Alors que les réseaux classiques implosent, qu’est-ce qu’on va faire ?

Sondage parfaitement non-scientifique balancé au coin de Twix un soir où, constatant que les réseaux classiques sont tous plus irrespirables et/ou devenus difficiles d’utilisation les uns que les autres, je me demandais vers quoi nous pourrions nous tourner :

Qu’est-ce que je fous sur ces plateformes dont je dis périodiquement du mal ? Deux raisons : d’une, c’est génial de parler à des gens, à vous toutes et tous, de pouvoir faire des rencontres virtuelles que le présent site, bien qu’il reste mon canal en ligne fétiche, ne peut plus susciter en 2023 ; de deux, l’aspect salon littéraire permanent (évoqué ici).

Pour le premier aspect, je crois que Twix est condamné à moyen terme (et c’est bien parce que j’ai juré que je ne ferais plus la girouette que j’y suis encore, mais Phony Stark me donne des boutons – j’attends qu’il rende le service payant pour avoir enfin une excuse de me barrer), et je trouve Facebook devenu inutilisable au possible, et de toute façon on sait que c’est pour les darons. Mastodon a pas mal calé, en revanche Bluesky (j’y suis, au fait !) est prometteur, mais très, mais alors très très basique pour l’instant.

Que peut-on créer comme communauté sympa de nos jours, qui ne soit pas inféodée à un service qui te vampirise tes données personnelles et/ou appartient à un fou furieux qui attaque en justice les chercheurs étudiant la désinformation sur sa plate-forme, et qui ne nécessite pas une armée de modérateur.rices pour la tenir en un seul morceau ? Vivement qu’on devienne tous Borg, tiens.

2023-10-25T07:20:04+02:00mercredi 25 octobre 2023|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Quelques souvenirs de PAX Australia 2023

Ce week-end, c’était la convention PAX Australia (Penny Arcade Exhibition) à Melbourne, et c’était génial : un peu comme une Worldcon à domicile, mais concentrée sur l’univers du jeu – plateau, rôle, stratégie et évidemment vidéo. Si le principe vous est inconnu, les conventions façon anglophone sont très différentes de nos festivals à la française : c’est beaucoup plus proche d’un congrès, où les places, en nombre limité, sont vendues bien à l’avance (et souvent épuisées des semaines avant la date). Cela implique des événements beaucoup moins grand public, puisque s’adressant aux initiés qui savent pourquoi ils sont là – et quand on l’est, c’est bien sûr du bonheur en barre, des concours de cosplay très référentiels aux activités merveilleusement débiles comme des concours de speedrunning de l’E1M1 de Doom sur un tapis de Dance Dance Revolution (évidemment, ça s’appelle Doom Doom Revolution) ou des panels très sérieux sur les techniques avancées du cosplay ou la musique de jeu vidéo.

C’était aussi l’occasion pour nous d’y aller costumés ! Ça devait bien faire dix ans que je n’avais pas remis mes bottes steampunk. Elles sont toujours aussi inconfortables, mais je suis maintenant capable de les supporter deux jours, ce qui est la preuve irréfutable qu’on durcit des pieds avec l’âge.

2023-10-09T08:19:40+02:00lundi 9 octobre 2023|Juste parce que c'est cool|Commentaires fermés sur Quelques souvenirs de PAX Australia 2023

Entrez dans ma cave

Approchez, approchez ! Petits et grands, venez, approchez et contemplez le cirque tragicomique d’une vie d’accumulation en partie due à un trouble obsessionnel compulsif ! Cela, et aussi le fait que, toute ma vie, j’ai eu la possibilité de déménager soit dans un logement plus grand, soit avec une plus grande cave, me permettant de conserver perpétuellement des cartons dont le contenu m’était devenu aussi mystérieux que l’inconscient d’un des premiers patients de Sigmund Freud.

Bref : j’ai déménagé au bout du monde. Et chaque mètre cube coûtant là en revanche une tranche de rein, il m’a fallu opérer un tri drastique, l’occasion également de retrouver quelques merveilles crues oubliées, de la documentation et du matériel accumulés en des époques aux mœurs différentes, et même, quelques fragments de passé étrangement prescients.

Approchez, approchez, et entrez dans un voyage dans le temps personnel et vain ! Mais précieux, car c’est le mien !

La technologie, c’est plus ce que c’était (ou bien si ?)

Regardez ! Regardez comme on se guidait et s’orientait en cet âge de pierre où l’on utilisait encore du papier pour, par exemple, rédiger sa liste de courses – comme des animaux ! Et regardez, y a des prix en francs !

