Excellente soirée à Grenoble, merci à toutes et tous !

Nous interrompons le cours régulier de vos photos de la semaine pour dire, simplement, un immense merci pour l’excellente soirée de l’imaginaire hier à Grenoble !

Merci à Mathieu qui s’est démené et se démène au quotidien pour partager son enthousiasme de l’imaginaire (et de l’imaginaire en langue française !), ainsi qu’à toute l’équipe de Decitre, pour l’organisation et l’accueil.

Merci à mes camarades de jeu, Chloé Chevalier et Gabriel Katz, pour le débat et les discussions qui ont impliqué à un moment des westerns, des arêtes de poisson et des super-pétroliers (je suis désolé, fallait venir 🙂 ).

Merci à vous tous qui êtes venus en nombre, aux copains qui sont passés, aux blogueurs et passionnés qui sont venus discuter d’univers de fantasy, qui ont répercuté l’annonce de cette soirée : ça fait super chaud au cœur !

Et merci surtout à Florence de m’avoir attendu dans le froid…

(J’espère n’avoir oublié personne, j’écris ça tôt dans le train)

Je découvre ce matin que Marion Sabourdy (@fuzzyraptor) a fait un petit live-tweet de la soirée d’hier, merci à elle d’avoir partagé ses impressions sur le vif :

Bref, merci pour cette rencontre. Je me sens toujours un peu cheesy de dire ça (il arrive parfois dans certains milieux bien informés qu’on me traite de choupinet, même s’il m’arrive de démembrer des gens dans mes bouquins), mais c’est sincère, ça fait vraiment plaisir d’avoir pu partager cette soirée avec vous tous, tout simplement !

2017-01-27T09:59:15+01:00vendredi 27 janvier 2017|Carnets de voyage|6 Commentaires

L’histoire des technologies, oubliée à l’école ?

Quand j’étais lycéen, j’ai étudié, comme tout le monde, les deux grandes révolutions industrielles en cours d’histoire : leur avènement, leurs conséquences économiques et sociales. Et en me réveillant l’autre jour, entre mon whisky et mon saucisson matinaux, d’un coup, je suis frappé : à ce qu’il semble, l’histoire de la révolution industrielle que nous traversons est totalement oubliée dans l’enseignement actuel1.

Je veux dire, enseigner l’usage de cette technologie paraît déjà difficile, alors son histoire…

Pourtant, si le but est de comprendre le monde où nous vivons, connaître la naissance d’Internet, l’histoire de l’informatique et son développement, l’avènement du smartphone, le poids de la Silicon Valley et de ses présupposés culturels (la censure opérée par Facebook, par exemple) me paraît aussi important que la chute du mur de Berlin ou la Guerre froide. J’ai passé le bac en 1995 (ouille), la chute de l’URSS (1991) était au programme. Comme me le disait ma prof de Terminale, « le programme du bac s’arrête la veille de l’épreuve ».

L’histoire de l’informatique est plus ancienne. Sans remonter à ses balbutiements, on peut placer sa démocratisation progressive vers la fin des années 1970 – bientôt quarante ans (j’ai l’âge de la « démocratisation progressive de l’informatique », ça aurait fait un bel intitulé de poste en URSS, tiens). De son entrée dans les foyers à l’installation d’Internet en passant par l’économie du big data et l’industrie du jeu vidéo qui pèse économiquement plus lourd que le cinéma, il y aurait bien des choses à dire, mais surtout, il y aurait bien des clés à fournir pour comprendre notre époque. Et ça commence à dater un peu (plus que la chute du mur).

Comment des entreprises comme Uber centralisent et morcèlent le tissu économique, dessinant un paysage où chacun devient presque un freelance (on en a parlé ici). Comment, dans une économie de libre diffusion, la communication prend l’ascendant sur toute autre considération, au point de pousser la notion même de qualité vers la porte (voir là). « Si c’est gratuit, c’est vous le produit. » Les enjeux sur la vie privée, comme le fichage récent des données biométriques de la population. Etc.

