Parce que ce n’était pas assez compliqué, l’URSSAF Limousin refuse à présent les connexions de l’étranger et recommande… un VPN

J’ai attendu un petit moment en me disant, ah, ils vont revenir à leurs sens, ça ne peut pas être aussi ridicule, mais testé la semaine dernière, et c’est toujours le cas.

Retour rapide : parti vivre en Australie, sorti du système administratif français, il me reste évidemment quelques obligations à solder, dont la redoutée déclaration artiste-auteur URSSAF Limousin (j’ai fait la dernière cette année, hosanna sur terre et dans les cieux). Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, vous avez bien de la chance :

  • On écrit un livre, publié par une maison d’édition.
  • La maison d’édition verse des droits d’auteur usuellement annuels, sur lesquels sont retenues diverses cotisations, et fournit un justificatif de ce précompte.
  • On déclare évidemment ces revenus dans sa déclaration de revenus habituelle.
  • Mais on doit en plus remplir une autre déclaration trois mois plus tard, ladite déclaration URSSAF Limousin, où l’on répète les mêmes chiffres, et où l’administration compare avec ce qu’elle a reçu des maisons d’édition pour vérifier que tout colle.

Elle demande alors ce qui manque le cas échéant, ou rembourse le trop-perçu s’il y a lieu. Sur le papier, ça semble pas mal, mais on peut quand même s’interroger fortement sur la pertinence d’un système qui nécessite une double vérification de la sorte1.

Bref. La semaine dernière, je reçois un rappel de cotisation de la retraite complémentaire obligatoire (je sais, c’est concept) des artistes-auteurs (l’IRCEC, qui a l’une des plus mauvaises réputations possibles, mais expliquer pourquoi nous emmènerait beaucoup trop loin) me traitant à moitié de criminel échappé aux Galapagos parce que j’ai un arriéré non-versé correspondant à 2022 (sauf que c’est l’URSSAF Limousin qui transmet les chiffres et qu’il y avait eu désaccord dessus, j’y peux pas grand-chose si la déclaration a mis du temps à être validée de leur côté).

Ils me demandent une somme colossale et donc suspecte, mais comme ça remonte pas mal, je me dis, c’est peut-être legit, j’avais fait quelques très bonnes années en droits d’auteur, merci « Les Dieux sauvages », je vais vérifier mon assiette fiscale sur le site de l’URSSAF Limousin2

Ah ben non.

Depuis des mois, mystérieusement, le site de l’URSSAF Limousin est injoignable depuis Melbourne. J’avais fini par les joindre via… Instagram (c’est possible) et je vous le donne en mille :

(En passant, ça m’énerve toujours quand on me dit « votre URSSAF ». C’est pas mon URSSAF, je l’ai pas choisi, c’est l’URSSAF de personne, c’est l’URSSAF que nous subissons tous, c’est l’URSSAF du Léviathan de Hobbes.)

Donc voilà. L’IRCEC n’a pas cette mesure, impots.gouv.fr n’a pas cette mesure, aucun service administratif australien n’a cette mesure mais pour une raison obscure connue seulement d’un responsable tech abyssalement nullard, l’URSSAF Limousin t’empêche de remplir tes obligations administratives si tu n’as pas un VPN ?! Parce que c’est pas gratuit, et il faut savoir s’en servir, hein.

En même temps, que voulez-vous que je vous dise ? Je pense qu’il y a là une opportunité de partenariat qui n’a pas encore été explorée.

Parce que ça n’est pas comme si les mauvais acteurs qui pourraient éventuellement s’en prendre à l’institution (on se demande bien pourquoi) allaient utiliser leur propre IP, hein ? Ce sont probablement ceux qui savent le mieux utiliser des VPN, mes lapins, et du coup, qu’est-ce qui les empêche de tous se mettre sur des IP françaises ?

À part emmerder la vie des honnêtes gens, et requérir donc des compétences d’informaticien en plus des compétences d’expert-comptable, je ne vois pas.

