Il faut que je vous parle d’Alfred

Auguste lectorat, cela fait un moment que je me dis qu’il me faut absolument parler de l’application qui à elle seule (bon, pas forcément, y a aussi OmniFocus, DEVONthink, Hazel…) me rend incapable de me rasseoir devant une machine Windows. Le petit bout de logiciel qui me donne l’impression d’avoir des superpouvoirs informatiques comme ces hackers d’Hollywood qui piratent des vaisseaux spatiaux rien qu’en tapant très très vite sur des touches.

Qu’est-ce qu’Alfred ? C’est Spotlight sous stéroïdes.

Qu’est-ce que Spotlight ? OK, on rembobine.

Sur Mac, commande-espace permet d’invoquer Spotlight : un petit champ de texte tout bête accessible de n’importe où qui permet de chercher des documents, des dossiers, et de lancer des applications d’un petit coup de clavier. Genre

Avec fraute de fappe intégrée, zéro souci

Déjà, c’est cool. Ben Alfred, c’est ça en douze mille fois mieux.

Alfred permet comme Spotlight de chercher des documents et de lancer des applications sans toucher la souris. Mais il permet aussi et surtout de commander littéralement son ordinateur pour faire tout et n’importe quoi, simplement en ajoutant des mots-clés, à la manière de commandes. Par exemple :

Effectuer une recherche Internet sur le moteur de son choix.

J’ai évidemment choisi les moteurs de la liste.

Effectuer une recherche Internet personnalisée littéralement sur le site que l’on veut, avec une commande définie par l’utilisateur.

On reconnaîtra deux classiques, que j’ai défini moi-même dans mes préférences en deux clics. Le plus long a été de trouver les images pour aller avec.

Donner les commandes de base à son ordinateur : veille, économiseur d’écran, redémarrage, verrouillage etc.

Mais surtout, c’est là que ça devient incroyable : Alfred peut, moyennant l’achat du « Powerpack », lancer de véritables programmes conçus par la communauté pour commander des applications ou réaliser des opérations complexes. Il y a un répertoire de presque 1500 workflows (!) pour à peu près toutes les applications de la Terre, et si vous ne trouvez pas votre bonheur, rien ne vous empêche de coder le vôtre. Alfred fait à peu près tout, sauf le café, et encore, je suis sûr qu’il peut lancer un ordre à une cafetière connectée.

Par exemple… 

Conversion d’unités à la volée – inestimable en traduction.
Créer des feuilles dans Ulysses, ou rechercher dans ses textes.
Piloter sa bibliothèque musicale.
Accéder immédiatement à ses contacts.
Générer un lorem ipsum !

Et mon préféré, qui me sert des dizaines de fois par jour :

Faire une recherche dans Antidote.

Tout ceci n’est qu’un aperçu de toute la puissance d’Alfred ; si vous possédez un Mac et que vous avez envie de passer au degré de maîtrise supérieur, c’est une application littéralement indispensable. Le tout pour… rien.

Alfred en version de base est gratuit. Oui, oui. Le Powerpack est payant, mais c’est un achat unique, pas d’abonnement, pas de fil à la patte, et il est même possible d’acheter une formule avec mises à jour à vie pour 45 livres. Et il le vaut bien.

Comment commencer à apprivoiser Alfred ? C’est très simple.

  • Commencez par les fonctionnalités de base. Apprivoisez les recherches sur les sites, les commandes pour piloter la musique, les fonctions système en vous baladant dans les préférences de l’application (accessibles directement depuis Alfred avec le mot-clé « Alfred preferences »).
  • Une fois que ça vous a donné faim, achetez le Powerpack et direction Packal.org. Entrez dans le champ de recherche le nom des applications dont vous vous servez régulièrement. Et voyez ce qui s’offre à vous en termes d’automatisations, de commandes, de recherches. Ajoutez-en petit à petit, et voyez vos superpouvoirs s’étendre.

Alfred va figurer dans la boîte à outils de l’écrivain parce que c’est réellement un outil de productivité indispensable dès qu’on commence à le creuser. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel.

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2020-07-20T09:14:31+02:00mercredi 22 juillet 2020|Best Of, Geekeries|3 Commentaires

Terminer fort, mais aussi commencer doux

Il y a deux manières de développer l’amplitude (tension, suspense, action…) d’une scène : on pense souvent à essayer de terminer plus haut, plus grand, plus fort. Mais on peut aussi commencer plus maîtrisé, plus modéré, plus subtil. Le spectre s’étend dans les deux sens.

