Vers La Chute, vers La Nuit

Me voilà de retour de New Quay avec dans mes bagages un joli lot d’images, d’anecdotes et surtout de belles rencontres, qu’elles soient dans l’eau ou sur la terre. Cela a un petit côté irréel ; de retour chez moi devant ma machine principale, ces six semaines paraissent un rêve ; je peine à croire que, 72 h plus tôt, j’étais sur un bateau, GPS dans une main et crayon dans l’autre pour relever la présence de dauphins.

Je retire de cette expérience une belle quantité d’enseignements divers, comme celui que la biologie marine, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas (surtout quand il s’agit d’un sujet qui passionne – les cétacés). Comme celui, aussi, que je suis loin d’avoir réussi à poster tout ce que j’aurais voulu dire ; photos, histoires, quelques éclairages sur l’étude des dauphins sur le terrain ; j’avoue m’être davantage concentré sur le fait de vivre l’expérience. Le blog comportera peut-être quelques articles de rattrapage !

Et maintenant ?

Couv. Alexandre Fort

La suite des événements, à présent, est toute littéraire : pour mémoire, Léviathan : La Chute sort le 22 septembre. Je serai pas mal sur les routes pour le présenter, pour en parler, en espérant vous (re)rencontrer à cette occasion (les dates sont rassemblées sur la page correspondante, d’autres sont à venir). Il y a aussi la nouvelle « Simbad » qui paraîtra dans l’antho Ghost Stories chez Asgard (éds. Peggy van Peteghem et Thomas Riquet) aux alentours du 25 octobre.

J’ai une autre nouvelle à écrire (plus de détails dès que possible), puis j’attaque immédiatement la rédaction de Léviathan : La Nuit, soit la suite directe de La Chute. Le but est que ce volume II sorte le plus tôt possible après le I, afin d’éviter une attente trop longue.

Le site ne sera pas en reste. J’ai quelques petites surprises de prévues autour de La Chute… Et pas mal d’améliorations générales à la fois graphiques et de fond sur la présentation de la bibliographie. Cela se déploiera tranquillement au fur et à mesure, dans le temps que j’arriverai à y consacrer puisque j’ai à présent beaucoup à écrire !

Il me reste aussi à rattraper les mails. Mes excuses pour le rythme très ralenti sur la correspondance ces derniers temps ! Mais je suis de retour, le couteau entre les dents, et en plus j’ai passé mon infrastructure mail sous le très célèbre et bien pratique GMail, alors j’ai plein de nouveaux jouets de geek à essayer.

Bonne rentrée à tous !

 

2012-04-27T22:27:29+02:00mercredi 31 août 2011|Journal|7 Commentaires

« Simbad », à paraître dans Ghost Stories vol.1, Du Crépuscule à Minuit (25 octobre)

Couv. Jimmy Kerast

Un mois après la sortie de Léviathan : La Chute (dont je vais commencer à parler pas mal en ces lieux, il serait temps !), c’est-à-dire le 22 septembre (ho ho que c’est subtilement placé), l’anthologie dont la couverture se trouve ci-contre, Ghost Stories vol.1, Du Crépuscule à Minuit, sortira aux éditions Asgard, le 25 octobre. Elle est dirigée par Peggy van Peteghem et Thomas Riquet. J’ai le grand plaisir d’y figurer avec une nouvelle de fantastique intitulée « Simbad », et il y a un très beau sommaire !

Au sommaire

  • Préface – Jérôme Noirez
  • Claude Bolduc
  • Anthony Boulanger
  • David Bry
  • Nathalie Dau
  • LD
  • Jeanne A. Debats
  • Deconinck et Appy
  • Gudule
  • Céline Guillaume
  • Rémy Guyard
  • Julien d’Hem
  • Jess Kaan
  • Antoine Lencou
  • Elodie Meste
  • Vincent Mondiot
  • Vanessa Terral
  • Christian Vila

 À propos de « Simbad »

Il lui tira les cheveux parce qu’elle avait été la plus lente. Ou bien peut-être s’était-elle laissée faire. Il avait tiré en l’air avec le fusil de chasse de son grand-père pour montrer qu’il était sérieux, qu’il irait jusqu’au bout, mais cela n’avait fait que déclencher la panique parmi les ouvriers en colère ; tous avaient fui en courant par les escaliers situés de part et d’autre de la salle de tri. Affolé, il avait tendu la main, cherchant à attraper quelqu’un, un otage, au moins, s’il ne pouvait les avoir tous. Le hasard avait voulu que ce soit lui, que ce soit elle ; le hasard, ou bien le fait qu’elle n’avait pas réagi aussi vite que les autres, déjà fatiguée, trop lourde avant d’avoir fait un seul pas.

