Le MacBook Pro 2016 est une machine fantastique – ne croyez pas les rageux

Apple était attendu au tournant en fin d’année dernière : le MacBook Pro devait recevoir une mise à jour conséquente depuis longtemps. La sortie de cette machine, avec un certain nombre de choix de conception tranchés, n’a pas fait l’unanimité, c’est un euphémisme. Partout, les aficionados de la marque (dont pas mal d’écrivains) ont professé leur déception, voire leur refus catégorique de passer sur cet engin. Connectique limitée, insuffisante pour les power users, batterie trop faible et j’en passe.

Auguste lectorat, en vérité je te le dis : ceux qui critiquent cette machine ne l’ont pas eue entre les mains, ou ne savent pas utiliser un ordinateur dans toute sa puissance et devraient se contenter de travailler sur un iPad (ce n’est pas une critique, on fait de très bons trucs sur un iPad, hein ; iOS peut couvrir à peu près 80% des besoins – mais cela ne suffit pas pour un power user un peu fanatique). Moi, je l’ai entre les mains, et je te dis maintenant ce qu’il en est vraiment, parce que je m’en sers. À savoir, que cette machine est tout simplement le meilleur ordinateur portable que j’aie jamais eu, et peut-être même le meilleur ordinateur tout court.

My precious. Gris sidéral, évidemment.

Ce que je fais

Évaluer une machine n’est pas très pertinent si on ne sait pas d’où vient l’utilisateur. Moi1 : power user autoproclamé (TextExpander, Alfred, Keyboard Maestro, Hazel, la totale), sortant l’année dernière de vingt-cinq ans de tristitude Windowsienne et découvrant avec délices qu’on peut non seulement ne pas se battre contre l’ordi, mais le faire danser et chanter de deux commandes. (Ce qui explique pourquoi, même en déplacement, je préfère un bon ordinateur puissant à un iPad, même si j’adore cet appareil notamment pour l’écriture manuscrite.)

Usage : je passe la journée devant un moniteur, quel qu’il soit. Pour écrire, principalement, mais aussi pour faire de la photo en amateur éclairé (c’est important d’être éclairé dans la photo, heh), et surtout pour de la production musicale entre électronique et symphonique avec Ableton Live.

J’ai vécu sur un tout petit MacBook Air l’année dernière mais mes déplacements professionnels se multiplient, au point de passer à peu près 1/4 de mon temps en vadrouille, notamment dans des trains. J’ai aimé cette machine, mais j’ai buté de plus en plus contre ses limitations au fil du temps, et il m’est apparu nécessaire qu’il me fallait un ordinateur m’offrant la même flexibilité qu’un fixe. Donc, un MacBook Pro. Je rechignais, à force de lire quantité de critiques négatives, mais nécessité fait loi – et j’ai donc commandé le mien, en m’apprêtant à demi à le renvoyer dans les deux semaines.

Pour la petite histoire, et parce qu’il faut bien que je m’énerve un peu là-dessus, ça a tardé : DHL – honte sur eux – a « perdu » (ahem) mon colis juste avant son arrivée. UPS a par contre acheminé le remplacement sans erreur, et grande classe à Apple, qui, pour compenser le désagrément encouru, m’a fait une petite remise commerciale (alors que ça n’était absolument pas leur faute).

(Pendant ce temps-là, Microsoft intègre de la pub dans Windows 10. Je dis ça, je dis rien.)

La splendeur (ce qu’il fait merveilleusement bien)

Cela a été déjà amplement loué, donc pas la peine d’insister (je parlerai davantage des critiques courantes), mais, en gros, cette machine est fantastique parce que :

  • Son écran Retina est d’une beauté absolue. Et quand on passe toute sa journée devant du texte et qu’on est bigleux comme un dauphin d’eau douce, la finesse d’impression de ce qu’on lit n’est pas un luxe, et c’est devenu pour moi une nécessité.
  • Il est prodigieusement léger et portable. Vu que l’idée consiste à travailler en déplacement (c’est tout le concept d’un ordinateur portable), c’est assurément un atout. Pour avoir dû trimballer une monstruosité MSI de 12 tonnes pendant des années, notamment jusqu’à La Réunion, je m’extasie à chaque fois du contraste.
  • La puissance est au rendez-vous. Ableton Live et les plug-ins que je lui balance ne bronchent absolument pas.
  • Il est p*** de beau. OK, c’est accessoire. Mais quand on gagne sa vie avec un ordinateur en passant des heures dessus, le plaisir d’usage de l’outil n’est finalement pas si secondaire.

Les critiques (qui ne sont pas fondées)

OK, parlons des sujets qui fâchent : quid des critiques adressées à cette machine ? Moi, je m’en sers, contrairement à quantité de ses détracteurs, et voilà ce que je peux dire :

Les bugs. Il paraît que des machines en ont ; ça arrive, surtout pour une première génération. Je touche du bois, le mien tourne sans problème. Le service client d’Apple étant exemplaire (voir plus haut) et échangeant les modèles défectueux sans discuter, il faut être de mauvaise foi pour en vouloir à l’engin sur la base d’un défaut de fabrication.

Le clavier. Le clavier incarne la deuxième génération du mécanisme ultra-plat inauguré avec le MacBook-tout-court de 2016. Il n’avait pas plu à tout le monde, et beaucoup de personnes râlent dessus, parce qu’il est, eh bien, très plat. Le toucher ressemble plus à des micro-switches qu’à de vraies touches, et c’est vrai que c’est déroutant au début, surtout quand on a l’habitude de cogner sur ses touches comme un sourd. Alors, bon, j’écris des trucs pour gagner ma vie, je le dis tout net : j’adore ce clavier. C’est peut-être le meilleur que j’aie eu entre les doigts (et j’en ai essayé un paquet). Il m’a fallu une ou deux heures d’adaptation, mais à présent, c’est de l’amour tout rose que j’ai pour. Le fait d’effleurer à peine les touches pour qu’elles réagissent, de minimiser au maximum le mouvement des doigts, est simplement prodigieux et merveilleusement reposant. Jamais je n’avais eu aussi peu d’effort à fournir pour actionner un clavier – et c’est tout ce que j’aime. En comparaison, le Magic Keyboard du fixe me fait maintenant l’effet d’une Remington rouillée (je rêve  qu’Apple porte ce mécanisme de touches à leurs Mac de bureau). Après, certains détestent. Je peux l’accepter intellectuellement. Dans mon cœur, non. Je saigne et j’ai envie de condamner les hérétiques au bûcher.

Les ports. J’ai envie de dire que c’est la critique la plus absurde qu’on ait pu formuler à l’encontre de cette machine. Surtout de la part des photographes de forum dits « pro ». Scandale ! Pas de lecteur SD ! Et mes photos de pro, alors, comment je fais ? C’est marrant comme quantité de ces photographes n’ont visiblement pas d’appareil à… CompactFlash, standard qui équipait quand même quantité d’appareils professionnels (je dis justement ça en pensant au 7D Mark I, resté longtemps l’appareil de référence pour la photo animalière, pour parler de ce que je connais). Les pros d’aujourd’hui (les vrais) ont depuis longtemps des cartes à wi-fi…

Et puis, pas de port USB-A, que de l’USB-C ! Et mes clés et mes périphériques ? C’est que je suis un power user, moi, madame, j’ai des trucs à brancher pour faire des machins. Alors je n’imagine justement pas, en 2017, un power user passer régulièrement par un port USB pour connecter des bidules ou transférer des données régulièrement. Un power user, ça utilise le cloud depuis 2010, ça a son propre serveur et son réseau, peut-être sa dedibox quelque part, ça utilise AirDrop et AirPlay et ça ne sait même plus où sont ses clés USB. Les câbles, le bon vieux sneakernet, ça fait partie d’une époque révolue depuis longtemps. Et pour les périphériques existants ? Les contrôleurs musicaux, par exemple, les surfaces type DJ ou production musicale ? Question : vous en vous servez en déplacement, vous – c’est-à-dire, dans un train, dans un avion ? Non, évidemment. Ces périphériques, par nature, s’utilisent en configuration dockée, soit avec la machine connectée sur une table et de la place pour les mettre autour. Dans cet état des choses, brancher deux ou trois convertisseurs – ou une station d’accueil – pour utiliser des appareils plus anciens devient un non-problème. Avec l’USB-C, on gagne la polyvalence, l’avenir d’une connectique universelle qui s’imposera comme standard et qui permet, justement, de brancher tout et n’importe quoi de façon modulaire, et ça, c’est bigrement beau.

Par contre, oui, je regrette la disparition du Magsafe. Mais dans les faits, la batterie fournit justement assez de puissance pour n’avoir pas besoin de se brancher au café du coin en milieu de session. Ce qui m’amène à…

La batterie. Là, ce que je lis, c’est carrément de la mauvaise foi. Sortant d’un MacBook Air, j’avais très peur de ce que j’avais lu à ce sujet. Allais-je revenir au bon vieux temps de mon transportable Windows qui tenait trois heures les jours de grand vent ? Plusieurs semaines après l’installation – soit après que le système est stabilisé, que l’indexation Spotlight est terminée, et autres rodages, voici ce que m’indiquait FruitJuice lors d’un voyage en train, alors que je bossais sur du texte :

LOL.

Oui, Apple dit « 10h d’autonomie », et oui, ça s’entend en ne forçant pas trop la luminosité de l’écran et en ne faisant pas tourner trouze mille machines virtuelles qui mangent la puissance de calcul. Faudrait voir à être un peu réaliste et ne pas espérer tenir 10h en faisant du montage vidéo 4k. Quand je lance Ableton Live dans le TGV, pour monter un épisode de Procrastination, par exemple (pub gratuite), oui, je vois la batterie fondre beaucoup plus vite. Évidemment ! Personne ne s’offusque de voir la batterie de son téléphone fondre plus vite quand il lance un jeu 3D gourmand en ressources. Râler que la batterie ne tienne pas alors qu’on tire sur la puissance de la machine est idiot. Dans un usage bureautique normal, oui, la batterie tient 10h, sans problème. Je me regarde un petit épisode de série sans que ça ne pèse trop non plus. Je gère un peu ma batterie, quoi, et d’ailleurs, bien, bien moins que je ne m’y attendais. Tout cela est normal. Oui, le MacBook Air tient davantage, mais le MacBook Air ne fait pas ce que fait un MacBook Pro. C’était pas l’idée, justement ? Le Pro peut à peu près passer pour un Air quand on s’en sert de la même façon… Et fournit la puissance d’un Pro quand c’est nécessaire.

Soit dit en passant, je comprends pourquoi Apple a retiré l’estimation du temps restant dans la barre de menus, parce que oui, ça varie énormément en fonction de l’usage. Si je me fonde sur FruitJuice, je vois l’estimation fluctuer beaucoup en fonction de ce que je demande à la machine. C’est acceptable de la part d’un utilitaire tiers (installé par quelqu’un qui comprend que ces données soient variables), mais pour un indicateur fourni par le système, ça fait bizarre et l’utilisateur moyen ne comprendrait pas.