2020-07-10T21:28:44+02:00lundi 13 juillet 2020|Best Of, Brèves, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Terminer fort, mais aussi commencer doux

Des degrés de certitude dans l’écriture (avec des emojis)

Quand j’ai eu mon premier iPhone (après avoir eu des téléphones Samsung, dont un Samsung Wave) (oui, je fais partie des trois personnes au monde à avoir eu la plate-forme Tizen entre les mains) (non, c’était pas bien), j’ai fini par m’intéresser à ce drôle de clavier avec des smileys (pour le vieil internaute que je suis) (en ligne en 1997 avec Infonie ma gueule) dans l’angle en bas à gauche.

Et je vis que cela était bon, parce que ça faisait comme les smileys mais en couleur et surtout, c’était standard. (La petite histoire des emojis est intéressante quand on est curieux de l’évolution des technologies.) Les emojis, c’est le bien, surtout quand on écrit. Parce que cela revient à avoir toute une palette de symboles standardisés au bout des doigts, qui donnent de la couleur et des repères visuels à ses notes, surtout quand on construit un livre.

Tout cela est très bien, dis-tu, auguste lectorat, mais arrête de faire le zouave deux minutes avec tes mickeys et cause nous d’écriture.

Vivivi.

Plus le temps passe et plus je trouve – enfin c’est mon avis, vous en faites ce que vous voulez, caveats habituels – que l’écriture, qu’on soit structurel ou scriptural, est un travail de révélation de ce qui doit être. « Ce qui doit être » est soufflé par le Mystère, la Muse, l’inconscient, le ressenti esthétique de l’auteur ou autrice ; quelle que soit la manière dont on y parvient, il y a l’envie d’un côté, le résultat final de l’autre (au bout d’un certain temps voire d’un temps certain) et, entre les deux, beaucoup d’exploration (mot poli pour dire : tâtonnement).

Il vient qu’une manière de voir la création (littéraire) consiste à établir un continuum de certitudes. Woualala, qu’est-ce qu’il raconte encore.

Ce n’est pas compliqué :

D’abord, il y a les idées. Pensées aléatoires, images, scènes, personnages, possibilités qui traversent l’esprit : « ce serait cool si… » Elles peuvent être immenses (le principe fort derrière un univers entier) ou minuscules (une réplique qui déboîte). Il convient de les capturer, pour les examiner et les utiliser (ou pas), façon GTD.

Ensuite, donc, on les organise pour comprendre où elles se placent, ce qu’elles cachent, et si l’on a envie de les développer. Ces idées en appellent d’autres, deviennent des faisceaux d’intrigue, des personnages, des fils narratifs qu’on développe (ou écarte). À ce stade, on discerne où le matériel manque, et on creusera dans cette direction (ou pas, si l’on veut la surprise). Je pense que scripturaux et structurels réalisent tous deux ce processus ; simplement, les scripturaux le font à l’écriture, les structurels en amont, mais le travail est le même. Une fois que l’on a commencé à construire des « systèmes » (un personnage, une nation, une intrigue, un hypothèse de monde imaginaire), ces systèmes deviennent des hypothèses.

Ces hypothèses vont réduire l’océan des possibles d’un récit. Elles dictent des lois et des règles : si un personnage a un certain passé, cela influence sa manière de voir le monde ; si l’univers permet la téléportation à volonté sans contrainte, la société risque d’avoir un rapport particulier avec les coffres-forts. Idées et hypothèses entraînent donc des nécessités. « Si ça marche comme ça, alors cela entraîne que… » En retour, les nécessités engendrent d’autres idées et hypothèses.

À un moment, on commence (ou a commencé) à écrire. Ce qui s’écrit tend à prendre vie (ce que j’appelle personnellement « la volonté de l’histoire », l’energeia d’Aristote citée dans Art of Fiction), ce qui entraînera d’autres nécessités, idées et hypothèses.

Enfin, si vous développez une série ou un univers au long cours, ce que vous publiez devient canon (pour emprunter un terme des fandoms Star Trek et Star Wars). Non pas au sens que c’est trop beau (même si c’est le cas) mais que – si on fait bien son boulot – on ne revient pas dessus dans un volume ultérieur.

Techniquement, tout peut être remis en question à n’importe quel moment (sauf au moment de signer les épreuves, vaut mieux éviter) ; une hypothèse peut toujours être écartée, mais elle est plus sûre et construite qu’une idée. Il faut bien bâtir à un moment sur quelque chose, même si on se rend compte qu’il faut changer les fondations à mi-parcours.

Tout cela nous donne un zoli cycle à flèches. C’est important, les cycles à flèches. Ça vous donne l’air sérieux.

Et regardez ! Là ! Des emojis !

