Procrastination podcast s08e18 – L’immunité scénaristique

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s08e18 – L’immunité scénaristique« .

Certains personnages doivent survivre pour mener l’intrigue à bien, ce qui peut désamorcer un enjeu narratif important. Comment gérer cette situation, côté protagonistes ou antagonistes ?
Lionel avance tout de suite qu’un personnage mort ne peut plus souffrir, ce qui n’est plus drôle – et qu’on peut trouver bien des enjeux et des sorts indirects pires que la mort ! Estelle appuie l’importance de ces enjeux pour sortir de la « shock value » primaire de l’emploi de la mort et de la violence, et la nécessité de problématiser mort et survie dans sa narration. Mélanie réfléchit peu à cette question dans sa propre écriture, mais a des tas d’exemples sur le sujet tirés de la fiction qui l’ont marquée.

Références citées

  • Game of Thrones, série TV adaptée des romans de G. R. R. Martin
  • « James Bond », série de films inspirée des romans de Ian Fleming
  • Superman, personnage de DC Comics
  • Brandon Sanderson
  • Highlander, film de Russell Mulcahy
  • Star Wars Episode IX, L’Ascension de Skywalker, film de J. J. Abrams
  • Woody Allen
  • « Jason Bourne », série de films adaptés des romans de Robert Ludlum
  • Doctor Who, série créée par Sydney Newman, C. E. Webber and Donald Wilson
  • Roger Zelazny
  • La Mort de Superman, série de Mike Carlin, Dan Jurgens, Roger Stern, Louise Simonson, Jerry Ordway et Karl Kesel
  • Torchwood, série TV de Russell T. Davies
  • Les Simpson, série TV de Matt Groening
  • « Le Parrain », trilogie de films de Francis Ford Coppola adaptés des romans de Mario Puzo

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2024-06-17T05:20:14+02:00lundi 3 juin 2024|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s08e18 – L’immunité scénaristique

Vous écrivez dans des apps en ligne à vos risques et périls

Un peu plus tôt cette année, une autrice a relaté une mésaventure assez glacante : ses livres en cours d’écriture et de bêta-lecture avaient été signalés comme « inappropriés » par Google Docs, la rendant incapable de partager ses documents dans son cercle.

Au risque de rabâcher, vos créations figurent parmi les choses les plus précieuses de votre existence. Elles sont beaucoup trop importantes pour être confiées à un service en ligne, en tout cas qui ne soient pas chiffré de bout en bout. K. Renee écrit de la romance épicée, déclenchant probablement la méfiance du robot, qui ignore la destination des publics, la nuance, la différence entre fiction et réalité. Je reçois toujours de loin en loin des proposition de test d’application d’écriture, mais si la chose est en ligne, c’est une disqualification directe.

Je veux pouvoir écrire ce que je veux, avec les maladresses, biais, bêtises, errances, érotismes, et même potentiellement déviances qui président à la recherche artistique sans craindre un regard sur l’épaule. (Je veux pouvoir écrire hors ligne, aussi.) L’écriture n’est pas un art de représentation : la phase de correction vient juger et parfaire ce qui doit l’être après coup, après que les erreurs ont été commises. Et tout cela se fait en local, ou chiffré dans le cas d’une synchro via le cloud ; ne pas le faire, comme le montre la mésaventure de K. Renee, pose un risque certes faible, mais toujours présent – et désastreux s’il se déclenche.

Car, comme le dit l’adage : le cloud n’existe pas. C’est juste l’ordinateur de quelqu’un d’autre.

2024-05-28T16:38:23+02:00mardi 28 mai 2024|Best Of, Technique d'écriture|1 Commentaire

Procrastination podcast s08e17 – Du jeu de rôle à l’écriture (et inversement)

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s08e17 – Du jeu de rôle à l’écriture (et inversement)« .