Un mythe absolument grotesque circule sur le fait que les jeunes nés avec Internet, les fameux « millenials« , savent intuitivement se servir de ces technologies qui déroutent toujours un peu leurs parents et grand-parents. Pour en avoir en cours, des millenials, je peux te le dire, auguste lectorat : ils ne savent pas s’en servir, et non, aller sur Facebook et utiliser Snapchat à longueur de temps n’est pas « se servir d’un ordinateur » – c’est ce qu’imaginent leurs parents, encore plus perdus qu’eux. (Pour une longue diatribe au vitriol sur le sujet, voir ici.) Et connaître une technologie ne signifie pas en comprendre l’histoire, les présupposés, les biais d’usage – surtout quand on y baigne à longueur de temps ; l’interface façonne l’utilisateur et son mode de pensée.

Je ne suis pas d’accord avec mon estimé confrère Alain Damasio qui disait en conférence aux Utopiales l’année dernière que ces technologies nous confisquent notre puissance (je résume, hein). Je pense résolument que leur juste usage, comme pour tout outil, augmente notre puissance, au contraire – toute la clé étant dans le « juste » usage. Quand il me suffit de m’installer dans ma voiture et de dire à Siri de me conduire où je veux aller avec le GPS sans me préoccuper d’une carte, j’ai gagné du temps en préparation, je gagne de la disponibilité d’esprit au volant, je gagne en sérénité, tout cela pour libérer mon mental et l’occuper à des tâches plus dignes de lui, comme, par exemple, avoir des idées, réfléchir à une histoire ou encore penser à ce que pense Alain Damasio. J’ai augmenté ma puissance. Mais cela suppose un usage réfléchi de la technologie, une forme d’éducation à celle-ci (un manque ahurissant dans le système scolaire actuel), et la compréhension de son contexte.

Ce que devrait faire le système scolaire, bon dieu. Utiliser la technique n’est pas suffisant. Comprendre d’où elle vient, et ce qu’elle vise à nous faire faire, est presque plus important pour former des citoyens maîtres d’eux-mêmes.

Mais ce n’est pas ce qu’on veut en haut lieu, n’est-ce pas ? 

  1.  Ainsi que me l’a confirmé une brève recherche Google, mais si je me trompe, corrigez-moi.
2020-01-23T00:53:04+01:00mercredi 25 janvier 2017|Best Of, Humeurs aqueuses|6 Commentaires

Des orques en Islande

Pour démarrer l’année, rien de mieux que des orques. (Je suis partial mais tu le sais, auguste lectorat.)

J’étais donc en Islande fin décembre et, entre autres lieux splendides, j’ai fait une escale à Grundarfjörður, foyer de l’organisation Orca Guardians et des expéditions de whale watching Láki Tours. J’avais eu l’honneur il y a un an de baptiser un des orques de la péninsule de Snæfellsnes, Ardence (concept connu des lecteurs de Léviathan) – histoire racontée ici.

Cette année, j’ai pu partir à la rencontre des orques de cette péninsule, et s’ils se sont montrés timides en mer, il suffisait d’observer depuis… la terre, en conduisant quelques minutes. Une rencontre magique dans les glaces et le silence de l’Islande, que j’ai pu partager sur le site d’Orca Guardians, article à lire ici

Orca Guardians est une toute jeune organisation mais elle fait déjà un travail phénoménal de conservation et d’étude respectueux des animaux dont pourraient s’inspirer bien des structures plus anciennes. Je connais la qualité du travail de sa directrice, Marie Mrusczok, pour avoir été volontaire avec elle au Hebridean Whale and Dolphin Trust dans les Hébrides en 2012 (articles liés). Je ne peux que recommander de s’intéresser au travail d’Orca Guardians, et peut-être de soutenir la recherche à travers l’adoption d’un des orques les plus notables de la péninsule. La page Facebook de l’organisation est ici, avec de splendides photos chaque jour !

 

2017-06-08T18:00:44+02:00mercredi 4 janvier 2017|Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Des orques en Islande

Guide de survie à l’usage du futur spécialiste des baleines (ou de tout naturaliste en herbe)

Comme c’est une question qui revient périodiquement, je pensais développer une bonne fois pour toutes ce que je pourrais éventuellement avoir à contribuer sur les perspectives de carrière dans le milieu de l’étude des mammifères marins… Ou de toute autre « mégafaune charismatique » comme on dit. Comment devient-on éthologue / naturaliste au XXIe siècle, et quelle est la place de ces professions ? Des tuyaux, des contacts ?

