Meilleur business model 2025 : agresser les gens

Il y a treize ans, avec la naïveté qu’on peut avoir à treize ans (attendez, je vérifie mes notes) – non, qu’on pouvait avoir il y a treize ans, je m’offusquais ! Avec des mèmes ! De l’idée grotesque, grotesque comprenez-vous, que Facebook allait planquer le contenu de vos amis derrière un algorithme et que vous ne verriez plus le contenu auquel vous vous étiez abonné·e. Heureux que nous étions ! Candides et gambadant joyeusement dans les prairies numériques, pensant encore que nous vivions sur les forums de l’an 2000.

En 2025, Hank Green a réalisé une expérience édifiante, résumée par cet article (emphase de mon fait) :

Il a gentiment tenté d’attirer l’attention de ses abonnés sur sa boutique caritative pendant le Black Friday, tentative que Threads n’a montré à quasiment personne. […] Il a alors essayé autre chose : envoyer des réponses cyniques à d’autres posts visant à susciter la polémique, incluant un lien vers sa boutique. Ça s’est avéré une stratégie bien meilleure […] Voilà le business façon 2025, babyyyy.

Plus bas, un commentaire résume malheureusement bien la situation :

L’une des principales raisons de construire une communauté en ligne, c’est de pouvoir organiser des choses autour. Hank Green propose du contenu qui plait aux gens, ils s’abonnent, et il peut alors informer ce public d’éventuelles soldes sur sa boutique ou d’opérations caritatives à venir. C’est bon pour le public qui reçoit un contenu qui le divertit, c’est bon pour la plate-forme qui touche une commission sur les pubs montrées dans la conversation, et c’est bon pour Hank qui fait usage de son influence. […] Tout ce qui va de Threads à X en passant par TikTok combat activement ce modèle.

Voilà donc où nous en sommes en 2025, babyyyy. Après des atermoiements, une pause, un retour, puis le comportement de Meta sous l’administration Trump, j’ai clairement décidé que je refuserais dorénavant ces plate-formes, donc le fonctionnement n’est pas même pas activement toxique à nos institutions politiques, mais à toute forme de communauté humaine. Je me suis promis de ne plus jamais m’engager sur aucune plate-forme qui ne propose pas un fonctionnement non-algorithmique (d’où ma présence sur Bluesky uniquement, et évidemment ici, pour l’éternité + 1).

Je ne regrette pas un instant mon choix. Je suis bien plus serein dans ma tête, je suis heureux de vivre conformément avec mes valeurs, la qualité de mes conversations est bien supérieure. Plus le temps passe, et plus je me trouve dans ce que j’imagine être l’état du fumeur sevré : tout aperçu de ce monde sculpté par Meta, X et TikTok (la trinité de l’enfer) me semble de plus en plus invraisemblable, absurde et surtout tragiquement malade.

Cependant, soyons honnêtes : depuis cette étape, la fréquentation de ce blog s’est nettement mais sûrement érodée. Le fait que je n’aie pas publié de gros roman depuis L’Héritage de l’Empire n’aide pas non plus, bien sûr, donc ça n’est certainement pas la seule cause, mais quand même. L’impact existe. Quitter ces plate-formes et laisser à mes maisons d’édition bien-aimées la charge d’occuper le terrain pour ma promotion est aussi un cache-misère dont j’ai pleinement conscience : je confie à d’autres la charge de me vendre, ce qui est une position dont la dissonance ne m’échappe absolument pas et ne change rien au problème de fond.

La dure et terrible réalité, en 2025, est que, dans une activité de création, la visibilité reste importante, et le business façon 2025 nous laisse le choix, en très gros résumé, de nous comporter comme des chiens enragés pour gagner notre vie, ou bien de prendre le risque de ne pas la gagner et de cachetonner ailleurs pour couvrir les frais (ce qui me concerne de plus en plus). L’algorithme déclasse la bienveillance et la diplomatie. Voilà la dure réalité.

