Albator : le film (chronique sans spoilers)

albator_lefilmIl sort le 25 décembre, tout vêtu de cuir, avec un ballon de cognac, assis sur un trône qui ressemble à celui du Roi-Liche, il possède un vaisseau à la symbolique suspecte notamment dans son rapport intime à l’éperonnage, c’est bien sûr Albator (le ca-pi-taine-cor-saire-ta-dadaaa), ou Harlock en V.O.

Le film est passé en avant-première (une sacrée avant-première) aux Utopiales cette année, un superbe cadeau pour les visiteurs. Adoptant la 3D, l’image de synthèse, le format long-métrage, est-ce que cet Albator vaut le déplacement, retrouve-t-on l’esprit de la série original mis à jour au XXIe siècle, Albator est-il encore plus sombre que jamais ? (Est-ce que cet article a un sens quelconque sachant que vous irez de toute façon de le voir ?)

Tout commence sur une planète perdue, où Yama attend désespérément le passage de l’Arcadia, le mythique vaisseau du corsaire de l’espace, afin de se faire recruter à son bord. Albator est un renégat, un hors-la-loi dont la tête est mise à prix ; en effet, il s’oppose seul à la coalition Gaia, une organisation qui protège, et interdit tout accès à, la Terre. Car, au terme de son expansion dans l’univers, l’humanité, avide de retrouver ses racines, est revenue en masse vers la planète bleue, au point de s’étriper dans une guerre sans précédent afin de se l’approprier. Les hostilités n’ont pu cesser qu’avec l’instauration de la coalition Gaia, qui fait de la planète un sanctuaire interdit. Mais Albator est décidé à rendre la Terre aux siens…

Sauf que Yama comme Albator cachent bien des secrets, et ni l’un ni l’autre n’est ce qu’il prétend être.

Le facteur « wouaaaah » est définitivement présent dans cet Albator ; l’animation, les modèles sont de toute beauté (on est peut-être au-dessus de Final Fantasy : Les Créatures de l’Esprit), en particulier les scènes spatiales, qui sont à basculer de son siège en bavant d’extase. Le film réussit la prouesse de restituer le côté totalement baroque du design spatial d’Albator, en particulier l’Arcadia qui est simplement sublime, mais dans un espace dont on sent l’immensité, la froideur et l’indifférence.

Tous les personnages sont là, fidèlement restitués : l’énigmatique Miimé (Clio en VF, l’extraterrestre verte sans bouche), Kei (Nausicaa), la seconde d’Albator, Yattaran (Alfred, le gros pirate), et bien sûr Albator, plus emo que jamais, avec une grosse voix en japonais qui vous prend aux tripes pour vous murmurer : « tu as vu comme je suis classe ? » Le scénario, sans bouleverser les canons du genre (on voit venir un renversement de la fin dès les dix premières minutes), tient debout, avec des personnages doubles et un peu tourmentés, des coups de théâtre prévisibles mais espérés, et les messages d’espoir, au milieu de toute cette mort, qui vont bien. Et en même temps, c’est ce que l’on attend d’un Albator. 

Alors, Albator : le film, chef-d’oeuvre, hein ?

Eh bien… j’aimerais bien, mais non.

J’ignore si c’était dû aux sous-titres de la projection, provisoires et visiblement incomplets (à ce que j’en sais dans les passages en anglais), mais, si cet Albator adapte avec fidélité mais aussi créativité l’univers 2D des séries, il lui manque totalement deux facettes qui, à mon sens, faisaient toute la profondeur d’Albator 78. 

La première, c’est la dimension politique. Il faut revoir (si on supporte l’animation en 3 images / seconde et le dessin daté) Albator 78 aujourd’hui pour constater – avec un ahurissement certain – combien Matsumoto était subversif à l’époque. La Terre qu’il y dépeint, et qu’Albator combat, est un ramassis de politiciens véreux et incompétents plus intéressés par leur prochaine élection et la partie de golf en cours que par le sort de l’univers. La population est esclave des médias, toute pensée critique est découragée, et c’est contre ça, c’est avant tout pour restaurer une part de rêve, qu’Albator se bat. Cette dimension, assez impressionnante dans une oeuvre pour la jeunesse (et encore plus à l’époque), est parfaitement absente du film, et on regrette ce manque de profondeur, qui, pour moi, fait l’âme de l’oeuvre.

La deuxième, c’est l’ambiguïté amoureuse / sexuelle. Les rapports d’Albator avec les femmes de son équipage, Kei / Miimé sont notamment troubles1, ne sont jamais vraiment élucidés (à ma connaissance) et c’est tant mieux, parce que cela place sur le spectateur la responsabilité de toutes ses interprétations ambiguës, et cela participe du mystère du personnage. (« Heuuuu… il a bien voulu dire ça ? Ou c’est moi qui ai l’esprit mal tourné ? » se dit-on plus d’une fois devant la série.) Or, rien de tout cela dans cet Albator-là. Du statut d’icône charismatique, sombre et sexy, il devient juste une figure archétypale, à la fois trop torturée et trop tranchée moralement, et finalement trop propre. Alors okay, on voit Kei à poil faire un salto dans sa douche anti-gravité, mais WTF ? C’est LA scène de fan service du film que je n’hésiterai pas à qualifier d’honteuse et d’idiote (comme il n’était pas nécessaire, très franchement, de lui faire gagner une ou deux tailles de bonnet). Cette pauvre Kei, femme forte et volontaire dans la série, qui tient son équipage de malfrats avec fermeté et tact, ne devient guère plus dans ce film qu’une bimbo qui passe la moitié de son temps à battre des cils comme une sotte devant un Albator qui ne la calcule pas, et c’est vraiment dommage, et même rageant, d’avoir réduit le personnage ainsi.

Donc : film à revoir, peut-être avec des sous-titres définitifs. En l’état, il ne faut quand même pas bouder son plaisir. Cet Albator offrira des images à couper le souffle, un capitaine Harlock au sommet de sa badass attitude, parmi les plus belles scènes spatiales du cinéma (sense of wonder, nous sommes là), un scénario comme on l’attendait. Il vaut définitivement le coup d’être visionné sur grand écran. Mais il manque d’un tout petit supplément d’âme pour emmener avec une vraie fidélité la licence dans le XXIe siècle. On peut s’attendre à être transporté, à en prendre plein les mirettes, à repérer une foule de détails fidèlement retransmis, à s’accrocher au siège de joie en voyant l’Arcadia pour la première fois. Mais pour la transcendance, ce ne sera quand même pas, hélas, pour cette adaptation.