Précaution habituelle : ceci ne reflète que mon expérience. Soit : mes années d’études (qui remontent à plus de quinze ans), mon contact plus ou moins proche et continu avec le milieu de la recherche, mes expériences de volontariat et d’animalier, ainsi que mes discussions avec des collègues et camarades. Ne prenez pas ça pour la vérité absolue, mais simplement comme un regard qui aspire malgré tout à une certaine synthèse.

Cruising black in white

Caveats

Salut, camarade. Alors comme ça, tu es comme moi une pouf à dauphin – heu, tu te sens l’âme d’un commandant Cousteau – pardon, tu aspires à une carrière scientifique dans la conservation ? Alors il me faut commencer par te mettre en garde sur un certain nombre de choses que tu ignores, ou sous-estimes peut-être. Les places dans le milieu sont chères ; si un seul de ces points est un dealbreaker, sache que tu vas te compliquer encore davantage la vie dans un plan de carrière qui, disons-le franchement, ne te garantit déjà pas une place. Cela nécessite une forte réflexion de ta part avant même d’envisager le « comment ». Toujours là ? Allons-y.

Les places sont CHÈRES. Non, sérieusement, vraiment, vraiment très chères. Je crois que tu ne te doutes pas à quel point. Les budgets de recherche fondent, on le sait (et ce à travers le monde), les aspirants naturalistes sont toujours plus nombreux, résultat, la compétition pour trouver un poste est simplement hallucinante. Dans les autres domaines de recherche, les postes de post-doc sont en général réservés à de jeunes docteurs le temps de trouver une titularisation ; ils en font un, trois au maximum, puis trouvent une place. Dans le domaine de l’éthologie / naturalisme, on trouve des docteurs de quarante ans qui enchaînent les post-docs depuis quinze ans – avec qui lesdits jeunes docteurs se trouvent donc en compétition pour obtenir ces places qui devraient étoffer leur CV. Cela revient à lutter contre un cadre supérieur pour décrocher un stage de collège. Le séminaire annuel de l’European Cetacean Society, c’est, je dirais, trois à cinq cents inscrits dont probablement deux tiers d’étudiants. Donc : si tu as besoin de stabilité financière et/ou morale, si tu redoutes de galérer pendant des années, interroge-toi. 

La recherche, c’est compétitif. La plupart des postes (qui sont déjà très peu nombreux) dans le domaine naturaliste se trouvent dans le domaine de la recherche, et la recherche est un milieu ultra-compétitif. L’adage américain dit « publish or perish » (et pas « persil », foutue autocorrection) : c’est le corollaire de la rareté des places. Si tu n’es pas une bête de travail et que tu gères mal la pression, interroge-toi. (Ah, et puis parle anglais, hein, ça va sans dire.)

Symphony of life

Oublie l’idée d’aller faire gouzi-gouzi aux baleines un jour sur deux. Déjà, parce que ce sont des animaux évasifs, mais surtout parce que le travail de scientifique ne consiste pas, absolument pas, à sortir régulièrement sur le terrain au contact des animaux. La science se réalise beaucoup de nos jours devant un ordinateur à traiter des données. Il existe des périodes de collecte, c’est vrai, mais l’organisation nécessite des budgets (à trouver), et cela se réalise pendant une campagne qui durera, en raison des conditions, deux mois dans l’année en moyenne. Le reste du temps, ce sera toi, un ordinateur âgé et le logiciel R. Si tu rêves d’aller au contact des animaux avant toute chose, interroge-toi. D’autres carrières sont peut-être mieux adaptées, comme guide touristique, animalier ou écrivain d’imaginaire qui profite des vacances pour faire du volontariat écologique (ahem).

Va falloir que tu kiffes les maths et les statistiques. Comme je le disais dans le point précédent, le gros de la science se fait aujourd’hui sur ordinateur avec des modèles, ce qui nécessite d’être très à l’aise avec les maths, les statistiques et l’informatique. Cet accent mis sur les stats / maths est dû à deux choses : d’une part, c’est la mode, admettons-le ; mais surtout, dans un domaine de recherche où aller sur le terrain est coûteux et les données rares, être une brute de modélisation permet d’essorer au maximum les informations parcellaires dont on dispose pour en tirer quelque chose. Alors oui, toute la science ne se limite quand même pas à ça (et tu peux éventuellement t’en tirer autrement en étant très créatif – il existe par exemple des photographes naturalistes, mais là on parle plutôt, au final, de carrières artistiques spécialisées dans un domaine particulier, et une carrière artistique pose tout son lot de problèmes propres), mais il faut savoir, en résumé, que l’image romantique de Darwin ou même du commandant Cousteau n’est clairement plus d’actualité dans le milieu scientifique. Télécharge R, fais un ou deux didacticiels et si tu as envie de te pendre au bout de deux heures, cela devrait te servir de signal d’alarme. 