  1. Comme toujours ici, je m’en prends à la machine et non aux personnels qui, globalement, s’efforcent au maximum de corriger les absurdités de ladite machine ; qu’ils soient remerciés. J’en profite aussi pour remercier publiquement au passage ma chère maman expert comptable à la retraite qui m’a filé un coup de main maîtresse absolument colossal là-dessus pendant des années – constatez quand même qu’il faut une experte comptable pour démêler ce bazar.
  2. Pour la petite histoire : le courrier simple – arrivé avec quatre mois de décalage, Australie oblige, quand un mail aurait été tellement plus direct, mais bon, ne chamboulons pas l’attachement de la France à ses courriers papier – me demandait deux fois trop. On peut choisir un régime de cotisation réduit avec l’IRCEC – ce que j’ai toujours fait, d’autant plus sachant que je partais –, or le site de l’IRCEC me demandait justement deux fois moins, soit la bonne somme, mais que s’est-il passé entre l’envoi du courrier et la mise à disposition de l’avis sur le site web ? C’est quand même dommage que le réflexe, quand je reçois des courriers des organismes sus-cités, soit la suspicion d’une erreur ?
2024-08-13T02:21:03+02:00lundi 19 août 2024|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

Créer n’équivaut pas à produire. Les chantres de l’IA ne pigeront jamais (ou : pourquoi on joue à Demon’s Souls)

Il ne se passe guère de semaine en ce moment sans qu’un énième chantre de l’IA vous explique combien ceux qui refusent de s’en servir sont des néo-luddites, que le basculement est inévitable, et rendez-vous compte ! Grâce à ça, ils ont pu produire cent cinquante morceaux de musique dont ils ont inondé les services de streaming, c’est le futur, imaginez tout ce qu’on peut produire qui est à la portée de tout le monde.

L’IA génère un tas de confusions en mélangeant des tas de sujets (souvent par des gens qui les maîtrisent mal), mais ici, et dans une grande partie des discours concernant la création artistique, on trouve une ignorance qui consiste à équivaloir créer avec produire. C’est-à-dire équivaloir le résultat (et souvent les fantasmes de célébrité, de statut et d’identité qui vont avec : moi, j’ai produit une symphonie, moi, j’ai produit un livre) avec le processus.

Il se trouve que créer, en effet, vise souvent la production d’un résultat, et c’est la motivation première, mais ça n’est pas le processus. Le processus, et l’immense récompense de la création, j’oserais dire sa raison même, c’est le chemin. C’est tout ce qu’on apprend et réalise au fil des difficultés successives ; c’est presque une initiation à chaque fois.

Holà, Davoust, t’es vraiment un néo-luddite pour tenir un discours pareil, en plus t’es new age maintenant – 

Tut tut. Pourquoi vous jouez à Demon’s Souls ? Pourquoi ce jeu, initialement destiné à un public restreint au Japon, a fini par devenir un succès planétaire, fondant un genre à part entière jusqu’à engendrer l’un des titres les plus marquants de la décennie, Elden Ring ?

Le plaisir de l’accomplissement. Le plaisir de faire, de réaliser quelque chose. Le plaisir du parcours.

Cet exemple, ce monstrueux succès commercial, prouve magnifiquement pourquoi il est crétin d’équivaloir création (accomplissement, chemin) et résultat (j’ai fini le jeu).

Les techbros chantres de l’IA s’imaginent que la difficulté de créer représente un ennemi à abattre ; j’adhère entièrement au discours consistant à accélérer les apprentissages, donner les outils, mais ça ne signifie pas détruire le chemin au passage.

Selon cette logique, toujours plus facile à comprendre dans le cadre de la musique, il n’y aurait aucun plaisir, aucune finalité à jouer d’un instrument, à chanter, à danser ; seul le résultat, la production comptent. Quelle vision de la vie asséchée et stérile. Selon cette logique, pourquoi chanterais-je sous la douche, puisque Hatsune Miku le fait à ma place ?

Parce que, je ne sais pas, c’est nourrissant ?

Cette vision est plus que stupide, cela témoigne d’une ignorance fondamentale de la création : c’est le chemin qui constitue la finalité, pas le résultat. Le résultat est l’outil qui motive à élaborer une forme aussi achevée que possible de ce chemin.

L’IA n’est pas un outil créatif au même titre que l’est, par exemple, un sampleur qui fournira une matière sonore qu’on manipulera au-delà du reconnaissable (comme avec la synthèse granulaire). J’ai joué avec des outils de création musicale et textuelle ; on va beaucoup plus vite droit au résultat voulu en faisant le boulot soi-même pourvu qu’on accepte de prendre un temps minime d’apprentissage. Et surtout, telle qu’elle est vendue, promise, cette IA voudrait ôter l’étape de création artistique qui représente le but même de toute l’entreprise.