Cela rend l’identification de chaque degré de certitude tellement simple dans l’organisation de ses notes :

  • 💡 pour les idées. Je sais qu’il y a des choses rigolotes là-dedans, je peux aller y puiser de l’inspiration ou me relancer si je suis en panne, mais je suis aussi libre d’ignorer ce qui s’y trouve.
  • ❓ pour ce que j’appelle « les questions gênantes » (ou nécessaires). Les points épineux du récit que j’évite parce que ça me fait peur, mais auxquels je sais qu’il me faut prendre une décision ou trouver une réponse parce que ça me bloque. Me les mettre sous les yeux, clairement formulés, désamorce leur pouvoir anxiogène.
  • ➡️ pour les hypothèses ; rappelle la flèche d’implication mathématique ⇒ (« voici ce qui a été décidé jusqu’ici, dérouler ce raisonnement »)
  • ❗️pour les nécessités (éléments auxquels je n’échappe pas, que je dois traiter convenablement, mentionner ou prendre garde de ne pas contredire).

Comme d’habitude, rien de tout cela n’empêchera jamais de commettre des erreurs, mais cela tellement plus simple la construction d’une fiche ou les réflexions à l’écrit :

💡 Bob pourrait faire tel truc à la scène 8. Ça correspondrait à ce qui s’est passé dans la scène 2. Oui, ça me plaît.

➡️ Bob fait tel truc avec de la framboise, en accord avec la scène 2, mais ❗️ ça implique qu’à la scène 12, il utilise de la vanille, car il aura épuisé son stock de framboise… Oui, mais j’ai besoin qu’on reste sur la symbolique de la framboise.

❓ Comment Bob peut-il avoir de la framboise à la scène 12 ? 💡 Plectrude pourrait lui en apporter avec ses bulots… 

➡️ Plectrude apporte de la framboise avec ses bulots mais du coup ❗️ça doit arriver entre scène 8 et 12. Comment ? 💡 Elle profite du marché aux bulots de Plan-de-Cuques, et ça tombe bien, elle a un vélo.

L’écriture se composer autour de faisceaux de certitudes et de conséquences que l’on déroule ; noter les choses de la sorte permet de trier entre les idées et les injonctions du récit, et d’ordonner des projets qui peuvent sembler pharaoniques de prime abord.

Et astuce, pour entrer rapidement les emojis de la sorte, rien de tel que TextExpander.

2020-07-03T21:44:34+02:00jeudi 9 juillet 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Des degrés de certitude dans l’écriture (avec des emojis)

Le gribouillis du processus créatif

Tombé sur ce dessin extrêmement simple et parlant résumant le processus créatif (et ses errements qui sont, insistons fort, normaux). « My father told me that the design process started with the abstract, moved to the concept and then finally the design. »

https://shrtm.nu/ybrA

2020-06-21T21:12:42+02:00jeudi 25 juin 2020|Best Of, Brèves, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Le gribouillis du processus créatif

La conscience de l’ambiguïté

Je continue à rattraper vos questions… encore mes excuses pour la lenteur de réponse (… mais si vous m’avez envoyé un jour un mail, vous savez que… enfin… bref. J’essaie de faire mieux, cependant !)

Je viens de réécouter l’épisode 4 de la saison de Procrastination en cours et une de tes phrases m’a interpellé.
Tu dis à un moment que tu cherches toujours à faire véhiculer des choses qui fassent progresser le monde dans un sens positif.

Je trouve pourtant que ton Empire d’Asreth véhicule quelque chose de beaucoup moins consensuel que ça. La façon dont il croît permet des évaluations multiples en positif et négatif, comme l’empire romain qui, je le vois sur Babelio, continue à générer des commentaires parfois admiratifs et parfois dédaigneux et critiques. Et je trouve que cela participe à la richesse et à la vraisemblance de ton univers.

Comment considères-tu cet Empire d’un point de vue « portage de valeurs »?

Déjà, merci beaucoup pour ces compliments sur la richesse d’Évanégyre !

L’histoire est un sujet complexe et rares sont les questions qui connaissent des réponses uniques. Il y en a, bien sûr ; il existe certains cas où le jugement des siècles est (heureusement) sans appel. Mais l’humanité échappe dans nombre de cas à des jugements binaires ; bien ou mal ; positif ou négatif. Dans les faits, bien de longues périodes ont amené les deux (à mesure que les forces de l’histoire prenaient leur propre vie).

Tu parles d’Asreth, qui renvoie aux impérialismes de l’histoire (à commencer effectivement par Rome). Est-ce que Rome est positif ou négatif ? En Europe, nous héritons, au sens large, de Rome ; nous utilisons son alphabet ; la Renaissance, sur laquelle se fonde notre modernité, remonte directement aux classiques. Pour Rome, il fait bon être romain, et en plus, on t’installe des aqueducs.

Alors, Rome, positif ou négatif ?

Pose maintenant la question à Vercingétorix.

De mémoire, je ne crois pas avoir dit dans Procrastination qu’il fallait « toujours » être « positif », ou si je l’ai exprimé en ces termes, je m’y suis mal pris. Je pense cependant résolument que, quand on a la chance de disposer d’une parole publique (y compris dans le cadre de la fiction), il convient d’en faire un usage responsable ; c’est-à-dire qu’il faut avoir conscience des valeurs qu’on véhicule, et qu’il faut s’efforcer de faire progresser la conversation littéraire de manière constructive.