La Touch Bar. « lol sa ser à rien. » Bande de nazes. C’est une trouvaille qui n’a l’air de rien, mais qui est prodigieuse. Les prétendus power users râlent – là encore en ne s’en étant pas servi – parce qu’ils connaissent les raccourcis clavier, eux, et que ça ne leur servira pas, à eux. Ils n’ont rien pigé, là encore. (Parce que moi, si. Parfaitement. Ben quoi ?) Cette trouvaille est excellente car elle s’adresse à toutes les catégories d’utilisateurs. Celui qui peine à utiliser un ordinateur trouvera toutes les options courantes dans une barre facile d’accès et visible – c’est parfait pour mamie Gertrude. Et le power user ? Le power user, il sera gentil de mériter son nom et de a) configurer sa Touch Bar application par application pour effectuer des manips plus avancées et surtout de b) acheter BetterTouchTool s’il ne l’a pas déjà fait (et s’il ne l’a pas fait, on peut lui retirer l’appellation de power user) et de scripter, configurer, customiser sa Touch Bar dans tous les sens avec des macros, des gestes et tout ce que son esprit réjoui par tant de puissance débloquée devant lui lui offrira. Il verra alors la lumière (en OLED).

Le prix. Okay, cette machine est très, très chère. (Honnêtement, je jouis du rabais éducation que m’offre mon statut de vacataire à la fac, et ça a clairement pesé dans la balance.) On est d’accord. Mais il faut considérer aussi que cette machine a) est appelée à durer (au bas mot) une demi-douzaine d’années, comme tous les Mac b) peut remplacer très avantageusement un ordinateur fixe en étant docké c) offre une expérience utilisateur à nulle autre pareille. Pour ma part, c’était une dépense et une décision professionnelle, poussée par la nécessité. Très franchement, je voulais vraiment attendre au minimum la Rev. B à la rentrée. C’est avec un rein en moins et la peur au ventre d’acheter à prix d’or une machine mal fichue que j’ai passé ma commande, parce que, étant passé sous Mac, je n’avais pas tellement le choix si je voulais un équivalent desktop (j’aurais pu prendre un MacBook Pro ancienne génération, mais quitte à investir sur la durée, je veux rentabiliser mon investissement, pas re-changer de machine dans trois ans parce que la puissance me limitera ; j’ai déjà fait cette erreur en voulant économiser sur le MacBook Air, qui heureusement, devrait rapidement trouver un acquéreur). Bon, au pire, je pouvais toujours la renvoyer et demander un remboursement. Bref, ça valait le coup de tester.

Pour acheter un ordinateur (surtout une machine à usage professionnel, quand on est indépendant), il faut penser comme pour une voiture : combien de temps vais-je garder cet engin, quel m’en sera l’usage, quel entretien (en temps, surtout, pour un ordinateur) aurai-je à prévoir ? Quelle dépense cela représente-t-il ? Ramenée à un tarif mensuel ? Maintenant, à combien estimé-je la dépense mensuelle, professionnelle, que je puis effectuer pour un outil de travail sur lequel je vais passer un temps conséquent ?

Pour moi, le calcul était clair : comme je le disais plus haut, j’en suis à un stade de ma vie professionnelle où je ne peux littéralement pas me permettre de voir ma productivité dégringoler pendant 1/4 de mon temps dans l’année2, surtout que cette part de déplacement risque d’augmenter encore.

Et je suis ravi, au final, de ne pas avoir attendu la Rev. B du MacBook Pro, car celui-là, j’en suis sûr, m’accompagnera jusqu’à 2023, au moins.

  1. Parce que c’est bien de se mettre en gras, et puis j’ai un peu profité ces derniers temps, d’ailleurs.
  2. Je n’ai aussi pas le droit de tomber malade, mais c’est un autre problème.
2017-03-14T11:48:44+01:00mardi 14 mars 2017|Geekeries, Humeurs aqueuses|24 Commentaires

Passer sous Mac, c’est facile ?

Suite à ma conversion miraculeuse, digne d’un Clovis étendant sa puissance (parce qu’il faut bien se la raconter un peu), quelques discussions avec des camarades ont toutes plus ou moins gravité vers cette même angoisse : « je passerais bien sous Mac, mais ce n’est pas un peu compliqué à faire ? » Alors ?

Non. (Salut, merci, bonsoir)

La question est légitime – les Macs avaient jadis la réputation de former un univers très à part, avec leurs applications, leurs formats de supports de données, de documents… Et c’est vrai, dans les années 90, convertir un document entre PC et Mac pouvait nécessiter de faire intervenir des applications tierces, et chaque plate-forme avait ses programmes spécifiques.

Depuis OS X (renommé macOS l’année dernière) et les années 2000, ce n’est plus du tout le cas. Les documents sont parfaitement intéropérables entre plate-formes (pourvu qu’on ait le programme qui va avec, bien sûr), et bien des applications sont développées à la fois pour Mac et Windows, en tout cas pour les ténors du genre : Microsoft propose un Office quasiment égal à son comparse sous Windows (surtout avec l’abonnement 365), et avec la croissance des applications web, de toute façon, la question se pose de moins en moins. (Le Mac offre, en revanche, un système mille lieues plus évolué que Windows et des applications qui doublent la productivité.)

Donc, rejoindre le côté en aluminium brossé de la Force est facile, à condition de garder en mémoire un certain nombre de petites choses.

N’oubliez pas de…

Avant de franchir le pas, inventoriez vos besoins réels. Notamment les logiciels indispensables à votre activité. Tous les ténors existent sous Mac aujourd’hui, mais certains demeurent quand même absents, en particulier des applications propriétaires, métier ou qui ne sont plus maintenues. Mais il existe des contournements, à savoir Boot Camp et la virtualisation. Boot Camp permet d’installer sur le Mac une partition Windows et de démarrer dessus comme un simple PC. La virtualisation consiste à faire tourner un Windows « virtuel » dans le système du Mac. Pour ma part, j’emploie la seconde solution à cause de vieux dictionnaires virtuels (notamment le Harrap’s Unabridged) dont j’ai besoin pour la traduction, et ça fonctionne à merveille. (Il a fallu ajouter à mon investissement une licence de Parallels, mais ça en valait la peine.) Testez donc la chose, si possible, mais sachez qu’elle est très probablement réalisable.

Vérifiez la compatibilité de vos matériels. Là encore, les pilotes existent généralement pour Mac et Windows, mais on n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise, notamment pour votre vieille imprimante matricielle de 1983. Assurez-vous que vos périphériques – surtout ceux qui sont indispensables à votre activité – fonctionnent. (Pour un écrivain, ça va rarement au-delà d’une imprimante, et normalement, c’est pris en charge, mais on ne sait jamais.)

Le faire sans douleur

Windows 10 tourne sagement dans mon Mac à côté de toute le reste.

Vérifiez l’état de vos licences. OK, vous avez vos programmes, vous constatez qu’ils existent sous Mac, tout va bien. Assurez-vous que les licences soient valides aussi sous Mac. C’est l’usage très répandu, mais certains éditeurs n’ont pas la possibilité de transférer une licence d’une plate-forme à une autre en raison de fonctionnalités très différentes. Un exemple notoire pour l’écriture est Scrivener. Acceptez de devoir racheter une ou deux choses, y compris, peut-être, de petites moulinettes qui viendront répondre à certaines habitudes que vous aviez sous Windows (notamment des utilitaires, lesquels, pour le coup, ne seront jamais compatibles).

Employez le cloud. Sérieusement, ne vous embêtez pas à graver des DVD (qui grave encore des DVD en 2017 ?) ou à passer par trente allers-retours de clé USB pour transférer vos données… Utilisez un système de stockage en ligne type Dropbox. MacOS a encore quelques petites réticences avec les disques Windows, surtout s’ils sont récents. Un Mac peut les lire, mais pas toujours écrire dessus1. Faites plus simple, mettez vos données dans une Dropbox, laissez tourner toute la nuit les deux machines pour qu’elles se synchronisent, et c’est réglé.

Gardez votre vieille machine un petit moment. Ne vendez pas tout du jour au lendemain, on ne sait jamais ; en cas de problème, vous pourrez rebasculer sur l’environnement de travail connu le temps de régler le problème.

Soyez prêt.e à (ré)apprendre

Comme me le disait un ami informaticien : « je me rends compte que je n’utilise probablement pas mon Mac au mieux de ses possibilités, parce que je m’en sers comme d’un PC ». Voilà. MacOS n’est pas Windows ; si un utilisateur vaguement informé saura s’y retrouver très vite, en profondeur, le système est assez différent. Tirer avantage du Mac implique d’accepter de réapprendre de nouvelles manières de faire les choses. Les raccourcis clavier, la gestion des fenêtres et des applications, l’emplacement des caractères spéciaux… Mais ce n’est pas vain ; à l’usage, on se rend compte que le Mac est bien plus robuste et mieux pensé qu’un Windows (avec ses trois chartes graphiques différentes, ses options incohérentes, et j’en passe).

La meilleure source pour apprendre est probablement le vénérable podcast Mac Power Users (en anglais, hélas) ; l’épisode 311 est en particulier dévoué tout entier au passage de Windows à Mac. Un autre bon point de départ pour commencer à voir ce que le Mac peut faire pour vous est cette liste d’Asian Efficiency sur les meilleures applications pour la productivité, qui m’a conduit sur mes premiers pas et montré le réel pouvoir de cette machine toute mince.

Dans deux mois, cela fera un an que j’ai entamé mon passage de l’un à l’autre, et je n’ai qu’un seul regret, c’est d’avoir été si bête et d’avoir attendu aussi longtemps pour le faire.

  1. Pour les spécialistes : macOS, de base, lit mais ne sait pas écrire sur du NTFS, à moins d’acheter un driver spécifique comme celui de Parangon Software (qui marche très bien, d’ailleurs).
2017-02-25T18:58:01+01:00jeudi 2 mars 2017|Geekeries|32 Commentaires

Une interview de Rhapsody… de 2005

dark-secretOr doncques, comme je le disais dans l’article précédent du même tonneau, fut un temps lointain, où la revue Khimaira sortait en kiosque, j’ai réalisé (sous la direction de Denis Labbé, qui s’occupait de la musique) exactement deux entretiens pour la revue. C’était il y a plus de dix ans, donc l’actualité n’est plus tout à fait brûlante, mais je regrette que ça ne soit plus disponible, et je sais que pour les vrais fans, l’âge ne compte pas. Du coup, histoire que ça soit disponible quelque part, voici la seconde, cette fois du groupe Rhapsody avant qu’il ne rajoute le « Of Fire », et faite en collaboration avec Denis, justement. Si cela peut amuser / intéresser des historiens du genre, walah. Et sinon, ça sera au moins présent quelque part. C’était peu avant la sortie de The Dark Secret, où le regretté Christopher Lee apparaissait pour la première fois.

