Opinion impopulaire (?) : construire son avis avant demander celui des autres

Nous avons la chance sans précédent à notre époque de disposer d’un accès immédiat et quasi-gratuit à la quasi-totalité du savoir humain généraliste : un coup de moteur de recherche, de Wikipédia, et hop, vous pouvez découvrir le destin de la reine franque au prénom le plus formidable de l’histoire. Et si cela ne suffit pas, les réseaux (il leur faut quand même bien un intérêt) (ou plusieurs, allez, je suis un peu de mauvaise foi) peuvent apporter des réponses complémentaires en permettant la mise en contact avec des spécialistes pointus.

Traitez-moi de vieux con, mais je trouve que c’est mieux dans cet ordre : recherche puis demande. La pratique montre que c’est pourtant l’inverse qui se produit souvent : les vieux briscards des forums râlent toujours de voir arriver des questions auxquelles un ou deux recherches auraient apporté une réponse rapide…

Demander de l’aide et pouvoir poser publiquement ses questions est une chance, mais je regrette que ce soit parfois la solution de facilité. Alors que se poser une question, puis chercher et trouver soi-même la réponse grâce à la masse colossale de ce qui est disponible en ligne, est gratifiant – certes, récompense de l’effort, tout ça – mais surtout, c’est meilleur. Une solution qu’on trouve soi-même a plus de chances d’être retenue et ajoutée à son attirail mental personnel.

Mais plus important encore, au-delà de ça : encore une fois, je suis peut-être un vieux con, mais quand je me pose une question, je n’ai surtout pas envie de commencer par inviter les opinions des autres dans mon esprit. Je n’ai aucune assurance de leur bien-fondé, voire de leurs intérêts cachés, que JeanJacquesdu92 n’est peut-être pas un bot russe ou un illuminé de la terre plate. Je crois beaucoup que les opinions et les approches se construisent plus sainement dans le silence ; c’est une fois que l’on atteint ses limites qu’il est salutaire, comme le dit Stephen King, d’ouvrir la porte (et son esprit) pour se confronter au monde et, là, aller plus loin (quitte à remettre en cause tout le chemin parcouru – ce qui n’est pas une perte ; c’est grandir).

En revanche, ouvrir d’emblée la porte sans direction ni construction auprès desquelles tester ce dont on sera bombardé me semble intellectuellement désastreux. C’est comme les collèges de scénaristes ou bien créer par référendum : une question à la fois, une invitation du vaste monde dans l’intimité de l’esprit à la fois, ce qui fait la beauté et la solidité d’une personnalité (ou d’une œuvre) se délaye peu à peu dans des regards extérieurs soufflant la chandelle de l’originalité.

Il en va de même pour l’écriture ; c’est pourquoi je recommande toujours de n’inviter les regards extérieurs qu’une fois un manuscrit poussé dans ses derniers retranchements. Certains au contraire, comme ma camarade Estelle Faye, invitent parfois ces regards en cours de projet – approche évidemment légitime ! Toutefois, je ne crois pas trahir cette approche en pensant qu’elle ne fonctionne que si l’on sait au fond, là encore, ce qu’on veut atteindre, ou que l’on a réellement atteint le bout d’une réflexion. (Estelle me corrigera peut-être.)

Bref, l’extérieur ne peut nous aider au mieux que quand il y a quelque chose à aider.

2022-08-24T03:26:14+02:00mercredi 24 août 2022|Humeurs aqueuses|2 Commentaires

L’originalité en fiction : grand concept et grand traitement

Dans le sillage de nos réflexions collectives dans Procrastination autour de l’originalité en fiction qui infuse à travers la personnalité de l’auteur ou autrice (sujet qu’on a notamment traité dans l’épisode 403), j’en suis parvenu à cerner potentiellement deux axes autour desquels “l’originalité”, la nouveauté, peuvent s’articuler dans les littératures de l’imaginaire. Et pour tester la pertinence d’un concept, rien de tel que de s’astreindre à l’énoncer clairement et de le livrer en pâture au vaste monde. Faites-en ce que vous voulez – et voyez ce que vous pensez. Personnellement, ce que je pense aujourd’hui est plus intelligent qu’hier, et plus stupide que demain, YEAH.