Le plus étrange est que Momox m’a proposé de les racheter 1€ pièce. Il doit exister une secte collectionneuse de vieilles cartes, à la recherche du DaVinci code dans les souterrains du port des Minimes.

Mais, fantastique, ces plans recèlent également d’absolues splendeurs promouvant la technologie du futur : le téléphone en mobilité, grâce à ce fleuron qu’est… la cabine ! Avec des télécartes !

Internet étant d’ailleurs la technologie en plein essor du moment, à laquelle on peut accéder à la vitesse étourdissante de sa ligne téléphonique grâce à un modem qui, comble du raffinement, fait aussi Minitel ! Le meilleur des mondes ! Extraordinaire : ordinateur éteint, recevez et stockez vos fax ! Inclut la version complète de Netscape Navigator 3 ! Je suis étourdi.

Mais qu’allait-on bien pouvoir faire avec tout ça ? Il fallait bien de l’espace pour stocker les données récupérées à très haute vitesse sur les autoroutes de l’information. Heureusement, tout pouvait être réglé avec l’essor des disques durs externes. 20 gigaoctets ! Oh là là, avec tout ça, je pouvais bien stocker l’intégralité de ma musique la graver en mp3 à destination de mon baladeur CD.

(J’ai la tête qui tourne en considérant que ma GoPro stocke aujourd’hui cinquante fois d’espace sur une carte SD plus petite que l’ongle de mon petit doigt.)

C’est marrant (ou pas) de voir qu’en 2004, au-delà de cette nouveauté brûlante qu’est Windows XP, on testait déjà des systèmes de visioconférence. En grand écran s’il vous plaît.

Bon, on arrête les conneries.

Parce que j’ai quand même du vrai joli vintage d’origine. Non mais.

Heureusement, à l’époque, je savais tout de l’avenir. Ou pas. Le bouquin a accumulé les années tandis que je remettais perpétuellement sa lecture.

Oups.

Bizarrement, celui-là, Momox n’en a pas voulu.

Le grand carousel de mon passé chevelu

Ah, mais, auguste lectorat ! Chers grands et petits visiteurs ! Le cirque n’est pas complet tant que je ne vous ouvre pas, dans toute sa touchante vulnérabilité, l’amusement de mon propre vintage, que nous ne soufflons pas ensemble la poussière d’une vie stockée à la cave dans les diverses ramifications qu’elle a pu prendre pour terminer en méandres tantôt vivaces, tantôt asséchés.

Amusons-nous déjà que quarante ans plus tard, on puisse retrouver ceci :

QUARANTE ANS BORDEL

Alors hein, avec vos carnets de correspondance digitaux, là, je me MARRE, vous ne pourrez jamais retrouver vos PDF à la cave AHAHAH

Bon heu, bref

Je sais évidemment que j’avais toujours voulu être biologiste marin, je blague régulièrement que je voulais être commandant Cousteau mais que la place était déjà prise, en revanche, visiblement, j’avais vraiment écrit à la fondation dans un probable moment de désenchantement quant à une future orientation professionnelle, et figurez-vous que ces gens répondaient vraiment, avec de la vraie doc attachée, et que là quand même, c’est limite une mission de salut public.

Je vous dirais que retrouver ça m’a ému un brin. Y figurait le centre de recherches de La Rochelle où, sept ans plus tard (en 2000), je me retrouvais en stage de fin d’études.

Reprenons. Plus tard, j’étais donc en prépa maths sup bio, et comme un livre c’est sacré et que ça ne se jette pas, ça se vend ou se donne, on se trouve bien emmerdé quant on est écrivain professionnel et qu’on retrouve à sa cave ce genre de chose :

Nan parce que j’ai bien regardé, ça n’a rien d’un traité sur la typographie, hein, c’est plein de symboles cabalistiques que j’ai compris jadis mais qui aujourd’hui ne m’évoquent que le Necronomicon, donc dans le doute, j’ai préféré remiser ça avec mes ouvrages sur les espaces non-euclidiens (vous l’avez ? Subtil. Je suis fier.)

Il y a aussi des trucs qui énervent et consternent. Dans ma documentation papier de l’époque (assez conséquente – bon dieu, que l’invention du PDF a été une bénédiction pour les forêts), j’ai retrouvé des machins du genre :

Il en faut encore, vingt ans plus tard, pour contester et chouiner, alors que CNN, donc un média fort obscur, disait déjà que le changement climatique était “évident”. Qui aurait pu croire le débat scellé à l’époque, hein ?