  1. Et même, certains dialogues avec Mayu / Stellie, la gamine qu’Albator protège dans 78, m’ont, pour le coup, notablement mis mal à l’aise.
2013-12-10T10:22:53+01:00mardi 10 décembre 2013|Fiction|21 Commentaires

L’écume d’un four

L_Écume_des_jours_-_affiche_du_filmC’est la saison des livres inadaptables : après un très remarqué et apprécié Cloud Atlas, retour chez nous avec le monument de sensibilité et de surréalisme, L’Écume des Jours, du maître Boris Vian.

Je n’écrirais probablement pas ça ailleurs que sur un blog (parce qu’on s’en fout un peu, dans l’absolu), mais si j’ai un maître en littérature, c’est Vian. L’Écume des Jours est LE livre qui m’a réconcilié avec la littérature quand, adolescent, je m’enfonçais toujours plus profondément dans le marasme de classiques qui ne me parlaient en rien, enseignés et décortiqués de façon clinique et assommante. L’Écume des Jours m’a remis sur ma route et ramené à mes envies d’écriture de longue date : Vian envoyait valser les conventions et dégageait une émotion brute avec une créativité d’univers et de langage sans bornes. J’ai lu ce livre et je me suis dit : « Bordel, la littérature, ça peut aussi être ça, et moi, c’est cette optique-là qui me parle. » J’ai donc ma vision du livre et de l’homme, bien plus frondeuse (et confirmée par l’excellente biographie pour la jeunesse écrite par Muriel Carminati, Des Fourmis dans le coeur) que l’intello poète piédestalisé qu’on essaie d’en faire au XXIe siècle. Je me considère aussi, pour ces raisons, comme un enfant du surréalisme, et j’ai quelques idées sur la question, puisque j’en emploie, humblement, régulièrement, les ressorts dans mon propre travail.

Je crois aussi, humblement mais fermement, que j’ai raison, et j’assume.

Bref, cette critique est vraie, parce que je l’ai inventée d’un bout à l’autre.

Pour ceux qui sont sur la bonne voie pour rater leur vie en n’ayant pas lu L’Écume des Jours (rattrapez-vous), nous sommes dans un Paris surréaliste et poétique, où les robes de soirée ont des grilles en fer forgé dans le dos, où l’on fait pousser des armes dans la terre en les chauffant avec des corps humains, où l’on peut se mitonner un cocktail avec un morceau de jazz. Colin est un type sympa qui rêve de tomber amoureux ; son meilleur ami Chick est passionné du philosophe Jean-Sol Partre, et achète compulsivement toutes ses oeuvres. Colin rencontre bientôt Chloé, avec qui une histoire merveilleuse se construit – jusqu’au jour, au lendemain du mariage, où elle développe une maladie rare mais terrible, un nénuphar qui lui pousse dans le poumon.

L’Écume des Jours, c’est l’histoire d’une descente aux enfers, un passage de l’insouciance à la tragédie, sur fond de nostalgie, de musique, d’amitié, et, surtout, il faut le répéter, de surréalisme, puisqu’un humour, allant de tendre à féroce, émaille chaque page de traits d’esprit, de créations baroques, de constructions syntaxiques et imaginaires dont je place sans hésiter l’héritage actuel dans les atmosphères les plus poétiques de la fantasy urbaine et de la littérature interstitielle. Cette histoire est la collision de la candeur et de la catastrophe, un trajet poignant et bouleversant comparable à celui de Charlie dans Des Fleurs pour Algernon, à ceci près qu’ici, le monde, par sa plasticité, sa recréation personnelle, suit la descente globale du noyau d’amis. S’il y avait bien, pour moi, un réalisateur capable de rendre à l’image l’incroyable complexité et la puissance évocatrice de l’imagerie du roman, c’était Michel Gondry, dont l’époustouflant Eternal Sunshine of the Spotless Mind montrait la maîtrise d’un univers en déliquescence, dépeint tout en suggestions, en zones d’ombre, avec une grande économie de moyens.

Sauf que ça ne marche pas (en même temps, le titre de cet article vend un peu la mèche). Gondry prend-il des risques ? Assurément. Applique-t-il sa patte, nous donne-t-il à voir des créations intrigantes, est-il audacieux visuellement ? Oui. Pourtant, la sauce ne prend pas.

Hélas (et je n’aurais jamais cru, à voir Eternal Sunshine, qu’il tombe dans ce travers-là), Gondry bute sur l’écueil numéro 1, le piège classique, de toute oeuvre surréaliste1. Il est simple : le surréalisme est un procédé, et non une fin. Vian est un des rares romanciers à avoir tâté du surréalisme et à avoir traversé les décennies sans prendre une ride ; l’immense majorité du mouvement est tombée aux oubliettes. Parce que Vian avait un propos, une émotion – une histoire avant de jouer du surréalisme. Et que le surréalisme lui sert d’écrin et de décor, d’étai qui propulse, sur le plan symbolique, le propos, les personnages. Il est trop facile – et trop fréquent – d’écrire de la bouillie pour chats au titre que « c’est surréaliste ».

Non, c’est de la bouille pour chats.

Lécume-des-jours-3

Alors, le film de Gondry n’est pas de la bouillie pour chats. Il parvient à susciter une émotion sincère en de rares moments, notamment pendant la descente aux enfers. Jean-Sol Partre est la réussite sans partage du film, entre délires de l’ego et passion insensée de ses adorateurs, il est génialement rendu. Il y a de belles trouvailles, comme un pseudo-Google géré par des opérateurs humains, mais Gondry multiplie les artifices graphiques, les créations, en oubliant de leur attribuer un sens plus profond qu’un simple effet à l’écran, ce qui rend l’image confuse, difficile à suivre, alors que le roman brille justement par sa concision. Mais surtout, quantité de trucages sont particulièrement visibles. Animations en stop-motion tout juste dignes d’un cinéaste indépendant ; projections en arrière-plan qui ne se cachent pas ; faux raccords ; erreurs de perspective. Des séquences sont accélérées façon dessin animé ; la souris n’est pas une souris, mais un type en costume de souris. On ne peut pas répondre « oui, mais c’est du surréalisme, de toute façon ». Non. Le surréalisme, comme la poésie, comme la fantasy, n’est pas un prétexte pour faire n’importe quoi. L’univers concerné conserve des règles internes – dont on ne détient pas forcément la clé – mais elles sont présentes.