L’originalité en SF&F (et le désir, louable, des jeunes auteurs et autrices de celle-ci) est presque toujours associée au poids des géants du domaine, ledit “âge d’or” où quantité de concepts se sont développés voire sont apparus : par exemple en SF, les tropes du voyage dans le temps, du voyage interstellaire, du premier contact alien et j’en passe ; en fantasy, l’essor du médiéval-fantastique, la réinvention des bestiaires, le héros maudit surpuissant, le multivers et tant d’autres. On peut avoir la sensation qu’à l’époque, par rapport à maintenant, tout restait à inventer et découvrir, et si on peut attribuer une prudente part de mérite à l’argument (plus facile d’inventer des trucs quand on est au début d’un genre) – comme nous l’avons avancé dans Procrastination, l’originalité se niche dans des dimensions plus vastes, qui viennent s’enraciner dans la personnalité même du créateur ou créatrice. (C’est même une des composantes philosophiques fondamentales du droit d’auteur, venue de Kant, à travers la théorie de la personnalité – l’œuvre est le reflet direct et unique de la personnalité de celui ou celle qui crée, déterminant donc son ascendant sur son travail.)

Mais cette conception de l’originalité – la “bonne idée” – n’est qu’une partie de l’équation, et elle n’est absolument pas indispensable pour construire une œuvre notable et majeure. Quantité de travaux d’envergure ne reposent pas sur des idées bouleversantes, mais sur une approche travaillée et réfléchie d’un environnement, de thèmes, de personnages, et c’est par la finesse narrative, la personnalité de l’auteur ou autrice, la qualité du traitement que l’œuvre ressort. Avec tout l’immense respect et le goût que j’ai pour un récit comme, par exemple, « Game of Thrones », on n’y trouve – qu’on me pardonne – aucune “grande idée”. Dragons, Marcheurs blancs (= fléau zombie), rivalités politiques, worldbuilding, tout cela sont des éléments et des tropes déjà connus ; ce qui fait la force de l’œuvre, c’est la galerie des personnages, la puissance du traitement, le souffle épique, l’inventivité narrative, bref, tout ce qu’on raconte.

L’originalité, donc, a pour moi deux dimensions en imaginaire qui peuvent se mêler à des degrés divers :

Le grand concept. C’est ce à quoi on pense souvent, comme exposé plus haut, quand on pense “originalité” : c’est “l’idée” peu explorée, voire totalement novatrice, sur laquelle on va faire reposer une histoire, voire un univers. Le paradoxe du grand-père. L’épée buveuse d’âmes. La Force. Je crois qu’on a un peu toutes et tous envie de trouver de grands concepts, car je pense qu’ils forment fréquemment nos premiers vertiges SF&F, et allument en nous le désir de la même inventivité. Cependant, comme dit précédemment, ce n’est nullement obligatoire. Car il existe aussi :

Le grand traitement. Cela rejoint l’idée selon laquelle la personnalité et l’originalité de chaque personne apportera, si elle est sincère, une vision unique et novatrice de thèmes parfois ancestraux (G. R. R. Martin produit, selon cette définition, un “grand traitement” avec « Game of Thrones »). Le grand traitement n’est absolument pas moins noble que le grand concept, et peut même se montrer parfois plus accessible (car il repose sur une plus vaste communauté d’expérience) : vous savez quel genre indémodable repose presque exclusivement sur du grand traitement ? Le roman sentimental. On réinvente le thème de l’amour depuis que notre espèce à se raconte des histoires et on trouve constamment de nouvelles choses pertinentes à dire sur le sujet. Et ça n’est absolument pas moins noble.