Dans les mêmes eaux, visiblement, mes copies de français de prépa avaient déjà tracé ma future carrière d’écrivain. Si La Succession des Âges est à la bourre, ne cherchez plus, ma prof de français m’avait déjà cerné en 1998 :

Vous remarquerez l’exercice de haut vol qui consiste à pouvoir diluer un résumé. Et ça, c’est la marque des plus grands, parfaitement.

Mais heureusement, j’allais devenir étudiant ensuite, et WAOUH J’AI CARRÉMENT VINGT ANS, roulement de tambour chers petits et grands, préparez-vous à la tronche correspondante, on ne rigole pas, ou du moins pas assez fort pour que je vous entende depuis l’Australie :

Le joyau de l’exposition

Chers amis ! Petits et grands ! Il est temps pour moi à présent de vous révéler le joyau de cette exposition, la splendeur suprême qui, lors de ma redécouverte, m’a plongé dans un ahurissement si abyssal qu’il m’a fallu l’évacuer d’un rire si vaste que ma voisine a tapé sur son plafond avec un manche à balai.

Mes amis ! Replacez-vous il y a trente ans, dans un contexte innocent, bien avant la démocratisation d’Internet et l’inévitable explosion de mauvais esprit, de débauche (et carrément de criminalité) qu’il a charrié dans son sillage. Fut un temps, mes amis, où pour le grand public, les mots s’employaient juste à leur premier degré, sans sous-entendu gras ni arrière-pensée choquée !

C’est de ce temps-là que je vous parle ; un temps où, lors de mon adolescence, je fus très engagé pour la cause animale et notamment contre l’expérimentation en laboratoire et la vivisection ; j’ai redécouvert que j’étais membre d’une association militante à ce sujet pendant deux-trois ans. Association qui, donc défendait et aimait les animaux, c’était la plus stricte vérité d’un point de vue, disons… étymologique.

Association qui publiait régulièrement son journal, dont le titre… 

euh… 

eh bien… 

… disons qu’on ne choisirait plus le même aujourd’hui, hein ?

Je vous le donne en mille.

Je ne m’en remettrai jamais.

(Ah mais c’est l’ex-“jeunesse zoophile” ! Donc tout va bien !)

Au secours.

(Pour la petite histoire, une recherche rapide montre que ladite association a cessé ses activités en 1998 après vingt ans d’exercice !)

2023-07-24T09:10:53+02:00lundi 24 juillet 2023|Best Of, Expériences en temps réel|14 Commentaires

À Melbourne

Me voilà arrivé à bon (aéro)port, avec pas tout à fait les yeux en face des trous (8h de décalage horaire, qui deviennent 10 quand les saisons s’inversent), mais ça va se tasser, comme toujours – arrivé donc à Melbourne, capitale de l’État de Victoria, considérée aussi comme la capitale culturelle et sportive du pays, et l’une des villes où la vie est la plus agréable au monde. Le Parisien repenti que j’étais jadis ne peut qu’être d’accord.

L’Australie est un État fédéral, comme les États-Unis, quoique avec beaucoup moins de parties constituantes : six États et dix territoires. Melbourne est située en Victoria, au sud-est ; et, contrairement à l’idée reçue, il n’y fait pas une chaleur à crever. Car l’Australie, c’est GRAND – à peu près la taille de l’Europe, d’Oslo à Rabat du nord au sud, de Brest à Moscou d’ouest en est. Vous savez qu’il ne fait pas le même temps en Norvège et au Maroc, et comme nous sommes dans l’hémisphère sud, les saisons sont inversées – Melbourne étant au sud, il y fait un temps beaucoup plus proche de la Bretagne (pluies incluses) que des chaleurs désertiques.

Melbourne, située sur la terre ancestrale des Wurundjeris, était à l’origine une région marécageuse qui a été drainée par les colons. La ville s’organise en quartiers qui sont en réalité autant d’agglomérations semi-indépendantes, comme sur le modèle londonien ; les zones urbaines s’articulent autour de Port Philip Bay, où se mêlent des plages très prisées comme à St Kilda, des parcs naturels à part entière comme celui de Point Nepean vers Sorrento et des quartiers résidentiels en plein développement comme dans la région de Cranbourne, vers le sud-est.