Les techbros vendent la promesse d’un mensonge à des gens qui veulent se déclarer musiciens, écrivains, peintres, mais ne veulent surtout pas l’être – c’est-à-dire accepter l’effort, mais aussi les récompenses qui l’accompagnent (cf Demon’s Souls). L’ado qui écrit des poèmes maladroits avec son cœur pour le seul bénéfice de son tiroir sera toujours mille fois plus créatif que le producteur de hits de pop à la chaîne qui demandera à une quelconque IA musicale future de lui sortir à la chaîne des resucées de recettes qui marchent.

Et surtout, l’ado vivra cent fois plus dans ce processus émotionnel que le producteur, et personnellement, je trouve que l’intérêt de la création réside avant tout dans la vibration émotionnelle fondamentale qu’elle procure. Je n’ai pas envie que ChatGPT écrive à la ma place ; pas envie qu’un algorithme compose ou code pour moi ; je veux comprendre, apprendre, et faire moi-même. C’est tout le fucking intérêt.

Dans les mots de Zach Weinersmith, de Saturday Morning Breakfast Cereal :

Et là aussi, quantité d’amoureux de la discipline (et de professionnels) pourront répondre qu’ils ne veulent pas non plus qu’on automatise leur plomberie, et more power to them. Pourquoi les cours de bricolage du dimanche ont-ils tant de succès, si ce n’est pour s’approprier un savoir-faire ?

2024-08-15T01:18:21+02:00mercredi 14 août 2024|Humeurs aqueuses|2 Commentaires

Le 7 juillet

Je sais pas quoi vous dire, parce qu’honnêtement, there’s a lot going on on my end. J’ai aussi trop de réflexions malformées sur le rôle collectif que nous jouons dans les intolérances et comment elles nourrissent les radicalisations pour que nous en soyons arrivés là, mais je ne vais pas prétendre que j’ai assez de cerveau là maintenant pour tenir un discours subtil et intelligent sur un blog alors que ça serait probablement un essai de sociologie à documenter vraiment ou un roman super réfléchi et choral et de toute façon j’ai peut-être tort donc bon.

Bref, je réitère les mots de la dernière fois. Je vis à 17000 km, loin de ce qui se passe en France – ce qui ne m’empêche pas de voter, par Internet cette fois, alleluia ! – avec la sécurité d’être bientôt binational. Mais à ma minuscule échelle, si cela peut nourrir votre réflexion, rappelons par exemple, qu’entre moult autre choses, le RN veut interdire la double nationalité (et potentiellement forcer les Français de l’étranger à choisir entre leurs deux patries). À l’échelle de mon microcosme, cela signifierait donc que moi, auteur français vivant à l’étranger, écrivant de la fantasy sur un jalon important du patrimoine français (Jeanne, hein ?), défendant l’imaginaire français et ayant résolument choisi la langue française pour mon travail alors que je pourrais écrire en anglais (avec le marché qui va avec, hein), portant un nom on ne peut plus franchouillard1, investiguant les potentielles ouvertures pour l’imaginaire français à l’étranger, me trouverais forcé de choisir entre la nationalité française et l’australienne2.

Que puis-je vous dire ? Ma foi, si la France ne veut plus de moi avec tout ça, je ne vais pas la forcer, hein. Je vais la laisser avec ses décisions. Le monde est vaste et j’ai la chance d’en voir un autre bout. Et je suis pas mal fatigué.

Humeurs du moment :

Et surtout ça :

Auguste lectorat, on est dans la merde. Va voter, s’il te plaît.

  1. Davoust, c’est mayennais et sarthois ; d’après des études généalogiques réalisées par un cousin, il semblerait que nous remontions à une longue lignée de chaudronniers, ce qui me permet de clamer que je descends d’une longue lignée de métalleux.
  2. Que je n’ai pas encore, je suis actuellement résident permanent, mais les dernières démarches nécessitent surtout d’avoir passé un temps de séjour sur le territoire.
2024-07-08T00:17:47+02:00mardi 2 juillet 2024|À ne pas manquer, Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Le 7 juillet

À la comic-con de Melbourne le week-end dernier

Regardez ! Je vis dans le turfu : je suis entré de plain-pied dans les années 2015 ! Je sais enfin à quoi sert ces téléphones intelligents dont tout le monde parle.