Évidemment, ça n’est pas une dichotomie, et ça ne s’oppose pas du tout. Un twist fameux d’un trope connu peut devenir un grand concept pour un point précis d’un univers à l’intérieur d’un grand traitement ; inversement, un grand concept qui n’est pas traité avec la finesse et l’intelligence d’un grand traitement tombera à plat. De la rencontre de tropes archi-connus peut éclore un fantastique grand concept (je pense par exemple à l’épisode Heaven Sent de Doctor Who, le fantastique épisode du confession dial1 qui, en mélangeant quantité de concepts classiques, crée quelque chose d’unique). J’ai récemment chroniqué Outer Wilds – grand concept impeccablement traité – et Grisgrand traitement (car en son cœur, ce n’est “que” un jeu de plate-forme, mais quel jeu de plate-forme). Ce sont tous deux des chefs-d’œuvre à mes yeux.

Si je vous raconte ça, c’est pour relativiser une fois de plus, suite à une conversation échangée aux Imaginales2, la pression de l’originalité, surtout dans nos genres, et l’angoisse de se dire “tout a déjà été écrit, que puis-je donc ajouter ?” L’originalité est bien des choses, et elle s’enracine dans la passion, la peur, les questionnements de la personne, qui seront ensuite servis par la technique littéraire. Un grand traitement, par sa puissance et son envergure, peut devenir un grand concept à part entière à travers sa seule existence – peut-être pourrait-on dire cela du Seigneur des Anneaux quand on connaît l’envergure de l’inspiration mythique de Tolkien. Et ma foi, il y a pire ascendance.

  1. Meilleur de Peter Capaldi, et chant du cygne de Steven Moffat, qui était décidément à bout de souffle sur cette saison.
  2. Salut à toi, je sais que tu traînes ici 😉
2021-10-23T15:57:33+02:00mercredi 27 octobre 2021|Best Of, Technique d'écriture|5 Commentaires

Procrastination podcast S05e20 – Non, l’éditeur ne veut pas vous formater

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “S05e20 – Non, l’éditeur ne veut pas vous formater“.

L’épisode aux opinions peut-être impopulaires, mais concernant une idée reçue tellement fréquente qu’il convient de lui tordre le cou une bonne fois pour toutes : non, une maison d’édition ne veut pas formater votre travail ni lisser votre personnalité. Mélanie met déjà en avant l’immense diversité du paysage éditorial et donc des sensibilités, et revient sur la notion de ligne éditoriale, qui n’est pas un prétexte pour rejeter les manuscrits, mais au contraire un repère précieux pour s’orienter. Lionel explicite la différence souvent mal comprise entre la personnalité souhaitée dans une œuvre et les moyens que l’auteur ou autrice acquiert au cours de son mûrissement, tant personnel que technique. Estelle insiste sur l’importance de chercher les bons partenaires, de cibler ses projets, et rappelle qu’un artiste apprend ce qu’il ou elle désire à mesure qu’il ou elle pratique son art.

Références citées

– Le festival Imaginales, http://www.imaginales.fr

– Le festival Utopiales, http://www.utopiales.org

– Mireille Rivalland

– « Les Archives de Roshar », Brandon Sanderson

– Django Reinhardt

– Free Bird, Lynyrd Skynyrd

– Régis Goddyn

– Stefan Platteau

– Donjons et Dragons le film, réalisé par Courtney Solomon

– Le Seigneur des Anneaux, série de films réalisés par Peter Jackson

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2021-08-12T18:10:01+02:00jeudi 1 juillet 2021|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S05e20 – Non, l’éditeur ne veut pas vous formater

Autour de Procrastination et de la technique d’écriture (VOD sur Doctriz avec Mélanie Fazi et Estelle Faye)

Il y a une semaine, donc, Mélanie, Estelle et moi avons eu le grand plaisir d’être invité·es à causer du podcast Procrastination sur la chaîne Doctriz : nous avons revisité la genèse du podcast et son approche, mais forcément, ça a très vite dérivé vers des questions d’approche de l’écriture comme activité et comme métier, et bien sûr, on n’était pas d’accord et c’est tant mieux.