J’ai fondé Procrastination (et nous sommes vaillamment diffusés par Elbakin.net) dans l’espoir de contribuer avec mes camarades à tenir, vent debout, cet esprit des années 2000-2010 où l’on s’abonnait et suivait les gens simplement parce qu’ils proposaient des choses d’intérêt au lieu de créer du drama pour surfer sur le réflexe émotionnel qui consiste à cliquer sur le lien du message rageux. Ça aide, mais ça nécessite autrement plus de taf que de sortir une punchline rageuse à un tweet de merde.

Aujourd’hui, j’ai quand même un peu l’impression de jouer dans l’orchestre du Titanic. Je continuerai à jouer du violon parce que l’alternative – alimenter la roue à hamster – m’est devenu fondamentalement intolérable et même violent. Mais clairement, ça n’est pas le plus facile. Et c’est tout notre navire collectif qui est en train de sombrer avec.

Sur ce, BONNE JOURNÉE HEIN

2025-12-03T04:10:13+01:00mercredi 3 décembre 2025|Humeurs aqueuses|6 Commentaires

Retrouvé dans les archives : « Les Dieux sauvages » en 2009

J’ai enfin pris mon courage à deux mains pour purger mon abonnement Office pour l’éternité (je serai donc : Meta-free, Google-free, Microsoft-free). J’ai mis si longtemps à cause de OneNote, qui ne présente aucune option de migration ou d’export, ce qui est sacrément bâtard de la part de Microsoft, mais nullement surprenant de leur part. Or, depuis le passage à l’abonnement, OneNote exige de conserver ses carnets de notes sur OneDrive, sans donner la possibilité de les rapatrier en local (en tout cas sous Mac), et il est purement et simplement impossible de les exporter en masse dans quelque format que ce soit.

Or, jadis, j’utilisais OneNote pour tout, comme j’utilisais autrefois Evernote, et aujourd’hui Bear. Notamment, toutes les notes de l’univers d’Évanégyre s’y trouvaient centralisées de 2009 à 2014 environ (et que j’ai continué à développer de loin en loin, certaines infos ne se trouvant que là, d’où l’importance), ce qui donnait ça :

Et là-dedans, j’ai dégoté ceci, dans une note innocemment appelée « Idées de cycles » :

On me passera l’expression « grosse guerrière », c’est mes notes perso, je me comprends, hein. C’est marrant de constater que certains éléments sont restés (Jeanne d’Arc évidemment, mais même Maragal était présent depuis le début !), d’autres pas du tout (j’ai fini par évacuer la dérive orthographique, qui s’est retrouvée à la place dans le nom Rhovelle / Rhovel, et Mériane n’est pas du tout une guerrière des eaux au final…)

Si vous voulez migrer depuis OneNote

En passant, donc, c’est la misère. Au final : Obsidian comporte un importateur qui convertit les notes en Markdown (que j’ai, de là, importées dans Bear), mais il ne sait pas récupérer les notes manuscrites, pour lesquelles j’ai dû me taper des captures d’écran à la main. 3h30 de taf laborieux pour tout vérifier et rattraper ce qui manque (et encore, je m’en tire bien).

Pour info, il existe aussi sous Mac une app appelée Outline, qui est un clone d’OneNote et permet de récupérer et convertir les classeurs en fichiers locaux sur son disque. Ce que j’ai fini par faire pour conserver une copie accessible, parce qu’une fois mon abonnement Office résilié, je perdrai l’accès à OneDrive, ce qui conduira à la destruction de tous mes classeurs OneNote. Faites bien gaffe si vous voulez vous aussi vous en débarrasser, ce n’est pas comme se dire qu’on garde un fichier PowerPoint dans un coin qu’on pourra toujours rouvrir plus tard !