Le jeu de rôle et l’écriture romanesque sont proches voisins, et ceux et celles qui pratiquent l’un viennent souvent à l’autre ! En quoi les deux activités se nourrissent-elles, mais aussi, quelles sont les différences de pratique à conserver en mémoire ?
Mélanie n’est pas rôliste, mais elle connaît et situe l’activité et son poids dans l’imaginaire, alors que pour Estelle, c’était sa première école d’écriture ; elle en propose les forces majeures pour le romanesque, en particulier la connaissance d’univers et la plasticité intellectuelle. Lionel liste davantage de différences (notamment la visée ludique du jeu n’est pas celle de la fiction), mais rappelle que l’esprit de cocréation peut être vu comme identique dans les deux activités.

Références citées

  • Fabrice Colin
  • Jean-Philippe Jaworski
  • Mathieu Gaborit
  • Laurent Genefort
  • trpuver le podcast (Altaride?) ou on était interview
  • World of Warcraft
  • Laurent Kloetzer
  • L’Œil noir, jeu de rôle créé par Ulrich Kiesow
  • JRTM (Le jeu de rôle des Terres du Milieu), crée par Coleman Charlton
  • Son lointain successeur, L’Anneau Unique, créé par Francesco Nepitello et Marco Maggi
  • Rolemaster, jeu de rôle créé par Peter Fenlon, Kurt Fischer et Coleman Charlton
  • JRFR (Le jeu de rôle de Fontenay-aux-Roses)

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2024-06-06T03:50:25+02:00mercredi 15 mai 2024|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s08e17 – Du jeu de rôle à l’écriture (et inversement)

La combinatoire des « Intelligences Artificielles » et la création artistique humaine n’ont rien à voir (et il faut arrêter avec ça)

Les grands modèles de langage (LLMs), appelés communément Intelligences Artificielles, véhiculent évidemment un certain nombre de fantasmes (récemment, dans la série de télé-réalité The Circle, l’un des « candidats » était en fait une IA – et je trouve vertigineux d’être seulement en train d’écrire cette phrase tranquillou bilou), mais aussi de notions qu’on va poliment appeler des conneries, véhiculées par des techbros et reprises aveuglément par des nigauds, que désamorcer prendra(it) plusieurs articles, et si j’ai le courage j’irai, mais pour l’instant, aujourd’hui :

Cette idée répandue que, au bout du compte, la création artistique humaine n’aurait rien de spécial, car l’inspiration venue des œuvres rencontrées au cours de la vie et les entrants d’un modèle de langage sont finalement de même nature : la recombinatoire.

Fucking bullshit.

D’abord, un rappel extrêmement rapide de la manière dont fonctionne un LLM : après avoir été nourri d’une colossale quantité de textes, le modèle apprend statistiquement à enchaîner les mots selon des probabilités correspondant à ce qu’il a vu dans son dataset. Par exemple, après un sujet tend à venir un verbe, puis tend à venir un complément (je schématise). La question qu’on pose au modèle, plus le contexte éventuel qu’on lui donne (le prompt) va pondérer le modèle de manière à orienter sa réponse de façon cohérente avec la demande de l’utilisateur·ice. Il ne s’agit pas d’écrire quelque chose de vrai, mais quelque chose qui soit statistiquement vraisemblable dans le contexte donné (d’où les hallucinations et inventions).

De façon fondamentale, il fait de la combinatoire à partir de ce qu’il a reçu, un peu à la manière de « La bibliothèque de Babel » de Borges. Il ne peut rien sortir qu’il ne lui ait été entré.

De ce fonctionnement, les techbros assènent qu’au final, la création artistique est identique : un humain reçoit un certain nombre d’inspirations dans sa vie, il est exposé à des œuvres, et recompose la sienne à partir de ce qui est venu avant lui. C’est la vieille idée (tout aussi fallacieuse, tout cas dans son application étroite, mais un seul combat à la fois) que « tout est remix ». Donc, la création humaine n’a rien d’original, les LLMs feront aussi bien, et l’activité créatrice en soi n’est pas originale non plus. (Venez greffer par-dessus le discours ahurissant que les créateur·ices sont des « privilégiés » et vous avez le tableau complet de la bêtise technique tonneau 2024.)

Again, fucking bullshit, et voici pourquoi.