Un immense merci à Zelda pour avoir animé la conversation, à toute la communauté de Doctriz, à toutes et tous les universitaires qui promeuvent l’imaginaire comme sujet d’étude et clarifient à nos propres yeux ce que c’est que ce boxif que nous fabriquons, et à tout le public qui est passé ! La vidéo est disponible en rediffusion sur Twitch pour quelques semaines !

2021-04-23T11:07:35+02:00lundi 26 avril 2021|Entretiens|Commentaires fermés sur Autour de Procrastination et de la technique d’écriture (VOD sur Doctriz avec Mélanie Fazi et Estelle Faye)

Procrastination podcast S04e03 – Faire original

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Faire original“.

Une question fréquente (voire une angoisse) des auteurs, jeunes et parfois moins jeunes : si tout a (paraît-il) déjà été dit, fait, écrit, comment faire pour être original dans sa création ? Mélanie confirme que la question de l’originalité des idées était très importante pour elle au début, mais s’est vite rendue compte que ce n’était pas ce qui restait des textes ; et surtout, que beaucoup de thèmes, idées et images étaient traités depuis la nuit des temps. Estelle renchérit en abordant le piège fréquent de ne pas vouloir se constituer une culture, surtout dans les genres, pour « ne pas subir d’influence » ; alors qu’en vérité, on s’inscrit plutôt dans une lignée de créateurs. Lionel renchérit sur l’intérêt de connaître les tropes, à la fois dans son genre mais aussi à l’extérieur, pour voir quelle exploitation personnelle, authentique, en faire, car l’originalité connaît bien des facettes en réalité, y compris dans le traitement.

Reférences citées
– Frankenstein, Mary Shelley
– Orson Scott Card
– Alien, film de Ridley Scott
– H. R. Giger
– Alejandro Jodorowsky 
– Philip K. Dick
– Troma Entertainment
– Fabrice Colin
– Vladimir Nabokov
– Catherine Dufour
– Marguerite Yourcenar
– Francis Berthelot
– Le Seigneur des Anneaux, J. R. R. Tolkien
– Harry Potter, J. K. Rowling
– Game of Thrones, G. R. R. Martin
– John Cleese on Creativity In Management, https://www.youtube.com/watch?v=Pb5oIIPO62g

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2020-10-19T11:35:24+02:00vendredi 15 novembre 2019|Procrastination podcast|2 Commentaires

“Touche ton manuscrit tous les jours” : vous savez, c’est si vous voulez, hein

Cette femme peut écrire malgré l’hypoxie de 4000 m d’altitude. Et toi, qu’as-tu fait aujourd’hui, HEIN ? (Photo Tyler Nix)

Comme je vois ce truc refaire régulièrement surface dans mes mentions alors qu’il a plus d’un an, je me disais que je pourrais revenir dessus. Le truc en question est l’article “La seule habitude indispensable de toute pratique créative” – avec un enthousiasme probablement empreint de candeur (mais si l’on ne peut pas être un peu candide et joyeux dans les pratiques artistiques, je doute qu’on puisse l’être en remplissant un formulaire estampillé Cerfa), je développais et adaptais à mon sens le conseil fréquemment répandu “écris tous les jours” en “touche ton projet en cours tous les jours” (parce que ça te permet de prendre une bonne habitude, de conserver le lien avec ton projet et de combattre la procrastination – pas le podcast, hein). C’est à mon avis – je n’ai jamais prétendu dire vrai, mais uniquement donner un point de vue – c’est la nature d’un, vous savez, blog.

Or cet article a suscité quantité de réactions positives, mais aussi une frustration, voire une violence qui me laissent songeur (et je constate que ça gratte du monde encore aujourd’hui). Des tas de réactions ultra enthousiastes ravies de lire ça ; ce qui est merveilleux (et merci). Mais aussi quelques hostilités franches et nettes (jusqu’à un tombereau d’insultes venu de nulle part reçu en privé et qui m’a laissé groggy). Beaucoup se sentent obligé.es d’argumenter en détail que non, ça n’est pas vrai, ça n’est pas nécessaire, on travaille différemment, etc.

