Travailler dans le milieu de l’imaginaire ?

Je laisse encore un peu reposer les résultats de la grande consultation publique sur la newsletter (j’y reviendrai la semaine prochaine) mais il apparaît déjà un peu de demande pour un peu plus de log et un peu moins de web dans cet endroit de perdition. Ça tombe bien : voici une question complexe et compliquée pour laquelle je me suis dit, publier une réponse pourrait être utile. Avec donc des vrais bouts de parcours personnel dedans, qui n’ont donc que cette valeur : ils sont personnels.

J’aimerai avoir tes conseils sur ce sujet car mon voeu est de devenir écrivaine professionnelle à plein temps. Ma priorité est l’écriture, tout en payant mes factures. Saurais-tu quel type d’emploi à mi-temps il est possible de postuler dans le monde du livre (ou mieux, de l’imaginaire) ?

Je ne vais pas te mentir : houlà.

Ça a l’air aussi inconfortable que celui en fer.

C’est un truisme, mais il est vrai : les parcours dans ce domaine (surtout pour l’écriture) sont éminemment individuels et, en plus, mes débuts commencent à dater (20 ans, à la louche), à une époque où le paysage littéraire était très différent. (Il y a dans ces deux / articles des passages où je détaille davantage mon « comment »  et tu constateras qu’à chaque fois, j’ai « gravi » des échelons, peu à peu, en me lançant dans des choses de plus en plus complexes et sur la durée). Je ne peux pas te dire : fais ce que j’ai fait – parce que tout le monde a fait différemment.

D’autre part, la culture (même la littérature blanche) est un petit milieu qui n’a pas de sous mais est toujours à la recherche de compétences. La difficulté consiste donc à arriver à se former, à développer son savoir-faire (quel qu’il soit, pour être éditrice, écrivaine ou autre) afin qu’on fasse de plus en plus confiance en face. Et, à force de persistance (et parfois de bénévolat pour se faire la main…), les occasions arrivent. Je reposte cet article – ne prends surtout pas le ton un peu agacé pour toi (il s’adressait à une recrudescence d’étudiants branleurs à l’époque) ; par contre, je pense qu’il peut aider à montrer en filigrane comment ça marche et ce qui est attendu.

Personnellement, il se trouve que j’étais bilingue et que j’avais fait la connaissance des bonnes personnes au bon moment (j’en ai parlé à la convention française, mais je remercie notamment Stéphanie Nicot, Stéphane Manfrédo et Lucie Chenu pour m’avoir repéré), j’ai donc pu faire quelques traductions ici et là (avant de décrocher de plus gros contrats qui m’ont réellement nourri) tout en vivant de soutien scolaire à côté et de cours d’informatique au 3e âge le temps de me faire un petit nom dans l’édition, ce qui m’a mis sur le radar du milieu et ouvert quelques portes.

Pour ma part, je me suis donc jeté à l’eau en 2001, j’ai mis trois ans à publier ma première nouvelle professionnellement (« Tuning Jack » dans Galaxies en 2004 – ce qui est relativement court dans l’absolu), j’ai continué à en placer ici et là, mais j’ai mis sept ans de plus à apprendre la technique du roman et à publier le premier (La Volonté du Dragon chez Critic, 2010), entamant vraiment ma carrière d’écrivain pro. Et dans l’intervalle, je ne faisais que travailler du texte, ou du moins ceux des autres, à travers la traduction et un peu d’édition (parce que je savais déjà ce que je voulais voir ou pas dans des textes, même si je ne savais pas le faire pour moi).

Je ne dis pas ça pour te faire peur ni te décourager, mais pour que tu aies bien conscience que si tu veux gagner ta vie dans ce domaine, il faut beaucoup de temps, de persistance et que cela ne fonctionne pas comme un milieu professionnel habituel où l’on répond à des annonces pour trouver du boulot. Cela se construit par du réseau, sur la durée et le long terme, et encore aujourd’hui, j’ai de la chance que « Les Dieux sauvages » marchent extrêmement bien et me donnent une certaine aisance financière et une réputation qui m’a permis de lâcher la traduction pour me rediriger vers des ateliers et des conférences sur la créativité, mais je le peux parce que, maintenant, j’ai le CV pour montrer ma compétence ; cependant, j’ai puissamment conscience que tout cela reste extrêmement précaire. J’aurai 42 ans cette année, j’ai toujours su que je ne voulais pas d’enfants (j’ai donc peu de charges), « Les Dieux sauvages » tome V sortira en 2022, et, après, je devrai rebâtir quelque chose, pas de zéro quand même, mais je devrai prouver à nouveau ce que je sais faire à avec un nouveau projet. Et ce sera comme ça pour toujours (ou jusqu’à ce que HBO me rachète les droits de « Les Dieux sauvages », bien sûr. Je suis totalement ouvert à la négociation. Je dis ça. Au cas où. Hein.).

On peut y arriver, bien sûr, nous sommes évidemment plusieurs à l’avoir fait, mais je recommanderais quand même, comme le dit Elizabeth Gilbert dans Big Magic, d’éviter de donner à ton écriture la charge de te nourrir, surtout en construction de carrière – c’est un moyen très sûr pour se déprimer (testé et désapprouvé). La meilleure approche pour moi est celle de Cal Newport qui consiste à prendre le problème à l’envers, ce qui est particulièrement juste dans le domaine artistique à mon sens.