Pour moi, cela commence par prendre garde à toute forme de complaisance envers ce que l’univers relate. Il ne s’agit pas de se censurer ; il ne s’agit pas non plus de nier l’aspect potentiellement fantasmatique, pour reprendre l’exemple dans le cas d’Asreth d’un soldat mécanisé disposant d’une puissance considérable – après tout, la fiction est aussi le domaine de l’exploration du fantasme, et le fantasme, par définition, est un jeu qui n’est pas destiné à la concrétisation.

En revanche, il s’agit de prendre spécialement garde à ce que la narration, derrière cela, cautionne. Tu dis qu’Asreth entraîne des conséquences à la fois positives et négatives : c’est donc que mon but est atteint. Tu ne verras pas de jugement de valeur de ma part t’expliquant ce que tu dois penser parce que ce serait trop simple et l’humanité ne fonctionne pas de la sorte (… et que cela ne m’intéresse pas à écrire. Même à mes propres idées, j’aime trouver des contradictions.). Ce qui est fondamental, c’est que tu ne peux pas adhérer à Asreth sans réserve. Ce sont pour moi ces réserves qui, justement, font qu’Asreth est, d’une part une force historique crédible (merci encore !), d’autre part une invitation à s’interroger sur les faillibilités humaines dans le cadre relativement inoffensif de la fiction (et on peut le faire avec des dragons et des robots géants, au passage).

Pour aller plus loin, voir Compassion, mais prison et Pourquoi la fantasy est un genre moderne.

2020-06-21T22:48:25+02:00lundi 22 juin 2020|Best Of, Entretiens|Commentaires fermés sur La conscience de l’ambiguïté

Une facilité courante : la construction en analepse

Bon alors, « facilité », on s’entend, hein :

  • Il n’y a pas de « fautes » en art ; il s’agit ici de questionner son travail, et de se dire : « ai-je bien servi mon projet de la manière la plus efficace pour un public ? »
  • Quand je dis que cette construction est une facilité courante, ce n’est pas qu’elle à bannir, mais que son usage, surtout répété, mérite d’être interrogé dans le but de → rendez-vous au point précédent.

Mais si j’en parle, c’est que je suis frappé par sa fréquence dans les textes de jeunes auteurs (et des moins jeunes, y compris publiés). Et que j’en abusais aussi, moi-même, dans mes premiers jets. Et que, si c’est évidemment une construction tout à fait valide, puisqu’elle existe, elle est drôlement pratique, peut-être un peu trop, et que cela pousse donc à s’en servir avec parcimonie pour éviter ses défauts, car elle en a, et un peu trop aussi.

Mais mettons donc la charrue, puis les bœufs.

Qu’est-ce qu’une analepse ?

C’est un mot savant pour dire, en gros, « flashback« . Tout ce qui se passe antérieurement à l’action du récit est une analepse :

Bob partit à la plage, car il avait vu la veille qu’on avait prédit une accalmie dans les invasions de méduses tueuses. Il était content d’avoir son maillot de bain en kevlar.

Où est l’analepse ? Tout à fait, c’est la cause dans ce récit passionnant et d’une grande qualité stylistique : « il avait vu la veille », toussa.

L’analepse, c’est donc très pratique – ça permet de saupoudrer des explications au passage sans briser le rythme d’un récit, au moment où on en a besoin. Si, la veille, Bob a serré sur Tinder, on s’en tape un peu qu’au passage l’auteur nous raconte qu’il s’est intéressé à la météo. On veut voir le début d’une grande histoire d’amour, et si l’auteur a un cœur, c’est ce qu’il nous racontera, car on a tous besoin d’amour dans un univers envahi par des méduses tueuses.

Qu’est-ce que la construction en analepse ?

C’est un terme à moi, donc n’allez pas me citer en composition de khâgne, sauf si vous voulez me donner l’air malin et à vous pas du tout. Mais : la construction en analepse fonctionne de façon très simple :

  • Je débute ma scène : il se passe une action de ouf, je démarre dans le feu de l’action, yeaaaah
  • … mais il faut expliquer comment on est arrivé là, sinon on va rien piger, donc j’insère une analepse (souvent longue – c’est là que ça commence à coincer)
  • … et je reprends le feu de mon action style on a rien vu

Sauf que si. Par exemple :

Bob partit à la plage armé de son maillot de bain en kevlar, le cœur débordant de tension amoureuse. La veille, il avait matché avec Plectrude sur Tinder, une Franque qui aimait les fruits de mer. La vaillante Teutonne lui avait avoué qu’elle ne craignait aucunement les méduses tueuses, puis, à titre de démonstration et de préliminaires, avait procédé à un gobage de cnidaires urticants pêchés dans l’aquarium de l’appartement de Bob quand il l’avait ramenée chez lui, prélude à davantage de délices culinaires. Il devait la retrouver ce jour-là non loin de la piscine de gélatine… 

… Je résume l’analepse, hein, parce que là ça irait encore, elle est courte (et encore, vu que j’ai presque deux niveaux d’analepse, c’est encore moins digeste, comme vous pouvez le voir) mais, en général, l’analepse en question prend quelques épais paragraphes. Voire pages. Et là le collant blesse. Ou le b(ât)as.

