La bulle de l’IA approche peut-être de l’éclatement

Et je dirais bien que ça ne nous fera pas pleurer, sauf que, quand d’immenses risques financiers comme celui-ci explosent à la tronche des investisseurs, ils tendent à nous exploser collectivement au visage à tou·tes, et nous finissons par devoir éponger la dette.

Mais, il apparaît de plus en plus clairement que fournir toutes les données existantes du monde aux grands modèles de langage a atteint une sorte de plafond : cette approche ne conduira pas la recherche à l’Intelligence Artificielle Générale. ChatGPT 5 n’améliore que marginalement les performances du 4. Les modèles de langage hallucinent toujours autant et sont toujours aussi faciles à détourner.

Et tout récemment, Oracle a signé un contrat de 300 milliards (oui, MILLIARDS) de dollars avec OpenAI, alors que, de leur propre aveu, ils ne seront pas rentables avant 2030.

Tout ça pour quoi ? Des machines à résumer des textes et à cracher du contenu générique pour des tâches bullshit. Construites comment ? On siphonne les œuvres des créateur·ices du monde entier sans leur consentement, on entrave la transition énergétique, on rend encore plus précaires les métiers artistiques qui n’ont pas besoin de ça, on sape encore davantage la presse traditionnelle, le tout alimentant le technofascisme rampant. Je ne suis pas hostile à l’IA ni à l’apprentissage automatique, qui peuvent donner des résultats formidables dans le cadre de la médecine et la recherche scientifique, mais l’IA générative est un tout autre domaine, fondé sur des pratiques prédatrices, pour un impact social et mental général négatif.

Dans notre hypercapitalisme mondial et instable, la technologie avance de plus en plus par bulles grossièrement surévaluées et éclatements plus ou moins dangereux. On a eu la fameuse « bulle Internet » dans les années 2000, les NFT et blockcouillonades ont suivi la même trajectoire, et je ne serais pas étonné que le tour de l’IA arrive d’ici un ou deux ans.

Qu’en restera-t-il ? Pour commencer, la société éponge de plus en plus souvent les paris de ce faible nombre d’irresponsables pour protéger ses structures existantes. Nous risquons fort, une fois de plus, de payer collectivement la dette. Et après le sursaut, les reliquats de la technologie, ramenés à une envergure plus raisonnable, infusent dans le présent. L’éclatement de la bulle des « dotcom » n’a pas signé la fin d’Internet, on échange toujours des Bitcoin mais plus des $HAWK, il est fort probable que la recherche en langage naturel, les assistants virtuels, les outils textuels qui ont fleuri partout dans nos outils restent à demeure. Que ça nous plaise ou non.

Juste, l’intelligence artificielle générative ne nous amènera pas à l’oisiveté d’une société post-rareté type Star Trek. Juste à engraisser encore davantage une poignée toujours plus réduite d’acteurs. Et, que la chute se produise ou pas, ça nous fait mal, d’une manière ou d’une autre.

2025-09-12T09:08:16+02:00mercredi 17 septembre 2025|Humeurs aqueuses|9 Commentaires

Payer une facture en France, payer une facture en Australie

Ceci est une histoire vraie :

Payer une facture en France (en l’occurrence, soins exceptionnels) :

  • Recevoir la notification papier.
  • Constater la présence d’un papillon à détacher à renvoyer avec son chèque.
  • Constater qu’on n’a plus de chéquier depuis très longtemps.
  • Chercher – et trouver – en petit sur le document la mention d’un portail de paiement des finances publiques.
  • Aller sur ledit portail.
  • Constater qu’il ne marche pas avec Safari. Sortir le Chrome qu’on garde pour ce genre d’occasions.
  • Remplir le numéro de client.
  • Remplir le numéro de facture.
  • Remplir le numéro d’ordre.
  • Constater que le numéro d’ordre n’est pas bon.
  • Le recopier à nouveau.
  • Constater qu’il est toujours faux, malgré l’assurance de l’avoir tapé correctement.
  • Scruter la facture. Constater qu’il existe un autre numéro d’ordre, qui porte exactement le même nom que le premier, ailleurs sur le document, pas du tout à côté des précédents identifiants parce que fuck you that’s why.
  • Rentrer ce numéro d’ordre.
  • Ouf, ça marche.
  • Valider le paiement.
  • Temps consacré : 7 minutes.