Dans le Central Business District (CBD), le “downtown” de Melbourne, sur le fleuve Yarra
Point Nepean
Point Nepean national park

Vers l’est et le nord-est, le paysage change radicalement, au point qu’il est difficile de croire qu’on se trouve dans la même ville (pour tout dire, c’est surtout une commodité administrative) : ce sont les hills (collines) où les forêts, parcs naturels et champs rendent l’urbanisation à la fois ardue et peu intéressante en comparaison des vastes plaines entourant Port Philip Bay. Les agglomérations, séparés par des kilomètres de bush et de retenues d’eau douce, y deviennent là des villages à part entière, dont la plupart se résument à quelques rues commerçantes rassemblant le bureau de poste, la bakery locale, le fish and chips (il y a toujours un fish and chips) et le comptable (il y a toujours un comptable). Rayonnent alors des rues résidentielles dont la plupart ne sont pas goudronnées, aux maisons de plus en plus isolées, voire en autonomie complète. Les hills montent progressivement en altitude vers le parc national des Yarra Ranges, où s’amorce la chaîne de montagnes qui remonte sur des milliers de kilomètres le long du flanc est du pays, en passant notamment par les Australian Alps dans le nord de Victoria.

Emerald, dans les hills

Après y avoir fait plusieurs adresses, c’est dans les hills que nous avons eu la chance de pouvoir nous installer à demeure, ce qui nous place en pleine nature, mais nous situe néanmoins à portée d’à peu près tout. Le centre de Melbourne se trouve à 1h30 de route, la mer aussi, la montagne à 4-5h, le désert à 10 – cela semble beaucoup pour la France, mais à l’échelle de l’Australie, ce n’est rien du tout ; tout est tellement vaste qu’à moins de vivre en plein cœur de Melbourne, la voiture est obligatoire pour le moindre déplacement, et les pickups et gros 4×4 sont omniprésents. Dans notre village, la poste australienne juge que nous vivons trop loin pour qu’on nous livre le courrier ; n’ayant alors pas de véhicule, j’ai un jour décidé de descendre à pied pour récupérer un colis, ce qui m’a demandé… 1h30 de marche aller-retour.

2023-06-19T08:36:32+02:00lundi 19 juin 2023|Carnets de voyage|10 Commentaires

Richard Container

Et voilà – la plupart de mes affaires ont été emballées et sont en route vers leur transport maritime, pour une arrivée prévue dans quatre mois à Melbourne. 247 colis, dont 160 de livres. Les émotions sont évidemment intenses cette semaine – c’est leur absence qui serait inquiétante ; quitter une ville où l’on a passé vingt-cinq ans, où l’on a été étudiant puis où l’on est devenu adulte, qui est devenue, sans s’en apercevoir, une partie de soi, et où, surtout, résident des cercles d’amis phénoménaux (énormes cœurs sur vous toutes et tous) ; s’éloigner de tout son entourage et de sa famille, tout cela est appelé à brasser beaucoup de choses. Ambiance charge émotionnelle cumulée des épisodes finaux de toutes tes séries préférées. Mais la vie me donnera moult et fréquentes occasions de revenir, et, pour tout le mal que j’en dis aussi, je suis infiniment reconnaissant à la communication instantanée de notre époque pour maintenir des liens par-delà l’autre bout de la planète : bref, je réitère, mais que personne n’imagine être débarrassé.e de moi (sorry not sorry).

Je déteste les entre-deux – j’aime être posé à un endroit, posséder mon “territoire” – mais c’est par conséquent une intéressante leçon de patience à recevoir. Et surtout, de splendides voyages m’attendent dans les mois à venir, de magnifiques aventures avec ma chère et tendre avec qui nous allons enfin pouvoir vivre sans l’épée de Damoclès du prochain avion, et de nouveaux défis, de nouveaux apprentissages attachés à l’établissement permanent dans une autre nation.

Puissé-je conserver toujours l’intelligence et la passion de m’y ouvrir, et de ne pas voir l’inconnu qui se dresse devant moi, mais tout le potentiel qu’il recèle !

Citations fixées au-dessus de mon bureau depuis des années (j’en ai depuis longtemps perdu les sources).

Peut-être documenterai-je mon établissement là-bas, partagerai-je à quoi la vie en Australie ressemble vraiment, à présent que c’est concret. (Ça vous branche ou bien pitié, non, t’en parles assez comme ça ?)

2023-06-11T23:09:20+02:00lundi 12 juin 2023|Carnets de voyage|4 Commentaires

Ça déménage

Un petit mot rapide pour prévenir que si mon activité en ligne et notamment ici (où mes analyses dont la fulgurance me vaudra à n’en pas douter un juteux mandat à venir de la part de McKinsey) (allô ?), c’est que je suis en train de déménager à l’autre bout du monde, ce qui s’accompagne d’un certain nombre de disruptions au quotidien, notamment le fait de devoir rendre ma Livebox à qui de droit.