« Simbad » est l’histoire d’une prise d’otages désespérée dans l’usine de recyclage de déchets d’un village perdu – mais de vieux secrets et d’anciennes trahisons vont bientôt resurgir, faisant glisser ce huis clos dans le cauchemar et le chagrin…

C’est donc une histoire de fantômes, comme le dicte le thème de l’anthologie, mais j’ai voulu m’efforcer de proposer un angle qui, je l’espère, pourra surprendre. J’espère que le beau sommaire vous donnera envie de vous procurer cet ouvrage sur un thème finalement assez rare en France, et que « Simbad » vous plaira ; c’est la première nouvelle écrite après avoir terminé Léviathan : La Chute, et je crois qu’elle s’est nourrie de l’expérience acquise.

2011-08-27T19:57:56+02:00samedi 27 août 2011|Actu|3 Commentaires

Joséphine

Photo Marineland / AFP

Hier, Joséphine nous a quittés.

Avant ce jour, probablement, personne ne connaissait son nom – du moins, celui que les hommes lui avaient donné. Ou bien ils l’avaient su, durant la vague – au sens propre comme figuré – qui avait envahi la France et le monde au tournant des années 90, avant de l’oublier, à l’exception de certains fondus.

En effet, Joséphine était connue pour être « le » dauphin star du Grand Bleu, sorti en 1988, terrassé par la critique et pourtant devenu succès planétaire. Toutes les scènes complexes impliquant une interaction homme – animal, c’était elle ; en particulier la scène de fin, avec sa poésie tragique et ambigüe. La plupart l’appelent « le » dauphin alors que, donc, c’était une femelle, une grande ancienne de Marineland Antibes, estimée avoir atteint l’âge rare et respectable de 38 ans (la longévité des dauphins se situant plutôt aux alentours de la trentaine).

Le Grand Bleu avait été descendu en flammes par la critique à l’époque : mal compris, jugé sinistre ou bien niais, le film a pourtant été un choc pour toute une génération, alimentant ses rêves, avant que cette maladie appelée l’être-raisonnable, qui vient avec les années, n’assassine morceau par morceau sa capacité d’émerveillement et son idéalisme. Au point que beaucoup se rangent aujourd’hui au discours de cette même critique qui ne les avait pas compris il y a plus de vingt ans : tout cela, ce sont des rêves de gosse. Bridons nos aspirations pour nous plier à la réalité.

Pour ma part, je n’ai pas honte de dire que j’appartiens à cette génération et que la soif d’absolu dégagée par ce Grand Bleu a mis des images et des mots sur la fascination pour l’océan que j’éprouvais depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. C’est à cause de cette fascination, pas tant à cause du film ni même de Joséphine elle-même que, dix ans après sa sortie en salle, j’entrais à Marineland par le portail de service en tant qu’aide-soigneur. En revanche, j’ai pu véritablement l’approcher, faire sa « connaissance », pour ainsi dire, parler d’elle avec l’équipe dauphins (je travaillais surtout avec les orques), et puis, certaines fois, nager avec elle. C’est pour cela que je suis très triste aujourd’hui d’apprendre sa disparition, qui me frappe d’autant plus tandis que j’achève mon séjour à New Quay, apportant ma modeste pierre à l’étude et la conservation de ses cousins1.

Joséphine, au-delà d’être effectivement la grande ancienne du bassin, la mère de la première naissance en captivité de Marineland, si mes souvenirs sont exacts2, c’était un animal magnifique. Elle était bizarrement exempte de toutes les cicatrices et marques que les dauphins s’infligent mutuellement en permanence. Pour vous la décrire, quand vous essayiez de distinguer les individus, c’était simple : les soigneurs vous disaient « Celle qui n’a pas de marques, qui n’a aucun signe distinctif, rien de spécial, justement… Celle qui ressemble le plus au cliché que tu te fais d’un dauphin, celle qui ressemble le plus à un vrai dauphin, en un sens, eh bien, c’est Joséphine. » Ce que vous ne savez pas en voyant Le Grand Bleu, ce que vous ignoriez en la voyant à Marineland, c’est que c’était un animal doux et intelligent, avec un caractère tempéré, ce qui est plutôt rare (ces animaux tenant plutôt, comme j’ai déjà dû le dire ailleurs, du chaton de 200 kg drogué au LSD), et volontaire. Joséphine comprenait tout très vite, ce qui explique aussi pourquoi elle figure tant dans Le Grand Bleu. C’était très facile de lui apprendre quelque chose, et elle participait avec entrain et intérêt.