Payer une facture en Australie (quelle qu’elle soit) :

  • Aller directement à la section dite BPAY, laquelle est standardisée pour toutes les factures.
  • Aller dans son appli bancaire. Rentrer le numéro d’émetteur BPAY.
  • Constater que l’application confirme, en toutes lettres, le nom de l’émetteur avec le numéro rentré.
  • Rentrer son numéro de client.
  • Payer.
  • Temps consacré : 15 secondes.

Bonus : Se rappeler que, à l’avenir, toute facture émise par le même organisme pourra être payée directement dans la section BPAY avec les mêmes identifiants dorénavant enregistrés et que le temps de l’opération sera quasi instantané.

2025-08-25T09:55:40+02:00mercredi 27 août 2025|Humeurs aqueuses|4 Commentaires

Plus de social et moins de social

Non, il ne s’agit pas d’un discours de l’actuel gouvernement, mais d’une prolongation du globiboulga (le blé préféré des dauphins pilotes) de la semaine dernière, avec deux-trois réflexions à ciel ouvert sur cet endroit (qui, non, ne va pas fermer, comme on m’en a adressé la crainte en PM. Je me repose la question de sa pertinence tous les trois-quatre ans, c’est un cycle normal et plutôt sain, et de toute façon, si je devais un jour cesser de l’alimenter, je promets céans que ses archives resteront disponibles).

La problématique des échanges en ligne de nos jours est bien connue : un petit groupe d’entreprises a fait préemption sur l’espace public et la notion même de communauté, ce qui, cela me semble évident, nous appauvrit collectivement. Par raisons éthiques, j’ai envoyé X et Meta aux gémonies et me suis centré exclusivement ici et sur Bluesky. Ce qui est chouette (savez-vous combien la vie sans shitstorm, avec des conversations posées, est agréable pour la pression artérielle ?) mais, de fait, me coupe de l’aspect « salon littéraire permanent » du métier, ce qui est moins chouette.

Or, comme je le disais jeudi dernier, par ailleurs, ça fait 17 ans que cet endroit existe, et j’ai vu quantité d’espaces apparaître et disparaître (vous vous rappelez Google+? lol). Et si, depuis l’époque de php-nuke, j’ai bien compris un truc auquel j’encourage tou·tes les créateur·ices à réfléchir, c’est le suivant :

Vous devez être en possession de vos archives.

Être présent·e sur un réseau, certes ; y échanger, bien sûr ; mais y construire sa communauté, pour que ledit réseau puisse ensuite vous enfermer (et vous soutirer des pièces d’or) est un piège qui se reproduit encore, encore et encore. (Cf tou·tess mes camarades qui se trouvent prisonnier·es d’Instagram malgré leurs convictions politiques parce qu’en disparaître, m’affirme-t-on, les mettrait en sérieux danger ; la même chose s’était produite avec Facebook – cet article a… 13 ans). Les réseaux sont des têtes de pont, des lieux qu’on visite ; mais il faut une maison virtuelle, un lieu qui vous appartient, dont vous détenez l’intégralité du contrôle : un site et/ou blog. Invitez les gens, ramenez-les chez vous, montrez-leur comment c’est chouette. Libérons-nous collectivement des machines à engagement.

Bien sûr, c’est bien plus difficile que de poster des photos immédiatement sur Insta et de recevoir des retours. (C’est l’une des raisons pour lesquelles je déteste Insta.) Surtout, et ça, c’est structurel, on perd l’immédiateté de l’échange. Un post bref, un statut, une photo rapide, ça se prête à bien à Bluesky ou Instagram ; demander aux gens de cliquer pour venir lire quelque chose exige mécaniquement davantage que « regardez mes fantastiques gaufres ». Sortir de l’environnement nécessite, en filigrane, la promesse d’une substance. C’est pourquoi les « blogs », initialement des journaux personnels (« web-log ») sont progressivement devenus des outils de marketing ciblés et/ou des encyclopédies savantes (dont il existe de super exemples).