Les gens ne recrachent pas, ni ne recombinent les entrants, ils les métabolisent. Ils les évaluent en permanence et les digèrent à l’aune de leur propre vie, et c’est ce regard qui préside à la composition d’une création. Et c’est ça qui compte. Même si l’on prend l’approche la plus réductionniste du cerveau et de l’existence (un point de vue bien triste, mais admettons ici), en postulant que nous fonctionnons exactement comme des LLMs (notre vision se construit strictement sur des entrants, sans réflexion intrinsèque, ce qui est sans aucun doute faux), nous avons une vie entière où puiser. Les LLM n’ont rien de cela. Nous vivons constamment des expériences, à chaque instant, qui nous nourrissent consciemment et inconsciemment, qui interagissent avec nos ambitions, rêves, peines et traumas – avec notre chair même –, ce qui alimente notre point de vue et, au final, se retrouve injecté dans notre travail, en partie à notre insu, d’ailleurs – et diffracté, en outre, par le prisme d’un autre personnage dans le cas de la fiction.

Tout ça, ça s’appelle bêtement vivre.

Parce que, ce qui compte dans une œuvre, ce n’est pas l’idée, c’est l’exécution. Prenez l’intrigue la plus vieille du monde – « le garçon rencontre la fille, la fille meurt » – et vous faites Tristan et Yseult jusqu’à West Side Story ainsi que les variations inverses comme Titanic. Personne n’achète une idée. Les idées, tout le monde s’en fout. C’est l’exécution sincère et personnelle d’une idée qui compose une œuvre. Et elle est nécessairement unique car elle s’enracine dans la personnalité du créateur·ice1, et donc elle est nécessairement originale.

Comme on dit dans l’écriture : « peut-être que tout a déjà été écrit, mais pas par toi. » Dans la création, c’est la réelle chose qui compte. C’est cette personnalité du regard qui va toucher le public. Malgré les aspects fondamentaux communs de l’expérience humaine, personne n’a la même vie, personne n’a le même regard. (On en parle tout le temps dans Procrastination.)

Plus un film est japonais, plus il est universel.

Akira Kurosawa

Par contraste, les LLMs ne peuvent recomposer que ce qu’on leur donne, sans recul, sans introspection, sans expérience – sans cœur.

Donc, réveillez-moi quand on leur filera un corps faillible et qu’il traverseront deuils, ruptures, vieillissement, euphories, extases, plaisirs à l’échelle d’une existence entière, et que cela informe leur vision2. Mais dans l’intervalle, ça n’a bon dieu de rien à voir et faut arrêter avec ces conneries.

Bref. Si l’aspect technique vous intéresse, je pose au passage cette vidéo de Bertrand Serlet (ancien VP d’Apple), assez ardue mais qui entre dans le détail technique du fonctionnement des LLMs, et qui montre la fondamentale différence avec l’expérience humaine.

  1. Soit dit en passant, c’est l’un des piliers philosophiques du droit d’auteur à l’Européenne, qui remonte à Kant et sa théorie de la personnalité.
  2. Soit, au rythme où vont les choses, quelque part comme le 25 septembre prochain, j’imagine.
2024-04-26T18:08:28+02:00lundi 6 mai 2024|Best Of, Humeurs aqueuses, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La combinatoire des « Intelligences Artificielles » et la création artistique humaine n’ont rien à voir (et il faut arrêter avec ça)

Procrastination podcast s08e16 – Écrire quand on est neurodivergent

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Binary contents unsupported.

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s08e16 – Écrire quand on est neurodivergent« .

Épisode intime cette quinzaine, sur proposition du poditoire : Mélanie (sur le spectre de l’autisme) et Lionel (trouble obsessionnel-compulsif) livrent ce que c’est d’être auteur·ice neurodivergents. Comment l’aborder, le gérer, et surtout, quels superpouvoirs cela donne pour créer ! (Bien évidemment, leurs histoires sont personnelles, et ne sont pas à prendre comme des généralités.)
Mélanie livre qu’elle découvre encore beaucoup d’aspects de sa création qu’elle peut relier à des traits autistiques ; et combien le diagnostic a été précieux pour comprendre son approche et l’accepter sereinement vis-à-vis du monde.
Lionel, à l’inverse, n’est jamais aussi tranquille que lorsqu’il peut passer inaperçu en la matière… Comme les impératifs de la création sont les mêmes pour tout le monde, et il faut apprendre à se connaître et se gérer.
Les deux s’accordent sur l’originalité du regard que donne la neurodivergence, et la personnalité qui peut apparaître dans les œuvres, ce qui est un superpouvoir !