Tu n’auras pas de vie personnelle. En tout cas, attends-toi à de grosses embûches. Un chercheur en construction de carrière (ce qui peut durer, comme dit précédemment, dix ou vingt ans) est amené à bouger de par le monde tous les six mois ou deux ans, à changer de vie du tout au tout (et j’entends par là passer d’un bout à l’autre de la planète), à accepter les occasions qui se présentent au dernier moment (« Chéri, tu peux poser les enfants à l’école tous les matins pour l’année et demi à venir, je pars en Antarctique ? » Et non, je ne plaisante même pas, ça peut arriver.). Gérer une relation de couple promet d’être ardu (ou alors, il faut un conjoint drôlement flexible et compréhensif, et l’être soi-même), sans parler de fonder une famille. Ce n’est pas impossible, j’en connais qui le font, mais cela nécessite une situation en titane de carbone. En plus, cette période de construction professionnelle concerne surtout des personnes âgées entre 20 et 30 ans, soit la période où l’on apprend beaucoup, en plus, ce qu’est une relation adulte. Gérer l’instabilité d’une vie de naturaliste et cet apprentissage personnel peut être particulièrement compliqué. Si ton rêve est de te marier, de t’établir quelque part avec une maison et des enfants, interroge-toi très sérieusement. 

Ironic_bowrider

Tu ne me fais pas peur, Davoust. Dis-moi juste comment faire.

Toujours là ? Okay. Eh bien, à ce stade, tu devrais du coup (si tu es malin, et il faut que tu le sois) commencer à entrevoir une vague idée de la façon de procéder : rien ne te servira davantage que d’inventer ta carrière toi-même. Dans tout milieu étrange et aléatoire (la culture, l’éthologie), celui qui réussit est celui qui sait le mieux examiner ledit milieu et voir la contribution unique qu’il peut y apporter (par son bagage, ses talents, ses passions) et que personne d’autre ne maîtrise. Il y a plus de quinze ans, ce milieu-là était à la traîne avec les outils maths / stats / informatiques ; étant geek, j’avais trouvé mon créneau notamment à travers les systèmes d’information géographique. J’étais ce type qui faisait des trucs magiques avec des ordinateurs que personne ne pigeait. (Depuis, ça a bien changé, le retard a été rattrapé, hein, trop tard, désolé.) La bonne nouvelle, c’est que, potentiellement, toute carrière et tout talent peut peut-être trouver à s’insérer pourvu que la personne soit assez passionnée et futée pour apporter une réelle contribution. J’ai une amie qui a obliqué vers une carrière dans l’observation touristique et l’étude des baleines à travers une formation en droit (la preuve, soit dit en passant, qu’on peut quand même s’affranchir des maths – mais ça reste la voie la plus indiquée). Une autre amie finance ses projets de recherche par financement participatif (et c’est une bête en communication). Voilà le genre d’intelligence dont je parle. Donc :

L’expérience prime sur tout le reste. C’est sûr, sans thèse ni diplôme scientifique, si tu veux faire de la recherche, tu vas ramer et peut-être atteindre un plafond de verre, donc le diplôme sert, mais ton but premier devrait être d’accumuler les expériences tous azimuts, dans n’importe quel domaine, à tout prix ou presque. (Voir le caveat précédent sur la mobilité, du coup.) C’est ton CV, comme toujours dans ce genre de domaine, qui va t’ouvrir les portes. Ce qui veut dire ramer au début, on l’a dit. Chaque instant d’éveil devrait être consacré à trouver ta prochaine expérience, ton prochain stage, volontariat, projet d’été. Ou petit boulot pour financer tout ça, parce que tu vas commencer bénévole, et le rester un moment, donc si tu aimes les pâtes Eco+, c’est clairement un plus.