Vous savez quoi, les amis ? Je ne suis le père de personne (j’ai travaillé jusqu’ici très dur pour éviter que ça arrive). By all means, si vous travaillez différemment et que vous terminez les projets qui vous tiennent à cœur dans de bonnes conditions, c’est parfait. J’ai toujours répété en atelier qu’avant toute chose, apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître. Nul n’a de compte à rendre à personne. Vous n’avez pas besoin de revenir vers moi pour m’expliquer à quel point j’ai tort, y compris un an plus tard. Et si j’étais un enfoiré (et je vais donc l’être un peu), je pourrais dire : d’où vous vient ce besoin ? Qui cherchez-vous à convaincre, au juste ?

Si je dis “touche ton projet tous les jours”, c’est que d’une : cela a aujourd’hui un impact positif sur mon propre travail (voir caveat plus haut) et de deux : les jeunes auteurs ont fréquemment besoin d’un déblocage. Combien de fois entends-je “je veux écrire, mais j’ai pas le temps” ? Si, mon pote, tu l’as : écris une phrase par jour, tu peux bien le faire, non ? L’implicite étant : non, tu n’as pas besoin d’avoir quatre heures devant toi car d’une, tu ne les auras que rarement voire jamais, de deux, tu peux progresser sur ta décalogie un mot à la fois. En résumé : tu as le droit de te détendre. Et c’est le truc le plus important qui soit pour créer, je pense.

On me répond parfois “si ces gens veulent écrire, ils trouveront le temps, la motivation, sinon tant pis”. Selon l’humeur, on peut considérer que c’est soit a) une vision très bukowskienne de l’écriture (voir la vidéo plus bas), b) une vision très égoïste en mode “en vrai, qu’ils se démerdent”. Soyons clairs : en ce qui me concerne, je ne règle les problèmes de personne ; ce n’est pas moi qui vais écrire les bouquins des gens à leur place et ce temps, il faut quand même qu’ils l’investissent. Juste : je m’efforce de transmettre ce que j’aurais aimé entendre étant plus jeune (je constate avec les années que j’ai apparemment cette étrange faculté de me rappeler nettement comment j’étais plus jeune – mais c’est peut-être parce que j’étais déjà vieux). Cela a toujours été ma ligne directrice ici. Je voyage dans le temps, mais à l’endroit. (C’est hyper novateur.)

Toucher son projet tous les jours, pour moi, c’est comme la méditation ou la musculation : de petites habitudes de ce genre s’additionnent les unes aux autres et la régularité entraîne des bénéfices exponentiels. Je le dis parce que je pense que ça fait du bien, comme avoir l’esprit libre et un corps capable de faire à peu près ce qu’on lui demande dans la limite du raisonnable. Après, personne n’est obligé de faire l’un ou l’autre. Chacun ses responsabilités. Et plein de gens mènent des vies parfaitement saines sans faire l’un ou l’autre. Parfait ! Mais j’imagine que la réaction est la même : je tiens le rôle de l’emmerdeur qui rappelle qu’on devrait manger plus de salade verte ou arrêter d’insulter le conducteur qui vient de nous faire une queue de poisson. Eh bien, auguste lectorat, par la présente, sache que j’ai toujours pensé que tu faisais ce que tu voulais, que tu n’as pas de comptes à me rendre, et que tant que tu es content de ta façon de faire et qu’elle fonctionne, c’est parfait ; et si ce n’est pas le cas, tu peux y travailler si tu le souhaites et aussi déboucher sur une autre solution que la mienne. Tant que tu es content ! Churchill a tenu un pays sous les bombes en fumant comme un cendrier. Il aurait pu arrêter de fumer, mais bon, il a eu des résultats, quoi.