Quel est le problème ?

Encore une fois, ce n’est pas forcément un problème, mais cela peut en poser.

Une analepse vient s’insérer antérieurement à l’action qui vient d’être établie (c’est tout le principe, hein) mais cela entraîne une difficulté : elle donne l’impression d’un coup de frein, on « halte » l’action principale pour raconter autre chose. Regardez la construction plus haut : je démarre sur une action fascinante (ou pas) mais dégringolade, on me suspend pour me donner de l’exposition (car à ce stade, l’analepse est une exposition) et… ben, ça coupe l’élan.

Or, si l’on a posé des questions narratives intéressantes avant le flashback, le lecteur veut que l’action principale continue ; cela peut être une technique pour jouer sur son impatience, mais… il faut être prudent quand on joue avec l’impatience du lecteur. À noter que cela part souvent d’une excellente intention : partir dans l’action, le plaisir, direct, pour faire avancer l’histoire ; mais s’il faut une page d’exposition pour qu’on comprenne, cela entraîne l’effet inverse, genre coup de rênes dans la tronche d’un cheval lancé à fond.

Est-ce à dire que c’est à proscrire à jamais ? Évidemment que non, mais il est bon d’avoir conscience des limites de la construction (de son effet « frein ») et donc de savoir ce qu’on fait – plus l’action principale est effrénée, plus un coup d’arrêt donné tôt sera frustrant. (Plus tard… il peut être « gagné », au contraire – le lecteur est suffisamment pris pour tolérer un peu d’exposition et de ralentissement et vouloir avoir le fin mot de l’histoire… à vous de juger / doser. Mais c’est presque un autre sujet.) Cela peut aussi trahir dans un premier jet la situation d’un auteur qui part à fond dans son action avant de se rendre compte qu’il ne sait pas comment il en est arrivé là et a besoin de se l’expliquer à lui-même. Aucun problème au premier jet ; mais à la correction, on s’interrogera sur la pertinence de cet « échafaudage ».

Des manières avantageuses de remplacer la construction en analepse

La plus simple à mon goût est tout simplement… de ne pas faire d’analepse. C’est-à-dire d’antéposer tout simplement la narration, soit sous forme de résumé rapide, soit, encore mieux, si c’est intéressant, de donner corps à cette fameuse scène. Dans l’exemple avec Bob et Plectrude, cette soirée romantique a l’air passionnante et j’aimerais la voir détaillée par le menu (fruits de mer), que l’auteur fasse battre mon cœur de fleur bleue en développant le début de cette romance invertébrée. Mais au pire, placer l’exposition avant le début de l’action en échangeant le plus-que-parfait pour les temps de narration classiques fonctionne déjà pas mal pour vraiment pas cher… Essayons :

Le soir même, Bob matcha avec Plectrude sur Tinder, une Franque qui aimait les fruits de mer. La vaillante Teutonne lui avoua qu’elle ne craignait aucunement les méduses tueuses, puis, à titre de démonstration et de préliminaires, procéda à un gobage de cnidaires pêchés dans l’aquarium de l’appartement Bob quand il la ramena chez lui, prélude à davantage de délices culinaires. Le lendemain, Bob partit à la plage armé de son maillot de bain en kevlar, le cœur débordant de tension amoureuse. Il devait la retrouver non loin de la piscine de gélatine… 

Il faudrait polir un peu tout ça parce que c’est pas terrible quand même, mais vous avez compris l’idée : l’exposition / résumé passe finalement mieux ; trois phrases et nous sommes dans le cœur de l’action, à nous demander s’il y aura à un moment un requin pèlerin dans toute cette histoire (plot twist).

Soit dit en passant, c’est une situation à laquelle on est spécialement confronté dans le roman choral (points de vue multiples, comme « Les Dieux sauvages »), parce que l’on est bien obligé de résumer ce qui s’est passé pendant qu’on était concentré sur les autres personnages… c’est là que les techniques d’exposition par le conflit livrent toute leur utilité (pour mémoire, je repropose un atelier à distance sur le conflit en août), et que gérer la transmission de son information en la faisant passer de manière « transparente » à travers l’action, dans les interstices subtils où elle ralentit, par la simple caractérisation des personnages peut être extrêmement efficace. Pas facile, ça non, mais efficace parce que : invisible.

