurais que par Android, j’ai trouvé, avec le passage des ans, que tous les obstacles techniques que je déplorais sur l’iPad 4 ont été levés. Les applications communiquent entre elles. On peut réellement contrôler sa machine en profondeur. Le système respecte l’utilisateur (par exemple en demandant l’autorisation de poster des notifications au lieu de les ajouter d’office comme sous Android). Des dizaines d’applications uniques, d’astuces et de hacks donnent à l’ensemble une puissance proprement hallucinante (avec des bijoux tels que Workflow, Dispatch, évidemment Omnifocus et j’en passe). J’ai pu constater, à présent, que la promesse d’Apple (« c’est fait pour bosser, c’est bien conçu, et ça marche ») était remplie au-delà de mes espérances.
J’ai ensuite testé un tout petit Macbook Air, et là aussi, l’expérience a dépassé mes espérances. J’ai jeté au visage du système tout ce que j’ai pu : émulation de machine virtuelle Windows, grosses applications gourmandes, navigateur avec une pelletée d’onglets (en mode : « vas-y, crashe, montre-moi que t’es pourri »), mais l’engin – s’il a ralenti, ce qui est normal – n’a pas planté. D’expérience, je sais que la Surface Pro 3 – pourtant plus puissante – m’aurait claqué dans les doigts avec deux fois moins – pas d’écran bleu, mais un système devenu moisi et nécessitant un redémarrage. Les outils système d’optimisation pour power users sous OS X (Alfred, TextExpander, Hazel, Keyboard Maestro… voir cet article) ridiculisent littéralement les tentatives mal foutues d’émuler le même genre de fonctionnalités sous Windows.
Je me rends compte d’à quel point l’expérience Windows, bien qu’ayant progressé d’année en année, manque de cohérence, de direction, de finition. Passer sous Win10 a nécessité de réinstaller tous mes logiciels musicaux. Depuis quelques mois, ma machine de travail refuse de s’allumer si le clavier USB est branché (WTF ?). L’interface Modern UI avec ses lignes droites, ses angles carrés et ses icônes ultra-simplifiées nous ramènent à une époque où le monochrome n’était pas un choix, comme si trente ans de réflexion sur le langage des interfaces graphiques s’était évanoui, comme si, quelque part chez Microsoft, on avait oublié que l’être humain aime la couleur, les courbes, la douceur. (C’est réellement une doctrine de design : lisez cet article de Steve Clayton exposant les principes actuels gouvernant les interfaces chez Microsoft, les bras m’en tombent – ils ne voient pas combien c’est moche ? Ne fait pas du Bauhaus qui veut…) Sérieusement, auguste lectorat, je déprime de bosser sur un truc pareil à longueur de journée, à tel point qu’installer WindowBlinds est devenu une nécessité vitale, ou bien je me pendais.
La tristitude.
Oui, Windows marche. Oui, Win10 marche mieux que pas mal de ses ancêtres (avec la possible exception de Seven, certainement la meilleure incarnation). Mais je m’aperçois à quel point un Mac, ça marche tellement mieux. À quel point tout est concentré pour l’usage et l’amélioration desdits usages (même remarque pour iOS), quand Windows et Android fournissent le minimum et à chacun de construire sa solution dessus. C’est la rançon de l’ouverture, bien sûr ; Apple ferme ses systèmes à mort et il est difficile de sortir des sentiers battus, d’où l’impératif d’un système bien développé comme fondation (et ma crise sur l’iPad 4).
Mais en somme, avec les produits Windows et Google, je me bats pour que ça marche exactement comme je voudrais, et je me sens intelligent quand j’ai réussi à faire que tout fonctionne comme je le veux. Mais chez Apple, je découvre que ça fait déjà ce que je veux et que, si je suis malin, je peux faire encore mieux. Je pars de plus haut. Le temps passé à traficoter entraîne une optimisation, pas une pure maintenance pour s’assurer que ça ne va pas me claquer dans les doigts. C’est la promesse d’Apple, et, à ce que j’en vois, l’entreprise la tient d’une façon qui, aujourd’hui, me comble.