En vrai, donc, ça se confirme : Insta va être la plate-forme de choix pour de petites vidéo que j’avais envie de faire depuis très longtemps. Okay, c’est ballot, j’avais acheté et appris à utiliser Final Cut l’année dernière, mais comme on dit, la réponse était sous notre nez depuis le début, le One Piece c’est le trésor de l’amitié.

Anyway : enjoy. (Ou pas, si vous êtes pas rigolo, mais je juge pas, je vous assure)

2024-06-12T02:29:01+02:00mercredi 12 juin 2024|Juste parce que c'est cool|Commentaires fermés sur À la comic-con de Melbourne le week-end dernier

La combinatoire des « Intelligences Artificielles » et la création artistique humaine n’ont rien à voir (et il faut arrêter avec ça)

Les grands modèles de langage (LLMs), appelés communément Intelligences Artificielles, véhiculent évidemment un certain nombre de fantasmes (récemment, dans la série de télé-réalité The Circle, l’un des « candidats » était en fait une IA – et je trouve vertigineux d’être seulement en train d’écrire cette phrase tranquillou bilou), mais aussi de notions qu’on va poliment appeler des conneries, véhiculées par des techbros et reprises aveuglément par des nigauds, que désamorcer prendra(it) plusieurs articles, et si j’ai le courage j’irai, mais pour l’instant, aujourd’hui :

Cette idée répandue que, au bout du compte, la création artistique humaine n’aurait rien de spécial, car l’inspiration venue des œuvres rencontrées au cours de la vie et les entrants d’un modèle de langage sont finalement de même nature : la recombinatoire.

Fucking bullshit.

D’abord, un rappel extrêmement rapide de la manière dont fonctionne un LLM : après avoir été nourri d’une colossale quantité de textes, le modèle apprend statistiquement à enchaîner les mots selon des probabilités correspondant à ce qu’il a vu dans son dataset. Par exemple, après un sujet tend à venir un verbe, puis tend à venir un complément (je schématise). La question qu’on pose au modèle, plus le contexte éventuel qu’on lui donne (le prompt) va pondérer le modèle de manière à orienter sa réponse de façon cohérente avec la demande de l’utilisateur·ice. Il ne s’agit pas d’écrire quelque chose de vrai, mais quelque chose qui soit statistiquement vraisemblable dans le contexte donné (d’où les hallucinations et inventions).

De façon fondamentale, il fait de la combinatoire à partir de ce qu’il a reçu, un peu à la manière de « La bibliothèque de Babel » de Borges. Il ne peut rien sortir qu’il ne lui ait été entré.

De ce fonctionnement, les techbros assènent qu’au final, la création artistique est identique : un humain reçoit un certain nombre d’inspirations dans sa vie, il est exposé à des œuvres, et recompose la sienne à partir de ce qui est venu avant lui. C’est la vieille idée (tout aussi fallacieuse, tout cas dans son application étroite, mais un seul combat à la fois) que « tout est remix ». Donc, la création humaine n’a rien d’original, les LLMs feront aussi bien, et l’activité créatrice en soi n’est pas originale non plus. (Venez greffer par-dessus le discours ahurissant que les créateur·ices sont des « privilégiés » et vous avez le tableau complet de la bêtise technique tonneau 2024.)

Again, fucking bullshit, et voici pourquoi.

Les gens ne recrachent pas, ni ne recombinent les entrants, ils les métabolisent. Ils les évaluent en permanence et les digèrent à l’aune de leur propre vie, et c’est ce regard qui préside à la composition d’une création. Et c’est ça qui compte. Même si l’on prend l’approche la plus réductionniste du cerveau et de l’existence (un point de vue bien triste, mais admettons ici), en postulant que nous fonctionnons exactement comme des LLMs (notre vision se construit strictement sur des entrants, sans réflexion intrinsèque, ce qui est sans aucun doute faux), nous avons une vie entière où puiser. Les LLM n’ont rien de cela. Nous vivons constamment des expériences, à chaque instant, qui nous nourrissent consciemment et inconsciemment, qui interagissent avec nos ambitions, rêves, peines et traumas – avec notre chair même –, ce qui alimente notre point de vue et, au final, se retrouve injecté dans notre travail, en partie à notre insu, d’ailleurs – et diffracté, en outre, par le prisme d’un autre personnage dans le cas de la fiction.

Tout ça, ça s’appelle bêtement vivre.

