La photo de la semaine : esprits étranges
Pour répondre à la demande de Seb en commentaires la semaine dernière : l’île de Staffa en Écosse, dans les Hébrides, célèbre pour ses orgues basaltiques (avec deux cormorans en vigie).
Pour répondre à la demande de Seb en commentaires la semaine dernière : l’île de Staffa en Écosse, dans les Hébrides, célèbre pour ses orgues basaltiques (avec deux cormorans en vigie).
Le colloque “Au-delà des frontières”, qui s’est tenu à Bordeaux du 15 au 17 octobre 2014, explore l’hybridation, des genres et des thèmes dans les littératures de l’imaginaire. La fantasy et la science fiction, le policier et le fantastique, le cinéma et les séries télévisées, la bande dessinée et les jeux de rôles proposent un renouvellement infini des formes artistiques.
La table ronde n°4 rassemblait François Coupry, Jérôme Brand Larré, Jérôme Queyssi et LD pour un débat sur le thème « Pourquoi les auteurs sont-ils attirés par la création d’univers hybrides ? » modéré par Natacha Vas-Deyres. Il est visionnable dans son intégralité ici, sur le site de l’université.
Voilà donc, tandis que je sors peu à peu du placard concernant le versant musique électronique de mes activités (avec notamment la bande-originale et le sound design du jeu Psycho Starship Rampage, projet qui avance bien et sur lequel je devrais bientôt pouvoir en dévoiler davantage), je tente quelques expériences. Je n’ai jamais trop eu la culture remix, car, en toute honnêteté, cela m’échappe toujours un peu : loin de moi l’idée de minimiser l’aspect collaboration et expérience – mais, en-dehors de ces bénéfices précis, pourquoi ne pas produire plutôt, la plupart du temps, quelque chose d’original et de personnel ?
Néanmoins, j’ai toujours envie de comprendre, alors, quand un concours basé sur un des artistes les plus intéressants en électro à l’heure actuelle à mon sens – deadmau5 – s’est présenté, je me suis dit que c’était justement l’occasion d’apprendre deux ou trois trucs et de finir, pour une fois, une vraie tentative au lieu de la laisser en plan comme toutes les précédentes. Si cela t’intéresse et pour changer un peu d’univers, auguste lectorat, tu trouveras l’original à remixer ici, et mon humble tentative là.
Honnêtement, c’est surtout pour le partage plutôt que pour l’ambition, et je ne t’appelle certainement pas au vote, auguste lectorat (sauf si tu en as envie et que tu as un compte Beatport, deux probabilités qui me semblent de toute façon assez faibles) car je ne considère pas cela totalement abouti ; je n’ai pas eu le temps de finaliser proprement le master (et je ne pouvais pas passer toute la semaine dessus). L’expérience a quand même été instructive :
Mais toute leçon n’est jamais perdue, eh ? Alors, c’est une bonne expérience.
Pour mémoire : l’original à remixer / mon humble tentative.
C’est une question qui revient souvent, et qui paraît simple en apparence, mais à laquelle on trouve soit des réponses très vagues (« mets-toi à écrire, travaille, fais des efforts, mange macrobiotique ») soit très commerciales (« facile ! achète mes cours par correspondance qui feront de toi un auteur de best-seller, seulement 99,99 € ! »). Il faudrait donc tenter de taper entre les deux :
Saurais-tu me conseiller des formations sur l’écriture ? Globalement j’ai des idées, je connais un peu mes points forts et faibles, mais je n’arrive pas à structurer mon projet, peut-être parce que je ne me suis pas encore posé les bonnes questions. Ou un bouquin ?
Si je prends la liberté de reformuler : je débute (ou presque), je veux écrire (commencer / finir mon projet), je prends le problème par quel bout ?
Il s’agira donc ici, pour les grands débutants, de proposer quelques éléments de base, de toutes premières pistes pour pousser au-delà de la simple écriture « pour le tiroir ».