(Merci à l’équipe de Khimaira, Denis Labbé et, si mes souvenirs sont bons, l’équipe de Garmonbozia qui a rendu cet entretien possible. Et soit dit en passant, si cela dérange quelqu’un que ce soit ressorti du carton, qu’il ou elle me le signale.)

Khimaira : Avec The Dark Secret et votre album à venir, vous reprenez The Saga of the Emerald Sword. Pour quelle raison, puisqu’elle s’est achevée dans l’album précédent ?  

Alex Staropoli : À vrai dire, nous ne reprenons pas réellement The Saga of the Emerald Sword ; nous commençons une toute nouvelle histoire. Il y a quelques éléments communs avec la saga précédente, comme des personnages et des lieux, mais cette chronique est entièrement nouvelle. Elle se déroule des années après la fin de The Emerald Sword, dans un monde beaucoup plus vaste ; cela nous offre davantage de possibilités pour développer le récit dans des directions très diverses.  

Khi. : Connaissez-vous déjà la fin de la saga ?

A.S. : Non, pas encore. Tout va se construire au fur et à mesure ; nos sagas sont toujours en cours d’élaboration.  

Khi. : Quels sont les films et les livres de fantasy qui vous inspirent l’écriture de telles histoires ?

A.S. : Immédiatement : Le Seigneur des Anneaux. Bon, à vrai dire, nous baignons dans une atmosphère globale composée de films et de livres, mais ceux qui nous intéressent réellement ne sont pas tout récents (Conan, par exemple). En réalité, ce qui nous inspire, ce ne sont pas des éléments clairement identifiables d’une histoire mais plutôt des ambiances, comme celles qu’on peut retirer d’un film. Nous composons beaucoup également en plein air : dans les collines ou les montagnes pour nous rapprocher de la nature et nous mettre dans une atmosphère donnée. De la même manière, dans Le Seigneur des Anneaux, ce sont vraiment les paysages qui nous ont le plus inspirés ; tout ce qui touche à la nature, aux situations.

Pour composer, nous fondons tout sur notre saga. Chaque chanson est différente, mais reste liée à l’histoire : nous nous concentrons sur l’émotion et l’ambiance.

Khi. : Votre premier objectif avec ces sagas est probablement de raconter une bonne histoire – mais avez-vous d’autres buts, en particulier, cherchez-vous à communiquer certains types de messages ?

A.S. : Mm… Nos messages sont fondamentaux à tous points de vue, en ce sens qu’ils sont positifs. Il s’agit de respect, de fierté, de combattre pour le bien. La saga à venir sera peut-être plus complexe, mais nous resterons fidèles à notre approche de valeurs positives. 

Khi. : Christopher Lee apparaît sur The Dark Secret ; que représente cet acteur pour vous ? Qu’a-t-il apporté à votre univers ?

A.S. : Ah, rencontrer Christopher Lee a été un moment absolument fantastique. C’était un vrai rêve, un rêve devenu réalité grâce à l’équipe qui nous soutient. Nous l’appréciions déjà beaucoup avant de le rencontrer, et maintenant encore davantage ! C’est quelqu’un d’extraordinaire. On l’a vu deux ou trois jours… (soupir) Je ne peux pas vous décrire l’intensité de cette rencontre, c’est une chose qu’il faut vivre. Il est fascinant. Il est d’une gentillesse incroyable et il sait tout. On peut discuter de tout avec lui. C’était vraiment un rêve devenu réalité.

Khi. : Comment avez-vous choisi la pochette de The Dark Secret où apparaît justement Christopher Lee ?

A.S. : Le choix s’est fait plus ou moins naturellement. Cette pochette a une ambiance médiévale, ce qui compte beaucoup pour nous ; nous l’aimons beaucoup. En fait, un jour nouveau s’est levé pour nous : nous pouvons réaliser de grandes productions et tous nos rêves se concrétisent.

De toute évidence, Christopher Lee va représenter la saga. Comme The Dark Secret est une sorte de mise en bouche de cette toute nouvelle histoire, il nous semblait juste de mettre M. Lee bien en valeur.  

Khi. : Et à quoi ressemblera la pochette de l’album ?  

A.S. : Je ne peux pas encore en parler, mais… ce sera très impressionnant !  

Khi. : Vous venez de travailler avec un orchestre symphonique. Qu’est-ce que cela a changé dans votre méthode de travail pour la composition ou l’enregistrement ?

A.S. : Le feeling. Luca et moi composons de la même manière mais, cette fois, c’était différent puisque tout devait être rejoué par l’orchestre. Disons que… fondamentalement, nous avons composé de la même manière, à ce niveau-là les choses n’ont pas vraiment changé, en revanche, il y avait des arrangements bien plus complexes, plus « profonds » à écrire, ce qui a pris plus de temps que d’habitude. Et c’était fantastique de suivre les enregistrements. Encore un rêve qui est devenu réalité.

Khi. : Combien de temps dure la composition et l’enregistrement d’un tel album ?

A.S. : Pour la composition, c’est difficile à dire, parce que nous ne travaillons pas sur une période de temps donnée. Nous composons en permanence, en fait. Disons que l’album est le fruit des trois dernières années de compositions.

Pour l’enregistrement, nous commençons par la batterie. Le travail de production avec Fabio s’est déroulé en octobre 2003… L’enregistrement de l’orchestre a pris de novembre à décembre… Le mixage en studio s’est fait en janvier. En février, il y a eu un peu d’enregistrements complémentaires. Disons donc que cela a pris cinq mois, mais avec pas mal de pauses.  

Khi. : Pensez-vous avoir atteint un nouveau palier dans votre projet de lier le métal et la musique de film ?

A.S. : Oh oui, complètement ! Nous en sommes très fiers ! Quand nous avons entendu les premiers mixes des chansons, nous sommes tombés à la renverse. L’orchestre a un son fabuleux. C’est vrai qu’on peut faire pas mal de choses avec des samples, mais cela ne peut quand même pas remplacer la chaleur d’un orchestre. C’est très chouette. En fait, le son nous impressionnait déjà avant que les chansons ne soient mixées…

Khi. : Vous avez atteint un succès énorme. Quel regard portez-vous à l’heure actuelle sur l’évolution de votre carrière ?

A.S. : Un regard très positif. Pour chaque album, nous pouvons dire que vous avons fait de notre mieux et que chaque album est le meilleur que nous puissions faire à l’époque. Je n’ai pas peur de dire que je suis vraiment fier ; c’est assez rare, finalement, d’entendre des artistes dire que quand ils examinent leur carrière, ils aiment tout ce qu’ils ont fait. Nous savons que nous avons beaucoup de chance et nous savons que c’est précieux.

Les bonnes critiques nous font aussi toujours plaisir, évidemment ! Mais nous savons aussi que nous aurons toujours une marge de progression dans l’avenir, ce qui est évident quand on regarde le chemin parcouru entre notre dernier album et le nouveau. Nous rêvions de donner corps a une certaine « essence » du métal ; avec cette nouvelle production, nous avons donné corps à ce rêve.  

Khi. : Quelle est votre vision du succès tout nouveau – et colossal – du nu-métal ? Pensez-vous qu’il puisse y avoir une synergie avec les groupes plus classiques ? [Note de 2016 : c’est là qu’on voit que les genres et étiquettes évoluent sans cesse, cette question est terriblement datée…]

A.S. : Voilà une question difficile. Pour un groupe établi, les choses sont toujours plus faciles. Pour tout avouer, je travaille tellement que je n’ai presque plus le temps d’écouter de métal… Pour ce qui est des nouveaux groupes en général, il y a quelques années, on aimait bien ce que faisait Sonata Arctica. Nous sommes plutôt conservateurs, en fait. Personnellement, j’aime beaucoup de groupes plus anciens. Je ne me tiens pas vraiment au courant de l’actualité du genre.

Khi. : Depuis plusieurs années, de nombreux groupes italiens apparaissent dans des styles différents (DGM, Eldritch, Lacuna Coil, Icycore, Labyrinth…). Pourquoi l’Italie peut-elle nous proposer autant de groupes de qualité ? Disposez-vous de structures spécifiques pour le développement du métal ?

A.S. : Je ne sais pas vraiment. Je trouve que nous avons énormément de musiciens de qualité qui parfois arrivent à monter des groupes pros. Mais, pour ce que je connais du milieu métal sur les dernières années, cela n’arrive pas si souvent. Je ne sais pas trop comment les choses ont évolué : je passe ma vie assis, à composer tout le temps… En tout cas, je connais beaucoup de musiciens qui ne veulent pas se lancer. Quand ils doivent se bouger, quitter leur travail, cela leur fait peur et ils ne se jettent pas à l’eau. Mais je ne saurais vraiment dire : nous passons notre temps à travailler, nous ne suivons pas vraiment ce qui se passe.

Khi. : Avec quels groupes aimeriez-vous tourner ?

A.S. : Je ne sais pas. Nous aimons beaucoup de groupes, mais tourner avec, ce n’est pas la même chose. J’ai fait un live avec Manowar, pour des sets acoustiques. Il y avait une bonne ambiance, c’était vraiment cool. 

Khi. : Partez-vous en tournée ?

A.S. : Rien n’est encore prévu, il faut qu’on en discute. Nous voulons faire une grande tournée dans le monde entier ! Je pense que c’est ce qu’il nous faut, maintenant. On nous accepte plutôt bien à l’heure actuelle, et il y a beaucoup d’endroits où nous aimerions aller ! 

Khi. : Un dernier mot pour vos fans français ?

A.S. : C’est une belle journée à Paris ! Je me souviens de notre dernier concert ici : tout le monde n’avait pas pu rentrer. Alors, j’espère que la prochaine fois, nous aurons une salle plus grande, et je suis impatient de revenir jouer ici, pas seulement à Paris mais dans toute la France. J’espère que nous pourrons revenir avec un spectacle encore plus grand : nous voulons offrir le meilleur concert possible, à tous les niveaux, visuels et autres !

Propos recueillis par Lionel Davoust et Denis Labbé. 

2016-11-02T17:40:53+01:00jeudi 3 novembre 2016|Décibels|4 Commentaires

Une interview de Within Temptation… de 2005

Withintemptation-silentforceHey, auguste lectorat, je sais qu’il y a des gens par ici qui écoutent comme moi de la musique du diable. Fut un temps lointain, où la revue Khimaira sortait en kiosque, j’ai réalisé (sous la direction de Denis Labbé, qui s’occupait de la musique) un ou deux entretiens pour la revue. C’était il y a plus de dix ans, donc l’actualité n’est plus tout à fait brûlante, mais je regrette que ça ne soit plus disponible, et je sais que pour les vrais fans, l’âge ne compte pas. Du coup, histoire que ça soit disponible quelque part, voici la première, d’un de mon groupes préférés de l’époque, Within Temptation (au moment de la sortie de The Silent Force, qui restera pour moi leur meilleur album). Si cela peut amuser / intéresser des historiens du genre, walah. Et sinon, ça sera au moins quelque part.