Réfléchis de très près à ton profil. C’est injuste, en un sens, car le degré d’introspection nécessaire à cela nécessite un mûrissement qu’on a rarement à vingt ans, mais c’est la vie : creuse en toi-même, loin, pour trouver quelle est la contribution que tu veux / peux apporter, et observe le domaine pour voir comment les manques que tu y détectes pourraient recouvrir ce que tu as à offrir. (C’est la base d’une lettre de motivation, soit dit en passant.) C’est en cela que tu peux « inventer » ta carrière, même dans le domaine universitaire. Creuse ce qui t’intéresse, ce à quoi tu es bon, et que personne d’autre ne sait faire. Si tu es doué et que tu apportes une réelle contribution, tu as une chance qu’on s’intéresse à toi et que tu rencontres les bons projets. Si tu es juste un candidat de plus à avoir fait « une licence de bio parce que j’aime les dauphins », sache que vous êtes à peu près un millier tous les ans dans le même cas rien qu’en France et que donc, on s’en fout.

Hauling out

Sois dégourdi-e. Corollaire de ce qui précède. Si tu m’écris juste pour que je t’indique des adresses, en toute amitié, tu t’y prends mal. En cette époque d’Internet et de Google, des adresses, tu en trouves une pelletée en un clic de souris. Oui, ça veut dire que si tu cherches un stage, un volontariat, tu vas devoir envoyer cinquante lettres personnalisées en candidature spontanée tous les mois, et il n’y a pas de raccourci (tant que tu n’as pas toi-même tissé tes propres liens). Ça veut dire que tu devras te renseigner, lire tout ce qui passe à ta portée, te déplacer dans les séminaires, les conférences (et donc payer l’inscription et le voyage) dans l’espoir de nouer des contacts, de rencontrer du monde, cela dans le but de rencontrer la ou les personnes dont tu veux t’inspirer, peut-être travailler avec elles à moyen terme, et surtout, j’y reviens, prendre la température du milieu, regarder comment ça fonctionne, décider si ta vocation est assez forte pour y vouer ta vie avec tous les caveats exposés plus haut et réfléchir à ta contribution (tout en restant flexible).

Travaille en bonne entente. Je me sens obligé de le mettre parce que, dans l’esprit de beaucoup, « la recherche est un milieu compétitif » se traduit par « la recherche, c’est un milieu de requins ». Non, tu n’arriveras à rien en marchant sur la gueule du voisin (je crois fermement qu’on n’arrive jamais à rien en marchant sur la gueule du voisin, tout le contraire) – ta correction et ta droiture seront la preuve de ton professionnalisme, et ton professionnalisme sera la meilleure assurance que tu trouves une place qui t’épanouisse.

Bon, des ressources ? Parce que j’ai, comme tout le monde, une dette karmique envers tous ceux qui m’ont mis le pied à l’étrier, deux points de départ centraux pour commencer à creuser : l’European Cetacean Society rassemble à peu près tous les chercheurs du secteur en Europe (duh), et toutes les annonces de volontariat, de publications et de postes passent sur la liste de diffusion MARMAM (bien que je ne fasse plus de recherche dans le domaine depuis belle lurette, je lis encore tous les abstracts qui y passent). Maintenant, à toi de jouer.

Bursting_breath

Je n’essaie pas de te faire peur, j’aimerais juste que tu saches dans quoi tu mets les pieds et que seul le plus grand dévouement, seule une authentique vocation qui durera te permettront de réaliser ce rêve. En est-ce bien un, d’ailleurs ? Si tu peux dire sincèrement oui en considérant qu’aucun des caveats susnommés ne te gêne, c’est bien parti, mais sache autre chose : tu vas vieillir. (Désolé.) Tu me lis peut-être à vingt ou vingt-cinq ans, tombé sur cet article par hasard, et tu réponds peut-être un fier et fort « oui ! », mais un jour, tu auras trente, puis quarante balais. Si tu es une fille (et la probabilité est forte, vu que ce milieu est principalement féminin), réfléchis bien à, mettons, ton envie de fonder une famille un jour (la probabilité est là aussi plus forte que la question soit une pressante chez une femme) (on parle de probabilités, hein, pas d’absolu, venez pas m’embêter) – sache que, si tu attaques sincèrement cette carrière, tu risques d’avoir des problèmes à tout concilier (ne serait-ce que parce que, biologiquement, il y aura quelques mois d’indisposition au moins).