Voilà ce que je peux dire. Paradoxalement, je reposte aussi un article que j’ai écrit pour les jeunes férus de baleines souhaitant devenir naturalistes, mais dont beaucoup de points s’appliquent à une carrière littéraire (tout spécialement le côté « inventer sa carrière » et « accumuler les expériences »). (Je pense que l’un m’a préparé à l’autre…)

Encore une fois, je ne vais pas te faire peur, mais j’insiste sur le fait que j’ai eu la chance d’être rapidement au bon endroit au bon moment. (Et puis j’ai quand même eu mon lot de galères, hein.) Quand la chance met du temps à venir… il faut garder la foi. Il faut aimer la pression et le stress. De façon générale, j’adhère beaucoup à l’approche de Cal Newport ; je pense que, quel que soit le désir ou la vocation, il convient de réfléchir, non pas à la carrière, mais au mode de vie qui convient le mieux (et qui permettrait par exemple en l’occurence de ménager l’écriture à côté, le temps de la faire monter en puissance). En revanche… et bien, n’imagine surtout pas qu’elle te donnera la quiétude et un revenu stable.

Sauf si HBO frappe à ta porte, bien entendu… 

Quoi qu’il en soit, en tout cas : meilleurs vœux ! Et beaucoup de plaisir – car, malgré ses difficultés, la vie créative est l’une des plus riches qui peut s’offrir à l’esprit.

2020-11-15T11:43:16+01:00mercredi 18 novembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|12 Commentaires

Au travail ! (Pep talk NaNoWriMo)

Par un étrange concours de circonstances sanitaire, le NaNoWriMo (ou DRoMA en bon français – bravo pour cette initiative, à suivre ici !) se déroule donc en confinement, ce qui s’y prête donc peut-être bien (fonction de votre situation précise). En 2013 (gloups) on m’avait demandé un pep talk – soit un discours de motivation ? De sergent instructeur ? Un massage de dos ? – pour le NaNo, justement, mais le site concerné a depuis disparu. Donc : revoici.

Au travail !

Vous l’avez peut-être déjà entendu : il n’y a pas de vérité absolue en art, il n’y a donc pas de méthode en création. Pas d’autre méthode que la vôtre, qui sera le fruit de vos expérimentations, de vos aventures et surtout de ce que vous goûterez, et de la façon dont cela vous fera mûrir. La seule façon d’apprendre à écrire consiste à vous connaître ; la seule façon d’apprendre à vous connaître consiste à écrire.

Il existe en revanche une vérité cardinale. C’est la persévérance. Bossez comme vous l’entendez. Mais BOSSEZ.

Bossez dans un café bondé ou isolé(e) chez vous dans le silence. Bossez dans la sérénité ou en vous tapant la tête contre les murs. Bossez dans les interstices de votre vie, bossez en vous ménageant de grandes plages de temps, bossez sur un smartphone ou un cahier relié de cuir, avec un synopsis, sans synopsis, en vous octroyant une pause au calme, en écrivant pendant un forcené douze heures d’affilée.

Mais, quoi qu’il arrive : BOSSEZ, sans relâche, de la manière qui vous ressemble aujourd’hui (qui ne sera peut-être pas la même demain).

Réfléchissez à ce dont vous avez besoin, mettez-vous en accord avec vous-même, écrivez, raffinez la formule, recommencez.

Créer, c’est dur. Écrire, c’est de la folie. Mais c’est de la magie, et c’est pour ça que vous êtes là. Pour faire naître votre histoire, pour vous immerger dans la vie de personnages et, peut-être, jouer des émotions de vos futurs lecteurs en virtuose, les faire passer par le rire et l’angoisse, par la peine et le triomphe.

Toutefois, nul autre que vous n’a décidé de se lancer dans cette galère, celle de la littérature en général et celle du NaNo en particulier. Et, plus important, nul autre que vous, si vous êtes honnête avec vous-même, si vous allez chercher au fond de vous la vérité qui n’appartient qu’à vous, ne peut dire ce que vous avez à dire. Si vous laissez vos histoires au fond de vous-même, nul ne les racontera pour vous.

Vous êtes seul(e) redevable de votre engagement envers vous-même. Vous vous êtes fait cette promesse. Et pour y parvenir, au fond, il n’y a pas de recette, pas de miracle : il y a de l’effort, de l’entêtement, du serrage de dents, quelques pétages de plombs, de la déprime et de l’extase.

Mais j’ai une bonne nouvelle : c’est normal. C’est le métier. Rassurez-vous. Est-ce que ça ira mieux avec le temps ? Probablement pas. Mais vous saurez une chose : que vous en êtes passé(e) par là, que vous avez survécu, fini, et continué.

Et c’est pourquoi, ce que vous ne devez pas faire, c’est baisser les bras. Vous dire que vous n’y arriverez jamais. (Ou alors, juste un peu. Mais pas longtemps. Prenez un chocolat chaud. Pleurez sur l’épaule de votre mère. Soufflez un peu. Jouez à Mario Kart. Mais ensuite : retournez dans l’arène, le couteau entre les dents, et faites rendre ses chapitres à votre histoire.) Ce que vous devez faire, c’est toujours remonter en selle. C’est insister. Ne vous arrêtez pas. Parce qu’au cœur de l’écriture, il n’y a jamais que cela : l’acte d’écrire, de rester devant la page, et d’aligner les mots. Derrière toute la théorie littéraire du monde – qui a son utilité et fait gagner des années de réflexion, ne vous y méprenez pas – il n’y a toujours qu’une personne, face à la page, qui écrit, sans s’arrêter, et qui, un jour, finit son livre.

Nul ne vous regarde. Nul ne vous relira si vous ne le souhaitez pas. Vous pourrez toujours retravailler plus tard. Alors, laissez-vous aller. Tentez, osez vous planter. Persévérez, même et surtout si ça vous paraît nul, incohérent, plat, pas crédible. Ne revenez pas en arrière. Ne corrigez pas. Notez peut-être sur une feuille à part ce qu’il faudra rattraper ; mais, pour l’heure, avancez.