Dès lors qu’on veut écrire pour d’autres que soi, on cherche à être compris. Dès lors que l’on cherche à être compris, on cherche à communiquer des intentions (narratives). Dès lors que l’on cherche à communiquer des intentions, il convient de connaître le langage dans lequel on s’exprime. En littérature, ce n’est pas seulement l’orthographe et la grammaire, ce sont aussi, beaucoup, les codes de la narration (qui ne sont en rien des règles, mais permettent de comprendre les attentes d’un lecteur et donc de maîtriser son récit).
Tout art est un équilibre entre :
La techique se développe, se travaille, s’apprend, potentiellement avec un tiers (cours / atelier / livre / relecteurs / etc.). Cela s’enseigne aussi relativement bien.
Les tripes viennent avec le travail, la maturité, l’affinement du regard. En un sens, elles se « travaillent », mais ne se travaillent qu’à force d’écrire, de se casser les dents, d’apprendre de ses erreurs : c’est un mûrissement individuel.
La technique peut éventuellement atteindre un degré où l’on n’apprend plus grand-chose (comme un musicien virtuose finit par jouer sans trop de difficultés une grande partie du répertoire et plafonne s’il n’essaie pas de pousser plus loin). Les tripes s’apprennent pendant une vie entière et relèvent du parcours de chacun.
Travailler la technique donne de la structure, de l’unité aux tripes, et aide à affiner davantage leur expression.
Qu’est-ce qu’on apprend, en gros, dans la technique ? Liste non exhaustive :
Mais le plus important consiste à apprendre à se connaître soi-même pour employer les outils qui correspondent au mieux à sa façon de fonctionner.
Il y a assez peu, en France, de ressources orientées sur l’approche pratique de l’écriture (même si cela évolue lentement), notamment dans la technique narrative. C’est un discours encore très anglo-américain, où les ressources sont légion : la moindre recherche Google livrera trois kilos de sites plus ou moins bien fichus. Être anglophone donne donc, clairement, un atout sur ce plan : l’approche est bien plus « mécaniste » qu’en France. (Une approche à consommer toutefois avec modération.)
Cependant, on commence à avoir pas mal de choses en français d’intérêt. Je vais forcément citer mes propres articles sur l’écriture, qui visent justement ce but (il faut bien que ça serve !) + les présentations des ateliers et masterclasses réalisés par Jean-Claude Dunyach et moi-même dans le cadre des Imaginales, téléchargeables ici. Cela fait déjà pas mal de matériel, qui donnera quantité d’autres pistes pour aller plus loin.
Question livres francophones, la porte d’entrée incontournable me semble être Comment écrire des histoires d’Élisabeth Vonarburg (chroniqué ici). On pourra enchaîner un peu plus tard avec Mes Secrets d’écrivain d’Elisabeth George (chroniqué ici).
Point de vue anglophone, le pendant du Vonarburg me semble être The Art of Fiction de John Gardner (non traduit), chroniqué ici. Le podcast Writing Excuses est un must (parmi les intervenants réguliers, on trouve Brandon Sanderson, devenu un des plus grands noms de la fantasy US).
Et ensuite ? La première règle de Robert Heinlein est : tu dois écrire. Il faut s’y mettre – s’exercer, se faire lire, recueillir des commentaires, apprendre à se relire, et puis recommencer.
On voit apparaître timidement des masters d’« écriture créative » (suscitant la controverse) alors que c’est très accepté outre-Atlantique. Difficile d’en recommander, vu que je ne les connais pas, mais l’apprentissage de la technique dans un cadre universitaire ne me semble pas aberrant.