Joséphine a connu un curieux destin : sans le savoir, elle est devenue une icône, anonyme, pour une génération entière. Mais son nom, et sa disparition, ne doivent justement pas nous faire oublier qu’au-delà de la mystique new age parfois un peu ridicule qui entoure « le » dauphin, il y a toute une espèce à comprendre et à protéger, un milieu à étudier et à préserver. Que les dauphins, ce sont avant tout des animaux sauvages, parfois brutaux, parfois dangereux même pour l’homme, mais aussi très intelligents et curieux, et capables d’établir de troublantes relations avec notre espèce. Que c’est justement ce mystère, qui nous échappe en partie, qui fait toute leur beauté et leur attrait. Et que, si nous voulons pouvoir les découvrir et les côtoyer encore longtemps, il nous faut nous rappeler la magie et l’émerveillement que Joséphine a contribué à faire éclore en nous.

Qu’elle devienne ainsi, pour ceux qui y sont sensibles, une ambassadrice de desseins plus vastes ; et non un simple soupir de regret, étouffé à la lecture d’un entrefilet de journal.

  1. Et si certains s’étonnent que j’écrive un hommage pour un animal alors que je n’en écris pas pour les gens, eh bien, c’est ainsi. Je me sens rarement qualifié pour parler des gens.
  2. Mes excuses par avance à l’équipe, à qui vont mes pensées en ce moment, en cas d’erreur dans cet hommage.
2012-04-27T22:27:30+02:00mercredi 24 août 2011|Journal|29 Commentaires

Actualité des prix (Rosny & Masterton)

La convention de science-fiction de Tilff touche à sa fin en ce jour, et les résultats du prix Rosny (où L’Importance de ton regard était finaliste en catégorie nouvelle) ont été annoncés :

  • Roman : Laurent Whale, Les pilleurs d’âmes, Ed. Ad Astra
  • Nouvelle : Timothée Rey, « Suivre à travers le bleu cet éclair puis cet ombre », in Des nouvelles du Tibbar, Ed. Les Moutons Électriques

Le prix Cyrano, qui couronne l’ensemble d’une carrière dans la science-fiction, est attribué à Ayerdhal.

Enfin, le prix Masterton, qui récompense la littérature fantastique, vient d’ouvrir son site : http://masterton.noosfere.org/

2011-08-22T23:14:12+02:00lundi 22 août 2011|Le monde du livre|1 Commentaire

On va pas sauver un sac, quand même

Je passe deux heures par jour sur la digue de New Quay comme tous les volontaires de Sea Watch. Je surveille l’anse à la sortie du port à l’affût de dauphins ; je note scrupuleusement leur activité ; je relève la circulations des navires, leur comportement à l’approche des cétacés. Je réponds aux questions des touristes sur la la fréquentation de la baie par les animaux, je m’efforce de leur transmettre quelques idées simples et fortes, comme la différence entre un dauphin et un marsouin, comme l’importance de la population résidant dans Cardigan Bay, comme le code maritime en place qui vise à la protéger du harcèlement ; j’aime bien écouter les expériences des gens et leur transmettre un peu la passion et de conscience environnementale quand c’est possible. Je suis conscient de n’être qu’un grain de sable, mais il en faut pour faire une plage. Et puis j’aime ça, échanger sur ce sujet, et c’est une raison suffisante.

Du coup, je me tais et quand certains enfants pointent le doigt et s’écrient « dolphin ! » alors qu’avec mes jumelles et l’habitude, je sais qu’il s’agit seulement d’un cormoran en train de plonger. Je hoche la tête poliment quand un pêcheur me soutient mordicus avoir croisé un groupe de soixante-dix grands dauphins (Tursiops truncatus) et j’admets poliment que c’est possible, même si je sais que c’est très hautement improbable et qu’il s’agit certainement d’une autre espèce (comme le dauphin commun Delphinus delphis).