Parce que, ce qui compte dans une œuvre, ce n’est pas l’idée, c’est l’exécution. Prenez l’intrigue la plus vieille du monde – « le garçon rencontre la fille, la fille meurt » – et vous faites Tristan et Yseult jusqu’à West Side Story ainsi que les variations inverses comme Titanic. Personne n’achète une idée. Les idées, tout le monde s’en fout. C’est l’exécution sincère et personnelle d’une idée qui compose une œuvre. Et elle est nécessairement unique car elle s’enracine dans la personnalité du créateur·ice1, et donc elle est nécessairement originale.

Comme on dit dans l’écriture : « peut-être que tout a déjà été écrit, mais pas par toi. » Dans la création, c’est la réelle chose qui compte. C’est cette personnalité du regard qui va toucher le public. Malgré les aspects fondamentaux communs de l’expérience humaine, personne n’a la même vie, personne n’a le même regard. (On en parle tout le temps dans Procrastination.)

Plus un film est japonais, plus il est universel.

Akira Kurosawa

Par contraste, les LLMs ne peuvent recomposer que ce qu’on leur donne, sans recul, sans introspection, sans expérience – sans cœur.

Donc, réveillez-moi quand on leur filera un corps faillible et qu’il traverseront deuils, ruptures, vieillissement, euphories, extases, plaisirs à l’échelle d’une existence entière, et que cela informe leur vision2. Mais dans l’intervalle, ça n’a bon dieu de rien à voir et faut arrêter avec ces conneries.

Bref. Si l’aspect technique vous intéresse, je pose au passage cette vidéo de Bertrand Serlet (ancien VP d’Apple), assez ardue mais qui entre dans le détail technique du fonctionnement des LLMs, et qui montre la fondamentale différence avec l’expérience humaine.

  1. Soit dit en passant, c’est l’un des piliers philosophiques du droit d’auteur à l’Européenne, qui remonte à Kant et sa théorie de la personnalité.
  2. Soit, au rythme où vont les choses, quelque part comme le 25 septembre prochain, j’imagine.
2024-04-26T18:08:28+02:00lundi 6 mai 2024|Best Of, Humeurs aqueuses, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La combinatoire des « Intelligences Artificielles » et la création artistique humaine n’ont rien à voir (et il faut arrêter avec ça)

Vous ne verrez jamais les scènes coupées

Excellente question qui revient de loin en loin, et récemment à l’annonce que j’ai tronçonné sauvagement l’équivalent en longueur de La Volonté du Dragon dans le manuscrit de La Succession des Âges : est-ce qu’on verra un jour les scènes coupées en mode bonus ?

Eh bien : mes excuses, mais non.

Deux raisons à cela : déjà, je ne coupe en réalité quasiment jamais de scènes à proprement parler, je remanie, je réécris, je condense, je réorganise, ce qui conduit parfois à dégraisser la moitié du matériel, mais les réelles coupes franches sont devenues très rares. Je n’ai pas de scènes supprimées, donc, à montrer… Il m’arrive en revanche de les réécrire de zéro quand je suis totalement passé à côté de leur angle (c’est justement le cas en ce moment où la v1 de la scène sur laquelle je travaille semblait tout droit sortie de Kaamelott – après un long moment très lourd dans l’histoire, je crois que j’avais besoin de légèreté, mais c’est totalement hors propos dans « Les Dieux sauvages »…), mais la fonction dans l’histoire reste. Je dois juste entièrement réécrire avec une mise en scène, un discours, une couleur différentes.

Ensuite, si ça a dégagé, c’est qu’il y a une raison. C’est que ça n’avait pas d’intérêt pour l’histoire, et, au final, c’est cela que je vise. On attribue à Bismarck que, pour continuer à respecter la loi et les saucisses, il ne faut pas voir comment on les fabrique ; je crois qu’on peut dire la même chose des romans… Si c’était pertinent, ça serait resté dans le bouquin. Comme ça ne l’est pas, je ne crois pas que ça le soit davantage en-dehors, et je trouve l’exercice, pour tout dire, un peu vain.

La seule exception que je ferais à cette règle serait pédagogique. Il pourrait y avoir de la valeur à montrer d’où l’on part et où l’on arrive, en étudiant presque phrase par phrase le raisonnement et les choix conduisant au résultat.

Mais en-dehors de ça, donc, je crains de devoir garder pour moi la scène à la Kaamelott des fromages bénis de Korig le fermier.