2025-11-24T00:34:02+01:00mercredi 26 novembre 2025|Juste parce que c'est cool|0 commentaire

Bluesky a franchi les 40 millions de comptes

Jusqu’ici, tout va (à peu près) bien : Bluesky ne montre pour l’instant pas de signe de dévier de sa trajectoire vertueuse, c’est-à-dire proposer un Twitter version 2015 dépourvu d’algorithme. (À peu près bien car il y a quand même de loin en loin quelques pataquès de modération ou de communication, mais franchement, on est loin des torrents de merde de X et de Meta.) Et donc, le réseau papillon vient de passer la barre des 40 millions de comptes, ce qui commence à lui donner un poids non négligeable dans le paysage.

Alors certes, X en compte encore dix fois plus, mais on commence à voir arriver des organismes officiels, des organes de presse, et surtout, l’atmosphère était incomparablement meilleure grâce à l’absence d’algorithme et à la mise entre les mains de chacun·e des outils brutaux de modération, la qualité des conversations est sans commune mesure. Je n’ai jamais été très friand des réseaux en raison de leur poursuite de l’engagement, Bluesky est le premier endroit où j’éprouve un réel plaisir à me trouver au lieu de penser « il le faut, c’est important, tout le monde y est, même si la plate-forme me donne envie de boire ».

(Vous vous rappelez il y a quatorze ans, la première fois qu’on s’est insurgé·es collectivement contre l’apparition de ce qu’on n’appelait pas encore l’algorithme ? Aaah, c’était le bon temps)

Bref, venez et découvrez cette étrange impression de contrôler à nouveau votre fil d’infos.

2025-11-07T00:36:04+01:00lundi 10 novembre 2025|Juste parce que c'est cool|0 commentaire

La bulle de l’IA approche peut-être de l’éclatement

Et je dirais bien que ça ne nous fera pas pleurer, sauf que, quand d’immenses risques financiers comme celui-ci explosent à la tronche des investisseurs, ils tendent à nous exploser collectivement au visage à tou·tes, et nous finissons par devoir éponger la dette.

Mais, il apparaît de plus en plus clairement que fournir toutes les données existantes du monde aux grands modèles de langage a atteint une sorte de plafond : cette approche ne conduira pas la recherche à l’Intelligence Artificielle Générale. ChatGPT 5 n’améliore que marginalement les performances du 4. Les modèles de langage hallucinent toujours autant et sont toujours aussi faciles à détourner.

Et tout récemment, Oracle a signé un contrat de 300 milliards (oui, MILLIARDS) de dollars avec OpenAI, alors que, de leur propre aveu, ils ne seront pas rentables avant 2030.

Tout ça pour quoi ? Des machines à résumer des textes et à cracher du contenu générique pour des tâches bullshit. Construites comment ? On siphonne les œuvres des créateur·ices du monde entier sans leur consentement, on entrave la transition énergétique, on rend encore plus précaires les métiers artistiques qui n’ont pas besoin de ça, on sape encore davantage la presse traditionnelle, le tout alimentant le technofascisme rampant. Je ne suis pas hostile à l’IA ni à l’apprentissage automatique, qui peuvent donner des résultats formidables dans le cadre de la médecine et la recherche scientifique, mais l’IA générative est un tout autre domaine, fondé sur des pratiques prédatrices, pour un impact social et mental général négatif.

Dans notre hypercapitalisme mondial et instable, la technologie avance de plus en plus par bulles grossièrement surévaluées et éclatements plus ou moins dangereux. On a eu la fameuse « bulle Internet » dans les années 2000, les NFT et blockcouillonades ont suivi la même trajectoire, et je ne serais pas étonné que le tour de l’IA arrive d’ici un ou deux ans.