Pour corriger, il faut avoir une base de travail, et c’est exactement ce que vous êtes en train de construire : ramer, grogner, défricher dans la sueur et une possible consternation le territoire vierge de votre histoire, pour disposer ensuite de matière. Mais vous ne pourrez rectifier le voyage qu’en l’ayant déjà accompli. Ce premier trajet n’est pas parfait. Mais ce n’est pas le but. Le but, c’est savoir les questions que votre histoire pose pour réfléchir ensuite aux meilleures réponses à leur apporter.

Alors, par tout ce qui est juste et bon, ne visez pas la perfection. Avancez, c’est tout. Insistez, toujours. Terminez ce fichu premier jet. Ne lâchez pas ; soyez celui ou celle qui tient bon quand tous les autres abandonnent. Ayez ce courage. Lâchez Facebook, laissez tomber la vaisselle, cloîtrez-vous et ne répondez plus au téléphone s’il le faut. Mettez des mots sur la page. Au bout du compte, malgré toute la technique narrative amassée – qui a sa valeur –, c’est cette persévérance qui est la seule à pouvoir vous conduire au bout de la route. C’est la règle de l’écriture n°1 de Robert Heinlein :
« Tu dois écrire. »

S’il n’y a vraiment qu’une seule chose à savoir, c’est celle-là.

PS : Si vous ne rencontrez aucune des difficultés susnommées, félicitations ! Bravo, et bon NaNo ! Par ailleurs, sachez que je vous hais. Gros bisous.

2020-11-02T12:41:12+01:00mardi 10 novembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Au travail ! (Pep talk NaNoWriMo)

Piloter Antidote à la volée avec Alfred

Juste pour poser ça là proprement dans un coin, parce que c’est assurément la fonctionnalité dont je me sers des dizaines de fois par jour et qui vaudrait amplement trois fois le prix du Powerpack : il est possible de piloter Antidote avec Alfred (je vous ai parlé d’Alfred ? Bien sûr que je vous ai parlé d’Alfred) pour : chercher une définition d’un mot, interroger le dictionnaire de synonymes, obtenir la conjugaison d’un verbe. D’une simple requête au clavier qui prend 1-2 secondes, on obtient toute la connaissance lexicale que l’on peut souhaiter sans (trop) briser le flow de l’écriture :

Packal.org, qui est le dépôt central de tous les scripts et workflows d’Alfred, propose des scripts téléchargeables pour les deux dernières versions d’Antidote (9 et 10).

J’avoue que j’avais d’étranges ralentissements sur ma machine en commandant Antidote 10 depuis Alfred, aussi ai-je réinstallé ma vieille (et dépassée) version d’Antidote 9 simplement parce que cette consultation est devenue seconde nature et que je ne souffre pas la moindre interruption de pensée par un pointeur ballon de plage. Mais peut-être n’était-ce que ma machine. À vous de tester.

2020-10-08T09:59:46+02:00lundi 12 octobre 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Piloter Antidote à la volée avec Alfred

Arrêtez de compter la longueur de vos textes en « mots »

Un mot (ha) qu’il me semble important de rappeler ici, surtout que le NaNoWriMo est dans un peu plus d’un mois :

Ne comptez pas la longueur de vos textes en mots.

L’usage de l’édition française, ce sont les signes espaces comprises.

Je sais, le NaNo utilise les « mots », mais c’est l’usage anglo-américain, d’où nous vient le NaNo, et cela s’est du coup transposé dans beaucoup de cercles de jeunes auteurs, mais je vous assure que personne ne compte ainsi dans l’édition française professionnelle.

Si vous voulez travailler avec ce milieu, prenez la bonne habitude, cela vous donnera l’air carré et au courant.

Et si vous ne voulez pas, comptez la longueur vos textes en tablettes d’argile, parce qu’un créateur se doit d’emmerder un peu le monde un peu quand même.

(Si la conversion vous donne du mal, multipliez / divisez mentalement par 6, en moyenne, puis donnez le résultat en signes d’un air assuré, personne ne le saura. Sauf moi, puisque je vous ai donné le truc.)

2020-09-21T17:58:43+02:00mardi 29 septembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|10 Commentaires

Écrire en musique avec Poolside FM

Ce truc est le truc le plus mignon qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps.

MAIS REGARDEZ-MOI CETTE ESTHÉTIQUE CROQUIGNOLETTE D’APPLI MAC CLASSIQUE

Poolside FM, c’est à la base une radio avec un site proposant le rétro-design le plus fantastique du monde :

Moi, je suis littéralement love. Et donc, pool side, c’est une radio qui conviendrait parfaitement aux après-midi chaudes au bord de la piscine à Ibiza – idéal pour rêver à des étés un peu plus faciles que celui qui vient de s’écouler (mais qui reviendront) : de la house tropicale, baléarique, pour se passer une bonne petite musique d’ambiance lounge si c’est votre truc.

Pour l’écriture (parce qu’on ne va quand même pas écouter de la musique pour s’amuser ou même, horreur, pour danser, nous sommes des gens sérieux et poussiéreux ici), je vous recommande chaudement le canal Hangover Club (fantastique nom) qui va davantage vers le chill out et le downtempo, c’est donc moins agressif et plus textural pour écrire. Ça faire une bonne variation du canal Alpha Chill de focus@will (test du service), si vous voyez le genre.

Poolside FM est donc un site et aussi (surtout, dirais-je) une application gratuite sur le Mac App Store, what’s not to like ?