Ainsi se clôt mon vaste et épique (il faut toujours penser que tout ce que vous faites est épique. Lavez-vous les dents avec de l’Immediate Music dans les oreilles) chapitre rennais, où j’ai passé quand même 25 ans depuis mon arrivée pour mes études, et où j’ai fait quatre adresses dans un rayon de cent mètres (dont deux appartements dans le même immeuble). Il était donc logique que je m’envole à 17000 km après avoir accumulé tous ces points de karma de déménagement. (Même si, comme je le répète ad nauseam, je ne disparais pas entièrement du paysage : je reviendrai une à deux fois par an en France pour salons et publications.)

Fun fact : vue l’ampleur de la tâche (j’ai quelque chose comme 2500 bouquins) et l’importance de la distance, j’ai pris une formule où les déménageurs réalisent eux-mêmes emballages et cartons. Quatre d’entre eux sont venus, dont un pour qui c’était le premier jour dans l’entreprise. Sitôt le seuil de mon humble demeure franchi, celui-ci a constaté ce qui l’attendait, a pris peur et a démissionné sur-le-champ. Je ne sais pas si je dois être désolé pour lui ou fier ? Je vais pencher vers la fierté. Voilà.

Petite annonce à venir aussi, je vais avoir deux périodes de déconnexion complète cet été, une assez longue et une assez beaucoup longue, pour raisons personnelles de voyage de noces et visites familiales. Ce ne sera donc pas que j’ai fui la France pour ne pas rendre La Succession des Âges. De toute façon, l’Australie a un accord d’extradition avec la France.

2023-06-19T07:24:33+02:00mercredi 7 juin 2023|Journal|9 Commentaires

Lettre à mon médecin nataliste (parlons de vasectomie en France)

Cher Docteur U.,

Je vous écris aujourd’hui pour, je l’espère, apaiser votre conscience – à défaut de celle des patients qui ont défilé dans votre cabinet en vain.

Il y a environ un an de cela, suivant le parcours médical habituel, je vous ai demandé rendez-vous pour une vasectomie. Ce genre de consultation est routinier pour vous, ainsi, sans doute aucun, que le discours que vous m’avez tenu ; aussi replacerai-je les circonstances de notre entrevue pour fixer les événements. Celle-ci faillit en effet être très courte et j’ai envisagé de partir sur l’instant – la première question que vous m’avez posée fut celle-ci :

« Avez-vous des enfants ?

— Non, vous ai-je répondu.

— Alors, je ne peux pas vous la faire », avez-vous immédiatement et catégoriquement rétorqué.

Pour quelle raison ?

« Et si jamais vous changiez d’avis ? »

Cher Docteur U., au cas où vous auriez oublié ma réponse, j’aurai 45 ans cette année. Je vous prie de croire que n’étant plus vraiment un perdreau de l’année à ce stade, si j’avais voulu en avoir, des enfants, j’aurais pu saisir quelques occasions de l’existence. J’ai toujours su, depuis très jeune, que je n’avais aucune fibre parentale, aucune envie d’être père ni de “prolonger ma lignée” ; mettre ma compagne enceinte m’a toujours terrifié ; les enfants ne m’évoquent au mieux pas grand-chose ; je ne sais interagir avec eux que quand il abordent le lycée, c’est-à-dire en réalité quand ils deviennent adultes – CQFD. En outre, ce n’était pas une décision que j’envisageais seul, mais en concertation avec ma compagne.

Quand je vous ai fait valoir ces arguments, vous m’avez renvoyé, je l’avoue, une crainte que je n’attendais pas :

« Mais imaginez de quoi j’aurai l’air auprès du personnel du bloc opératoire ? Opérer ainsi un homme sans enfants ? Comment va-t-on me juger ? »

Je vous répondrai aujourd’hui librement le fond de ma pensée, cher Docteur U. : que si vous n’avez pas le courage d’assumer un geste opératoire réalisé à la demande du patient devant votre personnel, ou que, si vous avez besoin de vous cacher derrière un argument aussi pitoyable pour décliner la demande du patient, dans un cas comme dans l’autre, vous n’avez pas tant un problème de conscience que de courage.

À qui êtes-vous redevable en premier lieu : le patient, ou votre réputation ? Préférez-vous que des gens, convaincus que la parentalité n’était pas pour eux, risquent de semer sur leur route des enfants abandonnés et malheureux ? Ou bien tenez-vous à continuer à faire porter le poids de la contraception sur les femmes ? Ou encore, faites-vous juste preuve de paresse intellectuelle, refusant de vous informer sur l’évolution des techniques médicales et des mœurs de notre siècle ? Vous me sembliez pourtant bien de dix ans mon cadet.