Qu’en restera-t-il ? Pour commencer, la société éponge de plus en plus souvent les paris de ce faible nombre d’irresponsables pour protéger ses structures existantes. Nous risquons fort, une fois de plus, de payer collectivement la dette. Et après le sursaut, les reliquats de la technologie, ramenés à une envergure plus raisonnable, infusent dans le présent. L’éclatement de la bulle des « dotcom » n’a pas signé la fin d’Internet, on échange toujours des Bitcoin mais plus des $HAWK, il est fort probable que la recherche en langage naturel, les assistants virtuels, les outils textuels qui ont fleuri partout dans nos outils restent à demeure. Que ça nous plaise ou non.

Juste, l’intelligence artificielle générative ne nous amènera pas à l’oisiveté d’une société post-rareté type Star Trek. Juste à engraisser encore davantage une poignée toujours plus réduite d’acteurs. Et, que la chute se produise ou pas, ça nous fait mal, d’une manière ou d’une autre.

2025-09-12T09:08:16+02:00mercredi 17 septembre 2025|Humeurs aqueuses|9 Commentaires

Payer une facture en France, payer une facture en Australie

Ceci est une histoire vraie :

Payer une facture en France (en l’occurrence, soins exceptionnels) :

  • Recevoir la notification papier.
  • Constater la présence d’un papillon à détacher à renvoyer avec son chèque.
  • Constater qu’on n’a plus de chéquier depuis très longtemps.
  • Chercher – et trouver – en petit sur le document la mention d’un portail de paiement des finances publiques.
  • Aller sur ledit portail.
  • Constater qu’il ne marche pas avec Safari. Sortir le Chrome qu’on garde pour ce genre d’occasions.
  • Remplir le numéro de client.
  • Remplir le numéro de facture.
  • Remplir le numéro d’ordre.
  • Constater que le numéro d’ordre n’est pas bon.
  • Le recopier à nouveau.
  • Constater qu’il est toujours faux, malgré l’assurance de l’avoir tapé correctement.
  • Scruter la facture. Constater qu’il existe un autre numéro d’ordre, qui porte exactement le même nom que le premier, ailleurs sur le document, pas du tout à côté des précédents identifiants parce que fuck you that’s why.
  • Rentrer ce numéro d’ordre.
  • Ouf, ça marche.
  • Valider le paiement.
  • Temps consacré : 7 minutes.

Payer une facture en Australie (quelle qu’elle soit) :

  • Aller directement à la section dite BPAY, laquelle est standardisée pour toutes les factures.
  • Aller dans son appli bancaire. Rentrer le numéro d’émetteur BPAY.
  • Constater que l’application confirme, en toutes lettres, le nom de l’émetteur avec le numéro rentré.
  • Rentrer son numéro de client.
  • Payer.
  • Temps consacré : 15 secondes.

Bonus : Se rappeler que, à l’avenir, toute facture émise par le même organisme pourra être payée directement dans la section BPAY avec les mêmes identifiants dorénavant enregistrés et que le temps de l’opération sera quasi instantané.

2025-08-25T09:55:40+02:00mercredi 27 août 2025|Humeurs aqueuses|4 Commentaires

Plus de social et moins de social

Non, il ne s’agit pas d’un discours de l’actuel gouvernement, mais d’une prolongation du globiboulga (le blé préféré des dauphins pilotes) de la semaine dernière, avec deux-trois réflexions à ciel ouvert sur cet endroit (qui, non, ne va pas fermer, comme on m’en a adressé la crainte en PM. Je me repose la question de sa pertinence tous les trois-quatre ans, c’est un cycle normal et plutôt sain, et de toute façon, si je devais un jour cesser de l’alimenter, je promets céans que ses archives resteront disponibles).

La problématique des échanges en ligne de nos jours est bien connue : un petit groupe d’entreprises a fait préemption sur l’espace public et la notion même de communauté, ce qui, cela me semble évident, nous appauvrit collectivement. Par raisons éthiques, j’ai envoyé X et Meta aux gémonies et me suis centré exclusivement ici et sur Bluesky. Ce qui est chouette (savez-vous combien la vie sans shitstorm, avec des conversations posées, est agréable pour la pression artérielle ?) mais, de fait, me coupe de l’aspect « salon littéraire permanent » du métier, ce qui est moins chouette.