2020-09-12T20:04:51+02:00lundi 14 septembre 2020|Best Of, Décibels, Technique d'écriture|2 Commentaires

Vous devez lire Comme par magie

Je sais, je vous ai fait le coup avec La Guerre de l’Art, hein ? Eh bien, Comme par magieBig Magic en VO1, c’est fascinant, parce que c’est exactement le même discours, avec des moyens diamétralement opposés.

Elizabeth Gilbert – l’autrice de Eat, Pray, Love – livre dans cet ouvrage une vision de la créativité heureuse, harmonieuse, qui se libère avec amusement de l’image de l’artiste qui porte ses dons artistiques comme une croix. Un peu d’autobiographie, beaucoup d’anecdotes pour certaines vraiment drôles, et pas mal de réflexions entre la philosophie et la spiritualité tracent un discours tendre mais sans complaisance sur la vie créatrice quel que soit le domaine, qu’il s’agisse d’écriture ou (véridique) de patin à glace. Résolument opposée à une vision moderne, post-Lumières, torturée de l’artiste se soumettant à des pressions inhumaines, elle prêche au contraire une démarche presque évanescente qui place le plaisir et le jeu au centre de tout ; de la légèreté, de la disponibilité, mais aussi – et c’est là que Pressfield et elle s’alignent dans une passionnante opposition de contraires – de la persévérance, de la volonté, de la confiance en soi et en l’univers.

Car là où Pressfield a une rhétorique résolument guerrière (c’est dans le titre), parfois à la limite de la culpabilisation, prêchant l’intensité et la persévérance à tout prix, avec une victoire à emporter sur la Résistance, Gilbert se place résolument sur le terrain de la coopération avec la Muse qui nous choisit pour nous murmurer des idées et, surtout, privilégie le principe de joie. Et c’est… vraiment nécessaire aussi.

Le plus beau ? C’est qu’ils disent donc, au final, exactement la même chose, avec des mots radicalement opposés : il existe quelque chose qui nous dépasse (ce que j’appelle personnellement le Mystère) où réside la créativité, qu’on le voie comme la Muse homérique (Pressfield) ou des sortes d’esprits désincarnés (Gilbert) voire des sortes d’anges (les deux auteurs) ; le travail d’un ou une artiste consiste à se mettre en lien avec cette « chose », car la création est une voie formidablement nourrissante pour l’individu et le monde ; la seule voie pour y parvenir est la persévérance et la foi.

Si vous avez détesté La Guerre de l’Art (je sais qu’il y en a), lisez Big Magic. Je suis quasiment certain que c’est le bouquin qu’il vous faut à la place. Si vous avez adoré La Guerre de l’Art, lisez Big Magic quand même, parce que c’est une bouffée d’air frais salutaire dans la tendance à la pesanteur qu’on beaucoup de créatifs, un rappel constant à sourire, rire et travailler avec les obstacles au lieu de forcément les combattre à tout prix. Tout cela n’est qu’un tendre jeu, comme l’est la vie. L’art est à la fois la chose la plus importante et la moins importante du monde. Je trouve réjouissant, fascinant, et vertigineux de voir deux personnalités aussi différentes (d’après ce qui transparaît de leurs ouvrages, du moins) toucher à ce qui me semble être exactement le même phénomène. Personnellement, les deux m’ont nourri autant l’un que l’autre de façon complètement différente, et je sais que je finirai par m’en procurer de belles éditions pour les ranger côte à côte, réunis dans leur union au Mystère et dans ce que leur totalité représente à mes yeux.

Pour découvrir le ton drôle et chaleureux d’Elizabeth Gilbert, son TED Talk le plus court, sur la manière dont elle a repris l’écriture après le succès planétaire et inattendu et Eat, Pray, Love (pour poursuivre, jetez un œil à cette interview beaucoup plus poussée autour, justement, de Big Magic) :

  1. Et d’ailleurs, si vous pouvez, je vous encourage vraiment à préférer la version originale ici. Loin de moi l’idée de dire que la traduction est mauvaise, et les nombreux avis favorables en ligne montrent que le livre a su parler au public ; par contre, à titre personnel, le ton employé n’est pas du tout raccord avec mon ressenti de l’anglais.
2020-09-03T12:18:40+02:00jeudi 3 septembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Vous devez lire Comme par magie

Reprenez le contrôle de votre information avec les flux RSS

Donc, j’ai récemment quitté les réseaux commerciaux, redécouvrant il y a quelques années le plaisir de contrôler mon information, mes sources, mes intérêts au lieu d’avoir Facebook et Twitter qui cherchent à me faire réagir parce que « machin a liké ça » et « truc a commenté ceci ». Pour mémoire, ce que vous montrent les réseaux n’est pas calibré sur ce qui vous intéresse, mais sur ce qui vous fera réagir ; le but de ces entreprises, c’est de vous conserver le plus longtemps possible sur leur plate-forme, afin de vous montrer de la publicité.

Heureusement, il existe une meilleure manière de faire. En fait, elle existe depuis très, très longtemps, faisant partie des premières technologies du web : le RSS (pour Really Simple Syndication) est un protocole âgé de plus de vingt ans, mais toujours bien vivace, qui permet de suivre les sources d’information et les sites que l’on choisit, sans aucun autre algorithme que son libre arbitre et son goût personnel.

Le principe du RSS

C’est tout simple. Un site (comme celui-ci même, fantastique et merveilleux) propose un flux compatible. Tous les sites de bon goût, surtout de nos jours, en sont équipés.

L’utilisateur (c’est vous, c’est moi, c’est nous) s’abonne avec un service compatible, un « agrégateur de flux », qui garde la trace de tous les sites auxquels il ou elle s’est abonné.