Devant la bêtise d’une telle réponse, je n’ai eu d’autre choix que de recourir à l’argument de la loi, laquelle stipule que la vasectomie peut être réalisée chez tout homme majeur à la demande de celui-ci. Je peine encore à croire à la réponse que vous m’avez faite, laquelle, de la part d’un médecin, est inquiétante :

« Vous êtes probablement mieux renseigné que moi… »

Docteur U., j’espère ne pas vous “renseigner” en outre en vous apprenant qu’il est possible depuis des décennies de congeler des gamètes, de toute façon, et que la vasectomie, dans ce contexte, bien qu’étant un geste qu’il faut considérer définitif, n’est pas non plus une démarche absolument irrévocable ; dans la probabilité infime où je changerais d’avis, le corps médical m’offre néanmoins d’autres possibilités de procréation.

Vous avez lu, je pense, l’agacement et la consternation sur mon visage face à votre entêtement et la bêtise de vos arguments. Néanmoins, ayant décidé de longue date de rester civil et courtois plutôt qu’agressif et vociférant, j’ai contenu ma colère :

« Vous me donnez aujourd’hui une grande leçon, Docteur U., vous ai-je répondu avec toute la contenance dont j’étais capable.

— Quoi donc ? avez-vous répondu d’un air un peu déconcerté.

— C’est très instructif, ce qui m’arrive. En cet instant, je peux entrevoir de l’intérieur, l’espace d’un bref instant, ce que vivent au quotidien les femmes à qui l’on nie le droit de disposer de leur propre corps. »

Ça ne vous a pas plu. Ça n’était pas fait pour.

Ce qui fut instructif également, c’est que vous êtes aussitôt parti sur une diatribe sur l’avortement – dont vous connaissiez là étrangement bien le cadre légal. Toutefois, je sais que je suis un biologiste un peu périmé, mais il m’a peiné d’avoir à vous rappeler la différence entre un embryon et un gamète.

Vous avez fini par capituler à demi en soutenant qu’il vous fallait « demander l’avis de vos mentors » à Paris, pour savoir si vous aviez, en toute bonne foi, le droit d’opérer un homme de mon âge, dans ma situation, à sa demande. Je ne peux là que louer une fois de plus, Docteur U., le courage de votre conscience. Vous avez fini par me laisser un message une semaine plus tard en me signifiant votre consentement. Pour ma part, vous pouviez bien vous brosser.

Le plus triste dans tout cela est que je cherchais avant toute chose à me renseigner sur les procédures dans cette entrevue. Il va sans dire que dès notre premier échange, j’ai su que je ne pouvais vous faire confiance. D’autre part, la France oblige encore, en 2023, quatre mois de délai de réflexion légal dans le cas de cette procédure – je cherchais surtout à lancer ledit délai pour pouvoir être prêt à réaliser la procédure quand la décision finale serait prise et que mon emploi du temps s’y prêterait.

Docteur U., depuis, j’ai fait réaliser ma vasectomie en Australie. Là-bas, personne n’a porté le moindre jugement sur mon choix. Le médecin qui m’a suivi, pourtant un grand nom d’une clinique de fécondité de Melbourne, n’a pas une seule fois questionné ma décision ni cherché à insuffler le moindre doute. Quand je lui ai timidement demandé les délais pour l’opération, il a éclaté de rire en me disant que ce pouvait être fait la semaine prochaine si je le souhaitais.

L’opération elle-même a été réalisée avec une technique de micro-incisions ne nécessitant qu’une anesthésie locale, apparemment inventée dans les années 1970, mais encore largement ignorée du corps médical. Entre le moment où j’ai garé ma voiture et où je l’ai reprise, il s’est passé en tout et pour tout trente minutes, et je suis rentré par mes propres moyens, en gobant juste un anti-inflammatoire. Je suis resté évidemment au calme pendant la semaine qui a suivi, mais tout bien considéré, j’ai connu des opérations dentaires bien plus lourdes.

Pour toute la modernité dont elle se targue, la France est encore outrageusement arriérée pour ce qui concerne le droit à disposer de son corps, comme en témoignent les droits des personnes transgenres ou, pour mon cas, la capacité à disposer de sa fécondité comme je le souhaite. Que vous en ayez conscience ou non, que vous le vouliez ou non, vous faites, Docteur U., partie du problème.

Savez-vous ce que j’ai ressenti sur la table au beau milieu de la procédure ? Une puissante ivresse de liberté : celle d’avoir agi conformément à mes valeurs personnelles, d’avoir pris en main mon destin, mon corps, et de pouvoir enfin contribuer à une charge du couple (la contraception) pour laquelle j’étais traditionnellement impuissant (ha). Pourtant, la solution est simple, et elle existe ; la vasectomie n’est pas dans les mœurs françaises, mais c’est une opération absolument bénigne (j’en témoigne) et tout à fait acceptée dans les pays de tradition anglaise. Que fait la France ?