Or, comme je le disais jeudi dernier, par ailleurs, ça fait 17 ans que cet endroit existe, et j’ai vu quantité d’espaces apparaître et disparaître (vous vous rappelez Google+? lol). Et si, depuis l’époque de php-nuke, j’ai bien compris un truc auquel j’encourage tou·tes les créateur·ices à réfléchir, c’est le suivant :

Vous devez être en possession de vos archives.

Être présent·e sur un réseau, certes ; y échanger, bien sûr ; mais y construire sa communauté, pour que ledit réseau puisse ensuite vous enfermer (et vous soutirer des pièces d’or) est un piège qui se reproduit encore, encore et encore. (Cf tou·tess mes camarades qui se trouvent prisonnier·es d’Instagram malgré leurs convictions politiques parce qu’en disparaître, m’affirme-t-on, les mettrait en sérieux danger ; la même chose s’était produite avec Facebook – cet article a… 13 ans). Les réseaux sont des têtes de pont, des lieux qu’on visite ; mais il faut une maison virtuelle, un lieu qui vous appartient, dont vous détenez l’intégralité du contrôle : un site et/ou blog. Invitez les gens, ramenez-les chez vous, montrez-leur comment c’est chouette. Libérons-nous collectivement des machines à engagement.

Bien sûr, c’est bien plus difficile que de poster des photos immédiatement sur Insta et de recevoir des retours. (C’est l’une des raisons pour lesquelles je déteste Insta.) Surtout, et ça, c’est structurel, on perd l’immédiateté de l’échange. Un post bref, un statut, une photo rapide, ça se prête à bien à Bluesky ou Instagram ; demander aux gens de cliquer pour venir lire quelque chose exige mécaniquement davantage que « regardez mes fantastiques gaufres ». Sortir de l’environnement nécessite, en filigrane, la promesse d’une substance. C’est pourquoi les « blogs », initialement des journaux personnels (« web-log ») sont progressivement devenus des outils de marketing ciblés et/ou des encyclopédies savantes (dont il existe de super exemples).

Je n’ai rien contre le côté encyclopédie savante (ce n’est pas comme si je ne m’adonnais jamais à l’exercice), mais encore une fois, je trouve qu’on a perdu un truc en confiant aux réseaux de « microblogging » l’aspect spontané de nos photos de chats. Ce site tourne sous WordPress, et Jetpack, l’un des plugins commerciaux du développeur, a introduit les « Social Notes » (les miennes sont ici) qui, en théorie, sont la réponse qu’on cherchait : des posts courts, spontanés, hébergés par son propre site mais partagés sur les réseaux comme des posts natifs.

Dans les faits, l’implémentation laisse à désirer. Les images n’apparaissent pas sur Bluesky ; ces notes sont extrêmement difficiles à intégrer dans le reste du site ; il manque un outil de rédaction rapide et convivial sur mobile comme l’offrent tous les réseaux commerciaux, ce qui tue l’aspect spontané.

Ce qu’il faudrait, c’est pouvoir faire apparaître ces notes dans le flux même du reste du blog ; qu’elles soient récupérées et envoyées automatiquement chaque jour par les plugins de newsletters (pour que les personnes qui ont raté la conversation puissent s’y joindre) ; bref, qu’elles forment des posts à part entière, mais dont l’aspect immédiat et transitoire soit tout de suite compréhensible, et déborde vers la possibilité d’une communication plus asynchrone.

Je serais étonné que ça n’existe pas déjà sous une forme ou une autre, avec des possibles plugins tiers. Je suis même prêt à payer un peu pour ça (si ça n’est pas gratuit, ça n’est pas moi le produit). Donc, si tu te demandes, auguste lectorat, quel est l’avenir de ce lieu de perdition, voici ce que j’aimerais réussir à atteindre, et ce à quoi la partie bidouilleuse de ma psyché va consacrer son attention.