Références citées

  • Bienvenue à Gattaca, film d’Andrew Niccol
  • Tim Burton
  • Helena Bonham Carter
  • Edward aux mains d’argent, film de Tim Burton

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2024-05-16T10:15:05+02:00mercredi 1 mai 2024|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s08e16 – Écrire quand on est neurodivergent

De l’usage des tirets d’incise comme marque de rythme

Tout récemment reçu ceci, ce qui fait extrêmement plaisir, pas seulement pour les bouquins mais parce que quelqu’un s’en est rendu compte, et aime :

En lisant Port d’âmes (que j’ai adoré!) et Comment écrire de la fiction (un vrai phare dans la purée de pois de l’écriture de mon roman) j’ai remarqué que tu utilises régulièrement des tirets en fin de phrase – un peu comme pour préciser la pensée mais sans faire une autre phrase. C’est la première fois que je remarque cette façon de procéder et elle me plaît beaucoup. Seulement, j’ai quelque difficulté à tirer de mes observations une règle claire d’utilisation (même si j’imagine qu’il n’existe pas de règle précise à ce sujet).

A l’occasion d’un article de blog, pourrais-tu expliquer comment tu procèdes? Comment fais-tu le choix de mettre, ou pas, des tirets en fin de phrase? D’où tires-tu cet usage?

Absolument. (Au cas où, pour voir ce dont il est question, voici un petit bout de Port d’Âmes).

Effectivement, il ne me semble pas que ce soit tellement courant en français. Pour ma part, très clairement : j’ai piqué ça à l’anglais, où c’est très répandu. En anglais, l’usage du point-virgule en narration est un petit peu plus rare qu’en français ; on tend à employer à la place un tiret, ce qui déborde sur un effet plus vaste de coupure. Ce genre de truc est ultra fréquent :

He turned around – and there she was.

Or, en français, on utilise le tiret principalement pour l’incise. Juste au-dessus du passage précédent, on trouve ça :

Qui est là l’usage « strict » du tiret d’incise en français, fonctionnant par paires, un peu comme des parenthèses, et formant une proposition isolée du reste du texte1.

Sauf que ça se complique. En français, le deuxième tiret d’incise est omis s’il se trouve en fin de phrase ou de proposition ; pour être clair, on l’omet s’il est suivi d’un point-virgule, point d’exclamation ou d’interrogation. En toute rigueur (et nonobstant les erreurs typographiques que ça représente), les extraits précédents pourraient s’écrire de la sorte :

On ne venait pas à la Cité franche sans raison – fût-ce seulement le souhait de se perdre –.

Une femme seule – en fuite, peut-être ? –.

C’est absolument faux mais vous voyez l’idée. La phrase se termine-t-elle parce que le second tiret est absorbé par le point ? Ou bien s’agit-il d’une rupture à l’anglaise ?

Aha. Qui sait ? Ce n’est pas à moi de vous le dire. Et c’est une grande partie du truc.

Je joue volontairement sur un mélange entre les conventions des deux langues dans mon propre travail. En français, le tiret marque conventionnellement une rupture forte – presque davantage que le point-virgule. (See ? I did it again.) Mais en l’employant avec la libéralité de l’anglais, je m’arroge un marqueur de rythme supplémentaire et différent ; l’effet d’un changement soudain de direction, et pourtant dans la continuité de ce qui précède (le tiret d’incise marque à la fois une précision et une coupure puisqu’on insère autre chose dans le flux linéaire de la phrase). Je m’offre littéralement un signe typographique supplémentaire aux règles relativement floues (puisque partiellement importées d’ailleurs), m’octroyant donc de la liberté, qui peut tantôt marquer une coupure sémantique plus nette que le point-virgule, une rupture pour un effet de théâtre – et bim ! –, tantôt au contraire une précision finalement douce dans le flux du texte – un peu comme ici en revanche.