Je n’ai rien contre le côté encyclopédie savante (ce n’est pas comme si je ne m’adonnais jamais à l’exercice), mais encore une fois, je trouve qu’on a perdu un truc en confiant aux réseaux de « microblogging » l’aspect spontané de nos photos de chats. Ce site tourne sous WordPress, et Jetpack, l’un des plugins commerciaux du développeur, a introduit les « Social Notes » (les miennes sont ici) qui, en théorie, sont la réponse qu’on cherchait : des posts courts, spontanés, hébergés par son propre site mais partagés sur les réseaux comme des posts natifs.

Dans les faits, l’implémentation laisse à désirer. Les images n’apparaissent pas sur Bluesky ; ces notes sont extrêmement difficiles à intégrer dans le reste du site ; il manque un outil de rédaction rapide et convivial sur mobile comme l’offrent tous les réseaux commerciaux, ce qui tue l’aspect spontané.

Ce qu’il faudrait, c’est pouvoir faire apparaître ces notes dans le flux même du reste du blog ; qu’elles soient récupérées et envoyées automatiquement chaque jour par les plugins de newsletters (pour que les personnes qui ont raté la conversation puissent s’y joindre) ; bref, qu’elles forment des posts à part entière, mais dont l’aspect immédiat et transitoire soit tout de suite compréhensible, et déborde vers la possibilité d’une communication plus asynchrone.

Je serais étonné que ça n’existe pas déjà sous une forme ou une autre, avec des possibles plugins tiers. Je suis même prêt à payer un peu pour ça (si ça n’est pas gratuit, ça n’est pas moi le produit). Donc, si tu te demandes, auguste lectorat, quel est l’avenir de ce lieu de perdition, voici ce que j’aimerais réussir à atteindre, et ce à quoi la partie bidouilleuse de ma psyché va consacrer son attention.

2025-07-20T07:01:09+02:00lundi 28 juillet 2025|Expériences en temps réel|Commentaires fermés sur Plus de social et moins de social

Les réseaux sociaux ont tué les communautés, les blogs sont morts, ChatGPT remplace le contact et rien n’est réel de toute façon

Je suis un vieux blogueur. Les premières entrées de ces pages datent de 2008. DIX-SEPT ANS, bientôt ce blog pourra voter ; en 2008, l’iPhone venait tout juste de sortir, George W. Bush était encore président du monde et j’étais encore sur MySpace. (Si j’ai un blog, d’ailleurs, c’est la faute à, ou grâce à Léa Silhol, à qui je rends céans grâce et hommage : elle m’a encouragé / poussé très fort dans le dos, et comme je ne sais pas arrêter les trucs que je commence, dix-sept ans plus tard, je donne des cheveux blancs à mon hébergeur avec une base WordPress beaucoup trop grande pour son bien.)

À intervalles réguliers, je me demande : qu’est-ce qu’un blog aujourd’hui ? Où est sa place ? Le paysage a changé beaucoup plus vite que moi – je reste attaché à l’aspect bloc-notes bordélique du blog version 2005, comme cette entrée l’est assurément ; un peu de tout et n’importe quoi, un aspect expérimental, un point d’étape, un partage d’un truc rigolo. Les réseaux, hélas, ont cannibalisé cet aspect ; avec toute l’animosité qu’on doit vouer à Elon Musk si l’on est normalement constitué, il n’avait pas tort quand il traitait Twitter de « place du village ». Ce qui n’est pas réservé qu’à Twitter, notez bien ; Instagram, jadis Facebook, sont autant de places du village, d’agora modernes (agoræ ? agori ? chats angoras ?), en supposant que le tenancier vous rackette à l’entrée en vous demandant où vous étiez hier soir et vous balance en pleine face des pubs destinées à vous faire pourrir le cerveau – MAIS BON.

Aujourd’hui, un blog – je le vois chez nombre de mes camarades – se soit d’avoir un angle, une ligne éditoriale, et c’est sans doute l’approche intelligente ; je ne jette certes pas la pierre à mes camarades. Un auteur parle de livres, de narration, peut-être un peu de cinéma, il cible son propos, construit ainsi son lectorat, son public, sa communauté, ce qui augmente sa visibilité, et c’est normal – être vu, c’est aussi vendre, et il faut manger.