Dorénavant, chaque mise à jour de tous les sites auxquels on s’est abonné apparaît dans l’agrégateur. Dès lors, il est possible de lire l’article si ça semble prometteur, de l’écarter dans le cas contraire, de l’exporter ailleurs pour le lire plus à son aise, etc. Car le RSS est un protocole standard.

Évidemment, tous les abonnements (tous les « flux » auxquels on s’est abonné) peuvent être organisés et classés comme on le souhaite : pour ma part, j’ai par exemple un dossier pour les actualités technologiques, un dossier pour les actualités littéraires, un dossier pour les blogs des copains, un dossier pour les sites débiles qui vident agréablement le cerveau, etc.

Une beauté de la chose est que tous les articles publiés ainsi sur les flux ont une date d’expiration : vous ne serez jamais submergé•e par 12000 mises à jour non lues, car les vieilleries disparaissent automatiquement (après un délai raisonnable, fixé en moyenne à 30 jours).

En gros : ça se consulte comme Twitter, mais avec vos sources, vos décisions, et sans personne qui vous engueule.

Comment ça marche ?

Eh bien, Jérôme Bonaldi1, c’est très simple. Certains navigateurs, comme Firefox, proposent une implémentation rudimentaire du RSS, mais je recommanderais, pour être à l’aise et apprécier la chose, de s’inscrire à un vrai agrégateur offrant moult avantages et fonctionnalités confortables pour bien profiter de l’expérience. Voici ce dont vous aurez besoin :

  1. Vous inscrire à un agrégateur de flux RSS (nécessaire, mais gratuit)
  2. Un chouette lecteur de flux (optionnel, payant, mais confortable)

L’agrégateur est donc la plate-forme qui collationnera tous vos abonnements, les ordonnera selon vos goûts, et interrogera les sites pour vous. Il fournira ensuite ces données selon une forme (assez) standard, lisible dans une application compatible. Mais comme les choses sont plutôt bien faites, la plupart des agrégrateurs fournissent aussi un environnement de lecture intégré, donc l’étape 2. n’est pas nécessaire en toute rigueur.

Le service gratuit le plus populaire dans ce domaine est Feedly. Le compte gratuit de base est extrêmement généreux (100 abonnements inclus), et l’agrégateur fournit des applications de lecture sur presque toutes les plate-formes. Si vous découvrez le système et voulez commencer à jouer avec, c’est le point de départ idéal.

Commencez par vous inscrire :

➡️ https://feedly.com/i/welcome

Et ajoutez par exemple votre premier flux, trop génial par essence :

➡️ https://lioneldavoust.com/feed

Vous consultez compulsivement des sites à la recherche de leurs nouvelles actualités ? Mettez-les dans Feedly. C’est exactement pour cela que ça a été conçu. Vous êtes à l’affût d’infos sur ce groupe moldovalaque qui produit un single tous les cinq ans ? Idem. Toutes les mises à jour se retrouvent au même endroit sans avoir à chercher partout.

Petite astuce : les flux des sites se trouvent en général toujours à la même adresse : http://nom-de-domaine.com/feed ou /rss. Et le plus simple, évidemment, consiste à rechercher l’icône du RSS sur le site d’intérêt (ci-contre) et cliquer dessus.

Passer power user

Maintenant, si l’on veut aller plus loin, le RSS un outil que l’on peut pousser et personnaliser de manière extrêmement puissante, jusqu’à construire une veille poussée, quel que soit le domaine. Feedly et ses concurrents (j’utilise pour ma part Inoreader) proposent tous des paliers d’abonnement payants (mais restant raisonnables à l’année) ajoutant quantité de fonctionnalités très puissantes. Par exemple, mon abonnement à Inoreader me donne, entre autres :

  • La possibilité de programmer des recherches automatiques de termes sur tous mes abonnements (si je surveille un sujet ou un produit précis, par exemple) ;
  • La possibilité de brancher des sites dans l’agrégateur même s’ils ne sont pas compatibles RSS ; il est ainsi possible de suivre des comptes Twitter de l’extérieur sans être membre de Twitter soi-même (intéressant pour les sites d’information… et les photos de chats) ;
  • La possibilité de renvoyer ses newsletters à son agrégateur, pour éviter d’encombrer sa boîte mail et centraliser davantage les informations qu’on survole ;

Et j’en passe.

L’autre possibilité pour améliorer son expérience, évoquée plus haut, consiste à utiliser un lecteur de flux dédié, qui offre un confort de lecture souvent meilleur que les applications des agrégateurs (dont ce n’est pas la priorité : leur priorité, ce sont les fonctionnalités de veille). Cherchez « RSS reader » dans votre App Store préféré et vous tomberez sur des dizaines d’applications compatibles.

Pour ma part, sous iOS et macOS, j’utilise Reeder, qui n’est pas la plus puissante ni la plus jolie, mais elle offre l’énorme avantage de ne pas avoir succombé aux sirènes de l’abonnement. Pour un achat unique sur Mac et iOS, j’ai une application robuste, raisonnablement puissante et agréable qui me permet de consulter mes flux sur n’importe laquelle de mes plate-formes avec des repères identiques. Comme on dit au Québec, ça fait la job, et ça la fait bien.

Révoooolte

En ces temps où il est avéré que les réseaux monétisent nos données et manipulent l’opinion, et où, surtout, on se colle la rate au court-bouillon avec des inconnus pour une virgule de travers, les flux RSS offrent un merveilleux espace de silence et de libre-arbitre. Personne ne consulte à quoi vous vous abonnez et vous conservez le total contrôle de votre information. En résumé, le RSS, c’est le même plaisir de silence et d’espace mental que lire un bon livre, adapté au web.