Or, la règle cardinale de toute oeuvre de fiction est de maintenir le lecteur / spectateur dans le récit ; le film de Gondry fait tout ce qu’il peut pour rappeler qu’il est un film, un conte, une fable, bref, un objet fictionnel à contempler, et non où il convient de s’impliquer. Ce qui, qu’on me pardonne, est non seulement une erreur de narration, mais va directement à l’encontre, me semble-t-il, des intentions de Vian, qui racontait une histoire, il ne faisait pas un fucking exposé sur le surréalisme ni ne montrait pas combien il était trop inventif hou là là et vous avez vu cette vanne, wink wink nudge nudge ? Les rappels au livre en tant qu’entité extérieure au film sont constants, dès la première scène, où des armées de secrétaires le tapent à la chaîne – image graphiquement forte, mais d’une parfaite inutilité, qui sort encore davantage le spectateur d’une histoire qui, par sa simplicité et sa force, n’est nullement mise en avant, mais justement présentée comme fictive et donc pas sérieuse. Ce n’est pas une mise en abyme, c’est juste un rappel grossier que, puisque cette histoire est inventée, elle est tout sauf vraie. (Pour mémoire, Vian écrit, en exergue de L’Écume : « Cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée d’un bout à l’autre. ») Gondry se regarde filmer, et laisse à peine la place à ses acteurs, qui, d’ailleurs, peinent à porter les dialogues vianesques. Romain Duris joue globalement très mal (alors qu’il est très bon chez Klapisch – qu’est-il arrivé ?), Omar Sy est mauvais dans les premières minutes mais s’améliore notablement dès que l’ambiance vire au tragique. Ils sont heureusement sauvés par les autres, Elmaleh campe un excellent Chick, Audrey Tautou est mignonne en Chloé, et Aïssa Maïga (Alise) et Charlotte Le Bon (Isis) sonnent juste.

Au-delà de ces manquements structurels, il faut critiquer la violence parfaitement bénigne du film, alors que le livre est souvent  brutal, mais à dessein. Gondry rate le contraste entre la candeur désarmante de Colin et la terrible dureté, absurde, du monde qui l’entoure et finit par le rattraper, tout comme il ne descend pas assez profondément, à mon avis, dans l’horreur sur la fin du film (et je ne lui pardonne pas d’avoir sucré le tout dernier chapitre, entre la souris et le chat). Cette histoire descend aussi bas qu’elle monte haut, mais, dans les moments les plus tragiques, il continue à nous servir du jazz guilleret, comme si, au fond, tout cela n’était pas si grave. Mais si, mec, putain, c’est grave ! Rien n’est plus grave ! Tu ne vois pas que ce monde s’écroule ? Que tes personnages sont brisés ? Ce n’est pas un enterrement façon Nouvelle-Orléans. C’est la fin de tout, bon sang ! Tue-nous avec, merde !

On ne peut que regretter que la retenue poétique, l’économie de moyens, dont Gondry sait faire preuve par ailleurs n’ait pas été importée sur ce plateau, ainsi que quelques leçons d’écriture du cinéma fantastique, lequel, par sa maîtrise du hors-champ, aurait peut-être su imposer l’oppression progressive de l’univers, sa déliquescence, son désespoir, sans montrer son jeu, sans montrer ses trucages, ses coulisses, ses échafaudages. Je rêve de ce qu’aurait donné cette oeuvre entre les mains d’Amenabar (Les Autres) ou de del Toro (Le Labyrinthe de Pan) – mais je rêvais de ce qu’elle donnerait entre les mains de Gondry.

Boris Vian. (c) AFP

Boris Vian. (c) AFP

Après toute cette diatribe, tant de mal étalé en électrons, la question reste : cette adaptation est-elle un mauvais film ? Non. C’est juste une énorme déception par rapport au potentiel de l’oeuvre comme du cinéaste. C’est un divertissement amusant, surprenant, foisonnant visuellement, évocateur par moments. Mais ce n’est pas le grand film que cela devait être, et ce n’est même pas forcément un bon film. C’est un vidéo-clip, un film intéressant comme objet de réflexion. C’est précisément, aussi, ce qu’il ne devait pas être.

L’Écume des Jours est donc un film qui ne croit pas un seul instant à lui-même. Par ce péché cardinal, il échoue à emporter l’adhésion, sauf de bobos parisiano-centrés qui y verront un objet arty sur lequel s’extasier, alors qu’ils n’ont strictement rien pigé, et ce qui me navre, c’est que ce sont les mêmes que Vian envoyait paître de son vivant. On essaie d’en faire un intellectuel raffiné, un modèle d’avant-garde, un héros créatif pour une certaine bourgeoisie littéraire arthritique pour qui trouver un lieu dans une ville inconnue à l’aide d’un plan constitue le summum de l’aventure et de l’exotisme. Mais Vian promouvait le jazz. Vian traduisait du polar et de la science-fiction. Vian aimait les jolies filles. Vian avait le travail en horreur. Vian brûlait la chandelle par les deux bouts, jouait de la trompette quand sa santé le lui déconseillait fortement.

À vous qui tentez de le canoniser, Vian vous emmerde, et il ira cracher sur vos tombes.

 

  1. Je suis docte. Mais j’ai prévenu que j’avais raison.
2018-07-17T14:19:48+02:00jeudi 2 mai 2013|Fiction|9 Commentaires

Jeu musical

Par DaBrunz, licence CC-By-SA

Par DaBrunz, licence CC-By-SA

Hop, tagué par Mélanie Fazi sur Facebook, un autre court jeu, musical, cette fois, puisqu’on est entre gens de goût.

Tu like, je te donne un nom de groupe, tu réponds aux questions…

… et Mélanie m’a demandé de parler de Therion.

1. Fan ?

Je crois qu’on peut dire ça. J’y suis venu par la découverte du métal symphonique quand j’avais 20 ans, j’y suis resté pour le constant renouvellement de la formation, de la composition, l’univers mythologique, et je m’amuse de constater que les albums les plus atmosphériques qui me parlaient le moins il y a des années sont ceux que je redécouvre aujourd’hui et que j’ai l’impression de finalement « piger ».