2025-07-20T07:01:09+02:00lundi 28 juillet 2025|Expériences en temps réel|Commentaires fermés sur Plus de social et moins de social

Les réseaux sociaux ont tué les communautés, les blogs sont morts, ChatGPT remplace le contact et rien n’est réel de toute façon

Je suis un vieux blogueur. Les premières entrées de ces pages datent de 2008. DIX-SEPT ANS, bientôt ce blog pourra voter ; en 2008, l’iPhone venait tout juste de sortir, George W. Bush était encore président du monde et j’étais encore sur MySpace. (Si j’ai un blog, d’ailleurs, c’est la faute à, ou grâce à Léa Silhol, à qui je rends céans grâce et hommage : elle m’a encouragé / poussé très fort dans le dos, et comme je ne sais pas arrêter les trucs que je commence, dix-sept ans plus tard, je donne des cheveux blancs à mon hébergeur avec une base WordPress beaucoup trop grande pour son bien.)

À intervalles réguliers, je me demande : qu’est-ce qu’un blog aujourd’hui ? Où est sa place ? Le paysage a changé beaucoup plus vite que moi – je reste attaché à l’aspect bloc-notes bordélique du blog version 2005, comme cette entrée l’est assurément ; un peu de tout et n’importe quoi, un aspect expérimental, un point d’étape, un partage d’un truc rigolo. Les réseaux, hélas, ont cannibalisé cet aspect ; avec toute l’animosité qu’on doit vouer à Elon Musk si l’on est normalement constitué, il n’avait pas tort quand il traitait Twitter de « place du village ». Ce qui n’est pas réservé qu’à Twitter, notez bien ; Instagram, jadis Facebook, sont autant de places du village, d’agora modernes (agoræ ? agori ? chats angoras ?), en supposant que le tenancier vous rackette à l’entrée en vous demandant où vous étiez hier soir et vous balance en pleine face des pubs destinées à vous faire pourrir le cerveau – MAIS BON.

Aujourd’hui, un blog – je le vois chez nombre de mes camarades – se soit d’avoir un angle, une ligne éditoriale, et c’est sans doute l’approche intelligente ; je ne jette certes pas la pierre à mes camarades. Un auteur parle de livres, de narration, peut-être un peu de cinéma, il cible son propos, construit ainsi son lectorat, son public, sa communauté, ce qui augmente sa visibilité, et c’est normal – être vu, c’est aussi vendre, et il faut manger.

Mais moi, je vais vous dire : j’aime les blogs à la John Scalzisa fille poste ses arrangements de charcuterie en long, large et en travers parce que pourquoi pas. Okay, CERTES, je suis le public cible pour des arrangements de charcuterie, mais quand même. Et pourtant, je peine fortement à parler de moi, je considère que les livres doivent parler d’eux-mêmes ; j’ai perdu de longue date le goût des polémiques en ligne ; je lâche quelques jeux de mots à la con sur Bluesky, des réflexions plus à chaud, mais donc : suis-je bloqué dans un paradoxe stupide avec un média fondé sur le partage alors que je suis fondamentalement bloqué sur l’idée de partage en ligne ?

Est-ce que je n’écris pas un peu toutes ces réflexions juste parce que j’ai un fucking tome 5 à finir et que chaque fois que j’alimente ce blog, je sens que je devrais employer de l’énergie créative à écrire au lieu de, heu, écrire ?