  1. Pfiou le vieux.
2020-08-12T21:41:44+02:00lundi 17 août 2020|Best Of, Geekeries|7 Commentaires

Formatage des dialogues : ce que les guillemets permettent et que les tirets interdisent

Aaaah, le formatage typographique des dialogues, le sujet favori des passionnés d’origami et de bateaux en allumettes. Un travail minutieux, obsessionnel, dont l’achèvement confère une impression d’équilibre et de complétude dans le monde.

Et qui suscite la terreur du reste du monde.

Moi, j’ai pas la patience pour les bateaux en allumettes, alors je typographie mes dialogues avec amour à la place. C’est pourquoi le présent blog comporte déjà pas mal de matériel sur le sujet :

Ainsi qu’un épisode de Procrastination : s03e18 – Ponctuer des dialogues.

Sinon, par quel grand mystère de l’Internet ma recherche « dialogue meme » ne me renvoie-t-elle quasiment que des images de films indiens ?

À présent, en tant que Grand Prêtre Missionnaire de l’Église du Guillemets à Chevrons, dans les articles sus-cités, j’ai porté la Seule et Vraie Parole™ de la typographie des dialogues : les guillemets, say mieux, parce qu’on peut faire avec des trucs que l’usage des tirets seuls interdisent. (Voir les articles précédents pour voir de quoi qu’on cause exactement.)

Sauf que, comme on me l’a fait remarqué, je n’ai jamais vraiment prouvé la chose. Dont acte. Oyez, oyez, benedicite amor in excelsis guillemeto.

Idée reçue : les tirets donnent davantage de rythme que les guillemets

Déjà, c’est le premier argument des mécréants tenants du Tiret Cadratin seul : les tirets, par leur incitation à enchaîner les répliques, donneraient des dialogues plus rythmés et nerveux.

— Ah bon ?

— Effectivement.

— Mais comment ?

— Eh bien, un peu comme ça. On enchaîne, on enchaîne, dans le feu de l’action !

— C’est vrai que c’est drôlement rythmé !

— Les didascalies, c’est bon pour Marcel Proust.

Genre comme ça.

Sauf que… les guillemets ne changent rien à cet usage. Pour mémoire, on utilise aussi les tirets avec les guillemets, ils ouvrent et closent juste le dialogue.

« Ah bon ?

— Effectivement.

— Mais comment ?

— Eh bien, un peu comme ça. On enchaîne, on enchaîne, dans le feu de l’action !

— C’est vrai que c’est drôlement rythmé !

— Les didascalies, c’est bon pour Marcel Proust. »

Ça change donc que dalle au rythme.

Maintenant, si ça ne change rien, pourquoi s’ennuyer avec un signe supplémentaire ? Eh bien, parce que :

Les guillemets donnent davantage de flexibilité dans le rythme

« J’aime l’odeur du saucisson au petit matin », lâcha Bob en contemplant l’horizon. Les premiers feux de l’aube ourlaient l’océan. « Avec le café, c’est excellent.

— Ça marche aussi avec les fruits de mer », répliqua Plectrude en désignant son tourteau. Bob retint une grimace ; après tout, il s’efforçait d’être un pluraliste du petit-déjeuner. « Un peu de gorgonzola, et c’est un repas de champion. »

La force des guillemets, c’est la possibilité (et non l’obligation) d’entremêler les flux de la narration et du dialogue dans un rythme quasi-cinématographique et simultané. Mon exemple est un peu lourd en incises, mais c’est pour condenser les deux problèmes que pose l’usage des tirets seuls. Réécrivons donc ce passage avec :

— J’aime l’odeur du saucisson au petit matin, lâcha Bob en contemplant l’horizon. (Les premiers feux de l’aube ourlaient l’océan.) Avec le café, c’est excellent.

Le premier problème apparaît. Une partie de la didascalie appartient au dialogue, ce qui pousse la phrase isolée à devoir être identifiée par des parenthèses. Personnellement, en tant que fan d’origami et de bateaux en allumettes, je trouve ça moche. Mais bon, c’est parfaitement compréhensible. En pluralistes du petit-déjeuner, admettons donc.

Mais, beaucoup plus gênant :

— Ça marche aussi avec les fruits de mer, répliqua Plectrude en désignant son tourteau.

Bob retint une grimace ; après tout, il s’efforçait d’être un pluraliste du petit-déjeuner.

— Un peu de gorgonzola, et c’est un repas de champion.

See what I did there? Qui parle maintenant à votre avis, à la seconde réplique ?

Le formatage en tirets seuls impose que chaque réplique commence sur sa ligne seule. Par conséquent, selon le rythme du récit, le dernier personnage à avoir eu sa didascalie est implicitement considéré comme étant le nouveau locuteur, et de toute façon, l’alternance des tirets impose un passage de relais constant.

Si je veux écrire la seconde partie avec des tirets, je ne coupe pas à la nécessité de repréciser le locuteur :

— Ça marche aussi avec les fruits de mer, répliqua Plectrude en désignant son tourteau.

Bob retint une grimace ; après tout, il s’efforçait d’être un pluraliste du petit-déjeuner.

— Un peu de gorgonzola, reprit la jeune teutonne, et c’est un repas de champion.

Voilà pourquoi les guillemets permettent une économie de moyens et davantage de diversité de rythmes que les tirets seuls. Je me suis régulièrement confronté au problème en traduction. L’anglais utilise uniquement des guillemets (avec une typographie légèrement différent de la nôtre, mais c’est un autre problème) :

“English is awesome, innit?” she exclaimed. “Shakespeare spoke it, they say.”

“True that,” Bob said. “But then again, so does Kim Kardashian.”