Car, en effet, sur la digue, je suis Sea Watch. J’ai écrit Sea Watch sur le dos, j’ai un stand miniature qui explique ce que je fais là et pourquoi c’est important. J’interagis avec le public intéressé, je rectifie les idées reçues quand c’et possible, mais je ne suis pas là pour briser les rêves ni pour contredire un pêcheur avec vingt ans d’expérience : ce qu’il me soutient avoir vu est hautement improbable, mais pas entièrement impossible.

Et, en conséquence, je serre les dents sans rien dire quand le modèle universel du touriste-qui-sait, celui qu’on trouve dans un restaurant chinois à demander des sushis, celui qui vous CRIE TRÈS FORT AU VISAGE sa langue étrangère en étant persuadé que ça va vous aider à le comprendre, celui qui laisse des enfants braillards et fatigués pourrir la vie d’un wagon ou d’une salle entière en espérant que ça va se régler tout seul, rôde dans les parages. Je serre les dents comme quand, hier, sa marmaille criarde et pré-adolescente escalade la digue pour venir me tourner autour, trop près, envahissant mon espace alors qu’il y a cent mètres de béton sur laquelle se poser, entravant mon champ de vision et donc mon travail, surexcitée en hurlant « où sont les dauphins ! où sont les dauphins ! ». Et puis je les oublie bien vite, en définitive, une fois que toute la famille s’installe pour pique-niquer. Ils ne me gênent pas. Live and let live.

Sur la digue, il y a du vent. On est exposé, très exposé, il fait froid, il faut s’asseoir sur son bloc-notes quand on ne l’utilise pas, parce qu’une rafale suffit à emporter même les objets lourds.

Comme le sac en plastique qui emballait le sanwich de l’aîné et qui tombe au bas de la muraille, à deux mètres de l’eau. Les parents restent figés et regardent l’objet, les bras ballants. Le père murmure « on devrait peut-être aller le chercher », mais c’est compliqué, il faut sauter d’une hauteur d’un mètre cinquante sur une pente glissante en béton, et remonter n’est pas facile. L’aîné s’écrie aussitôt : « On va pas sauver un sac, quand même » et continue à bâfrer, les mains pleines de sauce. Comme pris en faute par le marmot, le père redresse le torse et ne dit rien, se rangeant à son avis forcément éclairé. Le cadet crie : « hé, regardez, c’est notre sac ! » mais la mère le fait taire aussitôt. Chut, chut, ce n’est pas à nous.

Moi, sur la digue, mon chronomètre en main, j’ai envie de leur expliquer poliment qu’ils ne sauveront peut-être pas un sac, mais qu’ils pourraient sauver un dauphin ou une tortue. J’ai envie de leur expliquer que ces sacs, en volant entre deux eaux, prennent l’aspect trompeur d’une méduse, et que la faune s’y méprend, les avale, s’étouffe ou se bloque les voies digestives, et meurt, le ventre distendu, à l’image de ces pauvres dauphins autopsiés par dizaines après échouage. J’ai envie de leur dire que ces dauphins qu’ils sont justement venus voir depuis la ville, que la mère et son petit qui se nourrissent tranquillement à vingt mètres de nous, paieront peut-être les conséquences de leur paresse, de leur maladresse et de leur fatalisme – peut-être même d’ici la fin de la journée, si la malchance le veut. Que le juvénile insouciant, âgé de quelques mois, qui s’aventure loin de sa mère à la découverte du vaste monde, ne fêtera peut-être pas son premier anniversaire par leur faute. Mais c’est parti dans la nature, cela ne nous appartient plus, c’est un déchet de plus, un regrettable excrément de la nature humaine, un fait inévitable.

Mais je suis Sea Watch. Moi, je prends parfois les gens à partie : je me permets d’être acerbe, et tant pis si je passe pour le connard de service. Mais ce n’est pas la façon de faire de Sea Watch – et c’est probablement, d’ailleurs, plus sage. Alors, je regarde droit devant moi et je surveille l’objet. Je fulmine en silence. Et je pense : vous, ne venez pas me parler.

Ils finissent par s’en aller. Enfin.

Le temps pour moi, ensuite, de descendre et de remonter, je n’aurai pas quitté mon poste plus deux minutes.