2. Déjà vu ?

Chaque fois que je le peux. Chaque spectacle est totalement différent. Mes deux grands souvenirs restent d’une part en 2004, où ils partageaient l’affiche avec Trail of Tears (époque Free Fall into Fear), Tristania (époque World of Glass, avec Vibeke Stene !) et Mercury Rain, à l’Antipode, une toute petite salle rennaise, qui donne presque l’impression que les musiciens viennent jouer dans ton salon. D’autre part, en 2012, où Christopher Johnsson, après un concert marathon (car Therion va cesser les tournées pendant quelques temps), est venu se mêler à la foule en toute simplicité pour dédicacer ce qu’on lui tendait, armé d’une bouteille de vin rouge à la main et lançant à la cantonade « Anyone has a corkscrew ? Aren’t you all French ? »

3. Album préféré ?

Difficile à dire, j’y trouve des choses différentes au fil des ans, donc. Mais je pencherais probablement pour Vovin, qui n’a peut-être pas la sophistication de la suite, mais reste d’une redoutable efficacité. Avec Sirius B en proche second. Mais si je devais en emporter un sur une île déserte, je prendrais certainement Secret of the Runes, car je n’ai pas fini de l’explorer…

4. Album que j’aime le moins ?

Je vais me faire huer mais je peine à entrer dans Sitra Ahra qui noie l’auditeur sous trop d’idées à mon goût. Cela dit, je suis resté hermétique aussi à Deggial et à Secret of the Runes à leur sortie, donc reparle-m’en dans cinq ans, si ça se trouve j’aurai enfin formé mon oreille à cet album et je me dirai « mais comment ai-je pu passer à côté ? »

5. Chanson préférée ?

Très difficile de choisir, entre les morceaux courts et efficaces comme Wine of Aluqah, les grandes sagas comme le triptyque Kali Yuga ou Adulruna Rediviva, les plages atmosphériques comme Lemuria ou Siren of the Woods… Mais je crois que je reviens toujours à Clavicula Nox, dont le texte résonne particulièrement pour moi. Ici en live avec un orchestre symphonique :

À vous, si vous souhaitez jouer et continuer la chaîne, postez en commentaire ou likez cet article sur Facebook, et je vous soumettrai à mon tour à la question.

2013-04-02T10:12:33+02:00mardi 2 avril 2013|Décibels|13 Commentaires

Cloud Atlas : voyage à travers l’âme humaine

Cloud_Atlas_PosterImpossible de résumer Cloud Atlas en deux phrases – impossible même de résumer Cloud Atlas en un paragraphe. Aucun des pitches présents sur les sites de cinéma, aucune bande-annonce ne décrit clairement ce qu’est cet étrange OVNI, fresque gigantesque de près de trois heures, affichant quantité de stars d’Hollywood (Tom Hanks, Halle Berry, Hugo Weaving et j’en passe), et… co-produite par les Wachowski (ceux-là même, qui, après un premier Matrix très réussi, ont déçu la planète entière avec des suites fadasses).

Ouille. Alors, pétard mouillé ou oeuvre majeure ?

Cloud Atlas (tiré du roman Cartographie des nuages de David Mitchell) est impossible à résumer car le film rassemble quasiment tous les genres à travers pas moins de six histoires, couvrant de 1849 à 2321. Il serait fastidieux de les décrire ; disons qu’on y croise du récit de voyage, de l’enquête contemporaine, de la SF dystopique, du voyage initiatique. Le tout est relié de manière ténue par des échos, des réminiscences ; tel personnage lit les mémoires d’un autre ; telle histoire, devenue romancée et portée au cinéma, est visionnée dans le futur. En trait d’union, une mystérieuse marque de naissance en forme d’étoile filante, et des acteurs revenant d’une époque à l’autre sous d’autres identités (mention spéciale à Hugo Weaving en infirmière sadique qu’on croirait échappée de quelque donjon underground).

Dès le début, les récits s’entrecroisent sans autre indice visuel que la photographie. Très vite, ces six récits vont se superposer sans jamais s’attarder plus de quelques minutes à la même époque. Un parti-pris narratif audacieux, qu’on croirait pensé pour satisfaire la frénésie de zapping et autres déficits d’attention décriés aujourd’hui. Mais, loin de devenir un stroboscope incohérent et confus, la construction fonctionne admirablement bien, focalise étonnamment l’attention pendant ces trois heures et conserve une grande clarté à toutes ces lignes narratives. Un tour de force. (Signalons quand même quelques longueurs au milieu, où les scènes de fusillade SF, bien que très jolies, suscitent au bout d’un moment l’ennui ; après les fusillades d’autoroute de Matrix : Reloaded, on sent ici un certain laisser-aller Wachowskien.)

Avec une telle forme, on s’imaginerait se trouver devant une vasque tapisserie à la Collisions, Timecode ou même Contagion, où les histoires forment un tout plus vaste que l’on décode au fur et à mesure. Disons-le tout de suite : il n’en est rien. Le réemploi des acteurs – excellemment grimés – ne se décèle que tardivement ; les thèmes et les situations sont parallèles mais, paradoxalement, c’est suffisamment subtil pour passer inaperçu ; quant à la marque de naissance, aucune explication ne sera fournie. Non, de l’aveu même des producteurs, Cloud Atlas est davantage une expérience à vivre, dont chacun retirera le sens qu’il souhaite. Cela peut sembler une échappatoire, une solution de facilité, mais, pourvu qu’on y soit sensible, un vertige cognitif saisit effectivement le spectateur devant la seule envergure de temps couverte, la myopie obligatoire des personnages, inconscients du grand courant de l’histoire où ils s’inscrivent, des répercussions de leurs actes, grands et petits. Le film évite autant que possible les discours pompeux, ne donnant pas ses clés, se contentant de se livrer tout entier, et de laisser son public le trier, le lire comme il le souhaite.

Alors, faut-il recommander Cloud Atlas, ou non ? Argh. La réponse découlera directement de ce qui précède, et de la sensibilité du spectateur. Celui qui désirera une forme de résolution, des explications, sera certainement déçu, car cette mécanique narrative impeccablement huilée lui semblera vaine et creuse. Pour apprécier Cloud Atlas, il faut y rentrer comme dans un poème, un haiku (ce qui est paradoxal, vue la longueur du film) : une collection d’instantanés, de tranches de vie, dont l’ensemble s’insère dans un tout qui n’est jamais clairement décrit – mais qui n’est rien moins que l’heureuse tragédie du voyage humain – ; il tient de l’expérience contemplative, peut-être même (je prends le risque de lâcher le mot) métaphysique, pour peu que l’on accepte de s’en laisser pénétrer.