Quand les consignes typographiques des éditeurs imposent, de leur côté, l’usage des tirets seuls, je vous garantis une chose : le rythme de l’original ne peut pas être entièrement conservé. Le cas précédent, où la réplique de Plectrude se trouve chassée à la ligne suivante, dictera en traduction l’ajout de précisions absentes de l’original. Sinon, c’est confus, voire on en arrive à des contresens.

2020-08-10T13:05:09+02:00lundi 10 août 2020|Best Of, Technique d'écriture|11 Commentaires

Se réapproprier sa volonté avec un chronomètre et des trombones

J’ai Deep Work de Cal Newport sur ma table de chevet – ce qui, dans les faits, revient à dire l’étagère de mes toilettes (non, je ne dors pas dans mes toilettes) (sauf quand je reviens d’une soirée difficile avec des libraires bretons) – bref, ça veut juste dire que c’est l’endroit où il est susceptible d’être pris et feuilleté, mais je compte bien le lire pour de vrai et me substantifier la moelle avec. Car :

Je suis entièrement d’accord avec lui quand il parle de l’effet délétère des réseaux notamment dans son TED Talk lié ici. Peut-être suis-je d’autant plus sensible au discours avec la manière dont je suis vissé (dont je reparlerai dans un article à part quand j’aurai rassemblé le courage) mais : les notifications, l’impératif de répondre, de réagir frénétiquement à tout et de ne rien laisser passer fonctionne très mal avec moi, j’en ai parlé de loin en loin. Je ne crois pas être le seul dans ce cas ; la grande crainte de notre époque, c’est de voir les capacités de concentration des gens décroître (et c’est le sujet de Deep Work) (mais je ne l’ai donc pas encore lu) (il faut que je passe une soirée difficile avec des libraires bretons pour dormir dans mes toilettes et le lire, si vous avez suivi). Il y a probablement un fond de vérité là-dedans,sinon Facebook et Twitter ne dépenseraient pas des centaines de milliers de dollars pour nous maintenir captifs de leurs plate-formes.

James Clear, dans Atomic Habits (Un rien peut tout changer en VF, heu ?) a cette phrase simple :

Each habit is a vote towards the person you want to be.

James Clear

Consulter son téléphone « au cas où », « dans l’espoir qu’il se passe quelque chose » est une habitude fermement ancrée jusqu’au défilement obsessionnel-compulsif (ahem) des fils sans fin d’Instagram, Twitter etc. : on appelle ça le doomscrolling, et oui, ça fait du mal au cerveau. Si les habitudes se nourrissent d’elles-mêmes, si chaque habitude est un vote pour la personne que l’on souhaite être, chaque consultation « machinale », sans intentionnalité, est un vote pour une personne qui consulte machinalement ses fils, sans intentionnalité.

Et ça, moi, ça m’emmerde d’être cette personne.

Toute réalisation d’envergure se construit sur des efforts concertés et prolongés, peut-être plus encore dans l’écriture qui se nourrit de silence, de réflexion, de mûrissement et, surtout, de temps (un roman me prend entre 1000 et 2000 heures, selon mes estimations récentes). Quand j’avais vingt ans, je codais en open-space sans problèmes de concentration (avec Iced Earth à fond sur les oreilles). Aujourd’hui, je me sens comme un petit chaton sous ecstasy prêt à suivre n’importe quel jouet qui brille, sauf que c’est un chaton chauve de 90 kg. De rien pour les cauchemars.

J’ai la sensation que dix ans de réseaux m’ont petit à petit grignoté la faculté de concentration. Heureusement – et j’y arrive – il me semble à la portée de tout le monde de se rééduquer avec, comme dit avec ce magnifique titre, un chronomètre et des trombones.

La méthode pomodoro : pour se rééduquer la concentration

Plein d’articles dans ce site fantastique sur la méthode pomodoro, par exemple celui-là sur l’esprit et et celui-là avec des remarques complémentaires sur son application aux métiers créatifs. La méthode pomodoro (25 minutes de boulot, 5 de pause) est souvent dépeinte comme une manière de travailler par « rafales », mais je la vois aussi comme une manière d’encadrer et de décomplexer le temps (nécessaire à la santé) de pause. Surtout, je trouve qu’elle réhabitue le cerveau à rester concentré sur une tâche pendant un temps donné, délimitant les moments où l’esprit peut divaguer et celui où, non, désolé, tu te casses les dents sur la tâche s’il le faut, mais tu ne lâches pas, alors, bosse. (Robert Sheckley Robert Sheckley Robert Sheckley.)

Et si l’on veut se réapproprier sa concentration, on peut (inspiré par certains traitements de rééducation) augmenter la durée des pomodoros d’1% par semaine (ça va, ça fait une minute par mois). L’optique étant de regonfler sa capacité à long terme, comme dans un entraînement physique. (J’expérimente actuellement avec ça, j’en reparlerai si c’est pertinent) (Rendez-vous donc dans trois ans quand je serai à 45 minutes, HA)

Trois trombones et c’est tout

C’est le hack le plus bête du monde, que j’avais piqué à Lifehacker il y a des années. Pour se limiter dans une habitude, mettre trois trombones dans une boîte le matin. À chaque fois que l’on effectue l’action, enlever un trombone. On a donc trois actions par jour maximum. (On peut commencer à cinq si c’est trop dur.) Et le geste, tout simple, donne une matérialité à l’action. On ne peut pas tricher.

Oui, j’ai ça sur mon bureau, et c’est MOCHE.