Mais moi, je vais vous dire : j’aime les blogs à la John Scalzisa fille poste ses arrangements de charcuterie en long, large et en travers parce que pourquoi pas. Okay, CERTES, je suis le public cible pour des arrangements de charcuterie, mais quand même. Et pourtant, je peine fortement à parler de moi, je considère que les livres doivent parler d’eux-mêmes ; j’ai perdu de longue date le goût des polémiques en ligne ; je lâche quelques jeux de mots à la con sur Bluesky, des réflexions plus à chaud, mais donc : suis-je bloqué dans un paradoxe stupide avec un média fondé sur le partage alors que je suis fondamentalement bloqué sur l’idée de partage en ligne ?

Est-ce que je n’écris pas un peu toutes ces réflexions juste parce que j’ai un fucking tome 5 à finir et que chaque fois que j’alimente ce blog, je sens que je devrais employer de l’énergie créative à écrire au lieu de, heu, écrire ?

2025-07-19T08:45:24+02:00mercredi 23 juillet 2025|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Retour de l’outback

Comme promis, retour sur les autoroutes de l’information ; de la famille a parcouru les 17000 km pour venir nous voir, et cela a été l’occasion de retourner dans l’outback, ces zones arides australiennes loin de toute civilisation, où l’on peut parcourir 500 km sans rencontrer une pompe à essence, où votre voisin le plus proche peut habiter à 250 km. À notre sens, faire l’expérience de l’Australie, c’est prendre la mesure de la distance – comme nous l’a dit un ami Aussie un jour, « Australia is driving a lot to get nowhere » – « L’Australie, c’est conduire beaucoup pour arriver nulle part ». J’ai fait moi-même l’expérience quand je suis venu pour la première fois il y a plus de sept ans : il est quasiment impossible de conceptualiser cet espace quand on vient d’Europe. Les chiffres et les nombres s’effondrent, jusqu’à constater qu’on fait régulièrement l’équivalent d’un Paris-Rennes sans croiser plus de deux véhicules, et constater combien le pays est grand et vide, combien les suburbs s’étirent, même dans la périphérie de Melbourne.

Mais justement, c’est sans doute à peu près unique au monde, conduire toute la journée à travers le désert en croisant trois véhicules dont un road train, camion monstrueux tractant quatre ou cinq remorques ; les espaces sont infinis, le ciel s’ouvre à perte de vue, la faune reprend ses droits, on salue la moindre âme que l’on croise, certains paysages et lieux sont restés hors du temps, intouchés par l’agitation des fourmis que nous sommes. À la fois une retraite à connotation presque spirituelle et une excitation émerveillée face aux splendeurs naturelles.

C’est effectivement bien un dromadaire ! Ils ont été importés pour apprivoiser le désert ; ils se sont extrêmement bien acclimatés, et, de façon amusante, l’Australie est l’un des derniers pays du monde où l’on peut en voir de sauvages.

Retour donc au studio, au clavier, et cette petite interruption mentale m’a fait beaucoup de bien. Un jour m’a suffi pour me remettre dans le bain de La Succession des Âges, et dès le deuxième, les signes recommençaient à rentrer dans le manuscrit. La dernière ligne droite de rédaction commence, à l’image de la Great Central Road – de longs épisodes droit devant, sans croiser âme qui vive ; mais il s’agit là de conduire beaucoup pour, bien sûr, enfin arriver là où c’est prévu depuis… 2016.

2025-07-07T01:21:54+02:00lundi 7 juillet 2025|Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Retour de l’outback

IA, soupe tiède et soif d’humanité

L’IA me pète les genoux, l’IA me sort par mes yeux, l’IA et ses petites baguettes magiques de merde qui ont fleuri dans tous mes outils me donnent envie d’aller acheter une machine à écrire de vingt-cinq kilos pour défoncer un rack de serveur avec, bref, je ne suis point enthousiasmé par ce prétendu outil en quête d’un modèle économique et fondé sur le plus grand pillage d’œuvres de l’esprit de l’histoire humaine et qui démontre régulièrement qu’il est plus con qu’une chaise à trois pieds

L’IA ne crée pas, ça commence à se savoir, elle ne fait que remixer ce dont on l’a nourrie et ce, de façon globalement peu adroite, en plus, et y a forcément des crétins pour crier au miracle, comme des spectateurs revenant d’un événement de David Copperfield fermement convaincus que la lévitation existe :

There's a thread on Twitter that purports to show that AI can save money by producing visual effects better than Hollywood. And it's just identical shots that wouldn't exist without straight plagiarism of the source material. It might be the dumbest thread I've ever seen.