Beaucoup plus courant en France : les ateliers d’écriture (virtuels, par forum par exemple, ou en personne). Se répartissent grosso modo en deux grandes catégories :
La qualité d’un atelier d’écriture est directement liée à la bonne volonté des participants, et, dans le cas d’un atelier encadré, à celle de son responsable. Un atelier peut constituer une expérience vraiment enrichissante et instructive comme un gâchis de temps et d’argent. Prudence, donc, en particulier si le responsable de votre atelier encadré fait payer ses séances 250 € par personne et qu’il n’a jamais publié que deux livres à compte d’auteur en 1982.
Ce tour d’horizon très sommaire n’a pour vocation que d’aider au tout premier pas ; d’ailleurs, auguste lectorat, n’hésite pas à citer en commentaires tes ressources favorites pour aider les débutants. Le plus important (que je martèle en atelier d’écriture), c’est qu’apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître. Pour savoir :
Tout apprentissage doit passer par ces deux filtres, car il n’y a pas de vérité universelle en art. C’est bien pour ça qu’on continue à en faire après plusieurs millénaires.
En Corée du Sud, sur l’île de Jeju, rivières et cascades se répondent dans des paysages tirés de cartes postales fidèles à l’image qu’on se fait parfois de l’Asie.
Toujours en mouvement est l’avenir, et toujours en mouvement est un site web : les chroniques des livres tombent toujours régulièrement (merci encore à vous, chroniqueurs, critiques, blogueurs, pour votre suivi fidèle et votre enthousiasme !) et je tiens à les relayer ; le problème (que je vois sur les statistiques de la newsletter, notamment), c’est que ça peut vite virer à l’ego-spam (« regarde comme je suis trop fort, deux fois par semaine : maintenant achète mes livres, gros naze »), ce qui est un tout petit peu aux antipodes de l’atmosphère souhaitée et de mes intentions.
Changement donc de régime (si j’ai correctement injecté la faille XSS dans la clé primaire de la jonction SQL du noyau Windows Media) :
Mieux, moins bien ? Tu t’en balances, auguste lectorat ? Dis-moi tout en commentaires (et le premier qui poste « tout » sera fusillé d’un regard noir doublé d’un discret pouffement).
Ah, et sinon, le moment est peut-être bien choisi pour dire que j’envisage tout doucement une version 6 de cette plate-forme, notamment avec un meilleur support des mobiles et (tadam !) une boutique centralisée pour commander les livres chez ceux qui les vendent, notamment en numérique (car… du numérique va commencer à arriver en 2015) – et peut-être bien d’autres trucs (j’ai quelques idées qui me semblent intéressantes car utiles et un peu différentes de ce qu’on voit d’habitude). Dans l’ensemble, toutefois, cette version 5 ayant, me semble-t-il, fait ses preuves, la refonte sera moins drastique que pour les versions précédentes et l’organisation restera globalement la même. (Pour mesurer le chemin parcouru, j’ai gardé des captures d’écran des vieilles versions du site, notamment de la première de 2007, et OMG que c’était moche à l’époque.)
Reçu aujourd’hui le dernier DVD de Therion – édition limitée, disponible seulement par commande dans les concerts, blah, blah, peu importe, le véritable objet de frime est ailleurs :
La musique de Therion ayant grandement accompagné l’écriture de Léviathan, il n’est finalement que justice que le DVD soit adressé à sa plus mystérieuse figure – je ne suis que le messager.
Depuis le temps que je propose des articles sur la technique d’écriture, il serait quand même temps de parler convenablement dudit « Vonarburg » – Comment écrire des histoires, guide de l’explorateur – un incontournable (et un des rares) sur le sujet qu’on trouve en langue française. Autrefois difficile à commander, il est à présent ressorti dans une édition remaniée et définitive chez Alire ; l’article ici présent a été réalisé sur la version d’origine parue au Griffon d’Argile, mais vu qu’il n’y a, déjà, presque que du bien à en dire, on ne peut que supposer cette nouvelle édition encore supérieure.