(Merci à l’équipe de Khimaira, Denis Labbé et, si mes souvenirs sont bons, l’équipe de Garmonbozia qui a rendu cet entretien possible ainsi évidemment qu’à Sharon den Adel pour sa disponibilité et sa gentillesse. Et soit dit en passant, si cela dérange quelqu’un que ce soit ressorti du carton, qu’il ou elle me le signale.)

Khimaira : Bonjour Sharon, eh bien tout d’abord, prenons quelques nouvelles : comment vont tes cordes vocales ? (NDLR : un virus a frappé les cordes vocales de Sharon au cours de la tournée, forçant le groupe à reporter plusieurs concerts) 

Sharon den Adel : Bien mieux, merci ! C’était un virus assez méchant, il m’a fallu quelques temps pour m’en remettre ; je pouvais parler mais j’avais perdu la capacité de monter haut dans les aigus ! Enfin, maintenant, tout va bien !

Khi. : Parlons un peu du nouvel album, The Silent Force ; le son est indubitablement plus lourd que dans Mother Earth. Peux-tu nous expliquer un peu la genèse de cette album ? 

S.d.A. : En 2003, à l’automne, nous nous sommes dits qu’il nous fallait nous mettre à écrire. Nous étions en tournée tout le temps et c’était impossible de composer, à part quelques chansons. Alors nous avons décidé de nous poser et de nous mettre au travail, six, parfois sept jours sur sept. À cette époque, nous n’avons fait qu’une petite tournée, surtout des concerts lors de festivals et nous nous sommes concentrés sur l’album. Nous avons pu réaliser ce gros projet, y intégrer un orchestre et des chœurs, grâce au succès de Mother Earth ; nous avons réalisé le meilleur album dont nous étions capables. Le travail de composition a duré neuf mois ; l’enregistrement trois mois. Que ce soit une si grosse production nous a causé quelques problèmes parce que nous manquions un peu d’expérience dans ce domaine, mais, finalement, tout s’est très bien résolu !

Khi. : Beaucoup de fans vont probablement découvrir Within Temptation à travers The Silent Force ; peux-tu reconstituer un peu de l’histoire du groupe ? 

S.d.A. : En fait, nous faisions déjà de la musique avant Within ; pour ma part, je suis arrivée en 1994 dans un groupe nommé Circle, créé en 1991, pour faire un enregistrement. Mais Robert (NDLR : Robert Westerholt, guitariste de WT) et moi avons eu des divergences avec les autres membres et nous avons quitté le groupe.

C’est donc en 1994 que nous avons fondé un nouveau groupe. Au début, nous n’avions même pas de nom (enfin, nous en avons eu plusieurs !) ; pendant un temps, on voulait s’appeler The Portal, mais on s’est rendu compte que c’était déjà pris ! Nous avons finalement pris notre réel départ en 1996, où Within Temptation a sorti sa première démo. En deux mois, nous avions un contrat ; nous sortions notre premier album en 1997, Enter. Mother Earth est sorti en 2000, puis a été réédité en 2003 pour toute l’Europe.

Khi. : Comment composez-vous ? 

S.d.A : Oh, ça change à chaque fois ! Robert travaille sur la musique, réfléchit à des lignes mélodiques pour le chant. En général, il a plusieurs propositions de lignes vocales, mais j’achève souvent de composer le chant : c’est normal, en tant que guitariste, il a une approche de la mélodie qui n’est forcément pas exactement la même que celle d’un chanteur. Souvent, nous partons de la guitare, puis du clavier… Mais, ah, je ne sais pas, je te dis, ça change à chaque fois !

Khi. : Comment avez-vous intégré l’orchestre à votre processus de composition ? 

S.d.A. : En fait, ça n’a rien changé : nous l’avons intégré dès le début à la musique car nous savions que nous aurions un orchestre, et nous avons gardé cela en permanence à l’esprit. Nous avons écrit les lignes mélodiques de base pour toutes les parties orchestrales, c’est ensuite que l’arrangeur est intervenu.

Khi. : Comment s’est passé l’enregistrement, en particulier pour l’orchestre ? Pourquoi avoir enregistré chaque instrument dans un studio différent ? 

S.d.A. : L’orchestre et les chœurs n’appartiennent pas au même ensemble, et puis nous avons enregistré le chant et la guitare en Hollande mais dans des studios différents, la batterie en Belgique, notre ingénieur est suédois… La raison, c’est nous voulions le meilleur pour chaque instrument ! Alors nous avons essayé différentes choses. Pour l’orchestre, par exemple, nous en avons considéré plusieurs mais les russes collaient le plus à ce que nous recherchions : nous voulions des ambiances proches de la musique de film, or cet orchestre en a déjà fait plusieurs. Les autres sonnaient trop « classique » à notre goût.

Khi. : Comment a été choisi le single Stand my Ground 

S.d.A. : Nous avions plusieurs possibilités, mais une chose était certaine : nous voulions un single heavy. Les fans aiment beaucoup Jillian et nous aussi, mais comme on nous la demande beaucoup en concert, nous l’avons beaucoup jouée ; alors, nous voulions changer un peu, surprendre le public. Stand my Ground est vraiment très bien produite, c’est une chanson très forte, avec des paroles qui collent à notre époque (NDLR : « Stand my Ground » signifie tenir bon). Si nous ne tenons pas bon, qui le fera à notre place ?

Khi. : Avez-vous participé à l’écriture du clip de Stand my Ground ? Comment s’est déroulé le tournage ?

S.d.A. : Au début, nous voulions baser le clip sur des loups, mais la production trouvait cela vraiment trop difficile à réaliser, alors nous avons travaillé sur un script différent. Nous voulions recréer une ville un peu dans le style des décors d’Underworld (du coup, sans loups… garous !), avec une ambiance de fin du monde comme dans Le jour d’après. Voilà l’atmosphère dont nous avions envie.

[Note de 2016 : profitons de l’invention de l’HTML 5.]

Khi. : Aimeriez-vous participer à une bande originale de film ? 

S.d.A. : Je crois que n’importe quel groupe adorerait ça ! Quand on fait un clip, on est obligé de travailler sur un format très court. Alors que dans un film, il y a déjà une histoire forte, de belles images, bref, des choses plus développées dans le temps, on a davantage l’occasion de construire son récit et les émotions. Nous adorons les films épiques comme Braveheart ou Gladiator

Khi. : D’ailleurs, vos paroles ont une portée imaginaire évidente ; êtes-vous de gros lecteurs ? 

S.d.A. : Oui, beaucoup ! Nous trouvons beaucoup d’inspiration dans la littérature. Par exemple, les paroles de Jillian sont inspirées de Katharine Kerr : cette chanson parle des choix que l’on fait, et qui déterminent en partie les choix qui suivent, nous forçant à influencer ceux qui nous entourent.

Khi. : Comment se passe la tournée ? Comment le public accueille-t-il le nouvel album ? 

S.d.A. : Les concerts affichent rapidement complet ! Nous regrettons que tout le monde ne puisse rentrer… En même temps, nous cherchons à recréer une atmosphère plus intime en concert, afin d’aller parler aux gens… Le public est vraiment chaleureux. On nous demande des chansons d’Enter, mais nous préférons mettre l’accent sur The Silent Force… Enfin, nous essayons d’offrir le meilleur spectacle possible !

Khi. : Et quelle est l’atmosphère entre vous ? 

S.d.A. : Tout le monde est toujours très concentré, mais après quelques concerts, nous commençons à prendre le coup, et nous pouvons mieux en profiter, jouer davantage avec le public au lieu de nous angoisser sur nos instruments… Nous essayons de faire de notre mieux ; quand on arrête les concerts pendant longtemps, il faut se remettre dans le bain, mais plus nous jouons, plus c’est facile.

Khi. : Sharon, une question plus personnelle : le métal étant considéré comme un milieu plutôt masculin, comment trouves-tu ton équilibre ? [Note personnelle de 2016 : avec le recul, cette question m’a fait bondir sur ma chaise et ouvrir des yeux ronds – c’est quoi cette question à la con ? Mais il faut se replacer dans le contexte d’il y a dix ans, quand Nightwish passait encore pour une nouveauté et que le « métal symphonique » ou « à chanteuse » démarrait : la question n’était pas idiote, et la réponse de Sharon l’illustre bien. Ouf.]

S.d.A. : Parfaitement bien ! Le problème, c’est une certaine presse… On lit : pourquoi Robert ne chante-t-il plus ? Certains pensent qu’avec un chant féminin, on ne peut pas jouer de métal. Eh bien, si. Nous sommes un groupe de métal parce que nous jouons une musique métal, voilà tout. Cette distinction n’a pas de sens.

Khi : Amnesty International figure sur la pochette de The Silent Force. Avez-vous un engagement particulier ? D’une manière plus large, essayez-vous de communiquer certains messages à travers votre musique ? 

S.d.A. : Cela fait deux ans que nous menons des actions avec Amnesty. Quand on a la possibilité d’agir, je crois qu’il ne faut pas hésiter à le faire. Amnesty s’occupe de questions très diverses, y compris de l’environnement, par exemple. Il ne s’agit pas de mettre le groupe en avant à la moindre occasion ! Simplement, nous pensons que leur action doit être soutenue. D’ailleurs, Stand my Ground est utilisée par Amnesty. Nous sommes heureux d’aider à faire passer leur message.

Khi. : Y a-t-il d’autres singles de prévus ? 

S.d.A. : Oui : Memories. C’est une très belle chanson, qui allie un peu de douceur à un gros son. J’avoue que c’est l’une de mes préférées ! Il y aura probablement un troisième single, très heavy celui-là.

Khi. : Quand vous avez commencé le groupe, vous étiez-vous fixé des buts précis ? Les avez-vous atteints ? 

S.d.A. : Nous n’avons pas à nous plaindre ! Notre but était évidemment d’atteindre un certain succès en jouant ce que nous aimons. Nous travaillons maintenant à plein temps sur Within Temptation ; c’est un rêve devenu réalité, mais tout s’est passé très naturellement : tu commences un groupe pour te faire plaisir, comme un passe-temps, et puis les choses prennent de l’importance – et ce, principalement grâce aux fans. Ce sont eux qui nous ont donné des opportunités, maintenant, nous verrons jusqu’où la route nous conduira… Mais il est sûr que nous adorons vivre ce rêve !

Khi. : Après avoir été plus ou moins ostracisé, le métal semble revenir sur le devant de la scène, passant à la radio, etc. avec des groupes comme vous-mêmes, Evanescence, Nightwish… Quelle est la cause de ce regain d’intérêt à ton avis ? 