Je n’ai plus quinze ans, quand je passais le plus clair de mon temps à jouer à X-Wing sur mon 486. (Je voulais jouer, il fallait un PC ; j’étais sous Mac, avant… un vieux LC avec – luxe ! – 80 Mo de disque dur, sous Système 7 – j’ai évidemment pris une claque en mettant mes doigts sur El Capitan aujourd’hui, tout en retrouvant curieusement mes marques…). Aujourd’hui et depuis des années, j’ai une machine pour jouer, une machine pour travailler, et la machine de travail doit me permettre de produire vite, bien, efficacement et sans erreur. J’accepte de bidouiller une machine de jeu pour l’optimiser. Pas une machine de travail. Tout temps passé à optimiser / réparer / débugger une machine de travail est du temps perdu. Je suis prêt à payer plus cher pour m’éviter cela, parce qu’au final, je m’y retrouve sur l’investissement.
Et puis oui, après tout, nous passons le plus clair de notre temps sur nos appareils, ordinateurs, téléphones, tablettes. Le design est important, car il dicte en partie l’usage, et donc la fonction de l’objet. S’il y a des gens qui veulent des paillettes sur leur iPhone, chacun son truc – pour ma part, je me satisfais seulement des proportions d’écran de l’iPad, qui sont, à l’usage, parfaites pour un usage professionnel, et c’est ce que je demande.
Donc, je me suis trompé. C’était prévisible, quand on voit le nombre de pros, dans le domaine de l’écriture et de la musique, qui tournent sous Mac ; mais que serait l’informatique sans une bonne petite guéguerre Amiga / Atari ? Même si Windows, je le répète, reste très fonctionnel – mais j’en ai marre du purement fonctionnel ; j’ai envie d’avoir envie. J’aime l’informatique et je passe ma vie dessus pour le boulot ; le confort et l’optimisation sont des exigences non négligeables. J’en ai marre de me faire le malin à économiser 400 euros sur un nouvel ordinateur pour me retrouver à le dépanner 15 minutes par semaine et à me stresser à me demander s’il va retomber en marche. Je suis entré dans un Apple Store avec la timidité d’un adolescent rentrant dans un sex shop, en me demandant si ce serait sale et si mes parents risquaient de me gauler. Si mon âme irait en enfer. Et en fait, c’était bien. C’était douillet, agréable, je me rends compte que ce n’est pas répréhensible, qu’il n’y a pas de honte à ça et même que d’autres partagent la même déviance, avec qui on peut discuter à voix basse. J’embrasse le clan des hipsters. J’assume mon côté fashion victim. De MS-Dos 6.0 à Windows 10, d’Android 2.3 à Mashmallow, après plus de vingt ans de bricolage, de tripatouillage de CONFIG.SYS et d’AUTOEXEC.BAT, d’installations religieuses du Service Pack 1 sur Windows XP pour éviter que l’installation n’explose après cinq minutes de connexion à Internet, je jette l’éponge. Je couve d’un oeil nostalgique mon vieux Mac LC qui trône encore sur une vieille desserte dans l’appartement paternel et j’adresse une tendre pensée à mon vieil Apple //c perdu dans les déménagements, sur lequel j’ai découvert l’informatique à l’âge de six ans, codant ensuite en BASIC sur des disquettes 5 » 1/4.
Je rentre à la maison. Adieu Windows.
Auguste lectorat, tu as eu la gentillesse de suivre mes humbles aventures de par le monde, notamment en 2011 chez Sea Watch Foundation et en 2012 au Hebridean Whale and Dolphin Trust, sans parler de quelques carnets de voyage. Depuis quelque temps, grandement pris par le travail, j’ai réduit ce genre de découvertes pures, mais cela restait à l’horizon – et quel horizon, puisque mon volontariat de 2016 se déroulera auprès des cieux !
En effet, j’ai répondu présent à l’appel de Roscosmos, l’agence spatiale de la Fédération Russe, laquelle recherche des volontaires sur la période estivale afin de participer à un projet scientifique spatial de grande envergure, et une première mondiale :
Les relevés de Bryn et al. effectués au télescope d’Arecibo ont révélé pour la première fois des courants périodiques animant la magnétosphère de haute altitude ainsi que des pulses sonores cohérents situés dans les fréquences 15 – 35 kHz (ultrasons). Dans ce contexte, Roscosmos, Ltd. recrute douze volontaires pour le projet звездный прилив, dont l’objet vise l’étude de ces courants et de ces clics pour la majeure partie situés au-delà du spectre audible humain.