Docteur U., vous avez voulu me priver de tout cela au nom du regard des autres sur vous et de votre ignorance de la loi, mais contre toute attente, je n’ai pas une si mauvaise opinion de vous que je croie véridiques vos arguments imbéciles. Je pense surtout que vous défendez des convictions tristement surannées sur la natalité et la parentalité, sans comprendre ni accepter que tout le monde ne les partage pas, que des choix différents sont possibles et bienvenus, et surtout qu’il est plus que temps de foutre la paix aux gens qui sont sans enfants par choix quand la planète craque aux entournures et que des millions de mômes crèvent déjà de faim.

Mais donc, Docteur, je vous en prie, dormez tranquille ! Un autre que vous aura porté la responsabilité de mon bonheur.

Pas cordialement,

LD.

Initiale changée pour respecter l’anonymat de l’intéressé.

2023-04-18T09:06:41+02:00mercredi 26 avril 2023|Humeurs aqueuses|10 Commentaires

Kafka, cet auteur de hopepunk

Intéressante divergence de perception l’autre jour sur Facebook (où je suis de retour, pour mémoire, parce que mon âme est noire comme la nuit) – je postais cette citation bien connue du célèbre auteur entomologiste :

We need the books that affect us like disaster, that grieve us deeply, like the death of someone we loved more than ourselves, like being banished into forests far from everyone, like a suicide. A book must be the axe for the frozen sea inside us.

Franz Kafka

Des mots que j’ai toujours appréciés pour leur puissance et leur obsession presque létale de l’exaltation ; quelle ne fut pas ma surprise quand les réactions furent au contraire un appel à l’espoir et à l’amour mutuel.

Ahem. OKAY OUI BON je vois bien comment on peut AUSSI prendre la citation dans un sens, euh, torturé. (Kafka n’était-il pas cet homme connu pour son goût du fun ?) Mais cette divergence d’interprétation est instructive : alors que l’on peut retenir l’aspect “like a suicide”, je suis par ma part obsédé par la puissance de “the axe for the frozen sea inside us” ; personnellement, je ne veux pas de frozen sea inside me, et je veux lui péter la gueule à la hache, ouais – ce qui implique la totalité de l’existence, le fun et son contraire.

Combattre, le cas échéant, l’inertie rassurante de son existence peut représenter, oui, un désastre et une mort ; c’est une porte terrifiante, puissante et merveilleuse que de constater, éventuellement, l’étroitesse de sa propre conceptions. C’est une expérience terrible, mais qui peut être salutaire. (Si l’on est branché haches et océans. Ça n’est pas le truc de tout le monde.)

Toute réalisation implique la fin de quelque chose, ce qui nécessite un processus de deuil. Et sortir de l’inertie est une expérience violente (sinon, ça ne serait pas de l’inertie).

2023-04-05T15:57:43+02:00jeudi 6 avril 2023|Humeurs aqueuses|4 Commentaires

Maintenant disponible : le kit d’émergence organique de Procrastination

L’émergence organique est ce concept que nous évoquons souvent dans Procrastination, abordé récemment de nouveau par la bande dans l’épisode sur l’inconscient constructeur – une histoire, un monde et des personnages dépendent tous les uns des autres, et une des manières les plus agréables et les plus cohérentes de créer un récit consiste à laisser ces dépendances se mettre en place naturellement au fil de l’écriture.

Jusqu’ici, nous avons pu dire que l’émergence organique se construisait avec l’expérience et la connaissance de soi. Mais à présent, toute l’équipe est ravie de vous présenter enfin un raccourci miracle vous épargnant toute la difficulté d’un travail ardu : le kit d’émergence organique de Procrastination !

Avec le kit d’émergence organique de Procrastination, plus besoin de travailler vos récits, de réfléchir à votre technique, de sonder en vous-même vos intentions profondes ni de démarcher des éditeurs ! Pour un modique abonnement mensuel de 49,90€ , vous pouvez d’ores et déjà commander sur la boutique du site ce kit, qui vous rendra 85% plus génial que l’année dernière à la même heure, fera arriver les sollicitations de manuscrits directement par SMS sans sortir de chez vous et vous donnera la connaissance intuitive de Scrivener !