S.d.A. : Nous nous réjouissons évidemment de cette tendance ; tout cela permet d’ouvrir des portes pour d’autres groupes. Mais nous-mêmes avons profité des portes ouvertes par nos prédécesseurs… À chaque fois, les choses vont un peu plus loin. Je ne crois pas qu’il y ait vraiment d’explication : cela arrive, c’est tout. C’est une évolution progressive. On entend de plus en plus de groupes à l’étranger, les radios passent des chansons heavy… Certains veulent voir ce succès de manière négative mais, si on ne vous entend pas, comment pouvez-vous espérer vous faire connaître ?

Khi. : Réfléchissez-vous déjà aux projets futurs ? 

S.d.A. : Pour ma part, je voudrais faire un album un peu spécial, avec Within Temptation ou peut-être d’autres groupes, je ne sais pas. J’ai envie de chanter avec plein d’autres musiciens, mais une chose est sûre : Within Temptation sera toujours ma priorité, c’est la musique que j’aime faire, elle fait partie de moi. Alors, cet autre projet, je ne sais même pas si j’en aurai le temps ! Notre tournée de 2005 est confirmée, c’est déjà beaucoup de travail. Nous verrons bien s’il se passe autre chose !

Khi. : Entendrons-nous Robert chanter de nouveau comme sur Enter 

S.d.A. : Nous jouons déjà des chansons d’Enter en concert, mais pour un album, cela ne colle plus vraiment avec ce que nous faisons. Un chant death doit être présent partout ou bien nulle part ; on ne peut pas en mettre un peu ici, un peu là, cela déséquilibrerait la musique. Bref, nous avons composé avec un chant death et nous ne sommes pas convaincus que cela apporte grand-chose…

Khi. : Avez-vous un dernier mot pour vos fans français ? 

S.d.A. : Oh oui, bien sûr ! Nous venons vous voir en juin à Paris, et nous en sommes très heureux ! Nous espérons faire une super fête avec vous ! Le public français est vraiment génial. Je ne dis pas ça pour vous faire plaisir, vraiment, je le pense !

2016-08-30T15:17:19+02:00mercredi 31 août 2016|Décibels|9 Commentaires

Tigre et Dragon 2 : reprise de voler

crouching-tiger-hidden-dragon-2-sword-destiny-posterOh, une chronique de film, ça faisait longtemps1.

Or doncques, la nouvelle ait gentiment fait frémir le monde du film de sabre : la suite du succès planétaire Tigre et Dragon allait être produite par Netflix et sortir exclusivement sur la plate-forme de diffusion en ligne de l’Américain. C’est chose faite depuis vendredi, et alors : ça vaut le coup ?

Longtemps après les événements du premier film, Shu Lien (jouée par Michelle Yeoh, l’héroïne du premier volet) se rend à la maison Té pour les funérailles de son patriarche. Or, la maison est dépositaire de la légendaire épée Destinée, que veut s’approprier le maître maléfique de clan du Lotus de l’Ouest, Hades Dai. La défense s’organise…

… et je peux m’arrêter là pour le pitch, en fait. Méchant très méchant (il s’appelle Hades, c’est donc écrit dessus, et en plus il est chauve) veut l’Arme Ultime, et faut pas. Wala. Même si ce qui prime dans le film de sabre moderne, c’est l’esthétique, les chorégraphies, on peut regretter un peu la minceur de l’argument ; néanmoins, on joue rapidement le jeu, car ce second volet assure un quasi sans faute sur le plan graphique. Si le premier Tigre et Dragon avait pour ainsi dire apporté l’esthétique du film de sabre au grand public occidental, ce second volet la pousse plus loin (mais c’est nécessaire, car 16 ans ont passé) et offre de très jolies trouvailles, comme un affrontement au milieu de porcelaines qui doit se dérouler dans le silence au risque de réveiller la maisonnée ou un superbe duel nocturne sur un lac gelé. On se situe dans l’excellente moyenne de ce qu’on est en droit d’attendre en 2016 au niveau de la créativité et des moyens. 

Viennent même se greffer par-dessus un personnage aux allégeances ambiguës, le retour d’un autre qui incarne un passé révolu, un quatuor de personnages secondaires avec des personnalités attachantes (presque davantage que leurs styles de combat ; on en vient à regretter qu’ils soient finalement si secondaires) et quelques dilemmes moraux qui cherchent à donner une épaisseur au scénario (sans toutefois y parvenir totalement). Michelle Yeoh et Donnie Yen sont égaux à eux-mêmes – convaincants – et on retrouve avec grand plaisir cette Chine mythique et romancée. Même si l’on voit venir les revirements bien à l’avance, le plaisir est au rendez-vous simplement parce que le film capitalise entièrement sur son action – et avec succès.

Ce Tigre et Dragon 2 sait donc ce qu’il est – un film de sabre – l’assume totalement, reste dans les codes, et remplit le contrat. Bien sûr, il ne provoquera pas le même choc qu’à la sortie de son ancêtre – le film de sabre a été découvert depuis longtemps dans nos contrées, Hollywood en a partiellement assimilé l’esthétique – et son relatif manque d’ambition scénaristique le prive d’un souffle épique qui l’aurait hissé à la hauteur du génie visuel et poétique d’un Hero où la simplicité narrative tenait rôle d’épure. Ce n’est donc pas un chef-d’oeuvre, mais une suite qui ne fait pas honte à son ancêtre, et se montre donc entièrement recommandable. 

  1. Ce n’est pas une faute dans le titre de l’article mais une blague, hein…
2016-03-10T10:16:56+01:00jeudi 10 mars 2016|Fiction|5 Commentaires

Interstellar, ou du cochon ?

Vous avez entendu les critiques, les avis tranchés, dithyrambiques ou blasés, et vous ne savez pas encore s’il faut y aller, ni même quoi penser, car les goûts de vos amis, d’habitude si faciles à cerner, semblent s’emmêler les pinceaux, se contredire par rapport aux référentiels habituels. N’ayez crainte ! J’arrive, et je vous dis tout ce qu’il faut penser sur Interstellar, et ce sans une once de modestie ni de spoilers.

Ahem, plus sérieusement…

interstellar

À moins d’avoir passé les trois derniers mois dans une caverne avec Platon, vous savez qu’Interstellar, c’est LE film ambitieux du réalisateur Christopher Nolan, connu pour Inception et les derniers Batman. (Batmen ?) Dans un Hollywood surformaté, Nolan navigue avec une aise remarquée et remarquable, mêlant avec talent effets spéciaux et scénarios plus fouillés que les standards habituels, comme en témoigne le très réussi Inception. Avec une monumentale épopée spatiale de trois heures, il est donc très attendu au tournantInterstellar sera-t-il un classique mêlant profondeur et bonne histoire ?

Le film commence dans un futur très proche, où la Terre se meurt : les fléaux environnementaux se succèdent et l’humanité a faim. Dans ce contexte de survie globale, Cooper, un ancien pilote d’essai de la NASA, tombe sur un projet spatial ultra-secret. Un trou de ver, conduisant à une autre galaxie et à des planètes potentiellement habitables, a été découvert en orbite de Saturne. Il faut y envoyer un équipage réduit pour chercher une planète candidate à la colonisation humaine, mais avec les effets de dilatation temporelle dus à la relativité, il pourrait bien s’agir d’un voyage sans retour. Cooper, déchiré entre l’appel des étoiles et l’attachement à ses enfants, finira par partir pour le plus vaste inconnu qui soit.

Interstellar connaît son ascendance, c’est visible, mais ne se contente pas de l’hommage : il y a une réelle volonté de pousser plus loin le film d’exploration spatiale prospective que le monument 2001, l’Odyssée de l’Espace, et ce en se fondant sur le savoir astrophysique, les problématiques et les moyens cinématographiques des années 2010 (odyssée deux ?). Les accords d’orgue prolongés de Hans Zimmer ramènent à Strauss, les robots assistant l’équipage rappellent régulièrement que leur obéissance est absolue (histoire qu’on ne craigne pas une resucée d’HAL 9000). Et c’est clairement sur le niveau visuel, sur la grandiloquence et la splendeur des plans spatiaux, sur leur lenteur (relative, nous sommes au XXIe siècle) et leur vraisemblance (pas de bruits dans l’espace ; tous les corps sont physiquement isolés) qu’Interstellar est le plus réussi. Le vertige de l’immensité spatiale, son hostilité, sa froideur, les distances incommensurables que l’univers met en jeu, tout est palpable pour le spectateur, le prend aux tripes, le colle à son siège, le déracine de ses repères familiers et il peut entendre un écho de ses propres pensées quand l’un des explorateurs déclare en tremblant : « nous ne sommes pas faits pour venir ici. » Sense of wonder, vertige cognitif, Interstellar est un bijou de ce point de vue ; et très peu de films y sont parvenus avec un tel brio (il faut dire qu’ils sont rares à s’y être essayés).

La production martèle qu’un astrophysicien, Kip Thorne, a été associé à l’écriture afin de proposer une représentation aussi réaliste que possible des phénomènes dépeints (trou de ver, trou noir) et de garantir la fidélité à la relativité générale, notamment aux effets de dilatation temporelle dus à l’accélération d’un corps1. Oui, c’est (globalement) cohérent, mais de là à qualifier Interstellar de hard science comme je l’ai vu ici ou là, il ne faut pas pousser, on n’est pas chez Bear ou Benford. Il faut toutefois louer l’effort de didactisme, invisible, accompli dans l’écriture, pour porter ces notions au grand public, et elles sont mises en jeu de manière assez juste. On pourrait en revanche s’interroger sur le fait que la relativité générale, une théorie âgée d’un siècle et fondamentale à notre compréhension du monde, soit aussi méconnue du grand public, au point que les critiques généralistes se renversent de l’intelligence du film.

Le trou noir du film. Grandiose, incompréhensible, presque lovecraftien.

Le trou noir du film. Grandiose, incompréhensible, presque lovecraftien.

Parce que c’est un peu là que le bât blesse. Interstellar est un beau film ; Interstellar est un film vertigineux : Interstellar est un vibrant plaidoyer pour l’exploration spatiale, en nous ramenant à la nécessité fondamentale d’explorer ce qui nous entoure (et peut-être de sauver notre peau en nous trouvant une planète neuve au lieu de nous éteindre bêtement sur celle que nous avons abîmée) ; rien que pour cela, il mérite un profond respect. Mais s’il y a une chose qu’Interstellar n’est pas, c’est un film intelligent.

Il n’est pas question de fustiger la potentielle vacuité des réflexions philosophiques sur la survie, sur l’amour, sur la cohésion de l’espèce, sur les impératifs évolutifs qui gouvernent encore les pulsions humaines ; il me paraîtrait bien ingrat de le faire, dès lors qu’on se rappelle qu’un film tel qu’Interstellar est avant tout une oeuvre de narration et non philosophique, et que les questions qu’il pose sont de toute façon très efficacement véhiculées par l’image et le scénario seuls. Interstellar est un film long, mais il n’est pas ampoulé par ses dialogues, par la tentative de pensée qu’il s’efforce d’introduire, et qui, bien que superficielle, tient la route. 