Il s’agit juste de trouver comment écrire du mieux possible ce que l’on porte en soi – et ce, seulement si on veut le faire.

Je dis juste qu’il faut pas venir chouiner sur le manque de résultat si on n’écrit jamais. Non seulement j’approuve à 100% la vidéo qui suit (encore merci pour la recommandation, @elatheod) mais elle m’a fait un bien fou. Si ça vous fait du bien aussi, c’est cool. Et si non, cherchez juste votre manière, à vous, de vous faire du bien1.

  1. Et soyez pas dégueulasses.
2019-06-01T14:41:33+02:00jeudi 21 juin 2018|Best Of, Technique d'écriture|34 Commentaires

Procrastination podcast S02E10 : “Motifs et reprises”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Motifs et reprises“.

La culture du « remix » concerne-t-elle la littérature alors que quantité de figures connues des genres (zombie, vampire…) se trouvent réutilisés sous des approches différentes ? Comment être original dans ce cas de figure ? Mélanie propose l’hypothèse que tout a peut-être été écrit, tandis que Laurent sépare à ce titre le contenu purement narratif du contenu mythique et psychologique. Lionel rapproche cela de la différence entre thème et traitement (et s’obstine aussi à employer dans cet épisode un mot qui n’existe pas en français, commonalité).

Références citées :
– Crash !, J. G. Ballard
– « Neige, verre et pommes », Neil Gaiman
– Kaamelott, série télévisée
– Les Cygnes sauvages, Hans Christian Andersen
– Ginger Snaps, film
– Dans les veines, Je suis ton ombre, Morgane Cassarieu

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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Bonne écoute !

2019-05-04T18:47:10+02:00jeudi 1 février 2018|Procrastination podcast, Technique d'écriture|8 Commentaires

Pensées aléatoires : l’oeil n’est pas dans la tombe

Il n’existe aucun autre regard à t’observer en permanence que le tien. Tu ne peux jamais échapper à ta propre contemplation. Sois celui qui satisfait cette contemplation, à tout instant, ou bien tu le paieras.

(Ces “pensées aléatoires” sont des notes jetées au hasard au fil des ans sur des carnets et archives, et exhumées pour faire vivre le blog pendant une période de connectivité limitée. Toutes les réclamations sont à adresser à mon analyste.)

2013-11-14T06:31:27+01:00jeudi 14 novembre 2013|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Pensées aléatoires : l’oeil n’est pas dans la tombe

Question : où allez-vous chercher tout ça ?

(c) Disney

Encore une petite période de silence, mais je reprends progressivement le fil d’une activité normale (lire : raisonnable) et donc l’ouverture de ce bar et l’approvisionnement en bibine fraîche. Il y a une question qui était arrivée depuis un moment, très fondamentale :

 

Quand on a une idée en tête c’est dejà pas mal. Non ?

On essaie de l’exploiter un peu, on y ajuste d’autres idées, ca forme un tout cohérent et on se dit,  après 3 mois de gestation  : mouais, ca pas si mal, allons y.
Mouais… sauf que quand je m’arrête dans une librairie, quand je jette un regard envieux et jaloux sur les couvertures, quand je bave sur les 4ieme de couverture, personnellement je repars de là en me disant que mes idées sont nullissimes et aussi développées qu’un embryon d’huitre de 2 jours.

Alors oui, ou allez vous chercher toutes ces idées ? Qu’avez vous dans vos cerveaux pour en sortir des trucs comme ca ? C’est limite effrayant  !! 😉

Bon, déjà, les quatrièmes de couverture sont conçues comme ça : pour donner envie, pour présenter les points forts d’une histoire et donc mettre en avant ce qu’elle a de meilleur. Une bonne quatrième peut sublimer le contenu d’un livre, mais, comme on l’a tous vu un jour, le récit n’est pas forcément à la hauteur des promesses (« La richesse de Tolkien, la drôlerie des Monty Python et le style de Jean Lorrain ! »). Il ne faut certainement pas complexer face à elles ! Sans compter que, sur un livre publié, il y a eu le retravail de l’auteur, les suggestions de l’éditeur et parfois des commerciaux, une foule de regards extérieurs qui visent tous à ce que cette histoire donne son plein potentiel.