Encore une fois, rien n’est impossible. Tu es peut-être particulièrement malin (j’ai un couple d’amis naturalistes, donc ils cumulent, mais ils y arrivent, c’est bien que c’est possible ; mais il faut clairement un tempérament aventurier, détendu et pas trop casanier de part et d’autre) et puis ton profil, ton intelligence peuvent démentir tout ce qui précède. Mais j’ai envie de dire, dans ce cas, tu n’avais pas besoin que je te dise tout ça parce que tu le pressentais déjà plus ou moins, non ?

À titre personnel, cela me fait toujours réfléchir qu’avec mes activités d’écriture de fiction (je répète, de fiction) où intervient quand même beaucoup la mer (ben, Léviathan porte ce nom pour une raison), je me retrouve à parler davantage de science, de biologie marine, d’halieutique et de conservation (d’un point de vue de vulgarisation) que je ne l’aurais probablement jamais fait si j’étais chercheur (et j’en suis ravi !). J’ai aussi fait mon choix : j’étais davantage un rêveur qu’un matheux, plus un raconteur d’histoires qu’un chercheur, et c’est pourquoi j’ai délibérément obliqué vers le fait d’observer et de raconter la poésie du monde plutôt que de l’étudier.

Quoi qu’il en soit, c’est un des plus beaux métiers du monde, et je te souhaite de réaliser le rêve qui est le plus fort en toi (mesure bien toutes les implications de cette phrase). Et peut-être, qui sait, je travaillerai un jour pour toi comme volontaire. Le cas échéant, dis-le moi, s’il te plaît, qu’on trinque à ta réussite !

Pour aller plus loin, un dossier « Travailler avec les mammifères marins » – certaines adresses sont périmées mais le fond reste valide. 

2019-06-07T22:41:02+02:00jeudi 8 décembre 2016|Best Of, Carnets de voyage|5 Commentaires

Ssssshhh

Très chouette. Excellent exemple d’organisation.

Et un tout petit, petit peu mon genre de situation en ce moment.

Je corrige.

À demain.

Si j’ai survécu.

2016-11-27T19:02:32+01:00lundi 28 novembre 2016|Journal|6 Commentaires

La messagère des corrections

Qu’est-ce qu’y fait Bibi en ce moment ?

Bibi y corrige. Y corrige ça1 :

https://www.instagram.com/p/BM1vl87gUU7/

C’est imprimé en recto seulement (c’est du brouillon), mais quand même. Le bestiau fait 1,2 million de signes pour cinq actes plus quelques annexes, bref, on ne rigole pas.

Le premier jet de La Messagère du Ciel, tome I de la trilogie « Les Dieux sauvages » à paraître à partir de mai prochain, est achevé, et après une première lecture avec annotations et ressenti général, je progresse d’un bon pas dans mes corrections personnelles pour remettre le manuscrit à l’éditeur. (D’ailleurs, si la méthode de travail pour les corrections vous intéresse, petit rappel : certaines des présentations de la masterclass des Imaginales de l’année dernière sont disponibles ici, dont la mienne sur la révision et le renforcement de son histoire.) La cure d’amaigrissement est donc en marche, car j’ai toujours un premier jet un peu verbeux (ce qui s’améliore toutefois de livre en livre) et je sais qu’un manuscrit est appelé à perdre environ 10% de son volume rien qu’à travers l’allégement du style. Je crains toujours de ne pas donner assez de précisions au lecteur, et je me rends bien compte aux corrections qu’il peut très bien se passer moi : on coupe, on coupe, on coupe.

Nous y voilà, donc ! La dernière ligne droite… Avant que les Dieux sauvages ne gouvernent la planète Évanégyre en mai prochain. On y vient petit à petit, et il commence à me démanger de pouvoir partager cette nouvelle série et commencer à échanger dessus.

  1. Désolé, j’ai quelques serfs dans ce roman dont l’expression est approximative.
2016-11-21T18:24:44+01:00jeudi 24 novembre 2016|Journal|6 Commentaires

« Les Dieux sauvages », inspiration musicale : Soundcritters – Beyond the Veil

Donc, alors que j’attaque les corrections de La Messagère du Ciel pour le rendu à Critic, je commence à reconstituer ici et là les inspirations musicales qui ont aidé à m’évoquer l’univers au fil de l’écriture. J’avais fait ça pour Léviathan – c’est une page qui a disparu depuis et que je voudrais remettre sur le site.