Quoi qu’il en soit, il est merveilleux de constater que le cinéma à grand spectacle réserve encore une place à des oeuvres comme celle-ci, audacieuses et, disons-le, parfaitement invendables au « grand public » tel que les financiers voudraient le voir décrit. Ajoutons, diable, une pointe de fierté chauvine au fait que ce soit le langage de l’imaginaire qui permette l’existence d’un tel film. Pour cette seule raison, j’aurais tendance à t’encourager, auguste lectorat, à aller voir Cloud Atlas ne serait-ce que pour le soutenir, pour montrer aux producteurs que oui, un projet dingue comme celui-là peut exister, et à te faire ta propre opinion – parce que c’est ambitieux, c’est unique, c’est grand public et bon dieu, c’est de la SF.

2019-03-17T22:27:27+01:00mercredi 27 mars 2013|Fiction|16 Commentaires

Symphonic dubstep

Et là, tout est dit.

(Ce serait bien qu’Immediate Music se réveille un peu, là, parce que leur Trailerhead : Saga fait palot, à nous ressortir les mêmes thèmes qu’on connaît déjà depuis des années, en comparaison de ce Skyworld de Two Steps from Hell, sorti à peu près au même moment, et qui se montre bien plus audacieux – pas forcément toujours à bon escient, cela dit, mais l’intention est là.)

2012-12-20T09:00:09+01:00jeudi 20 décembre 2012|Décibels|6 Commentaires

Conclusion : comment choisir son livre électronique ? (5)

Retrouvez tous les articles précédents de cette série :

Nous arrivons au terme de ce panorama des problématiques relatives au livrel. Maintenant que vous êtes armé de connaissances théoriques, vient l’heure du choix. Comment ? À mon avis, la décision se fait en trois temps.

  • Choisissez liseuse ou tablette. Si vous voulez avant tout lire, liseuse, sans hésitation. Si vous voulez un machin polyvalent qui vous permettra aussi de lire quelques pages ici ou là, tablette. Mais ne vous mentez pas : avec une tablette, vous allez surtout jouer à Angry Birds.
  • Décidez comment vous vous sentez vis-à-vis des DRM. Vous n’avez pas froid aux yeux ? Vous considérez que c’est drôlement pratique d’avoir vos bouquins sur tous vos terminaux sans manipulation supplémentaire ? Ou bien vous refusez catégoriquement le spectre du flicage et l’idée de ne pas jouir librement de votre contenu vous hérisse ?
  • Réfléchissez à ce que vous voulez lire. Oui, je sais, ce n’est pas un réflexe habituel – normalement, on achète un livre, point barre – mais tous les livres ne sont pas disponibles sous forme électronique. Qui a la meilleure offre par rapport à vos envies, vos habitudes ? Promenez-vous sur les sites des commerçants, regardez votre bibliothèque (ou pensez aux goûts de la personne à qui vous voulez l’offrir) et examinez qui vous correspond le mieux. En fonction de cela, achetez la machine propriétaire du fournisseur qui vous plaît, ou bien trouvez un modèle tiers qui offre la meilleure compatibilité.

Use case : « et toi, mec ? »

Selon cette logique, voici comment s’est constitué mon propre choix, au cas où ça vous serve – ou pas.

J’ai commencé il y a trois ans par une Sony PRS-300 (libre, donc) parce que je voulais lire du domaine public (donc pas de verrouillage), que j’étais fondamentalement hostile aux DRM et que je voulais la compatibilité maximum avec tous les formats. Points positifs : très content du confort de lecture (j’ai découvert la puissance de l’encre électronique et cela a fait voler en éclats tous mes préjugés : j’ai relu L’Aiglon dans un aller-retour Paris Rennes avec plus d’aisance que sur du papier), compatibilité impressionnante même avec des fichiers lourds ou mal foutus. Points négatifs : pas de dicos embarqués (ça ne se faisait pas encore, c’est maintenant standard) et surtout une vie de batterie très décevante. Pour cette raison, j’ai fini par remiser l’engin.

Il y a un an, j’ai changé de besoins et d’habitudes. J’achète de la musique numérique en masse sur Amazon depuis que c’est possible, toutes mes données ou presque sont dans le cloud, j’utilise les services de Google au quotidien avec bonheur (même si oui, je sais, Google veut tous nous manger), j’achète des jeux sur Steam sans heurt (je suis donc familiarisé avec ce genre de DRM et je trouve le confort que ça apporte supérieur aux problèmes éthiques). D’autre part, je lis beaucoup en langue anglaise, fiction mais surtout essais afin de me documenter pour mes livres, et faire venir les bouquins est toujours onéreux. J’ai donc opté pour un Kindle (ce qui fait de moi un social-traître) en raison de son immense librairie anglaise et sur lequel je lis exclusivement dans cette langue pour des questions de coût, ainsi que du domaine public, des articles et documents que je m’envoie en Wi-Fi. Je synchronise le tout sur mon smartphone et même mon ordinateur fixe quand je veux reprendre la lecture d’un terminal à l’autre. J’ai le modèle de base et je suis pourtant enchanté par l’expérience ; la batterie tient trois siècles, je l’ai toujours sur moi, dès que je suis quelque part à attendre, je grignote un bout de nouvelle ou de roman (et, dans les salons littéraires calmes, c’est beaucoup moins repoussant pour les éventuels visiteurs que de feuilleter L’Equipe). EDIT de 2014 : mon attitude à l’égard d’Amazon a quelque peu changé. Lire un complément ici

Ainsi se termine ce petit guide de lecture sur les livres électroniques (retrouvez-en commodément l’intégralité par ce lien). N’hésitez pas à partager votre expérience et vos modèles préférés en commentaires : lâchez-vous, c’est le moment, conseillez-vous mutuellement. Auguste lectorat, quel choix as-tu fait et surtout pourquoi ? Que recommandes-tu ? Parle, nous t’en conjurons. 

2014-07-11T11:28:13+02:00mardi 18 décembre 2012|Geekeries|22 Commentaires

Protection des données, la pomme de discorde des DRM (4)

Nous avons parlé des fonctionnalités, du débat liseuse ou tablette, vient maintenant le choix du fabricant et de la boutique. Or, choisir son modèle de liseuse ou de tablette, il me semble, est étroitement lié à une prise de position que chaque consommateur devrait adopter en son âme et conscience, et c’est pour cela que je ne peux recommander de modèle de précis. Cette prise de position est, j’ai nommé : confort contre ouverture, et c’est le débat des DRM (Digital Rights Management).

