Écrire, être publié, ou les deux ?

Repost d’un fil sur Twitter sur un sujet qui me gratte depuis un moment, inspiré par des années (maintenant) d’observation des milieux éditoriaux, de discussions avec les jeunes auteurs, de lectures de messages sur les réseaux. Parce, quand je vois certaines frustrations relatives à la publication, ses règles, ses « contraintes », je ressens une dichotomie dommageable entre écrire et publier.

Écrire est la base. Raffiner sa pratique, de manière à étendre la palette de son expression pour arriver à cerner au plus juste le cœur de ce que l’on a à dire est le processus. Notez bien qu’il n’est nulle part ici question de publication. La publication est un bonheur, l’occasion de partager avec le monde, et peut-être même l’occasion de (wouah) gagner des sous. Mais :

La publication n’est pas la fin en soi ni – et je lis parfois ça dans la frustration de jeunes auteurs – la validation de vos efforts ni de votre personne. La validation de vos efforts, ce sont vos efforts en eux-mêmes. Vous écrivez. Ce « trajet de raffinement », comme le dit Léa Silhol.

Il est évident pour tout le monde que si tu veux faire The Voice ou que tu veux faire du concept art pour Hollywood, ça demande un boulot de malade mental. Ce n’est pas parce que tu chantes sous ta douche ou que tu griffonnes que tu as le niveau. Notez bien : CE N’EST PAS GRAVE. Cela n’invalide en rien votre création. L’acte de créer et l’acte de faire The Voice sont deux choses entièrement différentes.

Le métier du créateur consiste à raffiner sa pratique par amour de celle-ci.

Dis Siri, écris-moi une super histoire

Donc, de grâce, si c’est votre cas, cessez d’équivaloir au plus vite création et validation. Soyez dans l’amour et la disponibilité de ce qui vous a choisi pour exister ; soyez dans le travail pour lui donner la meilleure forme possible. C’est, réellement, tout ce qu’il y a.

Ne prenez donc pas une merveilleuse conséquence pour le but à atteindre. Si vous créez avec sérieux et dévouement, vous faites déjà ce qu’il faut.

Le reste n’est que :

  • travail, qui vous appartient
  • et au-delà, c’est hors de vos mains ; alors arrêtez de vous faire du mal et surtout, ne confondez pas voyage et destination.

2020-05-29T20:37:15+02:00mardi 2 juin 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Écrire, être publié, ou les deux ?

Procrastination podcast s04e16 – Les réactions des éditeurs

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s04e16 – Les réactions des éditeurs« .

(Épisode toujours enregistré en confinement.)
Soumettre un travail à une maison d’édition est une étape nécessaire pour la publication mais qui suscite des craintes, ou se trouve même entourée de certaines idées reçues : cette quinzaine, démythification du processus, et levée de rideau sur la réalité du travail avec les éditeurs.
Lionel commence par rappeler qu’un éditeur est avant tout à la recherche de bons livres et d’auteurs – des personnes avec des choses à dire, et peut-être capable de le faire plusieurs fois ! Estelle renchérit sur l’importance du dialogue et de l’aspect humain ; la recherche se situe des deux côtés de la fameuse « barrière ». Mélanie prolonge sur la fluidité des relations de travail – de part et d’autre.

Références citées
– Éditions La Volte
– Éditions Harlequin
– Éditions Scrineo
– Simon Pinel
– Raphaël Eymery, Pornarina : la-prostituée-à-tête-de-cheval

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:16+02:00lundi 1 juin 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s04e16 – Les réactions des éditeurs

Les conseils d’écriture de Jean-Claude Dunyach (Vidéo Imaginales)

Avec Jean-Claude Dunyach, nous animons tous les ans la Masterclass des Imaginales qui n’a donc pu hélas se tenir pour cause de suspension du monde (c’est la fin, mais en plus temporaire).

Pour prolonger le festival, et notamment toutes les initiatives autour de l’écriture des jeunes auteurs, l’organisation nous a proposé de répondre à quelques questions et de proposer quelques conseils : après ma pomme, voici la passionnante intervention de Jean-Claude.

https://www.youtube.com/watch?v=i0Lro2SPHT0
2023-02-04T07:04:27+01:00mardi 26 mai 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Les conseils d’écriture de Jean-Claude Dunyach (Vidéo Imaginales)

Nouvel atelier d’écriture à distance : « Écrire une histoire grâce au conflit, notion fondamentale de la narration »

Je l’ai déjà dit en ces lieux : la notion de conflit en narration est le concept qui m’enthousiasme le plus à étudier et à transmettre. C’est bien loin de l’opposition binaire entre un « gentil et un méchant », et même de la notion qu’il faut « un bon adversaire » dans une histoire – plutôt une « bonne adversité » ; la notion de conflit, bien comprise, s’applique à mon sens à toutes les histoires, de la fantasy épique au roman sentimental, jusqu’à l’autobiographie. Elle est la chair des histoires. Je ne cesse de la comprendre davantage, et elle m’apporte toujours davantage d’angles intéressants pour m’inspirer, raconter, comprendre les rythmes et les respirations de mes récits.