2024-04-07T20:09:03+02:00lundi 8 avril 2024|Journal, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Vous ne verrez jamais les scènes coupées

300 000 signes dégraissés de La Succession des Âges

De deux choses l’une : soit ce marqueur est la preuve que, ma foi, j’ai parcouru un mètre ou deux en une quinzaine d’années, soit c’est le début de la fin et il faut que j’arrête tout.

Le manuscrit de La Succession des Âges vient de franchir une étape importante dans mon retravail : j’ai dégraissé 300 000 signes espaces comprises sur 1, 5 millions en correction personnelle, soit l’équivalent… de la masse complète de mon premier roman, La Volonté du Dragon.

Comme on dit en anglais, sobering thought (pensée qui rend sobre ? l’état de base de l’anglophone étant donc l’ivresse ? de l’existence ? c’est beau). Plus sobering encore, c’est un tout petit peu moins que la moitié du volume déjà écrit (3,2 millions) et un gros tiers du volume restant à écrire (environ 800 000 signes). On avance, mais on n’est pas encore arrivé.

Ai-je fait des coupes drastiques pour en arriver là ? Fichtre, même pas. Du tout. Au contraire : j’ai rajouté deux scènes entièrement nouvelles par rapport au premier jet (dont une assez grosse), et je suis quand même largement en-deçà du volume d’origine.

L’écriture implique toujours un minimum d' »échafaudages de construction » – ces moments où tu cernes un peu toi-même les détails d’une scène, l’état d’esprit des personnages, son organisation, malgré la meilleure clarté d’esprit possible : tu racontes, mais tu découvres aussi forcément un peu. Dans un roman choral, le phénomène est multiplié par le nombre de points de vue ; dans un monstre du type de La Succession des Âges, il y a énormément de choses à suivre ; et en plus, c’est une conclusion de saga, dictant de ficeler définitivement un bon paquet d’éléments. Au final, ces échafaudages n’ont pas plus leur place dans le produit fini qu’on ne s’attend à voir les échafaudages devant un monument dévoilé un public : ça vire. Et ça vire, en large partie, dans le tissu même de la narration – je n’ai rien coupé en termes de structure, seulement dynamisé un grand coup l’ensemble en virant le gras, en ébarbant des détours narratifs sans importance, en simplifiant un certain nombre de fils ou considérations tertiaires (il y a déjà bien assez de trucs à suivre comme ça), en réécrivant plus ou moins, donc. C’est un exemple typique où l’écriture et la réflexion prolongée conduisent en définitive à faire moins, parce qu’après être parti un peu dans tous les sens, on cerne ce que l’histoire veut être, et on ne garde que ça (plus ou un deux jolis détours quand même, parce qu’on n’est pas des brutes). Certaines scènes ont perdu 20, 30, 50% de leur masse en pure élégance. Et c’est BIEN.

Le rythme va ralentir un peu pendant mon séjour en France, forcément (hé ! on se voit à Grésimaginaire ce week-end, hein), mais j’ai le plus gros Acte du livre avec moi qui doit dégraisser d’autant plus.

Onwards.

Dédicace de House of Hades de Rick Riordan :
« À mes merveilleux lecteurs,
désolé pour le cliffhanger précédent.
Enfin, non, pas vraiment. HAHAHAHA.
Mais, sérieusement, je vous aime. »
2024-03-31T16:02:11+02:00jeudi 4 avril 2024|Journal|Commentaires fermés sur 300 000 signes dégraissés de La Succession des Âges

Le bingo / jeu à boire de Procrastination

Depuis le temps qu’on en parle, ça devait arriver.

Les règles du jeu sont très simples : munissez-vous d’amis qui écrivent et de quoi écrire (attention : ce sont deux choses distinctes). Chaque fois qu’une occurrence du bingo sort, vous devez mettre le podcast sur pause et écrire 500 signes. Alors OK, vous pouvez aussi vous boire un shot de tequila et vous pinter petit à petit le dé à vingt faces (variante dite du Bukowski), mais on vous informe quand même que cette technique créative ne fonctionne plus depuis les années 1960.

Le premier·e à tracer une ligne complète sur sa grille doit beugler, non pas « bingo » mais « j’ai fini mon premier jet ! » Il doit lire ensuite son écriture à ses camarades, qui la commentent en retour, et marque un point. Puis le jeu reprend. Le gagnant est celui qui a le plus de signes écrits quand celui qui a voulu jouer en variante Bukowsi roule sous la table.