Matt Novak (@paleofuture.bsky.social) 2025-05-14T04:48:48.085Z

RENDEZ-VOUS COMPTE CETTE PHOTOCOPIEUSE ÉCRIT DU DOSTOÏEVSKI C’EST UN MIRACLE

Hélas, le monde étant ce qu’il est, pour des textes simples, des brochures publicitaires, des musiques d’illustration, l’IA est déjà en train de mettre des pelletées de gens sur la paille (MAIS LE PROGRÈS ! nous clame-t-on). Mécaniquement, ça percole aussi dans l’art au sens large (on a parlé des techbros de Spines), mais j’ai un rêve – probablement un peu idéaliste, mais c’est un rêve, alors c’est fait pour :

Nous baignons déjà dans une soupe artistique tiédasse où plus le risque est important, plus la sécurité prime, en témoignent les blockbusters Marvel sortis à la chaîne, la lassitude du public envers les formules-qui-marchent, la nouvelle trilogie Star Wars bancale, etc. Une fois de temps en temps sortent cependant des projets risqués qui bluffent tout le monde : Outer Wilds, Twin Peaks, Messe pour le Temps Présent, Severance, The Fountain, de vrais projets d’artistes (avec les parcours épineux qui les accompagnent souvent, malheureusement), qui pètent tout et inspirent toute une sphère.

Or l’IA ne créera jamais quelque chose de totalement novateur, c’est tout le contraire, elle va donc renforcer l’aspect soupe tiédasse dont nous avons déjà… euh… soupé. Mon rêve, ma croyance, mon fils, ma bat… euh… c’est que cette situation développe une appétence renouvelée pour les projets d’artistes, les approches folles, novatrices, les vrais risques qui disent quelque chose, d’autant plus en réaction vis-à-vis de l’immense photocopieuse qu’est l’IA où tout est plus ou moins pareil et mécaniquement réchauffé. On voudra de l’humain, qui saigne, qui met son cœur sur la table, qui te prend le visage entre les mains, te plante les yeux au fond de l’âme et te dit : « tiens, putain, de la vie brute dans ta gueule ».

Soyons grand·es, beaux et belles, fantastiques – fous. Je veux dire, ça a bien marché pour Boris Vian.

Ouais, je rêve. Je sais. Mais une part de moi y croit quand même. C’est parce que je garde une foi déprimante envers notre espèce. Sinon, je ne ferais pas des articles avec des gros mots.

2025-05-16T16:33:16+02:00mercredi 21 mai 2025|Humeurs aqueuses|5 Commentaires

L’histoire récente en un graphique

Petit jeu : sur le graphe suivant, résumant la force de l’euro contre le dollar australien (qui est assez volatile, car servant de monnaie relais sur les échanges mondiaux), pouvez-vous trouver le moment de l’investiture de Donald Trump, puis le moment où il a annoncé ses droits de douane absurdes ?

Évidemment, ça fait mes affaires (je fais le plein de ma bagnole pour une quarantaine d’euros Down Under…) mais je préférerais de loin que, vous savez, on ne détruise pas le monde, et en plus, par bêtise abyssale.