2011-11-02T19:09:52+01:00samedi 20 août 2011|Humeurs aqueuses|10 Commentaires

La promesse des dauphins

La promesse des dauphins est double ; c’est justement celle qu’ils ne vous font pas quand ils sont en liberté, avec une baie entière à leur disposition, capables de changer de mers, de nationalités – ils se montrent seulement quand ils le souhaitent – ; et c’est aussi celle que je t’ai faite, ô auguste lectorat, en te taquinant à coups d’aperçus de dauphins… Non pas que je tenais à faire monter ta frustration, mais il me fallait réunir assez d’images correctes en premier lieu. Car les dauphins se laissent souvent approcher, mais ils viennent rarement à soi ; il faut aller les chercher.

Nous les cherchons de plusieurs façons. La Sea Watch Foundation, comme bien des centres de recherche sur le sujet, doit composer avec un certain nombre d’impératifs logistiques, dont ses moyens – on n’a pas le même budget pour étudier des dauphins que construire des armes nucléaires. Ce qui n’empêche pas, avec un peu d’inventivité, de soutien public et d’énergie, d’arriver à des résultats significatifs.

La SWF opère selon plusieurs canaux pour ce faire :

Land watches (observations depuis la terre)

Les dauphins viennent souvent dans l’anse à la sortie du port de New Quay et la digue qui la domine est un point de vue idéal pour ce faire. Cela permet aussi d’étudier les interactions des animaux avec les activités humaines. Il faut s’armer de patience – nous effectuons nos veilles par roulements de deux heures – et la visibilité doit être bonne – pas de houle, pas de pluie – mais on est souvent récompensé par la venue de quelques individus qui viennent s’alimenter sur les hauts-fonds. Une mère et son petit ont ainsi passé presque toute la semaine à une encâblure seulement de la plage – et, alors que j’étais de quart à l’aube, le juvénile m’a même gratifié d’un saut, juste devant moi, à dix mètres à peine…

Pendant notre formation à la "land watch" - photo (c) Katrin Lohrengel

Boat trips (observation indépendante en mer)

Le dolphin-watching est une des activités principales de New Quay ; des dizaines de touristes partent tous les jours sur de petits navires qui longent les côtes en quête de dauphins. La SWF a un partenariat avec les très sympathiques équipes de New Quay Boat Trips et SeaMôr (qui dépasse d’ailleurs l’échange de bons procédés : après les activités du jour, nous sommes nombreux à aller boire un verre avec eux jusqu’à des heures déraisonnables) ; ils nous accueillent en tant qu’observateurs, nous permettant d’approcher les animaux pour prendre divers relevés (notamment des photos pour l’identification des individus1), tandis que nous notons très précisément la route adoptée.

L'Ermol V, qui effectue des excursions de deux heures - photo LD

Surveys (relevés)

Quand les conditions sont propices, la SWF affrête régulièrement un navire de taille moyenne, le Dunbar Castle II, pour partir sillonner les Zones Spéciales de Conservation au nord et au sud de la baie de Cardigan. Nous partons alors la journée entière pour suivre un trajet bien précis et relevons toute la faune rencontrée, nous arrêtant ponctuellement pour prendre des photos qui serviront, là aussi à l’identification. Une extrapolation statistique permet par la suite d’estimer la quantité totale d’animaux présents dans la zone d’intérêt.

Briefing pendant un relevé - photo (c) SWF

Pour des moments rares…

Il faut être patient – et bien équipé : reflex haute résolution et zoom semi-pro (équipement qui coûte déjà deux bras et deux jambes)… constituent le minimum syndical. J’en suis à plus de trois cents images prises en relevé et pendant les observations touristiques, et, si beaucoup se sont avérées utiles pour la photo-identification des individus, leur valeur artistique est plutôt nulle (on se concentre sur la nageoire dorsale à l’exclusion du reste, et il y a plus « sexy »…). Ainsi, les quelques images animalières de la galerie ci-dessous sont très loin d’être parfaites, mais ce sont les plus « jolies » que j’aie prises jusqu’ici. J’espère qu’elles vous plairont néanmoins2 !