Interstellar patine hélas à cause de stupides erreurs narratives, de facilités et surtout d’occasions manquées qui sont regrettables quand on voit l’envergure du film par ailleurs. Sans dénaturer l’intrigue, si la production a embauché un astrophysicien pour bétonner le scénario, il aurait été judicieux d’ajouter un agronome et un océanographe. La famine subie par la Terre est soit mal expliquée, soit ne tient pas debout ; quant aux vagues hautes du plusieurs kilomètres qui traversent régulièrement une planète-océan qui semble profonde de vingt centimètres, et ce sans provoquer le moindre ressac, euh… Et passons sur la mécanique des communications dans le trou de ver qui change en fonction des exigences du scénario, des décisions parfois absurdes prises par l’équipage…

Mais admettons tout cela au nom de la volonté de l’histoire. Plus dommage, et plus décevant, alors qu’Interstellar s’efforce d’offrir une réflexion poussée sur la place de l’homme dans l’univers, les personnages qui la portent dégénèrent à grande vitesse en des clichés tout juste bons à servir d’antagonistes ponctuels, au cours d’effets narratifs qu’on sent venir à cent mètres. Tous ces astronautes, scientifiques de haut vol, triés sur le volet, volontaires pour leur mission, craquent de façon un peu trop systématique : d’accord, on a compris, l’espace, c’est grand et ça fait peur, mais il aurait été bien plus émouvant de voir ces gens lutter pour garder leur sang-froid et se fissurer peu à peu qu’exploser régulièrement comme des divas. Et là, alors que c’est une pierre angulaire du discours, c’est rageant. Et nous éviterons de regarder de trop près les dix dernières minutes, qui tiennent probablement à ce stade de la figure imposée par le cinéma moderne à gros budget, mais regrettons-les un peu quand même, discrètement, là, comme ça.

De façon plus vaste, le défaut majeur d’Interstellar est peut-être sa conclusion, sa chute, le gros PAIEMENT de la promesse narrative du début du film. Soit je deviens blasé, ou bien intellectuellement surpuissant (oui, voilà, c’est forcément ça), mais je peine à comprendre comment un spectateur vaguement attentif, et surtout passionné d’imaginaire, ne pourra pas la voir venir dès le premier quart d’heure, conclusion appuyée lourdement par des mises en place, répliques disséminées ici et là avec la subtilité d’un monolithe noir. Interstellar place le spectateur dans une drôle d’oscillation continuelle, entre « ouaaaah c’est beau, c’est grand, j’ai peur » et « ah, bon, ça y est, merci, j’ai compris depuis une heure : la suite, svp ».

Suis-je assassin ? Suis-je en train de te dire, auguste lectorat, qu’Interstellar est un gros pavé bouffi sans intérêt et que la SF vaut mieux que tout cela ?

Eh bien, certainement pas, et même tout le contraire. Interstellar est un film majeur, peut-être un futur classique – ce qu’il mérite. Mais attention, ce n’est pas un grand film, comme le sont Bienvenue à Gattaca, Blade Runner ou L’Armée des douze singes. Mais c’est un film marquant, notable, un jalon de l’histoire de la science-fiction. J’irai jusqu’à affirmer qu’on peut le désigner comme successeur au trône symbolique occupé par 2001.

Sacrilège ? 2001 était un jalon marquant, longtemps inégalé, qui a atteint le statut de culte, et donc, par là-même, considéré inégalable par beaucoup. Mais – au risque d’égratigner la statue – descendons un peu de nos piédestaux de hauts intellectuels. Franchement, sérieusement ; à sa sortie, qui a pigé la fin de 2001 ? Qui, avant que les big dumb objects comme le monolithe noir ne deviennent un trope répandu du genre, avait instantanément pigé le lien entre l’os lancé en l’air par le primate et le fondu vers le vaisseau orbital humain ? Soyons sérieux deux minutes. 2001 est un classique, une oeuvre majeure, mais nous savons tous que, quand on en parle à un non-spécialiste, il dira qu’il n’a pas très bien compris ce qu’il a vu (en termes plus ou moins châtiés). 2001 – en tout cas son dénouement – est incompréhensible sans explication de texte ou sans avoir lu le livre de Clarke. La vénération de l’oeuvre, dirais-je, découle aussi de ce plaisir d’initié : 2001 est un chef-d’oeuvre, parce que moi, je l’ai compris, et c’était tellement en avance, vous comprenez.

2001 est donc, à mon humble avis (qui me vaudra peut-être le bûcher2), une oeuvre majeure, splendide, puissante, mais aussi puissamment imparfaite.

Interstellar l’est aussi, quoique pour d’autres raisons. Interstellar pousse plus loin le vertige spatial, le réactualise, offre une oeuvre d’une grande cohérence (jusqu’à ses défauts) et présente l’immense avantage de l’intelligibilité. Ergo : allant plus loin, c’est un successeur, moderne, à la hauteur de 2001. Et un film qu’on peut montrer à quasiment n’importe qui pour parler d’espace, de l’importance de son exploration, pour le faire voyager et frémir, sans qu’il vous regarde à la fin avec un air mi-bovin mi-contrarié. Interstellar est une grande contribution à la science-fiction et à son accessibilité. C’est un film majeur. 

Mais, eh bien, cela n’en fait pas un chef-d’oeuvre pour autant. Et c’est, malgré tout, un peu dommage.

  1. Si vous n’êtes pas au top, lisez les livres de la série La Science du Disque-monde, tout y est très bien expliqué et de façon plus drôle que chez Stephen Hawking, et oui, je sais, je les ai traduits, mais c’est bien pour ça que je peux en parler.
  2. Et je rappelle, pour mémoire, ma grille de lecture critique : parte ouane, parte tou.
2014-11-14T17:02:35+01:00vendredi 14 novembre 2014|Fiction|39 Commentaires

Intégrer les commentaires de votre blog avec Facebook

facebook-photo-cat-funny-lolcat-Favim.com-579456Ce n’est pas très littéraire comme sujet, mais vu qu’on me pose la question environ une fois par mois, je pensais proposer une réponse détaillée sur le sujet, afin de servir de future référence une fois pour toutes.

La question est : « dude, j’ai vu que les commentaires postés sur ton blog sont exportés vers le fil correspondant de Facebook, et qu’en retour, les réponses sont importées sur ton blog, permettant d’éviter le fractionnement des discussions, comment fais-tu cela, fichtre diantre ? Es-tu donc sorcier de l’Internet multimédia ? »

Alors, déjà, oui, je manie le #SEO comme la grande magie du docteur Bafode qui fait revenir l’amour et bénir la chance aux examens. Mais en l’occurrence, ma sorcellerie secrète du Gotha Maada n’y est pour rien, jeune pousse.

La réponse tient simplement dans une extension de WordPress (la plate-forme alimentant cet endroit et la meilleure à mon humble avis pour héberger un site complexe sans douleur), qui se charge du boulot : Add Link to Facebook. Il y en avait un autre, Wordbooker, mais l’équipe a cessé le développement après d’importants changements d’interface de Facebook, ce qui montre la nécessité de faire des dons aux développeurs que l’on estime ! Aussi, si vous aimez Add Link to Facebook, n’oubliez pas de soutenir son développeur.

AL2FB, de son petit nom, ne fonctionne que sur WordPress, et sur les blogs auto-hébergés (pas pour les blogs en wordpress.com, donc). L’installation se fait comme pour n’importe quelle extension, mais il y a ensuite quelques étapes de configuration à effectuer, pas forcément très simples, donc suivez bien les instructions. Ensuite, l’extension doit être validée, et votre écran doit ressembler à ça :

al2fb1

Cliquez pour agrandir

L’extension offre quantité d’options de configuration, des plus cosmétiques aux réglages fins :

Cliquez pour agrandir

Cliquez pour agrandir

C’est le couteau suisse de Facebook. Elle permet notamment :

  • D’intégrer le bouton standard « J’aime » sur les pages et articles (mais je préfère le pack « Publicize » de Jetpack, que je trouve plus abouti) ;
  • De proposer aux utilisateurs de Facebook de poster sur votre site avec leur compte sur le réseau social ;
  • De poster automatiquement vos nouveaux articles sur Facebook ;
  • Et enfin, ce qui nous intéresse spécialement ici, d’exporter et d’importer les commentaires de l’article.
Cliquez pour agrandir

Cliquez pour agrandir

Ce qui est très important à retenir ici :

  • L’extension retrouve ses petits en mémorisant le lien vers votre article qu’elle a posté sur Facebook. C’est ainsi qu’elle sait où exporter les commentaires reçus, et qu’importer. En conséquence, elle ne sait faire la navette qu’avec les liens qu’elle poste elle-même. Impossible de rapatrier des commentaires déjà existants, et impossible de réaliser cette navette sur plusieurs liens pointant vers le même article.
  • Pour cette raison, il peut être judicieux d’adjoindre WP Missed Schedule Fix, qui s’assure de republier vos articles à la date prévue si la planification a échoué et que vous sirotez vos droits d’auteur aux Maldives travaillez avec acharnement sur votre Grand Oeuvre.
  • Les commentaires exportés de WordPress vers Facebook apparaissent comme étant postés par vous-même (avec la mention « Machin wrote… »). Impossible de faire autrement, l’extension a besoin d’écrire sur votre mur, et vous êtes le seul qu’elle connaisse à en avoir le droit.
  • En revanche, les importations sont faites au nom du commentateur, avec un lien vers son profil Facebook, ce qui permet de lui donner un peu de pub, c’est toujours sympa.

Il convient de noter qu’importer un commentaire Facebook sur votre blog revient à une possible violation de vie privée, puisque l’on sort un commentaire réalisé dans un cercle potentiellement privé pour le rendre public. Pour cette raison, prenez bien garde d’avertir votre auguste lectorat à vous et n’utilisez idéalement AL2FB que sur des articles à large diffusion déjà dans Facebook (c’est le cas de mon mur, qui est dans une large partie public, et où tous les liens postés le sont ; ainsi, pas de cas de conscience).

Bien sûr, AL2FB fonctionne avec les profils personnels (comme le mien) et les pages (comme celle de mon identité musicale Wildphinn). La page de l’extension est donc ici : Add Link to Facebook et j’insiste, si vous aimez l’outil, donnez pour maintenir son développement !

2018-07-17T14:15:18+02:00mardi 21 octobre 2014|Geekeries|5 Commentaires

Nors’klh : atmosphères sombres et SF gothique pour les oreilles

Cette histoire commence simplement : dans une boutique de jeu de rôle à Rennes. Comme beaucoup, j’imagine, je garde vivace l’impact qu’ont eu mes premières découvertes musicales, quand l’oreille se forme, et, comme un camé en manque ou un amoureux éconduit, je cherche désespérément ceux qui parviennent à me faire revivre, intact, le même émoi ; qui apportent la même fraîcheur, la même puissance, que ces premières expériences. Une quête vaine ? Pas sûr.