Profil académique des candidats recherchés :
- Master ou équivalent en astrophysique ou bien océanographie,
- Compétences en traitement du signal sonore,
- Au moins deux (2) publications, scientifiques ou de grand public, témoignant d’une approche novatrice d’une question de société ou historique, ou bien visant à questionner la place de l’humanité dans le cosmos.
Les candidats devront présenter les qualités suivantes :
- Fort esprit d’équipe,
- Bon état physique général,
- Stabilité psychologique,
- Forte résilience,
- Ne pas être soutien de famille.
La mention de l’océanographie peut surprendre, mais elle se comprend dès lors qu’on étudie la publication de Bryn (Periodic stellar movement in high altitudes reminds observers of strong magnitude oceanic tides, in International Review of Natural Sciences). En effet, qui dit « mouvement périodique » sous-entend marées, et c’est à ce titre, en raison de mon passé de biologiste marin, que mon profil a été retenu. Mon travail dans la musique électronique m’a également familiarisé avec le traitement du signal, en tout cas, ainsi que je l’ai présenté au sergent recruteur, argument qui a emporté son adhésion, « j’aime les boutons qui font pouit, donnez-m’en plein ».
Je partirai donc le dimanche 12 juin pour la petite ville de мудак, où Roscosmos a établi ses installations les plus modernes, sur un campus partagé avec l’université locale.
En effet, la Fédération Russe a développé des technologies innovantes pour pallier le relatifs manque de moyens en comparaison de la NASA ou même de l’Agence Spatiale Européenne ; mais ce sont justement ces innovations, comme l’emploi de personnel volontaire bénévole, l’utilisation de titane de carbone ou encore la réutilisation créative de déchets nucléaires, qui alimentent son dynamisme et lui permettent de conduire des projets d’investigation plus pointus, comme cet étrange phénomène de marée spatiale, accompagné de trains de clics sonores.
Mon lancement se déroulera mardi 14 juin, deux jours après mon arrivée, de sorte que je puisse m’habituer au décalage horaire ainsi qu’à un jeûne prolongé, les moyens modestes du programme interdisant d’emporter des rations de survie ou de l’eau à bord de la sonde spatiale. Celle-ci, baptisée гроб-9, décrira deux orbites complètes durant lesquelles j’ai pour mission de récupérer un maximum de données visuelles et auditives sur ces phénomènes pour l’heure inexpliqués. L’espace y est hélas très exigu, mais mon expérience à bord de navires d’expédition sur des couchettes étroites a convaincu les recruteurs que je correspondais au profil, surtout après qu’ils m’aient fait signé une épaisse liasse de documents en cyrillique en prononçant mon nom avec enthousiasme, quoique de façon un peu approximative – « davai, davai ! »
Voici en effet une photographie extérieure des sondes de classe гроб :
« Nous sommes heureux qu’un écrivain de science-fiction tel que LD ait rejoint les rangs de Roscosmos. Il faut en effet un esprit ouvert, animé pourtant d’une rigueur scientifique certaine, pour s’assurer que les informations recueillies le soient dans le plus pur respect de la méthode empirique, sans se fermer à des hypothèses extroardinaires, a déclaré Piotr Karmannik, sous-directeur attaché aux déploiement opérationnel des ressources projet transversales. J’appelle la presse, comme le public, à ne rien croire des clichés amateur réalisés par le club astronomique du collège de Все-Прут. Ceux- ci sont à l’évidence de grossiers photomontages qui ne sauraient expliquer la présence de trains de clics en haute atmosphère. »
J’irai donc en avoir le coeur net, sachant que je serai repêché dans l’océan Pacifique après mes 48 heures d’expédition, au terme d’une chute atmosphérique atteignant une vitesse de 6700 km/s. Je pourrai compter sur un puissant système d’airbags soviétiques gonflés au méthane d’origine bovine pour amortir ma chute, et, charmante coutume, la sonde est équipée en série d’un rosaire pour les cas où l’astronaute trouverait la foi dans d’éventuels moments de solitude. Mais je suis certain que je n’aurai même pas le temps d’y réfléchir – il n’est prévu nulle période de sommeil afin de rentabiliser au maximum la mission – et que j’aurai mille choses à relater ici-même. Nous nous en reparlerons fin juin !
(Note : pour les lecteurs férus d’astronomie, un des clichés amateurs réalisés par le collège et décriés par le sous-directeur Karmannik peut être visualisé ici.)