Je suis donc ravi d’annoncer qu’après avec conduit plusieurs ateliers en présentiel sur cette notion, je vous propose avec l’école Les Mots un atelier à distance proposant dix semaines d’écriture intensive, avec retours personnalisés :

Bien des écoles de création littéraire américaine résument la notion d’histoire à celle de conflit. Où est l’adversaire ? Qui les personnages doivent-ils vaincre ? Mais cette notion est souvent mal comprise, résumée à une opposition binaire entre deux camps et à une confrontation souvent fondée sur la violence. Or, dans le contexte de la création narrative, elle est bien plus vaste : elle représente l’énergie fondamentale de tout récit, tandis qu’elle exprime, de façon globale, la notion de difficulté et de tension, qui sous-tend toute intrigue romanesque. 

À la fois question préparatoire féconde et boussole pour s’extirper d’une impasse littéraire, la notion de conflit en narration forme un socle dont la compréhension profonde aide l’auteur à rendre ses récits plus efficaces, plus prenants, tout en simplifiant son travail en lui fournissant les questions cruciales qui l’aideront à progresser dans son histoire. Et, loin d’un affrontement binaire de film à grand spectacle hollywoodien, elle lui permettra au contraire, s’il le désire, de complexifier ses intrigues et ses personnages sans jamais sacrifier le suspense et l’intérêt du lecteur. 

Un atelier à distance, comment ça marche ?

C’est simple : chaque vendredi, vous recevez dans votre boite email un exercice d’écriture autour de la notion, suivant une progression pédagagique de semaine en semaine. L’exercice, portant sur la prose et la narration, est à faire chez soi. Il s’agit donc d’un atelier où l’on écrit quand on veut, dans le train, tard la nuit, tôt le matin… mais en solitaire.

Le vendredi suivant, vous envoyez votre texte et je vous propose un retour personnalisé sur les points forts et les points faibles du texte, en vous donnant des conseils pour la suite. L’idée étant bien sûr de progresser… 

Par ailleurs, à travers une adresse dédiée liée, vous avez la liberté de partager vos textes avec les autres participants de l’atelier, lire les leurs, et peut-être ainsi vous composer un début de petite communauté si vous le souhaitez !

L’atelier se déroulera du 28 août au 30 octobre. Les places sont limitées à 20, donc si vous êtes intéressé.e, ne tardez pas !

Inscriptions, informations et tarifs sur cette page.

2020-08-15T09:07:33+02:00mercredi 20 mai 2020|À ne pas manquer, Technique d'écriture|2 Commentaires

Procrastination podcast S04E15 – Tell, don’t show

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « S04E15 – Tell, don’t show« .

Un épisode dynamique et vivifiant (toujours enregistré en confinement) cette quinzaine tandis que les trois auteurs partent loin, et même avec une pointe de véhémence, dans l’exploration de la dramatisation contre l’information, du tell contre le show (mais est-ce bien une opposition ?). On dit toujours « show, don’t tell » (montrez, ne dites pas) – qu’en est-il de l’inverse ?
Mélanie considère en effet que ce conseil classique est trop mécanique, considéré trop universel, et qu’il n’exclut pas les autres formes de narration. Pour Estelle, au-delà du « show, don’t tell », c’est l’incarnation dans un roman qui est fondamentale ; elle s’oppose même à une certaine affection médiatique actuelle pour une littérature considérée comme « exigeante », quand ménager profondeur du discours et narration prenante lui semble un idéal à la fois plus élevé dans la fiction et difficile à réaliser. Lionel met l’accent sur le fait qu’entre tell et show, tout est choix esthétique de le part de l’auteur, tout est, d’une manière ou d’une autre, une certaine forme de dramatisation – tout en adhérant à l’idée que la fiction se doit d’abord de raconter une histoire, et que les racines de l’imaginaire sont populaires.

Références citées
– Nancy Huston, Dolce Agonia
– Ada Palmer, Trop semblable à l’éclair
– Mark Z. Danielewski, La Maison des feuilles
– Dystopia Workshop
– William Faulkner, Le Bruit et la fureur

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Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:17+02:00vendredi 15 mai 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S04E15 – Tell, don’t show

Écrire Guil Redel dans « Les Dieux sauvages »

Recette pour écrire Guil Redel dans « Les Dieux sauvages » :

  • Construire une phrase
  • Penser à la pire manière de la tourner
  • La reformuler sans relâche
  • M’arrêter quand un ricanement à la fois dégoûté et cynique m’échappe tout seul

Et après je me demande pourquoi il est si long à écrire…

2020-05-10T10:15:34+02:00mercredi 13 mai 2020|Brèves, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Écrire Guil Redel dans « Les Dieux sauvages »

Du processus de construction de « Les Dieux sauvages »

Il m’arrive de recevoir des questions, tant sur l’écriture qu’en réaction à ce que je peux dire ici ou là, et c’est un plaisir, et je me dis souvent : « ah, ça nécessite une réponse un peu fouillée, pour rendre à la personne de la substance, afin de la remercier de l’attention qu’elle a prêté à ce que je peux écrire ou dire » – et puis, life happens, genre une main temporairement invalide, et je termine comme un gros naze à ne pas l’avoir fait.