Car Nors’Klh est de ceux-là.

norsklh-banner

Une boutique de jeu de rôle, donc. En pleine phase trailer music, je dévorais gloutonnement tout ce qui passait à portée dans le genre, et je cherchais du son nouveau pour sonoriser quelques parties de jeu de rôle. D’expérience, je trouve les artistes qui me renversent le plus dans les circonstances les plus improbables ; et puis je tombe sur ce CD en digipack d’un projet au nom imprononçable, « Nors’Klh » étiqueté « dark – épique – ambiance film ». Il n’en fallait pas plus que je reparte avec.

Il n’a pas fallu beaucoup d’écoutes pour que je devienne fan absolu et achète tout en mode

Shut-up-and-take-my-money

Nors’Klh, c’est ce que devrait toujours être la dark ambient : mélodique, inventive d’un point de vue sonore, intelligente.C’est sombre, c’est lancinant, c’est grandiose, ça ne plaira probablement pas à ta grand-mère, mais si je t’en parle aujourd’hui, auguste lectorat, c’est que nous sommes entre gens de qualité (même si ta grand-mère est quelqu’un de qualité, mais, heu, c’est pas pareil), que Nors’klh est français, qu’il est trop peu connu et qu’il ne peut que plaire aux ambiances de SF gothique et d’horreur lovecraftienne qui se terrent parmi tes rangs, oui, je le sais. Et parce qu’en plus, à travers les silences, les titres énigmatiques, un véritable univers narratif se dessine. Pour découvrir Nors’klh, je te propose donc un petit entretien pour en savoir davantage sur le projet, l’univers, les méthodes de travail. Surtout que le dernier album du maître, Origine(s) – part one, vient de sortir (et c’est probablement le plus accessible). Pour accompagner ta lecture et ta journée, auguste lectorat, laisse-toi envahir par quelques ébats prophétiques :

L. D. : Comment est né le projet Nors’Klh ? Pourquoi ce nom ? 

N. : Commençons donc par la partie la plus bizarre de ma vie et par celle qui me met un peu mal à l’aise, il faut l’avouer. En 2001, Nono, comme je l’appelle, est né un soir où dans mes veines se baladait trop de substances illicites. Beaucoup trop. J’ai vécu un monstrueux bad trip dans mon lit qui encore aujourd’hui me donne des sueurs froides quand j’y repense un peu trop (et pas mal d’excitation, il faut bien l’avouer). Dans ce trip, j’étais debout, droit comme un « I », dans un désert à la couleur grisatre, un ciel noir étoilé au dessus de ma tête. Au loin une gigantesque montagne avec à sa base des tentacules se balançaient lentement et pointaient vers les astres. Plus près de moi, d’immenses colonnes à moitié organiques et à moitié… autre chose se dressaient vers l’infini. Autour d’elles, des tornades de sable naissaient et se mouvaient lentement vers moi. J’avais l’impression que mes yeux brûlaient. J’ai été happé par ces vents violents, ballotté entre ces étranges colonnes et me suis retrouvé propulsé dans l’espace. J’ai vu alors cette planète « vivante » et tentaculaire au dessous de moi, gigantesque et monstrueuse. J’avais l’impression qu’elle dévorait l’univers. Les échelles étaient totalement folles. Il me semble alors avoir hurlé. Que ce soit dans ma tête ou non (le hurlement…), cela m’a rappelé à la réalité. En reprenant ma respiration, j’ai ouvert les yeux. Je n’y voyais absolument rien et ai cru être aveugle. C’est alors qu’une voix totalement difforme et caverneuse vibra dans ma tête. « Nors’Klh », c’était le mot qu’elle avait prononcé. J’étais effrayé et excité à la fois. J’ai cru être passé dans une autre dimension le temps d’un instant tellement tout me paraissait réel et absurde à la fois… un trip entre Terry Gilliam et Lovecraft en somme. C’est dans ces moments là que tu te dis : « la drogue, c’est mal ! ». Cela a calmé mes ardeurs avec ces substances et j’ai fini par ne plus y toucher durant six années. En 2007, j’ai tenté un petit joint, comme ça, juste pour voir. Cette nuit là, j’ai vu deux de ces planètes copuler ensemble. Leurs tentacules entremêlement d’une façon vraiment très sexuelle ! Le lendemain, je me suis dit « cette fois, on ne m’y reprendra plus ! ». Depuis ce jour, j’ai totalement lâché tout ça. En lisant tout ceci, on pourrait me prendre pour un dingue (ce qui est peut être le cas), mais je m’en moque un peu. Cette expérience à fait naître l’univers et le son que vous entendez aujourd’hui. Pour finir, notez que j’ai écrit « Nors’Klh » de cette manière pour retranscrire la difformité de la voix entendue cette nuit là.

norsklh-origines-part1

L. D. : Ce qui frappe dès la première écoute de vos albums, c’est la profondeur sonore et la richesse de la composition. Comment en êtes-vous arrivé là au fil du développement de votre musique ? Quel est votre parcours ? 

N. : J’ai commencé à bidouiller le son vers mes 12 ou 13 ans avec un Amiga 500+ que mon père m’avait offert (gloire à lui), le soft ProTracker et un boitier de digitalisation. Ce fut une mini révolution pour moi bien qu’à cette époque les termes techniques s’apparentait plus à du chinois de Mars qu’à autre chose. Mais cela ne m’empêchait pas de triturer les sonorités dans tout les sens, d’expérimenter à outrance et de faire des arrangements que je trouverais aujourd’hui bien improbables. En 1999 ou 2000 j’ai découvert le soft « coup de boule » qui a commencer à titiller ma fibre mélodique. Et c’était sur Playstation 1 que cela se passait ! Le logiciel en question était Music 2000. Cela peut faire sourire, mais il était extrêmement complet, facile d’utilisation en surface, et diablement complexe dans ses entrailles. Seule les limites de la machine de Sony freinait mes ardeurs. Avec ce soft, et jusqu’en 2001, je faisait dans l’Industriel dans son plus simple appareil : du bruit, des hurlements, de la machine, et re du bruit derrière. Je travaillais de manière mécanique, sans vraiment penser le son. Je bossais de manière instinctive. C’était extrêmement violent et très simple la plupart du temps, même si quelques titres mélancoliques ou symphoniques sortaient du lot. Bref, cela a boosté de façon spectaculaire mon envie de faire du son, et sans ce logiciel je n’en serait surement pas là aujourd’hui. en 2007, j’ai décidé de passer à l’étape supérieure et me suis procuré un soft d’entré de gamme sur PC, Magix Samplitude 2007. Et là, le pied ! Je me suis mis à composer comme je dessine : d’abord, commencer par les détails, les petits trucs que seul l’auditeur attentif ou receptif à mon travail entendra (et les détails, il m’en faut. Partout et tout le temps). Vient ensuite la mélodie, le coeur du titre. Ce sera un air qui me trotte dans la tête depuis bien trop longtemps, ou bien comme quatre-vingt pour cent du temps, de l’improvisation. Mes anciennes ou fraiches visions font surface durant le processus de créa et advienne que pourra ! Ensuite le background, les sons que je qualifierais de support : les nappes electro ou les mélodies de moindre envergure. Pour finir, la partie je préfère, la rythmique. Selon mon humeur du jour, elle sera douce ou bien violente. Là aussi, totale improvisation. A la fin, si tout s’accorde avec ce que je vois pendant le processus, je valide. Si tout fout le camp, de manière tendue et énervée, j’essaierai de rectifier tout ce bazar pendant quelques jours et si rien ne se passe, je le placerais « délicatement » et « amoureusement » dans mon dossier « vomi ». Depuis 2010, je travaille autrement : j’attends les visions et essaye de les faire vivre au maximum. La Montagne Hurlante est le premier album à être intégralement né de ces images qui hantent mon esprit. C’est devenu un processus de composition très long, excitant et frustrant à la fois et je suis devenu complétement dépendant d’elles que ce soit dans la musique, l’écriture ou le dessin,  d’où le fait qu’il se soit déroulé presque quatre ans entre La Haine Primordiale et Origine(s) – part one.

norsklh-haine-primordiale

L. D. : On a tendance à vous classer en « dark ambient », mais l’étiquette « ambient » ne rend guère justice à l’envergure épique, à la complexité et à la variété sonores de votre travail?. « Dark » est probablement juste, en revanche. Comment décririez-vous, vous-même, votre univers musical et quelles explorations ont votre faveur ? 

N. : Mes plus grandes inspirations viennent du cinéma de science fiction, du compositeur au réal. Que cela soit une série B ou bien la dernière grosse production hollywoodienne, je mange. Je dévore. Je suis très bon public et vraiment très friand de ce genre. Je m’inspire pas mal de sonorités ou de bruitages entendus ici ou là. C’est pour moi des sources intarissables d’éléments qui nourriront mon univers. En marge de ces ambiances, les B.O. de Conan le Barbare, d’A la Poursuite d’Octobre Rouge ou bien même celle du Dernier Samouraï font parties des œuvres qui m’inspirent le plus, même si j’admets volontiers que ce n’est vraiment pas flagrant. Mais elles abreuvent mon puits qui se tarit vraiment très rapidement. Ajouté à cela, une touche d’Indus et d’Electro, et plus particulièrement de Front Line Assembly, et vous obtiendrez mes parents musicaux. A ce titre, Les albums Hard Wired et Implode ont très influencé mon architecture sonore. J’essaye aussi quelques expérimentations mais je reste très sage de ce côté. Mon son est très loin d’être élitiste et est accessible à toutes les oreilles. Bref, je fais ce qu’il me plaît, mélange tout ce qui me touche et au final, si cela reste facile d’écoute et qu’une touche dark en ressort tant mieux, mais de là à me cataloguer « Dark Ambient »….

L. D. : Les titres de vos morceaux semblent évoquer une histoire et un univers plus vaste – comme les trois albums de la trilogie AnT. Y a-t-il effectivement un monde autour de votre musique ? Comment l’avez-vous conçu, et pensez-vous le développer sous d’autres formes ? Tous les albums sont-ils subtilement reliés ? 