Ça a en plus un intérêt fondamental dans ce métier : l’effet repose partiellement sur l’interprétation du lecteur·ice, ce qui le pousse à l’investir et donc à s’approprier / habite le récit. Ce qui est le cœur de toute narration.

Et surtout, et c’est ma raison première d’en faire usage, cela crée une illusion de superposition, de recoupement. Je cause dans Comment écrire de la fiction ? du problème que représente le tesseract de la fiction (en deux mots, la littérature est une forme strictement linéaire – on lit toujours phrase à phrase – alors que le théâtre de la fiction est multidimensionnel – sensorium, action – et une des grandes difficultés de notre art consiste à « compresser » cette multidimensionnalité dans la linéarité du langage). Le tiret me permet une « tricherie » – une illusion, certes, mais on en retire l’impression d’une bousculade, que les parties de la phrase se superposent en partie parce que le tiret induit en principe une retenue pour une respiration.

Reprenez l’exemple anglais :

He turned around – and there she was.

Il se retourne, avec une intention initiale – quand soudain, tiret ! Changement. Préparation subtile d’une microseconde, retenue du souffle, on sait qu’autre chose se prépare mais pas encore quoi ; le personnage le sent peut-être déjà intuitivement, du coin du regard, mais pas encore, et d’un coup – il la voit. (Remarquez comme je l’ai refait ici, en plus étalé.) Surprise, glissement, mais le souffle peut reprendre ; cet espace génère (à ma sensibilité en tout cas) une superposition mentale des deux parties de la phrase et contribue énormément à déployer la multidimensionnalité du théâtre mental de la littérature.

Un peu cet effet-là si on essayait de se la jouer Maison des feuilles.

En tout cas, c’est mon ressenti, alors c’est ce que je fais.

Y a-t-il des règles ? Pas vraiment que je sache. À partir du moment où l’on fait bien la part des choses entre le véritable tiret d’incise français et cette espèce de tiret de rythme, auquel cas pour ma part j’importe les règles de l’anglais, où cela se comporte plus ou moins comme un gros point-virgule2. Je plaisante souvent en disant que les auteur·ices ne font pas de faute de français, ils font progresser la langue ; le premier qui refuse qu’on s’octroie d’être un peu créatif avec la typo d’une manière non-intrusive pour se donner un outil supplémentaire puissant et évocateur, je l’assomme avec l’intégrale de Danielewski.

Et il est donc très important de préciser qu’on est d’accord que je ne prétends pas avoir inventé ça, ni avoir été le premier à l’importer ainsi. On trouve des citations qui en font usage partout dans la littérature française. Mais je trouve intéressant qu’une brève recherche ne fasse pas du tout apparaître cet usage dans les sites grand public du français en France, alors qu’il est cité systématiquement dans tous les sites québécois (lequel est au contact quotidien de l’anglais), y compris les moins techniques. (Voici par exemple ici, et .) (Faudrait que je fouille dans mon Grévisse, mais il est actuellement dans un carton à 17000 km.)

Il faudrait enfin parler du tiret de fin de phrase ou de paragraphe, qui représente clairement un emprunt visuel à une typographie très moderne, dans le but de marquer une rupture immédiate, une destruction de phrase pour marquer la surprise, l’ébahissement ou l’horreur – quand le point d’exclamation ne suffit pas, parce qu’il permet de terminer la pensée ! Alors que là… ça monte… que va-t-il se passer ? Et, d’un coup – 

Je repose mon cas.