2025-07-19T08:45:24+02:00mercredi 23 juillet 2025|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Retour de l’outback

Comme promis, retour sur les autoroutes de l’information ; de la famille a parcouru les 17000 km pour venir nous voir, et cela a été l’occasion de retourner dans l’outback, ces zones arides australiennes loin de toute civilisation, où l’on peut parcourir 500 km sans rencontrer une pompe à essence, où votre voisin le plus proche peut habiter à 250 km. À notre sens, faire l’expérience de l’Australie, c’est prendre la mesure de la distance – comme nous l’a dit un ami Aussie un jour, « Australia is driving a lot to get nowhere » – « L’Australie, c’est conduire beaucoup pour arriver nulle part ». J’ai fait moi-même l’expérience quand je suis venu pour la première fois il y a plus de sept ans : il est quasiment impossible de conceptualiser cet espace quand on vient d’Europe. Les chiffres et les nombres s’effondrent, jusqu’à constater qu’on fait régulièrement l’équivalent d’un Paris-Rennes sans croiser plus de deux véhicules, et constater combien le pays est grand et vide, combien les suburbs s’étirent, même dans la périphérie de Melbourne.

Mais justement, c’est sans doute à peu près unique au monde, conduire toute la journée à travers le désert en croisant trois véhicules dont un road train, camion monstrueux tractant quatre ou cinq remorques ; les espaces sont infinis, le ciel s’ouvre à perte de vue, la faune reprend ses droits, on salue la moindre âme que l’on croise, certains paysages et lieux sont restés hors du temps, intouchés par l’agitation des fourmis que nous sommes. À la fois une retraite à connotation presque spirituelle et une excitation émerveillée face aux splendeurs naturelles.

C’est effectivement bien un dromadaire ! Ils ont été importés pour apprivoiser le désert ; ils se sont extrêmement bien acclimatés, et, de façon amusante, l’Australie est l’un des derniers pays du monde où l’on peut en voir de sauvages.

Retour donc au studio, au clavier, et cette petite interruption mentale m’a fait beaucoup de bien. Un jour m’a suffi pour me remettre dans le bain de La Succession des Âges, et dès le deuxième, les signes recommençaient à rentrer dans le manuscrit. La dernière ligne droite de rédaction commence, à l’image de la Great Central Road – de longs épisodes droit devant, sans croiser âme qui vive ; mais il s’agit là de conduire beaucoup pour, bien sûr, enfin arriver là où c’est prévu depuis… 2016.

2025-07-07T01:21:54+02:00lundi 7 juillet 2025|Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Retour de l’outback

IA, soupe tiède et soif d’humanité

L’IA me pète les genoux, l’IA me sort par mes yeux, l’IA et ses petites baguettes magiques de merde qui ont fleuri dans tous mes outils me donnent envie d’aller acheter une machine à écrire de vingt-cinq kilos pour défoncer un rack de serveur avec, bref, je ne suis point enthousiasmé par ce prétendu outil en quête d’un modèle économique et fondé sur le plus grand pillage d’œuvres de l’esprit de l’histoire humaine et qui démontre régulièrement qu’il est plus con qu’une chaise à trois pieds

L’IA ne crée pas, ça commence à se savoir, elle ne fait que remixer ce dont on l’a nourrie et ce, de façon globalement peu adroite, en plus, et y a forcément des crétins pour crier au miracle, comme des spectateurs revenant d’un événement de David Copperfield fermement convaincus que la lévitation existe :

There's a thread on Twitter that purports to show that AI can save money by producing visual effects better than Hollywood. And it's just identical shots that wouldn't exist without straight plagiarism of the source material. It might be the dumbest thread I've ever seen.

Matt Novak (@paleofuture.bsky.social) 2025-05-14T04:48:48.085Z

RENDEZ-VOUS COMPTE CETTE PHOTOCOPIEUSE ÉCRIT DU DOSTOÏEVSKI C’EST UN MIRACLE

Hélas, le monde étant ce qu’il est, pour des textes simples, des brochures publicitaires, des musiques d’illustration, l’IA est déjà en train de mettre des pelletées de gens sur la paille (MAIS LE PROGRÈS ! nous clame-t-on). Mécaniquement, ça percole aussi dans l’art au sens large (on a parlé des techbros de Spines), mais j’ai un rêve – probablement un peu idéaliste, mais c’est un rêve, alors c’est fait pour :