N. : Il y a effectivement un monde autour de tout ça, et comme écrit plus haut, tout ceci est né de visions et de sensations. J’ai ensuite puisé au fond de mes ressentiments et de mon imagination pour écrire un background. Cela raconte donc l’histoire de créatures devenant un gigantesque astre sableux tentaculaire. Il n’a qu’un seul but et ne sert qu’à une chose : dévorer l’univers. Chaque album raconte une étape de sa vie ou de ce qui en est directement lié. Bien que les opus n »aient pas été composés dans l’ordre à mon grand désarroi, tout se suit et a une cohérence. Dans l’ordre chronologique, il y a donc Origine(s) – part one qui vient tout juste de sortir et qui raconte la genèse du tout premier astre et sa destruction par ses apôtres. Étant donné que je risquais de faire un album fleuve, j’ai préféré le scinder en trois parties. Vient après La Haine Primordiale – Préface au Néant sorti en 2011, premier chapitre de l’astre ayant pour nom Nors’Klh et qui suit l’évolution d’un humain choisi par des êtres d’un autre monde (les fameux apôtres) et qui, ayant assassiné sa femme et sa fille un soir de grande détresse psychologique, se métamorphose en cette apocalypse sous le poids de la culpabilité et de la haine envers lui même. La Montagne Hurlante, seconde chapitre sortit en 2009 (!), est la suite directe de La Haine… où nous continuons à suivre la métamorphose de cet homme dans la souffrance, la rage et le désespoir. C’est à ce jour mon album le plus violent. Quand aux AnT, ce ne sont rien de bien plus que des compilations de titres abandonnés soit parce qu’ils n’étaient pas à mon goût, soit parce que je ne savais pas où les incorporer dans l’histoire. Mais ils méritaient tout de même une vie, du moins pour certains…  Pour finir, la forme de mon univers évoluera dans les prochaines années sous la forme d’un jeu vidéo. Mais étant donné que le projet n’en est qu’au stade embryonnaire je ne peux pas m’étaler dessus pour le moment.

norsklh-montagne-vivante

L. D. : Une autre caractéristique frappante de votre musique est la qualité sonore. Entrons un temps dans les coulisses. Comment travaillez-vous à la composition et à la production ? Avec quels outils ? 

N. : Je travaille avec un simple ordinateur, le soft Samplitude Studio que je mets à jour chaque année ou presque, et tout un tas de VST en tout genre. Je vous avouerai que je n’aime pas trop parler de ma façon de travailler. Quand je vois que la plupart de mes amis (ou pas) travaillent avec un camion de matos, je me sens bien bien con.

L. D. :  Vous vous montrez très critique avec votre propre travail; comme avec AnT.1, que vous ne proposez pas à l’achat sur votre page Bandcamp, par exemple. Que faut-il pour qu’un morceau franchisse votre propre examen critique ? Jetez-vous beaucoup de matériel inachevé, ou bien travaillez-vous la matière jusqu’à en être satisfait ? 

N. : Je mets souvent des mois pour être satisfait de mon travail. Je pinaille, je râle, je détruis, je recommence, c’est un processus horrible. Il faut que le son soit carré, que tout concorde avec ce que je vois. Tout ça est presque maladif et me pourrit souvent la vie. L’aboutissement d’un morceau est vraiment un processus très difficile chez moi : à chaque naissance d’un titre, dites-vous qu’une dizaine de versions en moyenne sont nées avant elles. Il faut que je peaufine toujours et encore. Une véritable obsession. Hormis pour Origine(s), ce sont mes amis ou ma famille qui m’ont poussé à sortir mes opus. Cela ne tiendrais qu’à moi, je serais probablement encore sur mon premier album. 80 à 90% de mon travail pourrit sur mes disques durs et je pourrais sortir 75 AnT si j’en avais envie. Il n’y a que pour les collaborations où je me pousse au cul. Je sais que quelqu’un attend après moi alors je me fais violence et croise les doigts pour que ça plaise. Pour finir, l’immonde AnT.1 est une aberration de ma part, et c’est pour cela que je ne le propose pas sur ma page. AnT.3 n’a pas non plus survécu à mes humeurs et l’ai effacé du site. Je le regrette parfois d’ailleurs.

norsklh-ant2

L. D. : Parlons un peu de votre dernier album, Origine(s) part one. Un nouvel ensemble musical s’ouvre donc; quel est votre projet ici ? 

N. : Étant donné qu’Origine(s) se passe chronologiquement avant la naissance de Nors’Klh, il me fallait tout réinventer, que cela soit en terme de sonorités ou bien de façon de procéder. J’avais dans l’idée de faire quelque chose de beau et d’aérien (tout l’inverse des précédents opus), faire voyager l’auditeur aux confins de mon imagination et lui donner son lot de frissons, la nuit, un casque vissé sur les oreilles, lui montrer l’incroyable beauté de notre univers ainsi que sa puissance tout en le guidant sereinement dans mon monde. Imaginez-vous dans un trip spatial épique, grandiloquent, intimiste et sincère à la fois. La Haine Primordiale est comme un journal intime ou j’y ai mis toutes mes désillusions, mes rancœurs et mon mal être. Origine(s) en est le parfait opposé et c’est à ma femme que je le dois. C’est une déclaration d’amour que je lui fais, ainsi qu’à la SF et à notre incroyable existence.

L. D. : Savez-vous déjà où vous conduiront les parties suivantes, et quand pouvons-nous les espérer? Avez-vous d’autres projets? 

N. : Dans la droite ligné du premier : je reprendrai là où je me suis arrêté, tout simplement. Le voyage continuera et aura son lot de surprises, d »émotions…et de peurs ! Je ne m’éloignerai pas de ma ligne directrice, du moins en ce qui concerne Origine(s). J’ai beaucoup aimé travailler dessus, et c’est bien la première fois ou j’ai été zen tout le processus durant. Rien n’a été jeté, tout est là, exactement comme je le voulais. Une fois achevé, je reprendrai l’écriture des Chapitre 2 et 3 sur lesquels je bosse depuis 5 longues années.  Ce sera alors pour moi la fin de l’âtre Nors’Klh mais pas de mon univers. J’ai tellement d’idées à explorer, comme ces fameux apôtres qui grattent dans ma tête… Sous quelles formes, ça je ne le sais pas encore.

L. D. : Pouvons-nous espérer vous voir un jour en concert ? 

N. : Absolument pas ! Je suis un sauvage qui n’aime pas trop la foule.

Pour suivre Nors’Klh et en découvrir davantage (beaucoup de morceaux en accès direct) – n’hésitez pas à suivre, partager, soutenir :

 

 

 

2014-11-06T09:43:30+01:00mercredi 17 septembre 2014|Décibels|1 Commentaire

La guerre des consoles recommence-t-elle ?

surface_failEn fait, en constatant le succès de deux géants, Android (Google) et iOS (Apple), et en voyant qu’un géant un peu déchu, Microsoft, décide de publier Office sur iPad, ce qui ressemble à une capitulation (MS comptait sur l’exclusivité pour pousser ses tablettes Surface), cela me rappelle curieusement la triangulaire Nintendo – Sega – Sony à la fin des années 90, avec Sony dans le rôle de Google, Apple dans celui de Nintendo et Sega dans celui de Microsoft. Sega, placé sur des plate-formes matérielles chères, sans véritable logithèque, s’est cassé les dents au point de ne devoir son salut qu’à une reconversion dans l’édition logicielle (avec succès). Microsoft n’a pas vu croître deux terrains où il était historiquement faible : le service en ligne (où Google règne en maître) et le matériel (où Apple règne en maître).

Avec ce port d’Office sur iPad, les versions d’entrée d’Office devenues gratuites, la tentative de pousser Windows 8 vers le cloud, d’intégrer tous ses services dans une seule expérience à la Google, cela donne l’impression que l’entreprise cherche à se repositionner comme fournisseur de services exclusivement. Mais les services mal finis, approximatifs à la Microsoft, ne peuvent pas lutter contre l’écosystème ouvert de Google ni la facilité d’usage d’Apple. Microsoft est loin d’être mort ; mais peut-on commencer à lui dessiner un avenir à la Nokia… qu’ils ont racheté, tiens, d’ailleurs ?

2014-04-25T17:13:03+02:00lundi 28 avril 2014|Geekeries|5 Commentaires

Antichrist megastar

Oui, c'est du second degré.

Oui, c’est du second degré.

Auguste lectorat, je me trouve temporairement à Paris. Je ne fais nul secret de la passion et de l’admiration que je voue à la musique de Therion, le seul groupe de métal symphonique qui fasse vraiment du métal symphonique, c’est-à-dire du métal incorporant des éléments symphoniques au même plan dans la musique et composant effectivement le tout comme un ensemble, au lieu de placer des cordes en fond pour grossir le son des guitares. (Je n’ai rien contre le procédé, mais Therion ne joue simplement pas dans la même cour.)

Je vais m’abstenir d’une litanie de louanges sur un son parfaitement équilibré et une set list faite pour ravir les fans de longue date (l’album Vovin joué en entier – rhaa – quantité d’extraits de Secret of the Runes et Theli) pour partager la raison précise de cette tournée et pourquoi je tenais à ne pas rater ce passage au Trabendo. Christofer Johnsson, l’âme du groupe, avait annoncé cinq ans de pause dans les tournées pour se consacrer à une oeuvre majeure et rêve de longue date, la composition d’un opéra métal. Mais un vrai – avec histoire, scènes, mouvements, et non une de ces centaines de pseudo-opéra rock qui ne sont en réalité que des concepts albums vaguement compliqués sans rien de spécial qui les démarque du reste de la production (je suis désolé, mais je te regarde, Avantasia).

Probablement échaudé par les critiques très négatives reçues par Les Fleurs du Mal (et pourtant, quel album simplement jouissif), Johnsson est revenu sur sa décision pour tourner et tester les morceaux de l’opéra en salle. On en sait donc davantage sur le projet : il s’agira d’un homme, sauveur du monde puisqu’il a mis fin au crime, à la pauvreté dans le monde. Seulement, il décide de supprimer la religion également, la considérant comme responsable des maux du monde. Les clergés, refusant de se laisser faire, déclarent que cet homme est l’Antéchrist… et le monde sombre à nouveau dans le chaos des guerres. Un thème classique pour un groupe qui a fait ses débuts dans un death metal lorgnant vers le black, mais, connaissant Therion, on devine une intrigue qui sera tout sauf moralement tranchée, et on peut assurément compter dessus.

Trois extraits proposés : l’ouverture, un passage sur le choix du dieu auquel se vouer et un, chaotique, sur le naufrage du monde dans le conflit. L’avis est simple : c’est magnifique. On sent (notamment sur Sitra Ahra, encensé par la critique mais à mon sens desservi par une trop grande complexité et trop d’idées à la minute) que Johnsson aspirait clairement à cet espace et à cette envergure pour s’exprimer à son aise, et que le format « album » était devenu trop étroit pour lui. Ces extraits réalisent l’alchimie unique de Therion quand le groupe est à son sommet : une alliance de bonnes idées mélodiques, avec une concision et une simplicité trompeuses. Les mouvements sont clairs, le son puissant, et les atmosphères puissamment évocatrices. On se trouve à l’exact milieu entre l’efficacité sonore de Vovin ou de Lemuria / Sirius B et la maturité de composition et la complexité de Deggial ou Gothic Kabbalah. Pas de date de sortie annoncée pour cet opéra, mais une chose est sûre, cela promet d’être le chef-d’oeuvre de la formation ; l’attente sera longue. Plus aucun groupe ne pourra prétendre réaliser un « opéra métal » après cela sans fournir la même quantité de travail et présenter la même maturité musicale. Et franchement, ce n’est pas plus mal.

2013-12-20T15:23:21+01:00vendredi 20 décembre 2013|Décibels|Commentaires fermés sur Antichrist megastar
Aller en haut