  1. Et d’ailleurs, dans le premier extrait, a-t-on affaire à deux phrases interrompues ou à une seule grosse incise ? À vous de voir.
  2. Sachant que la typographie anglaise n’impose pas d’espace avant les signes doubles au contraire du français – words flow like this; as, they do, here –, je me demande si cet usage du tiret n’a pas émergé d’un besoin de marquer une coupure visuelle plus nette par rapport à la virgule, alors qu’en français, l’espace insécable marque plus clairement la différence ; on le constate juste ici.
2024-04-20T10:08:12+02:00mercredi 24 avril 2024|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Ce qu’on fera pendant l’atelier « Techniques avancées de création de mondes imaginaires »

Les toutes dernières places restent à prendre pour l’atelier qui se déroulera en présence à Paris ou à distance s’évaporent rapidement ; pour vous hyper un brin, voici un petit mot avec Axel des Mots (il en a donc davantage) concernant la sauce à laquelle tout le monde sera mangé pendant ce stage intensif.

2024-04-20T09:59:22+02:00lundi 22 avril 2024|Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Ce qu’on fera pendant l’atelier « Techniques avancées de création de mondes imaginaires »

La création se nourrit aussi de silence

Réflexion aléatoire parce qu’on en a parlé lors de la table ronde à Sirennes sur « Vivre de son écriture », ainsi, un peu plus avant, dans l’épisode de Procrastination sur le burn-out – à de très rares exceptions de constitution près, le cerveau se nourrit d’activité mais aussi de repos. Notre société ultra productiviste qui pousse à voir les êtres humains comme des machines – et donc à considérer la créativité comme un processus industrialisable – y laisse peu de place, mais : créer se nourrit de temps, d’attention, de mûrissement et de vagabondage.

Cela n’exclut pas l’application de la discipline, de prendre soin de toucher son manuscrit tous les jours, de s’efforcer de raffiner son approche pour créer plus facilement. Si l’on n’investit pas le temps qualifié en anglais de BICHOK – butt in chair, hands on keyboard (le cul sur la chaise, les mains sur le clavier), il ne se passe rien, et c’est là que bloquent 95% des aspirateurs écrivain·es. Mais il y a une raison pour laquelle le slogan de Getting Things Done est « la productivité sans stress » : s’organiser réduit le stress, ce qui permet de travailler plus facilement donc de façon plus productive, mais c’est une conséquence et non le but. Le but devrait toujours être un art de vivre qui permet de se rapprocher toujours davantage de ses vœux – en l’occurrence, écrire des récits dont l’on est content et avec le moins de difficulté possible. Produire des pages à la chaîne est très impressionnant, mais, si on y arrive, c’est une conséquence d’un épanouissement dont, je crois, la source est ailleurs (comme la vérité).

Le processus de création de la bande originale de Psycho Starship Rampage a été l’un des plus doux que j’aie connus, parce qu’un jeu vidéo, ça prend des années à se faire, alors qu’une production sonore, beaucoup moins. J’ai pu accompagner de loin en loin le développement et fournir des sons par étapes successives, permettant d’alterner les phases d’incubation / réflexion / fredonnements ridicules dans l’enregistreur de mon téléphone et de production concentrée devant Ableton. Quand j’ouvrais l’application, je savais parfaitement ce que j’allais faire, comment, ce qui m’a permis d’être comparativement très rapide dans l’exécution, mais cette vitesse n’a aucun sens : elle existait justement parce que, de loin en loin, j’avais réfléchi des semaines.

Il y a un moment où l’on a besoin de laisser reposer, et un moment où l’on a besoin de mettre un coup de collier et de s’autocoudepiéaucuter. On met souvent l’accent sur le second car il est, évidemment, plus difficile. L’action est infiniment (au sens très strictement mathématique) plus difficile que l’inaction. Mais l’inaction a sa valeur, au même titre que l’on insiste sur show, don’t tell, mais le tell a aussi sa valeur. Il est juste beaucoup plus facile, donc on met constamment l’accent sur le show.

Comment décider au moment où l’on passe de l’un à l’autre ? Ma foi, vous êtes de grandes personnes ; au final, celui ou celle qui crée, c’est vous ; celui ou celle qui sait ce dont il ou elle a besoin, c’est vous. Une part de la maturité de la création consiste à reconnaître le mode dont on a besoin à un moment donné. Et le professionnalisme à s’astreindre à observer celui que les obligations du moment dictent alors qu’on pencherait vers l’autre.