Mais déjà, on peut régler à mon sens deux cas sur trois d’analepses malvenues avec les simples techniques proposées plus haut, et si on en laisse une sur quatre dans le premier jet, c’est convenable (statistiques purement personnelles, ne les appliquez pas sans réfléchir) – comme je dis, ce n’est pas à bannir. Il reste donc… heu… 8% d’analepses à faire passer autrement. Ça n’est pas insurmontable.

2020-05-29T20:45:02+02:00mardi 9 juin 2020|Best Of, Technique d'écriture|1 Commentaire

Écrire, être publié, ou les deux ?

Repost d’un fil sur Twitter sur un sujet qui me gratte depuis un moment, inspiré par des années (maintenant) d’observation des milieux éditoriaux, de discussions avec les jeunes auteurs, de lectures de messages sur les réseaux. Parce, quand je vois certaines frustrations relatives à la publication, ses règles, ses « contraintes », je ressens une dichotomie dommageable entre écrire et publier.

Écrire est la base. Raffiner sa pratique, de manière à étendre la palette de son expression pour arriver à cerner au plus juste le cœur de ce que l’on a à dire est le processus. Notez bien qu’il n’est nulle part ici question de publication. La publication est un bonheur, l’occasion de partager avec le monde, et peut-être même l’occasion de (wouah) gagner des sous. Mais :

La publication n’est pas la fin en soi ni – et je lis parfois ça dans la frustration de jeunes auteurs – la validation de vos efforts ni de votre personne. La validation de vos efforts, ce sont vos efforts en eux-mêmes. Vous écrivez. Ce « trajet de raffinement », comme le dit Léa Silhol.

Il est évident pour tout le monde que si tu veux faire The Voice ou que tu veux faire du concept art pour Hollywood, ça demande un boulot de malade mental. Ce n’est pas parce que tu chantes sous ta douche ou que tu griffonnes que tu as le niveau. Notez bien : CE N’EST PAS GRAVE. Cela n’invalide en rien votre création. L’acte de créer et l’acte de faire The Voice sont deux choses entièrement différentes.

Le métier du créateur consiste à raffiner sa pratique par amour de celle-ci.

Dis Siri, écris-moi une super histoire

Donc, de grâce, si c’est votre cas, cessez d’équivaloir au plus vite création et validation. Soyez dans l’amour et la disponibilité de ce qui vous a choisi pour exister ; soyez dans le travail pour lui donner la meilleure forme possible. C’est, réellement, tout ce qu’il y a.

Ne prenez donc pas une merveilleuse conséquence pour le but à atteindre. Si vous créez avec sérieux et dévouement, vous faites déjà ce qu’il faut.

Le reste n’est que :

  • travail, qui vous appartient
  • et au-delà, c’est hors de vos mains ; alors arrêtez de vous faire du mal et surtout, ne confondez pas voyage et destination.

2020-05-29T20:37:15+02:00mardi 2 juin 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Écrire, être publié, ou les deux ?

Du processus de construction de « Les Dieux sauvages »

Il m’arrive de recevoir des questions, tant sur l’écriture qu’en réaction à ce que je peux dire ici ou là, et c’est un plaisir, et je me dis souvent : « ah, ça nécessite une réponse un peu fouillée, pour rendre à la personne de la substance, afin de la remercier de l’attention qu’elle a prêté à ce que je peux écrire ou dire » – et puis, life happens, genre une main temporairement invalide, et je termine comme un gros naze à ne pas l’avoir fait.

Qu’il soit donc pris ici une résolution de nouvelle année en mai (ben quoi ? Si on n’avait pas introduit les années bissextiles, je suis sûr qu’on serait le 31 décembre quelque part, en tout cas ça l’est dans l’univers) : m’efforcer d’être bien meilleur là-dessus et donner à tes questions, auguste lectorat, la plus haute priorité ici. (Ceci ressemble dangereusement à une promesse électorale, mais comme vous n’avez pas à voter pour moi, on est en sécurité)

Couv. Alain Brion

Avanti. Pour commencer, un retour et des interrogations sur le processus de construction de « Les Dieux sauvages »1. Le tout garanti sans divulgâchage (donc en restant plutôt autour du tome 1).

Merci pour cette lecture et ces questions.

Dans quelle mesure tu avais prévu quels personnages seraient des personnages points de vue à l’avance et quels personnage le sont devenu au fil de l’écriture?

En gros, dans la manière dont j’approche les choses, il y a d’une part la trame de l’histoire (les événements) et de l’autre la manière de la raconter (le découpage scénique et les points de vue). La première concerne plutôt ce qui se passe, la seconde la façon de le faire vivre au lecteur de la façon la plus intéressante et efficace possible (et amusante à écrire, aussi !).

