Arrêtez de compter la longueur de vos textes en « mots »

Un mot (ha) qu’il me semble important de rappeler ici, surtout que le NaNoWriMo est dans un peu plus d’un mois :

Ne comptez pas la longueur de vos textes en mots.

L’usage de l’édition française, ce sont les signes espaces comprises.

Je sais, le NaNo utilise les « mots », mais c’est l’usage anglo-américain, d’où nous vient le NaNo, et cela s’est du coup transposé dans beaucoup de cercles de jeunes auteurs, mais je vous assure que personne ne compte ainsi dans l’édition française professionnelle.

Si vous voulez travailler avec ce milieu, prenez la bonne habitude, cela vous donnera l’air carré et au courant.

Et si vous ne voulez pas, comptez la longueur vos textes en tablettes d’argile, parce qu’un créateur se doit d’emmerder un peu le monde un peu quand même.

(Si la conversion vous donne du mal, multipliez / divisez mentalement par 6, en moyenne, puis donnez le résultat en signes d’un air assuré, personne ne le saura. Sauf moi, puisque je vous ai donné le truc.)

2020-09-21T17:58:43+02:00mardi 29 septembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|10 Commentaires

Calibrer son document et se fixer des objectifs avec Scrivener

La Messagère du Ciel, premier jet terminé.
La Messagère du Ciel, premier jet terminé.

Les petites captures d’écran que j’ai partagé de loin en loin lors de la rédaction des Dieux sauvages (voir ci-contre) ont suscité quelques réactions : quel est ce logiciel ? Comment ça marche ? Comment me fixer des objectifs ?

Je pense que se fixer des objectifs d’écriture est un mécanisme utile pour avancer ses projets. Les objectifs varient bien sûr en fonction du temps disponible, de l’expérience, de la complexité du récit, mais l’expérience montre qu’il vaut mieux toucher un peu son projet tous les jours que beaucoup à intervalles irréguliers (on en a parlé ici à l’occasion du commentaire des règles sur l’écriture de Robert Heinlein). Entre autres parce que l’écriture s’apparente beaucoup à un muscle et qu’un muscle, ça travaille mieux régulièrement qu’un grand coup de temps en temps. Le travail régulier permet de conserver la motivation ainsi qu’une bonne mémoire de son projet, au lieu de devoir tout réapprendre à chaque fois.

Plus prosaïquement parce que l’expérience prouve que les longues périodes de temps disponible sont rares. Et que les attendre revient à risquer de ne jamais faire aucun progrès.

Étant conçu pour des auteurs, Scrivener (fortement recommandé dans la boîte à outils de l’écrivain, ici) propose donc des fonctionnalités intégrées rusées et puissantes pour le maintien de ces objectifs.

Le calibrage du document

Tout d’abord, Scrivener propose un calibrage automatique du manuscrit en cours – la partie « Draft » ou « Manuscrit » – c’est-à-dire, ce qui finira dans la compilation. Les notes, recherches et autres documents de référence qui figurent à côté ne sont pas comptés (logique et rassurant).

Plus précisément, chaque document de la partie Manuscrit peut être intégré ou non dans la compilation manuellement. Ce qui permet de conserver, parfois, des notes à côté d’un chapitre quand cela s’impose. Ici, deux dossiers du projet de Port d’Âmes, contenant côte à côte le chapitre 3 finalisé et les notes correspondantes au moment de mes propres corrections.

Il suffit pour cela de cocher ou non la case de l’inspecteur « Inclure dans la compilation » :

(On la retrouve en mode plan dans les diverses colonnes personnalisables.)

Se fixer des objectifs

Commande (ou Control) – majuscule – T donne la fenêtre des calibrages et objectifs :

Un clic sur le bouton en bas à droite (Modifier) donne accès à la personnalisation des objectifs d’écriture, que ce soit pour le manuscrit en cours ou pour les quotas quotidiens. Comme nous calibrons des documents à la française, on préférera les caractères espaces comprises, qui sont l’unité de référence dans l’édition chez nous.

Les options offrent tout un tas de subtilités pour paramétrer au mieux son expérience (sous Mac, au moins, je ne sais pas où en est la version Windows) :

scriv-options-objectis

À vous de voir la rigueur que vous voulez vous imposer : autoriser les chiffres négatifs (quand on corrige, par exemple) peut déprimer… Ou pas si l’on cherche justement à faire maigrir un manuscrit. Je recommande d’activer la notification quand l’objectif est atteint ; c’est une belle récompense, et permet de s’affranchir d’une consultation compulsive du compteur à chaque paragraphe (ce qui nuit un tout petit peu à la concentration).

Il faut se rappeler que Scrivener calcule ses cibles sur les documents signalés comme étant dans la compilation uniquement (sauf si on lui dit le contraire dans les options ci-dessus). Cela signifie que si vous écrivez 5000 signes de fiche de personnage dans la section Référence, il ne le comptera pas, par exemple. Plus subtil, si vous écrivez 5000 signes dans un document du Manuscrit mais que vous décochez ensuite l’inclusion dans la compilation, ces signes seront comptabilisés dans le quota quotidien. Mais au contraire, si vous écrivez 5000 signes dans un document puis que vous l’incluez à la compilation par la suite, Scrivener ne gardera pas trace du calibrage écrit. De même, rédiger des notes dans un document inclus à la compilation est une bonne manière de faire monter artificiellement le quota du jour… Mais un piège qu’on se tend à soi-même quand il s’agit de les supprimer (car le quota s’en ressent d’autant). (Bien sûr que c’est du vécu.) Bref, ayez conscience de votre paramétrage pour ne pas vous laisser piéger par l’automatisation. (Conseil de survie de base au XXIe siècle.)