Mais que contient le kit d’émergence organique de Procrastination ? Ce produit révolutionnaire et particulièrement bon marché est exclusivement réalisé avec des partenaires d’agriculture durable. Il contient six grosses graines d’idées géniales à planter dans le sol, un kilo de sol déshydraté prêt à l’emploi (votre propre sol peut être employé à vos risques et périls, voir ci-dessous), de l’eau Fluenceuse™®© et un mini-arrosoir en plastique jaune. (Ne surtout pas utiliser de plastique de couleur différente ni d’eau du robinet : seule l’eau Fluenceuse™®©, conçue par un procédé secret et breveté, peut désigner les idées géniales.)

De façon générale, il a été constaté que le kit d’émergence organique garantit une productivité accrue de 54%1, en plus d’offrir la capacité mentale de convertir automatiquement les calibrages des textes entre mots et signes et la prescience absolue concernant les tendances du marché, vous permettant de savoir ce qui va vendre demain, de manière à laisser exclusivement l’argent gouverner votre carrière ! C’est pour cette raison qu’il ne faut pas voir le kit d’émergence organique de Procrastination comme un achat, mais comme un investissement.

Et quel meilleur investissement que vous-même ? Et un modeste kit d’émergence organique ?

Grosse graine d’idée géniale en cours de germination

Vous êtes sceptique ? C’est bien normal ! Mais d’autres avant vous ont fait le même achat, et leurs témoignages absolument authentiques ci-dessous sont convaincus, alors si vous ne l’achetez pas, ça veut quand même dire que vous êtes un gros loser :

⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️ – Avec le kit d’émergence organique de Procrastination, je suis maintenant un auteur de best-sellers, j’ai obtenu trois contrats d’adaptation à Hollywood, et j’ai une grosse voiture. Recommandé à 100% !

– Marc L.

Le kit d’émergence organique de Procrastination a fait de moi un véritable phénomène sur les réseaux ! Tout le monde parle de moi ! Pour mes livres, bien sûr. Pour mes livres.

– Joanne K.

Grâce au kit d’émergence organique de Procrastination et une machine à voyager dans le temps, je suis maintenant un auteur classique étudié partout en France ! Et je vais pouvoir inventer TikTok avant l’heure.

– Victor H.

Et comment fonctionne donc le kit d’émergence organique de Procrastination ? Le mode opératoire est très simple.

  1. Prenez l’une des graines dans votre main courante ;
  2. Fermez les yeux et concentrez-vous sur l’idée géniale que vous souhaitez recevoir, pour une durée dépendant de la longueur du récit souhaité (une nouvelle : 30 secondes, un roman : 5 minutes, une saga de fantasy épique : 1200 ans) ;
  3. Plantez la grosse graine dans le sol déshydraté (si vous avez du sol chez vous, il peut aussi être employé, à condition qu’il ne provienne pas d’un cimetière amérindien, auquel cas l’équipe se dégage de toute responsabilité concernant d’éventuels effets indésirables sur la santé mentale et la carrière littéraire) ;
  4. Arrosez la grosse graine avec l’arrosoir et une bonne dose d’eau Fluenceuse™®© ;
  5. Et maintenant, assez procrastiné, allez écrire.
  1. Étude indépendante réalisée par Elbakin.net.
2023-03-30T05:29:45+02:00samedi 1 avril 2023|Expériences en temps réel|2 Commentaires

Analogiques post-its

C’est bien joli, les bases de connaissances, les Zettelkästen (un Zettelkasten, des Zettelkästen, oui madame, et c’est probablement la seule notion d’allemand que je possède à part la signification du mot Unheimliche, ce qui n’a rien à voir avec le château d’un magicien mort-vivant de Ravenloft), mais parfois, on a besoin de manipuler des bidules et des machins, l’évolution nous a faits pour gambader dans les plaines et manipuler des cailloux, pas pour organiser virtuellement nos pensées dans un espace purement mental, enfin, elle a pas encore rattrapé en tout cas.

Donc des fois, on fait ça.

Le plus marrant, avec ce genre de manipulation, c’est qu’une fois l’outil créé, les petits post-its placés sur le bureau, la réflexion prête à être incarnée, la réponse saute aux yeux, et on se dit qu’on a fait tout ça pour rien. Mais non, c’est certainement le processus de créer l’outil de réflexion à manipuler qui a fourni à la réflexion le temps d’incuber et de mûrir. Si ça n’est pas une métaphore de l’écriture, ça : c’est moins le but qui compte que le processus. Parce que le processus est le but. Et du coup le raisonnement est cassé. Ce qui est aussi une métaphore de l’écriture.

2023-03-27T05:55:49+02:00lundi 27 mars 2023|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Analogiques post-its

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