D’accord. Mais ce n’est qu’esquiver la question. Où va-t-on trouver des idées ? Je dirais que trouver des idées n’est pas un problème : le monde en fourmille. Ouvrir la presse, se balader sur le Net, rester ouvert à son environnement amène des quantités d’idées, parfois dans les moments les plus improbables. Il faut rester disponible, à l’écoute du monde, et elles viennent d’elles-mêmes. Je suis convaincu qu’il n’y a pas de mauvaises idées : il y a, en revanche, les idées qu’on traitera de manière intéressante parce qu’elles nous concernent d’une manière ou d’une autre, et celles avec lesquelles on n’a pas de véritable lien.

Ce qui compte, c’est donc de trouver les idées qui conviennent pour soi ; non  pas creuser le même sillon et traiter toujours les mêmes thèmes, mais apprendre à se connaître pour remarquer, parmi la foule de récits potentiels qui peuvent naître, ceux que l’on a vraiment envie d’écrire, ceux qui résonnent avec nos convictions, nos désirs, nos révoltes, ceux que l’on veut vraiment explorer et suivre pour découvrir où ils nous conduiront. Si l’on ne jure que par la hard science, une idée purement romantique à la façon du Journal de Bridget Jones, aussi riche et intéressante soit-elle, ne résonnera guère, et son exécution va s’en ressentir.

Car je pense aussi que l’exécution prime sur l’inventivité. La meilleure idée du monde ne franchira peut-être même pas le comité de lecture de l’éditeur si l’exécution est bancale, insuffisante, si le potentiel d’une grande idée n’est pas exploité convenablement – alors qu’on peut faire une grande histoire avec un archétype classique, de Romeo et Juliette à AvatarIl faut ensuite tirer le maximum de ce germe d’envie, qu’on reconnaît parfois à un frisson caractéristique bien physique (comme le disent deux Elisabeth, George et Vonarburg, dans leurs livres d’écriture respectifs, « le corps sait »). Et c’est peut-être la partie la plus difficile : leur faire exprimer (au double sens de la parole et de presser comme un citron) leur potentiel, trouver la raison pour laquelle cette idée a séduit, et l’histoire qui se trouve ensuite derrière. Les mûrir, les méditer, en suivre les implications et ramifications, les ressasser jusqu’à pouvoir leur faire porter un récit qui compte, à tout le moins, à ses propres yeux. C’est là, peut-être, qu’on touchera à une authenticité qui pourra atteindre et émouvoir, par la suite, le lecteur.

Où va-t-on donc chercher tout ça ? À l’extérieur, autant qu’en soi. La psyché humaine compte un nombre limité de grands thèmes, aussi vaste soit-il : l’amour, la mort, la perte, le dépassement de soi, la liberté… Le plus important, à mon sens, c’est de chercher en soi-même, à force d’introspection et de ruminations,  ce que l’on a de personnel à dire sur la question, et le dire ensuite du mieux possible. Je pense humblement que c’est là que se terrent les idées qui comptent vraiment. C’est cet aspect qui les rendra bonnes, et leur rumination qui les rendra originales. Mais l’originalité n’est, en quelque sorte, qu’un effet secondaire qui vient dès qu’on a suffisamment creusé, avec sincérité, ce qui fait l’honnêteté de notre regard et de ce que l’on cherche à traiter. Elle n’est pas un but en soi. Chercher sans relâche sa propre parole, ne pas limiter ses ambitions, aller vers le lecteur, voilà à mon sens les buts véritables.

2014-08-05T15:23:05+02:00mardi 8 mars 2011|Best Of, Technique d'écriture|18 Commentaires

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