Qu’est-ce qu’un DRM ?

Internet a rendu l’échange de données quasi-instantané, le piratage de biens culturels est légion et taille des croupières dans l’économie de la création, entraînant quantité de répercussions néfastes pour la société, en particulier une réduction des prises de risque financiers et donc une contraction de la diversité de l’offre. Pour tenter de contrecarrer cela, les fabricants ont créé les DRM. Ceux-ci sont un excellent cas d’école d’enfer animé de bonnes intentions.

L’intention : faire en sorte que le seul le consommateur ayant légalement acheté un bien culturel puisse en profiter, ce qui va de soi dans le cas d’un support physique (si j’ai acheté un livre, mon voisin ne peut pas le lire en même temps que moi, ou alors nous sommes très très proches sur le canapé et dans ce cas il vaut mieux avoir une bouteille de champagne au frais et Norah Jones en fond sonore). L’enfer : il arrive tristement fréquemment que le consommateur légitime ne puisse tout simplement pas profiter de son achat tant les méthodes de protection sont compliquées ou même dysfonctionnelles (ce qui rend le piratage d’autant plus séduisant : non seulement on ne paie pas, mais ça marche…).

D’autre part, les DRM soulèvent tout un tas de problèmes de consommation débordant sur l’éthique.

  • Si je perds ma liseuse avec mes certificats de lecture dessus, il n’est pas garanti que je puisse re-télécharger mes fichiers sur la nouvelle et les faire fonctionner.
  • Si j’ai besoin du feu vert du fournisseur de contenu pour profiter de ma bibliothèque, que se passe-t-il si celui-ci fait faillite ? Cela signifie-t-il qu’en l’absence de fournisseur pour donner le feu vert, ma bibliothèque restera verrouillée à jamais ?
  • Que se passe-t-il si le fournisseur m’accuse à tort d’avoir violé ses conditions d’utilisation ? Les erreurs arrivent, et je peux me trouver avec un compte bloqué – donc pas d’accès à mes achats – sans moyen de recours. C’est arrivé récemment et les débuts du Kindle ont été rendus célèbres par le retrait des achats de 1984 (en plus !) des liseuses des acheteurs.
  • Quelqu’un, quelque part, sait ce que j’ai acheté, ce que je lis, ce qui est un peu inconfortable. Apple est connu pour appliquer une censure très bien-pensante sur son offre d’applications et de même de couvertures de livres ; censure et littérature vont très mal ensemble. Quis custodiet ipsos custodiet ?

Après, pour être juste, il convient d’ajouter deux points :

  • Si les DRM sont bien faits, ils sont transparents pour le consommateur et l’association à un compte nominatif permet de retrouver toute sa bibliothèque sans problème sur les terminaux compatibles, et de récupérer les fichiers si l’un d’eux est volé. J’ai testé chez Amazon, et ça marche très bien.
  • Un DRM, ça se, ahem, contourne. ATTENTION JUDGE DREDD a dit la loi c’est lui mais surtout contourner une mesure de protection est illégal et entraîner des amendes peines de prison poursuites à la Starsky et Hutch amputation des doigts de pied descente en enfer. Mais c’est possible de le faire si l’on n’a pas confiance envers le fournisseur de contenu. Un mot cependant : c’est contraignant, compliqué, et un pis-aller, car, pour 1 consommateur qui déplombe ses livres, 99 ne le font pas. Si vous êtes farouchement anti-DRM, acheter chez un fabricant qui s’en sert puis déverrouiller le contenu ensuite est contradictoire, car vous donnez quand même votre argent – et approuvez – ce mode de protection des données.

Ceci étant dit, nous pouvons arriver au choix de la machine. Et là, deux écoles s’affrontent, lesquelles découlent directement, à mon sens, de votre attitude vis-à-vis des DRM.

Un choix philosophique

Soit vous achetez la liseuse (ou la tablette) d’un fabricant possédant sa boutique en ligne. En gros, un iPad (Apple), un Kindle (Amazon), une Kobo (Fnac). Ces appareils sont souvent bon marché (sauf Apple, mais les zélotes d’Apple tirent une incompréhensible fierté du fait d’acheter plus cher), parce que derrière, implicitement, vous vous « enchaînez » à la boutique de ce fabricant, dont l’accès est facile et immédiat depuis votre terminal. On peut le voir comme un avantage (l’achat est d’une facilité déconcertante, testé chez Amazon), ou une restriction (et si je veux lire autre chose ?). Bien sûr, ces appareils « propriétaires » peuvent lire d’autres formats, comme le PDF ou le .doc mais l’achat chez un commerçant sera toujours plus facile en allant sur la boutique pour laquelle l’appareil est prévu. (Mentionnons le Kindle qui est curieusement incapable de lire nativement l’ePub, pourtant le format standard de livrels libres…)

Sinon, vous achetez une liseuse « autre » (Sony en fait d’excellentes). Celle-ci sera compatible et généralement optimisée pour les formats libres, mais vous risquez (à moins de déplomber les fichiers – ce qui est MAL, ne le faites pas OU VOUS BRÛLEREZ EN ENFER) d’avoir pas mal de soucis quand il s’agira d’acheter chez les commerçants qui verrouillent leurs fichiers avec des formats propriétaires (Amazon et Apple). Heureusement, de plus en plus de libraires indépendants proposent des solutions différentes et de plus en plus d’éditeurs travaillent avec eux en plus des géants de la grande distribution.

Maintenant que tout cela est dit, comment choisir ? Ce sera la conclusion pour demain. Quant à toi, auguste lectorat, quelle est ton attitude vis-à-vis des DRM ? Mal nécessaire, avantage pratique, Grand Satan à brûler sur l’autel de l’EFF ? 

2012-12-17T09:01:04+01:00lundi 17 décembre 2012|Geekeries|15 Commentaires

Une liseuse ? Mais pourquoi, en fait ? (2)

Oh, mais comme c’est bien fait, c’est exactement la dernière phrase de l’article précédent ! On dirait qu’une intelligence supérieure est à l’œuvre.

Bon, OK. Tout le monde parle du livre électronique, vous vous dites « Ben faudrait p’tet que j’my mette, non ? Après y aura plus que ça et moi avec mes yeux et mes lunettes j’pourrai pu lire Guillaume Musso. » Qu’est-ce donc à dire que ce truc ?