 

  1. Article à venir sur la question.
  2. Attention, en raison des accords passés par la SWF, les images animalières ne sont pas exceptionnellement pas en licence de diffusion libre, mais (c) Sea Watch Foundation / Lionel Davoust.
2012-08-01T19:55:13+02:00lundi 15 août 2011|Carnets de voyage|4 Commentaires

Confort numérique en ces lieux

Trois améliorations à signaler pour le site :

  • Pour plus de confort, le flux RSS complet des articles du blog contient à présent le texte entier, ce qui facilitera la lecture pour les abonnés via lecteurs indépendants type Google Reader ou Netvibes (exemple ci-contre) – joie, bonheur ;
  • Merci encore pour votre retour sur le système d’intégration des commentaires entre Facebook et le blog. La majorité des visiteurs trouvant que l’idée est bonne, voire excellente, je le conserve, mais vu que nous trouvons plus ou moins tous que l’implémentation est perfectible, il a changé. À présent fondé sur l’excellent plugin Add Link to Facebook, il signale plus clairement qui vient d’où. À terme, j’espère pouvoir proposer de commenter directement avec votre compte Facebook (facultativement, bien entendu).
  • Et un énorme hug spécial à Traqueur Stellaire, qui tient l’excellent blog du même nom, pour m’avoir envoyé un mail cette nuit me signalant une intrusion dans l’infrastructure du site, et dont l’alerte m’a permis de réagir vite avant que des dégâts ne soient commis. Le site est dorénavant inscrit chez Sucuri et surveillé en temps réel pour traquer les tentatives de hacks : none shall pass.

Vois comme je ne recule devant aucune case à cocher pour ton confort, auguste lectorat !

2011-08-12T19:44:17+02:00vendredi 12 août 2011|Actu|8 Commentaires

Bienvenue à New Quay

Je suis arrivé à New Quay à la mi-juillet par un temps traditionnel gallois, qui est également le temps traditionnel breton : une bonne pluie froide sous un ciel plombé, mais qui laisse néanmoins filtrer l’éclat du soleil d’été. La plupart des touristes, sur la côte d’Émeraude, détestent ; nous, locaux, aimons, car c’est aussi cela qui fait le caractère de la région, ces gouttes claires et lourdes semblables aux sources qui ont sculpté les reliefs des côtes.

Le pays de Galles, c’est aussi ça.

Je suis descendu du bus sur une place minuscule, légèrement perdu, avec une simple copie d’écran imprimée de Google Maps en poche pour trouver l’endroit. Tournant à droite, descendant une allée pentue entre des maisons colorées, elle m’a sauté directement au visage :

La mer.

New Quay est un petit village de 500 habitants accroché à flanc de colline. Quatre rues à peine s’y étagent, parallèles, à peine reliées par des chemins abrupts. L’hiver, il n’y a personne ; New Quay est pour ainsi dire moribond, m’a confié à grands renforts de fuck A., un des marins en service sur les navires de dolphin-watching, activité qui constitue une part importante de l’économie locale. « Tu vois le village ? Tu vois la moitié de droite ? Que des putains de maisons de vacances. D’accord, tu vois la moitié de gauche ? Tu vois les trois rues du dessus ? Des putains de maisons de vacances aussi. C’est mort l’hiver, mec. Y a que votre rue où des gens habitent. C’est putain de mort. Tu peux te balader le soir pour aller au pub et ne croiser personne dans les rues. Pas comme maintenant. »

Pas comme maintenant, non. Car maintenant, c’est l’été ; New Quay vit en grande partie de son tourisme, comme en témoigne l’immense parc de caravanes installé aux portes du village, et qui héberge vacanciers comme saisonniers. Les plages sont constamment occupées par les familles profitant de l’abri offert par le petit port de plaisance, et des hauts-fonds régnant dans presque toute la baie de Cardigan. Hauts-fonds qui constituent un habitat privilégié pour les dauphins, donc : « ces sales petits bâtards« , me confie A. avec son accent gallois et ses r roulés, « tant qu’ils sont dans le coin, ces sales petits bâtards, les gens sont contents, ils viennent sur mon bateau, et donc, je suis content aussi. Donc, j’aime pas qu’on leur fasse du mal, à mes sales petits bâtards. Si j’en vois un qui les harcèle avec son putain de bateau de merde, il a intérêt à courir vite une fois rentré à terre, mec, crois-moi. »

La baie de Cardigan abrite la plus grande population de grands dauphins du Royaume-Uni, et l’une des rares au monde à n’être pas en déclin. Un site d’implantation tout désigné pour la Sea Watch Foundation, donc, qui a estimé à plus de 250 individus la population résidente grâce à ses travaux de photo-identification et pour laquelle ton humble serviteur, ô auguste lectorat, est actuellement volontaire, parcipant aux relevés et aux travaux. Tous les jours, les éco-touristes partent en mer et reviennent parfois chanceux d’avoir pu croiser un groupe de dauphins, quelques timides marsouins ou encore des phoques se reposant au pied des falaises et dans les grottes entourant la ville. New Quay abritait autrefois un nombre non négligeable de contrebandiers qui y cachaient leurs marchandises et les déménageaient à l’abri de la nuit.