Tant que cela ne devient justement pas une habitude.

2024-04-14T15:50:14+02:00mercredi 17 avril 2024|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La création se nourrit aussi de silence

Procrastination podcast s08e15 – Le travail éditorial des manuscrits chez les éditions Critic, avec Éric Marcelin

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s08e15 – Le travail éditorial des manuscrits chez les éditions Critic, avec Éric Marcelin« .

Suite de cette conversation au long cours qui accompagnera toute la saison 8 de Procrastination avec Éric Marcelin, directeur de Critic, à la fois librairie indépendante implantée à Rennes depuis plus de vingt ans et maison d’édition d’imaginaire qui compte dans le paysage français, avec au catalogue Christian Léourier, Laurent Genefort, Lou Jan, Romain Benassaya, Marine Sivan et bien d’autres. Avec cette double casquette et l’expérience des années, Éric a un regard précieux et riche d’enseignements. Suite des échanges sur le versant éditorial dans ce troisième épisode : Éric explique en détail comment se déroule le retravail des manuscrits chez Critic, le but visé, le processus, et propose quelques conseils pour réussir au mieux la soumission de son projet. Il aborde ensuite l’évolution du marché de l’imaginaire en France et ses vœux pour l’avenir.
Retrouvez la librairie et les éditions Critic en ligne et sur les réseaux :

  • https://www.librairie-critic.fr et https://editions.critic.fr
  • https://twitter.com/_CRITIC
  • https://www.facebook.com/librairie.CRITIC et https://www.facebook.com/editionscritic
  • https://www.instagram.com/librairiecritic/ et https://www.instagram.com/editionscritic/

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2024-05-03T20:25:24+02:00lundi 15 avril 2024|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s08e15 – Le travail éditorial des manuscrits chez les éditions Critic, avec Éric Marcelin

Vous ne verrez jamais les scènes coupées

Excellente question qui revient de loin en loin, et récemment à l’annonce que j’ai tronçonné sauvagement l’équivalent en longueur de La Volonté du Dragon dans le manuscrit de La Succession des Âges : est-ce qu’on verra un jour les scènes coupées en mode bonus ?

Eh bien : mes excuses, mais non.

Deux raisons à cela : déjà, je ne coupe en réalité quasiment jamais de scènes à proprement parler, je remanie, je réécris, je condense, je réorganise, ce qui conduit parfois à dégraisser la moitié du matériel, mais les réelles coupes franches sont devenues très rares. Je n’ai pas de scènes supprimées, donc, à montrer… Il m’arrive en revanche de les réécrire de zéro quand je suis totalement passé à côté de leur angle (c’est justement le cas en ce moment où la v1 de la scène sur laquelle je travaille semblait tout droit sortie de Kaamelott – après un long moment très lourd dans l’histoire, je crois que j’avais besoin de légèreté, mais c’est totalement hors propos dans « Les Dieux sauvages »…), mais la fonction dans l’histoire reste. Je dois juste entièrement réécrire avec une mise en scène, un discours, une couleur différentes.

Ensuite, si ça a dégagé, c’est qu’il y a une raison. C’est que ça n’avait pas d’intérêt pour l’histoire, et, au final, c’est cela que je vise. On attribue à Bismarck que, pour continuer à respecter la loi et les saucisses, il ne faut pas voir comment on les fabrique ; je crois qu’on peut dire la même chose des romans… Si c’était pertinent, ça serait resté dans le bouquin. Comme ça ne l’est pas, je ne crois pas que ça le soit davantage en-dehors, et je trouve l’exercice, pour tout dire, un peu vain.

La seule exception que je ferais à cette règle serait pédagogique. Il pourrait y avoir de la valeur à montrer d’où l’on part et où l’on arrive, en étudiant presque phrase par phrase le raisonnement et les choix conduisant au résultat.

Mais en-dehors de ça, donc, je crains de devoir garder pour moi la scène à la Kaamelott des fromages bénis de Korig le fermier.

2024-04-07T20:09:03+02:00lundi 8 avril 2024|Journal, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Vous ne verrez jamais les scènes coupées
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