Du coup, il y a globalement dans « Les Dieux sauvages » deux types de personnages à la construction : ceux dont il était évident qu’ils ou elles seraient point de vue (Mériane, Erwel, Luhac, Ganner, plus tard Maragal…) parce qu’ils se trouvent au centre du maelström, et ceux qui se sont présentés sur la scène en disant « je figure dans cette histoire, et ça serait vachement plus intéressant que tu la racontes à travers moi » (Juhel, Izara, même Leopol…). C’est sans lien aucun avec la densité de chaque fil scénaristique, d’ailleurs. La preuve en est le cas de Chunsène, qui a failli ne jamais apparaître dans la série du tout. Mais elle m’a tiré la manche, tellement fort que j’ai dit « okay, on va faire un bout d’essai » et… elle s’est révélée l’un des personnages les plus importants et les plus intéressants de la saga.

La morale de ça ? La pensée consciente, c’est bien, mais toujours faire très, très attention à ses tripes et aux personnages qui s’imposent à vous.

Quand tu as écrit La Messagère du Ciel, dans quelle mesure ton histoire était proche des personnages, par rapport a une approche par événements ? En gros est ce que t’as travaillé l’histoire de Mériane, puis entremêlé celle de Juhel puis celle de Chunsène… ou alors tu as défini les événements majeurs de l’histoire (et l’implication des personnages dans ceux-ci) puis ajouté le liant pour que les personnages aient chacun des arcs intéressants ?

Un peu des deux. Comme je disais plus haut, il y a les grands événements, les grands temps de l’histoire (sachant que je sais très exactement où je vais et quel est le fin mot de tout ça). J’ai donc une vision « macro » de l’histoire, mais cela revient à préparer une rando pour un groupe en étudiant une carte. Tu te dis que tu vas passer par là, que tu vas t’arrêter pour la nuit ici, que tu vas montrer tel paysage à ton groupe, etc.

Et puis tu pars sur le terrain, et là y a un de tes touristes qui finalement n’a pas pu venir, remplacé par un autre ; le chemin que tu voulais prendre s’avère beaucoup plus escarpé parce que tu as mal lu les courbes de niveau ; tel camp a été ravagé par une inondation et tu ne peux pas t’arrêter là ; le paysage que tu voulais montrer à ton groupe (tes personnages) est finalement naze parce qu’il y a de la brume par contre tel autre champ de fleurs s’avère magnifique par total hasard et tu décides de rester plutôt là pour la journée… 

Il y a les intentions, la direction, le cap, l’impulsion, et il y a la réalité de ce que vivent les personnages et ce qu’ils vont vivre, désirer, accomplir dans la réalité de l’écriture, d’une phrase à l’autre. Et à un moment, quelle que soit ta préparation, tu dois descendre sur le terrain aux côtés des personnages et découvrir le voyage. Il est vital, à mon sens, de savoir les accompagner là dans ce qu’ils te servent, parce que c’est là que se trouve la vie, l’inconscient, le mystère créatif. (C’est comme ça qu’une trilogie devient une pentalogie, aussi…)

Donc : dans la grande trame, j’avais forcément l’histoire de Mériane autour de qui tout tourne, celle de Ganner, les coulisses politiques donc Juhel, Luhac, Izara, mais chacun.e m’a aussi apporté sa vision, en particulier Juhel. Chunsène a fait son truc, rencontré des gens intéressants (ahem), et m’a montré tout ce qu’elle était. Dans pas mal de cas, dans ma vision macro, j’ai le « quoi » (il se passe tel événement, par exemple le premier chapitre de La Fureur de la Terre a toujours été prévu de très longue date) mais pas forcément le « comment ». Mon boulot consiste beaucoup à voir ce que l’inconscient / la Muse / le mystère m’a « servi » comme images, comme visions, comme impulsions, et à comprendre consciemment comment les pièces sont déjà en place et comment elles s’emboîtent vraiment (Chunsène et tout ce qu’elle vit s’est avéré absolument fondamental à l’équilibre de la série – je ne sais pas comment j’aurais fait sans elle – mais il se serait peut-être passé autre chose). Tout Évanégyre est comme ça, d’ailleurs : une recherche archéologique pour révéler ce qui veut exister.