Alors déjà, non, vous n’êtes pas obligé(e) de passer au livre électronique. (Serait temps que l’Académie Française nous ponde un terme bien laid pour remplacer ebook, tiens. Dans la veine de leurs créations précédentes, je suppose qu’ils instaureront ibouque. Par conséquent, j’instaure céans le terme livrel, par calque sur les excellents courriels et pourriels québecois, et parce que j’en ai marre de taper livre électronique.)

Donc. Non, vous n’êtes pas obligé(e) de passer au livrel. Le papier a encore de beaux jours devant lui et je doute qu’il soit remplacé un jour, ce qui est également l’avis d’Umberto Eco (c’est la classe). En revanche, c’est une nouvelle manière d’apprécier la lecture, d’en profiter partout, c’est drôlement pratique pour les ouvrages techniques.

Quels sont donc les avantages du livrel ? Faisons une liste à puce, Power Point-like.

  • Ultra léger et petit. Ca tient dans un sac féminin, une sacoche de cadre sup’, un baise en ville, une poche d’anorak. Alors qu’un bouquin est pesant et s’écorne (et donc, on le laisse à la maison), un livrel se fourre partout, s’oublie merveilleusement bien, ce qui permet de le ressortir dans un moment de creux pour croquer une ou deux pages. (D’ailleurs, je me demande si le fait que la lecture soit majoritairement féminine aujourd’hui a puisse être corrélé avec le fait que ces foutus grand formats de 3 kilos et demi ne peuvent rentrer que dans un sac à main.)
  • Toute une bibliothèque dans la poche. Conséquence de ce qui précède.
  • Confort de lecture. Que ce soit sur liseuse ou tablette, on a affaire à du caractère généré par l’électronique, donc « parfait », contrairement aux erreurs d’impression de poches de mauvaise qualité. Ecrit trop petit ? Augmentez la taille des caractères. La police vous déplaît ? Passez en Old English pour une petite touche gothique qui fera sensation (et vous niquera les yeux en deux heures.) (Le débat liseuse ou tablette fera l’objet d’une entrée à part, demain.)
  • Dictionnaires embarqués. Et ça, c’est le méga pied, encore plus si vous lisez en langue étrangère. Les livrels modernes sont fournis avec d’imposants dicos qui vous permettent d’obtenir la définition d’un mot d’un simple clic. Plus besoin de sortir l’Universalis de Papa.
  • Annotations et surlignements. Pour les fétichistes du livre (j’en fais partie) qui refusent ne serait-ce que de corner une page, c’est une merveille. Une citation vous a plu ? Surlignez-la et retrouvez-la d’un claquement de doigts. Le fichier n’aura pas mal.
  • Place gagnée. Ben ouais, mine de rien, quand on lit beaucoup, les bouquins, ça prend de la place. Si vous ne tenez pas spécialement à l’objet papier (roman de gare, livre de poche), le livrel est votre ami : zéro place, à part sur le disque dur.
  • Monstrueuse offre gratuite. Tout le domaine public, en gros, disponible sur des sites comme le Projet Gutenberg ou la BNF. Vous voulez relire Les Trois Mousquetaires ou tout Victor Hugo ? C’est là, votre seul investissement sera l’appareil.
  • Maintenant, tout de suite. Vive la culture de l’immédiat instaurée par le Net. Vous voulez un livre, là ? Achetez-le en ligne, cinq minutes plus tard, il est chez vous.
  • Périodiques et articles. La presse est disponible sur nombre de livrels. Cela permet de recevoir facilement, à moindre coût, vos supports préférés, ou même de vous faire votre propre revue de presse à partir d’articles glanés sur le Net ; tout cela sans encombrer les étagères de vos toilettes.

Maintenant, ce n’est pas magique non plus.

  • Ca ne se consulte pas pareil. Eh bien, oui. Le papier a un énorme avantage : c’est un objet mécanique sur lequel tout le contenu est disponible. C’est idiot, mais un livre, ça se feuillette. Un livrel, non. Parcourir un fichier et retrouver un passage qu’on n’a pas repéré au préalable, c’est la croix et la bannière. Difficile de picorer un extrait, mais surtout d’avoir une vision d’ensemble du volume que l’on a entre les mains. Pour de la fiction, c’est un moindre mal.
  • Pas de batterie, pas de gloire. Les batteries modernes tiennent bien la charge, mais quand même, c’est à signaler.
  • Pas sexy. Et c’est un geek qui le dit. Mais un livrel, qu’on le veuille ou non, qu’Apple brevette toutes les formes géométriques du monde pour faire la pige à Samsung, le livre est charnel, a été vivant, sent la vieille maison, a une jolie image parfois en relief en couverture, se range sur une étagère et s’admire. Le livrel, c’est juste un bout de plastique perfectionné qu’on changera dans deux ans parce qu’une nouvelle version sera sortie.
  • Offre incomplète. Vous n’aurez pas tous les livres de la Terre en électronique. Même dans dix ans, il va falloir un travail de numérisation titanesque (et qui constitue un colossal enjeu économique, n’est-ce pas, Google).
  • Facilité d’emploi sous réserve. Formats, Wi-Fi, connectivité, réseaux sociaux, incompatibilités, boutiques propriétaires, DRM, le monde du livrel a hérité des joies de l’informatique. Même si les concepteurs ont fait des prouesses d’ergonomie pour rendre ça utilisable par tata Cunégonde, le livrel instaure des soucis potentiels que le papier ne pose jamais.
  • La question des DRM. Parmi ces problèmes, celui-là mentionne un point à part. Pour limiter le piratage – et pour enchaîner le consommateur à un écosystème économique – les fichiers sont protégés contre la copie, mais parfois tellement bien qu’ils sont aussi protégés contre leur usage légitime… Le débat est si vaste qu’il méritera lui aussi son entrée.

Que retenir de tout ça ? En gros, qu’un livrel est un complément du papier, mais un sacré complément, immédiat, léger, documenté et disponible un peu partout. Personnellement, je m’en sers pour lire des articles récupérés un peu partout, des textes quand je fais de la direction d’ouvrage, des essais en anglais dont je ne veux pas qu’ils m’encombrent et, question fiction, pour lire du domaine public et en langue étrangère (les tarifs étant très intéressants, puisque libérés des frais de port et souvent inférieurs au poche).

Voilà donc pourquoi. Te sens-tu concerné par ces usages, ô auguste lectorat, ou bien voues-tu le livrel aux gémonies ? (Ca doit pas être un nom facile à porter. Vous imaginez, dans la rue ? « Hé, Gémonie ! »)

(Demain, nous parlerons machine : liseuse, tablette, quoi t’est-ce, que prends-je ?)