Vous voilà parés pour tenir vos objectifs quotidiens – et ça tombe bien, car nous sommes en plein NaNoWriMo, le mois de l’écriture ! (Et si vous êtes en manque de motivation, pour mémoire, j’avais contribué un petit pep talk en 2013 archivé ici.)

Pour plus de ressources sur Scrivener et peut-être franchir le pas, si ce n’est pas déjà fait, rendez-vous sur cette page.

2019-06-07T22:41:27+02:00mardi 8 novembre 2016|Best Of, Technique d'écriture|8 Commentaires

124% (une forme de photo de la semaine)

Okay, quand je suis énervé et que je me donne une to-do list avec comme objectif en béton armé de terminer le roman AUJOURD’HUI (enfin, hier), on ne joue plus.

mdc-final

39 000 signes en une journée, ce n’est pas mon record (qui doit être, de mémoire, de 60 000 signes en finissant à 4h du matin), mais ça reste pas mal. Ainsi se termine pour moi le premier jet de La Messagère du Ciel, premier tome de « Les Dieux sauvages ». Avec un dépassement de signes finalement encore assez raisonnable, surtout que je sais, d’expérience, que mes premiers jets tendent à maigrir aux corrections. (Léviathan : la Nuit avait perdu ainsi environ 20% du volume de son premier jet, même si ce chiffre se réduit de livre en livre, à mesure que je deviens plus précis pour atteindre la cible que je me fixe au préalable.) Il reste une ou deux bricoles à ajouter / rafistoler sur le gros œuvre, mais je peux dire, à toutes fins utiles, que le roman est terminé. Yay ! (En espérant, comme toujours, qu’il en vaille la peine, etc, etc.)

… Du moins jusqu’à ses corrections. Mais c’est une étape beaucoup plus technique sur laquelle je sais que je progresse rapidement. Dans cette phase, je change totalement de casquette : du rôle d’auteur passant d’un chapitre à l’autre et découvrant l’histoire en compagnie des personnages à travers les grandes étapes préétablies du plan, je deviens, en un sens, mon propre ghostwriter. Ma situation est la suivante : je viens de recevoir ce manuscrit sur mon bureau d’un auteur un peu foufou, avec des problèmes à régler, un style à polir, une cohérence à surveiller ; à présent, mon rôle consiste à le rendre présentable tout en sachant qu’on ne me créditera jamais pour ce travail, mais que ce sera « l’autre » qui en retirera les lauriers.

Non, non, ce n’est pas du tout un métier bizarre.

https://www.instagram.com/p/BMWAJ-vgpM9/

2016-11-03T23:00:36+01:00vendredi 4 novembre 2016|Journal|7 Commentaires

Combien dois-je demander pour une traduction ?

C’est une question qu’on m’a posé deux fois en deux semaines en privé, alors il semble qu’il puisse être utile de donner quelques pistes aux jeunes traducteurs et trices, surtout s’ils comptent faire de la traduction une activité semi-professionnelle, ou s’ils ont la chance de maîtriser une langue rare.

Comment souvent dans ces cas-là, l’Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF) vient à la rescousse avec un site proposant nombre d’informations sur le métier (http://www.atlf.org/).

Tout d’abord, et cela n’a rien d’une évidence, il faut s’assurer que l’on est convenablement armé pour s’engager à réaliser un travail de traduction, en particulier si l’on débute ou (c’est assez fréquent) que l’on rend service sur un contract ponctuel sans réelle intention professionnelle. Pour cela, le code de déontologie du traducteur est un précieux guide. Il faut notamment juger de la difficulté du travail à réaliser : un essai technique ou de la poésie ne poseront pas les mêmes embûches qu’un article de presse grand public ou qu’une nouvelle de littérature blanche. Il n’y a pas de lignes directrices autres qu’un examen de conscience honnête et approfondi, surtout si l’on débute, pour répondre à la question : « Suis-je capable de faire correctement ce boulot sans y laisser l’ensemble de mon sommeil pour les trois mois à venir ? »

Ensuite, combien demander ? L’ATLF réalise tous les ans une enquête sur la rémunération des traducteurs en fonction de la langue et du support (voir ici). Ces fourchettes peuvent servir de ligne directrice mais il faut avoir conscience que les tarifs peuvent varier bien davantage, notamment selon l’expérience du traducteur, la difficulté du support, l’urgence du délai, la rareté de la langue, etc. Toutefois, ils ne devraient pas descendre « trop » en-deçà de la fourchette basse. La traduction est un travail exigeant et une bonne traduction se paie. Si le donneur d’ordre n’a pas les moyens de la financer1, il lui faut peut-être s’interroger sur la pérénnité de sa stratégie à l’étranger.

Il faut noter que cette enquête donne les tarifs selon le dit « feuillet calibré standard de 1500 signes ». C’est n’est PAS une tranche informatique de 1500 signes calculée dans Word. Le feuillet est un étalon en vigueur depuis des décennies dans l’édition, hérité de la machine à écrire, et correspond à une feuille « modèle » d’approximativement 1500 signes. Je n’entre pas davantage dans le détail, il y a un excellent article et didacticiel sur la question encore une fois sur le site de l’ATLF à cette adresse (en PDF). Il est possible de calculer la rémunération selon le calibrage informatique, mais il convient alors de la majorer (voir enquête rémunération).

Enfin, je ne m’en étais pas encore fait l’écho, mais Pierre Assouline vient de publier un épais rapport sur la condition du traducteur, bourré de chiffres et d’analyses, fruit d’une longue et minutieuse enquête de terrain. Il est disponible gratuitement sous forme numérique sur le site du Centre National du Livre à cette adresse.

  1. Si c’est une entreprise, bien sûr.
2014-08-30T18:33:01+02:00jeudi 8 septembre 2011|Best Of, Le monde du livre|24 Commentaires
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