J’ai récemment repris cette habitude : trois consultation de réseaux / mails par jour maximum. Car il ne s’y passe rien qui soit urgent et qui ne puisse attendre, malgré ce qu’on voudrait vous faire croire. Et surtout, il ne sert à rien de les consulter douze fois par jour ; il faut mieux faire des sessions un peu plus longues, mais productives (effet de grouper les tâches, ou batching).

Eh bien, cela a été fascinant (et un peu inquiétant) de constater combien, les premières semaines, la consultation me démangeait dès le matin avant ma petite séance de mouvements, de méditation, etc. comme un junkie en manque. Et qu’il me fallait un effort de volonté pour me raisonner et me dire que rien de ce qui pouvait s’être passé pendant la nuit ne pouvait attendre trente minutes de plus, quand même ?

Eh bien, aujourd’hui, au bout d’un mois de ce régime, pour la première fois ce soir (à l’heure où j’écris ces électrons), seulement deux trombones ont été enlevés de la boîte. Le troisième ne servira pas. Et je suis d’une parfaite sérénité.

Pour être honnête, tout cela paraît stupide alors que je l’écris, comme un coureur cycliste réapprenant les bases avec un tricycle. Mais le monde moderne lutte tellement pour notre attention et notre concentration qu’il ne me paraît pas absurde de nécessiter une rééducation. Le Slow Web Manifesto militait déjà pour une consommation plus raisonnée, équilibrée, intemporelle et concentrée sur la qualité de nos médias modernes. Et il le faisait… en 2010.

2020-08-04T21:11:05+02:00mardi 28 juillet 2020|Best Of, Lifehacking|6 Commentaires

Il faut que je vous parle d’Alfred

Auguste lectorat, cela fait un moment que je me dis qu’il me faut absolument parler de l’application qui à elle seule (bon, pas forcément, y a aussi OmniFocus, DEVONthink, Hazel…) me rend incapable de me rasseoir devant une machine Windows. Le petit bout de logiciel qui me donne l’impression d’avoir des superpouvoirs informatiques comme ces hackers d’Hollywood qui piratent des vaisseaux spatiaux rien qu’en tapant très très vite sur des touches.

Qu’est-ce qu’Alfred ? C’est Spotlight sous stéroïdes.

Qu’est-ce que Spotlight ? OK, on rembobine.

Sur Mac, commande-espace permet d’invoquer Spotlight : un petit champ de texte tout bête accessible de n’importe où qui permet de chercher des documents, des dossiers, et de lancer des applications d’un petit coup de clavier. Genre

Avec fraute de fappe intégrée, zéro souci

Déjà, c’est cool. Ben Alfred, c’est ça en douze mille fois mieux.

Alfred permet comme Spotlight de chercher des documents et de lancer des applications sans toucher la souris. Mais il permet aussi et surtout de commander littéralement son ordinateur pour faire tout et n’importe quoi, simplement en ajoutant des mots-clés, à la manière de commandes. Par exemple :

Effectuer une recherche Internet sur le moteur de son choix.

J’ai évidemment choisi les moteurs de la liste.

Effectuer une recherche Internet personnalisée littéralement sur le site que l’on veut, avec une commande définie par l’utilisateur.

On reconnaîtra deux classiques, que j’ai défini moi-même dans mes préférences en deux clics. Le plus long a été de trouver les images pour aller avec.

Donner les commandes de base à son ordinateur : veille, économiseur d’écran, redémarrage, verrouillage etc.

Mais surtout, c’est là que ça devient incroyable : Alfred peut, moyennant l’achat du « Powerpack », lancer de véritables programmes conçus par la communauté pour commander des applications ou réaliser des opérations complexes. Il y a un répertoire de presque 1500 workflows (!) pour à peu près toutes les applications de la Terre, et si vous ne trouvez pas votre bonheur, rien ne vous empêche de coder le vôtre. Alfred fait à peu près tout, sauf le café, et encore, je suis sûr qu’il peut lancer un ordre à une cafetière connectée.

Par exemple… 

Conversion d’unités à la volée – inestimable en traduction.
Créer des feuilles dans Ulysses, ou rechercher dans ses textes.
Piloter sa bibliothèque musicale.
Accéder immédiatement à ses contacts.
Générer un lorem ipsum !

Et mon préféré, qui me sert des dizaines de fois par jour :

Faire une recherche dans Antidote.

Tout ceci n’est qu’un aperçu de toute la puissance d’Alfred ; si vous possédez un Mac et que vous avez envie de passer au degré de maîtrise supérieur, c’est une application littéralement indispensable. Le tout pour… rien.

Alfred en version de base est gratuit. Oui, oui. Le Powerpack est payant, mais c’est un achat unique, pas d’abonnement, pas de fil à la patte, et il est même possible d’acheter une formule avec mises à jour à vie pour 45 livres. Et il le vaut bien.

Comment commencer à apprivoiser Alfred ? C’est très simple.

  • Commencez par les fonctionnalités de base. Apprivoisez les recherches sur les sites, les commandes pour piloter la musique, les fonctions système en vous baladant dans les préférences de l’application (accessibles directement depuis Alfred avec le mot-clé « Alfred preferences »).
  • Une fois que ça vous a donné faim, achetez le Powerpack et direction Packal.org. Entrez dans le champ de recherche le nom des applications dont vous vous servez régulièrement. Et voyez ce qui s’offre à vous en termes d’automatisations, de commandes, de recherches. Ajoutez-en petit à petit, et voyez vos superpouvoirs s’étendre.

Alfred va figurer dans la boîte à outils de l’écrivain parce que c’est réellement un outil de productivité indispensable dès qu’on commence à le creuser. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel.

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2020-07-20T09:14:31+02:00mercredi 22 juillet 2020|Best Of, Geekeries|3 Commentaires
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