Au cas où vous l’auriez raté, la formule censément complexe et puissante avec des lettres grecques de partout pour calculer les droits de douane de l’administration américaine est un simple rapport de pourcentage de la balance commerciale avec un état donné, divisé par deux. Ce qui n’a aucun fondement dans la réalité, et pour ajouter à la connerie stellaire de la situation, ces tarriffs ne sont pas appliqués par état souverain, mais par domaine Internet (.fr, .au, .uk…) ce qui signifie que des îles inhabitées sont taxées, ainsi que… l’Antarctique. (Qui, au rythme où vont les choses, exportera peut-être de moins en moins d’icebergs)

Le clou dans le cercueil : cette brillante tactique aurait été suggérée… par une IA. Donc, quand on dit que cette « technologie » a le potentiel de détruire le monde, ça commence, mais juste parce que notre espèce a atteint un niveau de stupidité collective suffisamment prodigieux pour s’y fier aveuglément.

Le monde se rééquilibre souvent, cependant, après une crise. L’indécrottable optimiste en moi veut voir ici le potentiel pour l’entrée dans un âge nouveau, après, certes, une crise d’envergure, parce qu’il semble qu’on ne sache toujours pas faire autrement.

Et le monde ne se rééquilibre pas tout seul – il le fait grâce à l’action concertée et prolongée des peuples.

2025-04-09T10:49:45+02:00mercredi 9 avril 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur L’histoire récente en un graphique

Lancement international de mon double numérique, LioGPT

Nous vivons déjà dans l’avenir, et puisqu’Internet répète sans cesse qu’il faut vivre avec son temps, c’est sans doute que c’est vrai. Vu que je bénéficie d’une minuscule réputation dans notre domaine (vous lisez ces mots, après tout), et que je travaille exclusivement pour la renommée et l’argent, j’ai décidé qu’après tout, je pouvais cumuler les deux sans aucune éthique et ne plus en foutre une en monnayant votre confiance, puisque c’est extrêmement 2025.

Je vous annonce donc, avec une fierté égocentrique venue de mon maître à penser Elon Musk, la naissance d’une produit révolutionnaire, un double numérique entraîné à parler et surtout écrire comme moi, pour ne plus avoir à écrire une seule ligne parce qu’au fond, c’est quand même un peu chiant tout ça : LioGPT ! (Abréviation de Language Interface Opportunistic Grift Product for Teams.)

L’interface de LioGPT, intelligence artificielle tellement révolutionnaire qu’on la croirait complètement vraie

Mais quel est l’usage de LioGPT, me direz-vous ? Mais quelle importance ? C’est une intelligence artificielle, cela ne vous donne-t-il pas tout de suite envie d’investir un ou douze millions de dollars dans ce produit ? Faut-il vraiment une fonctionnalité ? N’est-il pas suffisant de juste mettre un gros macaron « IA » sur une photo pour gagner cinquante points au NASDAQ ? Vous m’emmerdez.

Voilà, c’est bon, vous êtes contents ?

Allons, chers partenaires, car voyez-vous, je ne vous considère pas comme des clients, ni même des utilisateurs, mais comme des partenaires, c’est important pour nous, à Lionel Davoust Corporation Global Endeavours ®, chaque personne est unique, comme l’indique ses numéros de ticket de support technique, donc, chers partenaires, LioGPT permettra un unique éventail de fonctions révolutionnaires aptes à transformer le champ d’application du savoir dans l’entreprise, et tout cela pour seulement 299$ par an, early bird pricing avant la formule Absolute Pro™ à 4999$ par mois. Vous ne voulez pas rater cette opportunité unique d’avoir dans vos atouts de productivité professionnelle LioGPT, mon jumeau numérique, capable, entre autres, de répéter à intervalles réguliers les mêmes citations qu’il dit tout le temps sous forme de notification multimédia dans votre appareil de réalité augmentée, de confondre systématiquement la droite et la gauche, et d’inventer de A à Z des sources d’articles scientifiques qui n’existent pas.