Émergence organiqueÉlisabeth VonarburgZettelkastenL’épisode dit autre chose que promis dans l’intro
Je vais vous laisser parlerJe suis tout à fait d’accord avec vousLionel commence trois phrases et n’en finit aucuneNon mais là on est trop d’accord, ça ne va pas du tout
Tiens, le son a encore changéPopcornNotre-Dame des FleursLa Maison des feuilles
Écrivez tous les joursN’écrivez pas tous les joursFaites le projet dont vous avez envieUne subtile coupure au montage de quelqu’un qui s’est perdu 😁

Points bonus :

  • Un demi-point accordé à celui qui répond le plus vite possible « pas comme Davoust » à la mention « j’ai fini mon premier jet »,
  • Un demi-point accordé à celui qui peut réciter le plus vite possible et de façon PARFAITEMENT INTELLIGIBLE après la lecture de la production d’un des participants « navré, mais après une lecture attentive, votre manuscrit ne nous a pas semblé correspondre à notre ligne éditoriale », SAUF si la personne qui lisait son texte réplique IMMÉDIATEMENT « je m’en fous, je fais de mon mieux et c’est ce qui compte »
  • Cent douze mille sept-cent quatre-vingt-trois points accordés à celui ou celle qui note que les points n’ont au final aucune importance dans le décompte de la victoire.
2024-03-31T16:00:29+02:00lundi 1 avril 2024|Juste parce que c'est cool|Commentaires fermés sur Le bingo / jeu à boire de Procrastination

Des nouvelles du Studyoze

Auguste lectorat, j’ai l’honneur et l’avantage de t’annoncer la livraison du Starship, qui présente deux énormes avantages sur les engins de Phony Stark du même nom : d’une, il n’explose pas, et de deux, on peut créer des trucs avec.

Je dispose à Melbourne d’un grand espace de travail (sans fenêtres, mais on ne peut pas tout avoir) et, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, je me suis dit qu’il était temps de mettre à la retraite mon ancien meuble pour me concevoir un tout nouvel espace.

Sauf que : le sais-tu ? Il est rigoureusement impossible de trouver dans le commerce un bureau qui soit à la fois entièrement adapté pour l’écriture intensive (une tablette à clavier confortable coulissante pour garder ses notes au-dessus, de l’espace pour étaler et stocker celles-ci) et la prod musicale (de la place pour installer un clavier maître et un contrôleur mais les écarter du chemin quand ils ne servent pas). C’est soit l’un, soit l’autre (regardez StudioDesk comme c’est classe, mais là-dessus, tu ne peux produire que Dark Side of the Moon et pas écrire des pentalogies).

Donc, comme je finis par être un grand garçon, j’ai pris mon bâton de pèlerin à Melbourne et contacté des artisans pour me faire construire l’engin de mes rêves à ma spécificité, sachant exactement ce que je veux pouvoir faire (c’est-à-dire tout, parce que POURQUOI PAS). Ce qui a donné le Starship après des semaines d’échanges et conversations avec un designer, avec l’incroyable qualité de production, la passion et le soin de Like Butter (j’imagine que vous serez peu ici à envisager de vous commander un bureau en Australie, mais bon, je vous le dis : ils sont incroyables).

L’engin a été livré, monté, et je tape en ce moment dessus (enfin !). L’espace d’écriture est opérationnel et j’ai une place comme je n’en ai jamais eu pour étaler mes notes d’écriture, mon manuscrit en cours de correction, attraper une impression au passage, planquer mes trombones (important de planquer les trombones) et j’en passe.

Bonus incroyable : je n’ai pas un câble par terre, parce que Like Butter a compris qu’un mec comme moi était bordélique au possible, et m’a placé des panier, des trous dans tous les sens pour que je sois encore capable de passer l’aspirateur dans six mois.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Absolument, je ne peux plus blâmer le matériel dans ma vitesse de production. Sans rire, depuis une semaine, je me découvre une productivité renouvelée. Le fait que j’aie enfin fait changer les spots blafards de ma pièce sans fenêtres par de bonnes grosses LEDs bien éclatantes doit peut-être aussi aider.

2024-03-25T00:03:51+01:00lundi 25 mars 2024|Ceci n'est pas un blog|4 Commentaires
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