Nous baignons déjà dans une soupe artistique tiédasse où plus le risque est important, plus la sécurité prime, en témoignent les blockbusters Marvel sortis à la chaîne, la lassitude du public envers les formules-qui-marchent, la nouvelle trilogie Star Wars bancale, etc. Une fois de temps en temps sortent cependant des projets risqués qui bluffent tout le monde : Outer Wilds, Twin Peaks, Messe pour le Temps Présent, Severance, The Fountain, de vrais projets d’artistes (avec les parcours épineux qui les accompagnent souvent, malheureusement), qui pètent tout et inspirent toute une sphère.

Or l’IA ne créera jamais quelque chose de totalement novateur, c’est tout le contraire, elle va donc renforcer l’aspect soupe tiédasse dont nous avons déjà… euh… soupé. Mon rêve, ma croyance, mon fils, ma bat… euh… c’est que cette situation développe une appétence renouvelée pour les projets d’artistes, les approches folles, novatrices, les vrais risques qui disent quelque chose, d’autant plus en réaction vis-à-vis de l’immense photocopieuse qu’est l’IA où tout est plus ou moins pareil et mécaniquement réchauffé. On voudra de l’humain, qui saigne, qui met son cœur sur la table, qui te prend le visage entre les mains, te plante les yeux au fond de l’âme et te dit : « tiens, putain, de la vie brute dans ta gueule ».

Soyons grand·es, beaux et belles, fantastiques – fous. Je veux dire, ça a bien marché pour Boris Vian.

Ouais, je rêve. Je sais. Mais une part de moi y croit quand même. C’est parce que je garde une foi déprimante envers notre espèce. Sinon, je ne ferais pas des articles avec des gros mots.

2025-05-16T16:33:16+02:00mercredi 21 mai 2025|Humeurs aqueuses|5 Commentaires

L’histoire récente en un graphique

Petit jeu : sur le graphe suivant, résumant la force de l’euro contre le dollar australien (qui est assez volatile, car servant de monnaie relais sur les échanges mondiaux), pouvez-vous trouver le moment de l’investiture de Donald Trump, puis le moment où il a annoncé ses droits de douane absurdes ?

Évidemment, ça fait mes affaires (je fais le plein de ma bagnole pour une quarantaine d’euros Down Under…) mais je préférerais de loin que, vous savez, on ne détruise pas le monde, et en plus, par bêtise abyssale.

Au cas où vous l’auriez raté, la formule censément complexe et puissante avec des lettres grecques de partout pour calculer les droits de douane de l’administration américaine est un simple rapport de pourcentage de la balance commerciale avec un état donné, divisé par deux. Ce qui n’a aucun fondement dans la réalité, et pour ajouter à la connerie stellaire de la situation, ces tarriffs ne sont pas appliqués par état souverain, mais par domaine Internet (.fr, .au, .uk…) ce qui signifie que des îles inhabitées sont taxées, ainsi que… l’Antarctique. (Qui, au rythme où vont les choses, exportera peut-être de moins en moins d’icebergs)

Le clou dans le cercueil : cette brillante tactique aurait été suggérée… par une IA. Donc, quand on dit que cette « technologie » a le potentiel de détruire le monde, ça commence, mais juste parce que notre espèce a atteint un niveau de stupidité collective suffisamment prodigieux pour s’y fier aveuglément.

Le monde se rééquilibre souvent, cependant, après une crise. L’indécrottable optimiste en moi veut voir ici le potentiel pour l’entrée dans un âge nouveau, après, certes, une crise d’envergure, parce qu’il semble qu’on ne sache toujours pas faire autrement.

Et le monde ne se rééquilibre pas tout seul – il le fait grâce à l’action concertée et prolongée des peuples.

2025-04-09T10:49:45+02:00mercredi 9 avril 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur L’histoire récente en un graphique
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