Du coup, pour se mettre dans l’ambiance du tout premier chapitre, avec la découverte de Mériane dans les forêts enneigées de Rhovelle…

2016-11-09T09:56:22+01:00jeudi 10 novembre 2016|Journal|Commentaires fermés sur « Les Dieux sauvages », inspiration musicale : Soundcritters – Beyond the Veil

Il y a un problème avec la démocratie

Donc voilà, tout le monde s’est réveillé avec un « c’est pas vrai ? » en voyant le résultat de l’élection du président du monde. Un homme que l’écrasante majorité de la presse et des dirigeants des grandes compagnies américains ont refusé de soutenir. Il est des élections qui semblent tellement évidentes, tellement jouées d’avance – « ils ne vont pas élire ce fou furieux, lui donner les codes de l’arme nucléaire alors que son propre QG de campagne lui retire l’accès à son propre compte Twitter ? » – que le résultat donne l’impression de s’être réveillé dans un monde parallèle.

La même chose s’est produite au moment du Brexit : un référendum dangereux, mais qui semblait si évident, dont le résultat ne pouvait pas décemment insulter la raison, mais qui, bien évidemment, s’est soldé en une catastrophe dont on peut douter que le pays se relève un jour.

Donald Trump a remporté sa victoire sur la base de la haine, de la démagogie et d’une forme institutionnelle d’ignorance (et, dans une moindre mesure, c’est vrai, de l’abus d’assurance joint à l’incompétence crainte de sa rivale). C’est le triomphe de l’Amérique suprémaciste et obscurantiste, celle qui nie le changement climatique, qui croit qu’on peut arrêter l’immigration mexicaine en construisant un mur géant façon rideau de fer à la frontière, etc. Le Brexit, quant à lui, a été décidé sur la base de mensonges éhontés – irréfutablement démontés depuis…

Dans les deux cas, la consultation générale, démocratique, du peuple a engendré un résultat aberrant, allant à l’encontre de la raison même. Voire, de la réalité. Dans les deux cas, il est plutôt facile de pointer les causes principales : les mensonges éhontés des politiques (le Brexit, mais aussi Trump) et le tragique déficit d’éducation des électeurs, conduisant à des réactions absurdes nées de la peur et du malaise ambiant (Trump, mais aussi le Brexit).

L’économie et la démocratie ont ceci de commun qu’elles sont fondamentalement basées sur une hypothèse impossible : elles postulent une décision rationnelle qui s’appuie sur une information parfaite de l’acteur individuel. Ce n’est plus possible, sur tous les sujets, en 2016. La démocratie est « la pire forme de régime à l’exclusion de tous les autres », pour citer Churchill, mais là, un problème sévère se pose. Parce qu’entre autres causes, une certaine forme d’obscurantisme intellectuel (religieux, mais pas que ; Chomsky pointe à juste titre que l’élite d’un régime démocratique n’a aucun intérêt à avoir des électeurs informés et instruits) crée un peuple crédule, ignorant, manipulable à l’envi, et que la voix de la raison se fait toujours plus faible avec le temps dans la cacophonie. C’est ainsi que le Royaume-Uni se retrouve à quitter l’union européenne et que les États-Unis élisent Trump.

Dans les circonstances actuelles, la démocratie façon XXe siècle a vécu – comme tout système, elle est en train d’atteindre ses limites dans un monde qui a changé ; ses failles – rares et subtiles, mais présentes malgré tout – ont été trouvées et exploitées par des politiciens qui savent s’appuyer sur le viscéral au lieu de la raison, sur l’instantané au lieu du long terme – et les réseaux sociaux, stimulant l’appétence pour le contenu viral, fort, émotionnel, n’y sont pas étrangers, car ils sont conçus pour stimuler ce qu’il y a de plus bas dans l’espèce humaine.