Mais il suffit parfois même de s’installer sur la grève et, avec un peu de chance, une dorsale ou une caudale signalent un cétacé en train de se nourrir en liberté, directement sur les hauts-fonds du port, parfaitement visibles depuis la digue où nous-mêmes conduisons nos observations éthologiques et enregistrons la réaction des animaux aux activités humaines – principalement la circulation soutenue des navires de plaisance.

L’âme d’une ville, c’est ses habitants, bien sûr, et le charme de New Quay est en immense partie dû aux siens, habitués avec une certaine philosophie à assister, tous les ans, au ballet des saisonniers et des volontaires locaux, mais pourtant immédiatement accueillants, et qui vous font sentir, après deux jours à peine, comme faisant partie depuis toujours de la communauté, de la famille, qu’ils soient ouvriers à l’usine de poissons qui domine le cap au sud du village, chercheurs à domicile de la SWF ou héritiers d’un des plus gros armateurs du coin. Très vite, vous n’êtes plus un touriste, un étranger, un volontaire de passage ; vous faites partie des gens de mer, et c’est la mer qui borde, nourrit et berce New Quay – comme moi-même, quand le ressac battant littéralement au pied de ma rue, une vingtaine de mètres en contrebas, vient chanter jusqu’à ma fenêtre.

New Quay comporte huit pubs dans sa poignée de rues, certains favorisés par les locaux, qui, vous ayant reconnu comme appartenant à la communauté, vous invitent à vous joindre à eux, vous intègrent, tiennent à vous offrir à boire – sans jamais accepter que vous ne rendiez l’invitation – du Dolau Inn avec son billard, son juke-box heavy metal et son pub quizz du jeudi soir, au plus huppé Penwig Inn, sans oublier les concerts du week-end au Football Club – the footie, mon ! comme, m’a-t-on appris, s’exclament les Gallois.

Et, quand les nuits sont clémentes, les mêmes vous entraîneront après le last call sur la plage avec d’autres bouteilles, pour échanger des histoires entrecoupées de « yachida » (prononcé « yarida »), soit santé, en gallois, jusqu’à ce que l’alcool ferme les yeux de l’assistance et invite chacun à rentrer d’un pas lourd, mais heureux, empli d’amitié – jusqu’au lendemain soir, bien sûr, car l’on ne se repose pas d’une soirée arrosée, ici.

A., le marin du navire de dolphin-watching, connaît certainement mieux sa ville que moi et je ne lui disputerai certainement pas son expérience quand je n’aurai qu’un seul été intimiste derrière moi, mais je ne peux croire que New Quay meure à ce point en hiver. Sur le mur du Dolau, des photos d’un réveillon neigeux montrent chercheurs et musiciens se lançant des boules de neige dans la rue déserte devant le pub. Ici, les conflits existent, comme partout ; les petites communautés cristallisent les camps et les gens de mer ont la rancune âpre et longue ; il ne faut pas longtemps pour apprendre où se tracent les frontières. Mais les liens forts qui règnent ici, ceux d’une ville côtière et retirée (Aberystwyth, la première gare ferroviaire, se trouve à une heure de car), ne se tissent pas dans le tumulte d’une saison, mais justement au long cours. Dylan Thomas est tombé amoureux du village et y a connu l’une des périodes les plus productives de sa vie d’écrivain. Je n’en prétendrai pas autant (ni être Dylan Thomas, ni être productif ici), mais une chose est certaine : l’alliance de la mer omniprésente, des dauphins qui livrent leurs secrets et d’habitants au coeur immense ne peut que faire tomber amoureux.

Photos : licence CC-By-NC-ND, Lionel Davoust.

2012-08-01T19:55:30+02:00jeudi 11 août 2011|Carnets de voyage|10 Commentaires
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