Si ce livre est un incontournable, c’est qu’il fait partie des meilleurs en qualité, en accessibilité et en utilité, que ce soit en langue anglaise ou française. Il fournit dans une langue claire, mais sans sacrifier la profondeur, des éléments fondamentaux mais capitaux à la rédaction d’une oeuvre de fiction, mêlant principes généraux et avertissements pratiques quant aux pièges les plus courants. Rarement on trouve aussi bien exprimé le contrat liant l’auteur au lecteur : « mens-moi, mais fais ça bien » est devenu une formule répandue dans les ateliers d’écriture.
L’ouvrage s’organise en trois parties :
Les structures narratives posent des principes fondateurs quant à la narration, rappelant des notions élémentaires mais indispensables comme le point de vue ou l’usage des temps. Il faut remarquer que tout auteur se doit de connaître et de maîtriser parfaitement toutes les notions de ce chapitre jusqu’à ce qu’elles deviennent une seconde nature : il s’agit d’outils de base, mais aussi terriblement puissants quand on les domine. J’avancerais même que manquer à les maîtriser, c’est s’exposer à un refus quasiment assuré de son manuscrit. Très pédagogique et regorgeant d’exemples, le discours est à la fois lumineux et amusant.
L’entracte ou menu ludique est probablement la partie qui servira le moins à l’auteur en quête d’apprentissage. Un éventail de jeux littéraires (on y trouve cadavre exquis, anagrammes, jeux sur les homphones…) vise entre autres à dédramatiser le rapport à l’écrit, à lancer la créativité, à lui faire emprunter des chemins de traverse. On sort ici de la technique narrative pour aborder plutôt le domaine des exercices d’atelier ou de découverte.
Enfin, les problèmes narratifs traitent les obstacles, questionnements ou pièges les plus souvent rencontrés, mais dépassent aussi le simple catalogue pour aborder tout un éventail de principes importants, en particulier dans la présentation de l’univers (une difficulté particulière de l’imaginaire) et la gestion des personnages.
L’annexe propose une plongée rare dans la genèse d’une nouvelle rédigée par l’auteur elle-même : avec le texte achevé, on dispose des notes ayant conduit à sa création, ce qui est un document instructif et précieux.
Si l’on peut arguer que ce Guide de l’explorateur se destine probablement plus au débutant ou à l’auteur faisant ses premières armes, il pourra néanmoins être lu avec profit par tous, quelle que soit son expérience. L’ouvrage explicite en effet de façon claire et poussée un certain nombre de notions, permettant de les dépoussiérer voire de les cadrer (si ce n’est pas encore fait) avec rigueur. La partie sur les problèmes narratifs permet de (re)visiter des obstacles connus (ou qu’on découvrira) avec une nouvelle approche, et d’alimenter la réflexion (ou d’éviter de s’y cogner tête baissée).
La réception d’un livre sur l’écriture est extrêmement variable en fonction de la sensibilité du lecteur et du stade de sa maturation ; il est des rencontres qui se font au bon moment, des ouvrages qui arrivent trop tard, ou bien trop tôt. Mais s’il existe un volume qui s’approche de l’universalité sur le sujet, c’est bien celui-ci, probablement l’équivalent français de John Gardner (The Art of Fiction) – sauf que le Vonarburg, lui, est amusant à lire, en prime. On pourra en lire un extrait ici.
Allez, quoi, j’ai un bout de corde trop génial !
Reines et Dragons était la première anthologie officielle du festival Imaginales que ma camarade Sylvie Miller et moi avions dirigée en 2012. Un livre magnifiquement servi par les splendides textes des auteurs, qui avaient su proposer des dragons majestueux et des reines charismatiques. (Oui, je n’ai pas de mal à dire du bien d’un ouvrage que j’ai dirigé : la qualité repose quand même principalement sur les épaules des écrivains !)
Un petit mot pour signaler donc que le blog Les Découvertes de Dawn propose sur l’année 2015 une lecture commune autour de l’anthologie pour les blogs qui le souhaitent. Pour en savoir plus, c’est ici.