Alors parfois, effectivement, il faut creuser un peu plus un arc narratif pour comprendre comment le personnage se rattache individuellement à la grande histoire, et cela veut dire l’étudier, mais souvent, cela revient toujours à la question « okay, où en es-tu, et qu’est-ce que tu veux maintenant et comment vas-tu t’y prendre ? »

Et après, mais c’est plus une discussion qu’une question, je conseille souvent « Les Dieux sauvages » avec beaucoup d’entrain, et les gens sont heurtés par le premier chapitre de La Messagère du Ciel. Moi j’ai trouvé ça très cohérent avec ce qu’il s’y passe, mais ya des gens que ça rebute assez fortement et je les pousse à lire la suite parce que c’est génial. Moi dans ce premier chapitre j’ai vu un parlé divin, qui était du coup onirique et supérieur dans le ton, parce que c’est des dieux et que c’est normal, ça me parait opportun et juste comme style pour ce chapitre. Je suppose que des gens ont déjà dû te parler de ce premier chapitre, et je me demandais comment tu les a reçu, ce que tu a pu en tirer comme conclusions, et quelle avait été ton intention réelle sur ce départ.

Aha.

D’abord, merci beaucoup pour ta recommandation et ton enthousiasme pour la série. Et content que tu aies marché.

On a un peu discuté de ce premier chapitre (pour mémoire : deux pages et demi un peu ésotériques et conceptuelles de débat entre deux divinités) avec Critic, et la question m’a été posée : « tu es sûr que tu veux commencer comme ça ? » J’ai dit « oui » – et le débat s’est arrêté là, parce que chez Critic, ils sont super, ils me font confiance.

Sur le moment : je le sentais absolument comme ça. Parce que je voulais que dès la toute première page de cette saga, les réponses soient déjà présentes, dissimulées, mais capables de prendre tout leur sens quand tu as enfin trouvé les clés en faisant le voyage avec les personnages. C’est pour moi un plaisir de lecteur de voir tout ce qu’un auteur a semé sur son chemin et de voir la signification me sauter au visage quand je sais enfin, alors forcément, c’est une chose que j’aime faire aussi.

Après, oui, ce passage est un peu nébuleux – mais c’est le jeu. Je suis toujours le premier à dire que notre travail doit être accessible – qu’il doit emporter le lecteur dans l’histoire. Je suis aussi le premier à critiquer l’interminable prologue de Tolkien dans Le Seigneur des anneaux. Mais « le lecteur » n’est pas un absolu. « Les Dieux sauvages » est une saga complexe, avec beaucoup de personnages (six à huit points de vue par tome), de la stratégie militaire, de la politique, des alliances, dans un univers sombre et dur. (Et beaucoup de révolte contre celui-ci, du coup.) Il y a de l’humour, mais c’est un humour plutôt noir, celui avec lequel on se défend face à une opposition qui semble irrépressible à première vue.

Et donc ce que je vais dire est une analyse a posteriori, mais : ces premières pages forment aussi une sorte de promesse narrative, d’avertissement. En gros, ça dit : ça va être complexe, il va falloir faire un peu gaffe, et surtout, je vous invite à faire gaffe, justement, parce qu’il y a des miettes dans tous les coins, et si vous voulez jouer à essayer de piger le fin mot de l’histoire, ça promet d’être rigolo, parce que je vais quelque part. Voilà peut-être la promesse narrative importante des chapitres « Ailleurs » dans La Messagère du Ciel : accrochez-vous à votre siège, parce qu’on va quelque part. Il y a une vraie fin qui viendra justifier tout le voyage (et qui est, pour moi, la raison d’être de cette saga). Je pense que le pari était le bon, parce que par la suite, aucun lecteur n’a critiqué ces pages en me disant qu’elles étaient superfétatoires ; on les a trouvé parfois complexes, c’est vrai, mais toujours intrigantes, ce qui est le but.

Maintenant, note bien que quand on m’a proposé de publier le premier chapitre en ligne pour donner envie, j’ai expressément dit de ne pas commencer par les premières pages mais de démarrer directement sur le « vrai » chapitre 1, où l’on découvre Mériane dans la forêt relevant ses collets et se confrontant aux dangers de la zone instable – la narration plus classique. Les premières pages n’ont de sens que si tu as acheté le livre et donc décidé, au moins pour un temps, de faire l’effort de t’investir dans la saga. Donc, s’il s’agit de donner envie rapidement entre deux portes, ignorer ces premières pages n’est pas une mauvaise idée. Par contre, si l’on fait le choix de faire ce voyage, de s’y investir, alors elles prennent tout leur sens.

Et puis, franchement, ce n’est que deux pages et demie. Je sais que nous vivons dans une époque d’immédiateté absolue, mais justement, j’ai envie d’espérer qu’on peut encore survivre à seulement deux pages et demi un peu nébuleuses, qui suscitent le mystère, sans avoir la moindre réponse servie prémâchée tout de suite, surtout si elles servent une finalité narrative !

Merci pour tes questions et ta lecture !

  1. Par défaut, je conserve l’anonymat de ceux et celles qui s’interrogent, ce n’est pas un oubli
2020-05-08T10:56:19+02:00jeudi 7 mai 2020|Best Of, Entretiens, Technique d'écriture|2 Commentaires
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