2012-12-13T10:20:50+01:00jeudi 13 décembre 2012|Geekeries|40 Commentaires

Noël arrive, paix heureuse, achetons tous des liseuses (1)

Nous nous levons à l’heure où l’aube blanchit la campagne et rougit les pommettes, de suspects personnages avinés et victimes d’obésité morbide secouent des cloches en faisant ho ho ho, bref c’est l’époque du chiffre d’affaires : Nowel. Et j’ai reçu en rapide succession des messages de camarades et proches formulant tous la même question : « toi qui as forcément étudié la question, j’offre quelle liseuse à Noël ? »

Ahem.

Non, j’ai pas étudié la question. Du moins, pas en mode guide d’achat pour éliminer scrupuleusement un à un tous les modèles candidats jusqu’à brandir le LD Seal of Approval sur ce modèle, c’est çui-là qu’il faut, la quadrature du cercle. En revanche, j’ai étudié comment ça marche, je m’en sers, j’essaie de suivre à quelle sauce les commerçants veulent manger les auteurs et donc les lecteurs. Je voudrais également en profiter pour établir quelques notions de base sur le sujet, faire des articles qui pourront servir de référence plus tard.

Donc, pour cinq articles (ouais, cinq !), on va causer livre électronique et aide à l’achat, mais pas comme un guide Fnac : on va parler principes et fonctionnement, les points auxquels prendre garde. Et après, auguste lectorat, comme tu es la Communauté la Plus Cool du Net (vainqueur du prix Lionel Davoust 2012 de la Communauté la Plus Cool du Net), tu feras ton choix comme tu l’entends, en fonction de ce qui se sera dit. Par ailleurs, ce qui se reflète ici est le résultat de mon expérience et ma vision (voir les caveats d’usage).

Un fil de discussion est déjà né sur mon mur Facebook autour de la question ; pour cette série d’articles, je te demande, auguste lectorat, de t’aider toi-même. Vous avez certainement des bonnes ou mauvaises expériences, des réactions à ce qui se dira : donnez-vous vos bons plans, vos recommandations, de manière à ce qu’on en sorte tous grandis (enlarge your IQ).

Demain, on lance les hostilités avec la question fondamentale : une liseuse ? Mais pourquoi, en fait ? 

2012-12-08T16:00:06+01:00mercredi 12 décembre 2012|Geekeries|13 Commentaires

Google+ vous laisse le pouvoir, Facebook vous demande de le prendre

L’article sur la promotion de Facebook continue à générer quelques centaines de lectures par jour, soit largement plus que la suite, malheureusement, qui donnait les chiffres et s’efforçait de donner de premiers éléments d’analyse concernant les retombées numériques de ce hold-up. De façon fort intéressante, Google+, le seul véritable rival de Facebook sur le créneau du réseau social semi-volatile, a déployé une nouveauté d’une simplicité et d’une élégance telle qu’elle continue à enfoncer le désastreux choix du géant bleu.

Dans un réseau social tel que FB ou G+ (même Twitter), le problème est simple : dans le flux d’informations, il s’agit de trier le bon grain (une nouveauté d’un auteur, groupe, cinéaste que vous aimez ; la nouvelle que votre neveu a eu son bac, que la compétition de Magic Scrabble organisée par votre mère s’est bien déroulée) de l’ivraie (au hasard, 2×10^15 annonces Farmville). Facebook et Google+ ont deux philosophies différentes ; l’un vous demande d’aller faire les réglages vous-même et introduit l’idée de promotion payante pour réparer un système bancal par essence, l’autre s’efforce d’introduire des réponses au problème dans la manière même dont le réseau fonctionne. Je pense qu’il est intéressant de connaître ces réglages pour reprendre la main sur le contenu qu’on cherche véritablement à voir, d’où ce petit didacticiel. (Un shout à Mlle Gima qui m’a aiguillé pour Facebook.)

Trier votre flux d’information avec Facebook

Facebook vous demande d’aller chercher des réglages ésotériques et peu ergonomiques pour personnaliser votre flux d’informations. La dernière fois, nous avons évoqué l’idée de liste d’intérêt et parlé d’Edgerank ; concernant les pages, le réseau vient d’introduire une fonctionnalité vous permettant de recevoir toutes les notifications. Il faut encore une fois une manipulation un peu fastidieuse et presque cachée, mais c’est possible : pointez sur le bouton « J’aime » de la page en question, puis sélectionnez l’option de recevoir les notifications, de voir la page dans votre flux d’actu ou de l’ajouter à une liste d’intérêt. Faites ça… pour toutes les pages. Eh ouais.

Trier votre flux d’informations avec Google+

Google+ a introduit l’idée de cercles (piquée à Diaspora et à ses aspects, d’ailleurs, ce que FB s’est maladroitement efforcé d’émuler), ce qui permet un classement a priori de vos centres d’intérêt, de vos amis et contacts, de la famille proche aux marques et artistes qui vous intéressent. Et, tout simplement, depuis le début de la semaine, vous pouvez moduler la fréquence et la quantité des informations que vous recevez concernant chaque cercle. Une règle est affichée bien en évidence en haut de chaque onglet de votre flux d’actualité, et vous permet de moduler finement la quantité d’informations que vous recevez dans chaque cercle. Simple et élégant !

Une différence de philosophie ?

Il est un peu malaisé de déduire de ces deux optiques opposées une différence de philosophie entre les deux entreprises, surtout que l’un est en position d’outsider qui tout intérêt à séduire de nouveaux utilisateurs et que l’autre se débat avec son introduction en Bourse décevante, mais force est de constater qu’actuellement, Facebook est un système compliqué qui tire régulièrement le tapis sous les pieds de l’utilisateur en le forçant à adopter des changements de conditions d’utilisation et qui dissimule des réglages utiles, alors que Google+ cultive la bonne idée et le système fonctionnel (si seulement G+ pouvait ouvrir son API, FFS !!). Quoi qu’il en soit, tout cela ne fait que remettre en évidence un point crucial de ces réseaux sociaux commerciaux : en en faisant le centre de votre écosystème numérique, que vous soyez utilisateur ou créateur, vous n’êtes plus maître de votre contenu et remettez ce contrôle à une tierce partie qui peut, à tout moment, changer les règles de votre propre jeu. 

2012-11-15T10:16:42+01:00jeudi 15 novembre 2012|Geekeries|8 Commentaires
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