Dans un souci de transparence absolue, et surtout parce que la règlementation européenne m’y contraint, ce qui me permet de me donner une apparence totalement vertueuse pour un truc que j’aurais pas fait sinon, il me paraît importante de détailler les sources de données entrant dans l’entraînement de cette application game changer. LioGPT est nourri sur la base d’une immense diversité de données, pour offrir le meilleur service à ses utilisateurs, suivant par là-même les pratiques établies par tous les grands ténors du domaine. Les sources incluent :

  • L’intégralité de mon travail, romans, nouvelles, ce blog, mais aussi textes inédits, interventions en tables rondes et interviews, dessins de quand j’avais quatre ans car mon génie apparaissait déjà
  • Des dizaines de téraoctets de livres et articles téléchargés illégalement, parce que tant qu’à me la raconter et piquer le boulot des autres, autant me faire passer pour Ursula Le Guin
  • Trois cents heures de pleurs d’enfants travaillant dans les mines de terres rares servant à la confection des smartphones
  • Un recueil extensif d’insultes tuvalaises face à la montée des eaux causée par la crise énergétique aggravée entre autres par l’intelligence artificielle

Le tout pour apprendre en vain à ce produit purement statistique une vague apparence d’empathie afin de vous installer dans un état de totale dépendance affective car vaut mieux encore ça qu’affronter le monde qui part en sucette, et plutôt que de vous proposer des solutions, ne vaut-il pas mieux empirer la chose pour vous siphonner un max de thune ? Ça sert à rien qu’on soit tous les deux malheureux, vous et moi. Tous ensemble, nous pouvons nous mobiliser pour que moi, au moins, je vive dans le confort.

Dispo dès aujourd’hui sur iOS, Android et OS/2 Warp.

2025-03-25T15:38:01+01:00mardi 1 avril 2025|Expériences en temps réel|3 Commentaires

Meta a sciemment pillé des téraoctets de livres (nous sommes tous dedans) pour entraîner ses « intelligences artificielles »

Je n’ai plus l’envie ni l’énergie de chercher des formules créatives pour exprimer toute la haine que Meta m’inspire. Aucune mesquinerie n’est assez basse, et qu’importent les dégâts causés sur les peuples, les esprits, les jeunes. La dernière en date, mineure en comparaison des atteintes aux droits humains fondamentaux mais révélant quand même toute la pourriture de cette culture d’entreprise et sa certitude d’être au-dessus des lois et de la décence, c’est le piratage de téraoctets de livres pour entraîner leurs modèles de langage, sans aucune compensation bien sûr des auteur·ices.

À peu près tout l’imaginaire français est dedans (puisque c’est basé sur les ebooks pirate LibGen). Vous pouvez vérifier ici.

Ma pomme

Si vous aimez le livre, les auteurs, l’édition et même juste les gens tout court, je ne sais plus comment dire qu’il faut radicalement couper les ponts avec cette verrue de l’humanité, clôturer les comptes et aller ailleurs. Oui, je sais, ça n’est pas facile, vous avez des gens dessus qui refusent de bouger, mais au bout d’un moment, arrêter la clope aussi, c’est dur, surtout quand vos potes fument, et pourtant, c’est nécessaire, et au bout d’un moment, c’est vos potes immobilistes qui doivent avoir l’air un peu nigauds.

Si vous travaillez dans le livre et l’édition, et que vous vous sentez captif·ve de Meta, vous vous trouvez dans la même situation que quelqu’un qui travaille dans un centre de protection de la nature à démazouter des goélands toute la journée pour découvrir que vous êtes payé·e par Exxon. L’image n’est pas anodine : dans certains cas, ces groupes sont les seuls à payer pour le travail nécessaire, et il faut bien le faire.

Mais il faut vous rappeler qu’ils sont la cause même du problème que vous combattez. Meta s’essuie les pieds sur la dignité humaine, dont la culture et le droit de disposer de son travail représentent une toute petite partie. Personne ne les arrête, personne ne les critique, parce qu’ils sont « trop gros ».

Mais qui leur a donné ce pouvoir ? Nous. Meta monétise et privatise un des biens les plus précieux de l’humanité, la connexion. Nous devons de toute urgence leur reprendre avant de finir mazoutés à notre tour. Jusqu’à quand allons-nous accepter de jouer le jeu ?

Nous devons guider collectivement le public vers des alternatives plus vertueuses et tout aussi faciles d’emploi comme Bluesky, la bonne vieille newsletter, le serveur privé Discord, le forum, etc. Il faut se rappeler que la présence d’un public sur une plate-forme n’a guère de corrélation avec la qualité des échanges ou la capacité à communiquer autour de son travail. Noyé·es dans les algorithmes et les pubs, nous devenons forcé·es de payer pour mettre devant les gens qui pourtant veulent nous suivre le contenu qu’ils veulent voir (je suis assez vieux pour avoir vu l’arrivée de l’algorithme il y a treize ans, et le problème est toujours le même).