Que faire alors ? Fichtre, je n’en ai aucune idée. Je ne suis absolument pas en train de dire qu’il faut exclure des citoyens de la consultation, ni revenir à une forme de gouvernement plus centralisé encore, ce qui ne conduirait qu’à davantage d’abus. La solution serait bien évidemment de renforcer l’éducation dans toutes les strates de la société, mais, à ce stade, en tout cas à court terme, cela semble tenir de l’utopie – car il faut la volonté politique et les moyens, sans compter qu’une spirale descendante d’ignorance semble s’amorcer, à mesure que les incultes et les menteurs se retrouvent au pouvoir, et promeuvent davantage ces mêmes phénomènes qui les ont vu élire. Je suppose qu’il existe déjà quantité de réflexions sur des modes de consultation ou de gouvernance alternatifs fondés entre autres sur Internet – si vous avez votre favori à recommander, n’hésitez pas à le faire en commentaires, qu’on puisse éventuellement changer cette farce tragique en réflexion sur l’avenir, dusse-t-elle dépasser notre propre espérance de vie (mais restez courtois, il s’agit d’être constructif). Par exemple, à titre personnel, ces temps-ci, je m’interroge sur le suffrage universel : j’ai de vagues notions d’économie, mais je ne suis pas économiste – il me paraît curieux que ma voix, sur un dossier économique par exemple, ait le même poids qu’un spécialiste, vu que je suis, à peu de choses près, incompétent. Bien sûr que je souhaite faire usage de la possibilité de m’exprimer, mais je ne vais pas non plus prétendre lutter à armes égales avec un chercheur en la matière qui a des années d’étude et d’expérience derrière lui. Le grand nombre, c’est risquer le triomphe de l’ignorance ; mais le petit nombre, c’est risquer la confiscation du pouvoir (et la féodalité). What then? 

À ce stade, je me prends à trouver un attrait certain pour le tirage au sort hérité des Grecs – ces jours-ci, ça nous donnerait au moins une chance de tomber sur le bon choix… Si je me souviens bien, dans Chants d’une Terre lointaine, Arthur C. Clarke plaisante même en disant que c’est la seule chance pour un peuple d’avoir un dirigeant un tant soit peu correct, car qui n’aurait surtout pas envie de se retrouver à ce poste – et que ce devrait être le premier critère de compétence.

George Bernhard Shaw affirmait que la démocratie est le régime qui assure qu’un peuple n’est jamais gouverné par mieux que ce qu’il mérite. Le problème, c’est que les peuples sont multiples, et que beaucoup vont souffrir des quatre ans à venir. (Heureusement que ce n’est « que » quatre ans.)

À nous d’être intelligents chez nous l’année prochaine…

2016-11-09T10:24:47+01:00mercredi 9 novembre 2016|Humeurs aqueuses|12 Commentaires

124% (une forme de photo de la semaine)

Okay, quand je suis énervé et que je me donne une to-do list avec comme objectif en béton armé de terminer le roman AUJOURD’HUI (enfin, hier), on ne joue plus.

mdc-final

39 000 signes en une journée, ce n’est pas mon record (qui doit être, de mémoire, de 60 000 signes en finissant à 4h du matin), mais ça reste pas mal. Ainsi se termine pour moi le premier jet de La Messagère du Ciel, premier tome de « Les Dieux sauvages ». Avec un dépassement de signes finalement encore assez raisonnable, surtout que je sais, d’expérience, que mes premiers jets tendent à maigrir aux corrections. (Léviathan : la Nuit avait perdu ainsi environ 20% du volume de son premier jet, même si ce chiffre se réduit de livre en livre, à mesure que je deviens plus précis pour atteindre la cible que je me fixe au préalable.) Il reste une ou deux bricoles à ajouter / rafistoler sur le gros œuvre, mais je peux dire, à toutes fins utiles, que le roman est terminé. Yay ! (En espérant, comme toujours, qu’il en vaille la peine, etc, etc.)

… Du moins jusqu’à ses corrections. Mais c’est une étape beaucoup plus technique sur laquelle je sais que je progresse rapidement. Dans cette phase, je change totalement de casquette : du rôle d’auteur passant d’un chapitre à l’autre et découvrant l’histoire en compagnie des personnages à travers les grandes étapes préétablies du plan, je deviens, en un sens, mon propre ghostwriter. Ma situation est la suivante : je viens de recevoir ce manuscrit sur mon bureau d’un auteur un peu foufou, avec des problèmes à régler, un style à polir, une cohérence à surveiller ; à présent, mon rôle consiste à le rendre présentable tout en sachant qu’on ne me créditera jamais pour ce travail, mais que ce sera « l’autre » qui en retirera les lauriers.

Non, non, ce n’est pas du tout un métier bizarre.

https://www.instagram.com/p/BMWAJ-vgpM9/

2016-11-03T23:00:36+01:00vendredi 4 novembre 2016|Journal|7 Commentaires
Aller en haut