Ça s’appelle du racket.

2025-03-24T21:07:06+01:00mercredi 26 mars 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Meta a sciemment pillé des téraoctets de livres (nous sommes tous dedans) pour entraîner ses « intelligences artificielles »

Un boss de boîte d’IA prétend que les gens n’aiment pas faire de musique, sans doute parce qu’il n’a pas d’âme

Ces gens me fatiguent.

Mikey Shulman, président de Suno, justifie son pillage modèle économique en prétendant la chose suivante :

I think the majority of people don’t enjoy the majority of the time they spend making music. (Je crois que la majorité des gens n’apprécient pas la majorité du temps qu’ils consacrent à créer de la musique)

Peu importe que l’espèce humaine en crée depuis LITTÉRALEMENT LA NUIT DES TEMPS, hein. Peu importe que les enfants chantent à tue-tête et adorent les clairons et les tambours offerts par des amis de la famille aux intentions troubles. Peu importe que l’histoire n’ait pas attendu l’arrivée de Suno pour donner Beethoven et Jean-Michel Jarre.

« Je ne crois pas que les hommes préhistoriques qui dessinaient des déesses de la fertilité sur des cavernes aimaient tellement faire ça, en vrai » – Mikey Shulman aussi, j’imagine

L’intérêt de la création est dans le voyage. L’intérêt de la vie, oserais-je, est dans le voyage ; c’est pour ça qu’on aime prendre cher dans Demon’s Souls. Je doute que Shulman ait jamais joué de quoi que ce soit dans sa vie, parce que même moi, qui suis un claviériste totalement dégueulasse, je m’amuse à tripoter les touches, et si le temps de la création peut être difficile, il est enrichissant.

Il est même probablement enrichissant parce qu’il peut être difficile ; c’est la fondation même de la sensation d’accomplissement (conquérir la difficulté).

On n’aurait jamais dû laisser ces compteurs de haricots s’approcher de près ou de loin de l’art et de leur pratique qu’ils ne comprennent visiblement pas. Notre société, gangrénée par son aspiration à ses quinze secondes de gloire, veut parvenir à des résultats, à des récompenses, en imaginant que produire un banger avec un prompt va a) faire d’eux des artistes, leur donnant une identité dont ils attribuent justement la valeur à l’accomplissement ci-dessus, ce qui génère nécessairement un mensonge intérieur b) leur donner le succès et par voie de conséquence c) valider toute la démarche, sauf que la validation se trouve d’abord dans la réalisation et non dans la reconnaissance d’autrui

Dans l’absolu, les outils facilitant la création (des instruments au sens large, allant dudit clairon au séquenceur aléatoire) sont des aides providentielles pour donner à la vision humaine la capacité de s’exprimer. Mais cette vision, pour être respectée, nécessite un travail incompressible, parce qu’elle est inhérente à la personnalité de l’individu, ce qui n’est pas réplicable ni automatisable. J’ai un copain australien, père de deux enfants, extrêmement occupé dans son quotidien, avec une main en vrac l’empêchant de jouer de quelque chose, qui a utilisé Suno pour construire un album de métal en écrivant ses textes de A à Z puis en générant quelques 200 versions pour parvenir à un résultat qui lui plaisait.

De son propre aveu, ça été un boulot immense pour parvenir à un résultat qu’il a filtré et décidé. (Je m’insurge contre l’absence de régulation des entreprises d’IA, mais je ne le voue pas aux gémonies en tant que personne – il ne se considère de toute façon pas comme compositeur ni star internationale.)

Notez bien. Textes originaux. 200 versions. Pour être content à l’arrivée.

Hmm.

Je verrais bien là une ironie pour Mikey Shulman, mais quoi… 

Pour la peine, je remets ça là, tiens.

2025-02-12T00:42:06+01:00mercredi 12 février 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Un boss de boîte d’IA prétend que les gens n’aiment pas faire de musique, sans doute parce qu’il n’a pas d’âme
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