Qu’il soit donc pris ici une résolution de nouvelle année en mai (ben quoi ? Si on n’avait pas introduit les années bissextiles, je suis sûr qu’on serait le 31 décembre quelque part, en tout cas ça l’est dans l’univers) : m’efforcer d’être bien meilleur là-dessus et donner à tes questions, auguste lectorat, la plus haute priorité ici. (Ceci ressemble dangereusement à une promesse électorale, mais comme vous n’avez pas à voter pour moi, on est en sécurité)

Couv. Alain Brion

Avanti. Pour commencer, un retour et des interrogations sur le processus de construction de « Les Dieux sauvages »1. Le tout garanti sans divulgâchage (donc en restant plutôt autour du tome 1).

Merci pour cette lecture et ces questions.

Dans quelle mesure tu avais prévu quels personnages seraient des personnages points de vue à l’avance et quels personnage le sont devenu au fil de l’écriture?

En gros, dans la manière dont j’approche les choses, il y a d’une part la trame de l’histoire (les événements) et de l’autre la manière de la raconter (le découpage scénique et les points de vue). La première concerne plutôt ce qui se passe, la seconde la façon de le faire vivre au lecteur de la façon la plus intéressante et efficace possible (et amusante à écrire, aussi !).

Du coup, il y a globalement dans « Les Dieux sauvages » deux types de personnages à la construction : ceux dont il était évident qu’ils ou elles seraient point de vue (Mériane, Erwel, Luhac, Ganner, plus tard Maragal…) parce qu’ils se trouvent au centre du maelström, et ceux qui se sont présentés sur la scène en disant « je figure dans cette histoire, et ça serait vachement plus intéressant que tu la racontes à travers moi » (Juhel, Izara, même Leopol…). C’est sans lien aucun avec la densité de chaque fil scénaristique, d’ailleurs. La preuve en est le cas de Chunsène, qui a failli ne jamais apparaître dans la série du tout. Mais elle m’a tiré la manche, tellement fort que j’ai dit « okay, on va faire un bout d’essai » et… elle s’est révélée l’un des personnages les plus importants et les plus intéressants de la saga.

La morale de ça ? La pensée consciente, c’est bien, mais toujours faire très, très attention à ses tripes et aux personnages qui s’imposent à vous.

Quand tu as écrit La Messagère du Ciel, dans quelle mesure ton histoire était proche des personnages, par rapport a une approche par événements ? En gros est ce que t’as travaillé l’histoire de Mériane, puis entremêlé celle de Juhel puis celle de Chunsène… ou alors tu as défini les événements majeurs de l’histoire (et l’implication des personnages dans ceux-ci) puis ajouté le liant pour que les personnages aient chacun des arcs intéressants ?

Un peu des deux. Comme je disais plus haut, il y a les grands événements, les grands temps de l’histoire (sachant que je sais très exactement où je vais et quel est le fin mot de tout ça). J’ai donc une vision « macro » de l’histoire, mais cela revient à préparer une rando pour un groupe en étudiant une carte. Tu te dis que tu vas passer par là, que tu vas t’arrêter pour la nuit ici, que tu vas montrer tel paysage à ton groupe, etc.

Et puis tu pars sur le terrain, et là y a un de tes touristes qui finalement n’a pas pu venir, remplacé par un autre ; le chemin que tu voulais prendre s’avère beaucoup plus escarpé parce que tu as mal lu les courbes de niveau ; tel camp a été ravagé par une inondation et tu ne peux pas t’arrêter là ; le paysage que tu voulais montrer à ton groupe (tes personnages) est finalement naze parce qu’il y a de la brume par contre tel autre champ de fleurs s’avère magnifique par total hasard et tu décides de rester plutôt là pour la journée… 

Il y a les intentions, la direction, le cap, l’impulsion, et il y a la réalité de ce que vivent les personnages et ce qu’ils vont vivre, désirer, accomplir dans la réalité de l’écriture, d’une phrase à l’autre. Et à un moment, quelle que soit ta préparation, tu dois descendre sur le terrain aux côtés des personnages et découvrir le voyage. Il est vital, à mon sens, de savoir les accompagner là dans ce qu’ils te servent, parce que c’est là que se trouve la vie, l’inconscient, le mystère créatif. (C’est comme ça qu’une trilogie devient une pentalogie, aussi…)

Donc : dans la grande trame, j’avais forcément l’histoire de Mériane autour de qui tout tourne, celle de Ganner, les coulisses politiques donc Juhel, Luhac, Izara, mais chacun.e m’a aussi apporté sa vision, en particulier Juhel. Chunsène a fait son truc, rencontré des gens intéressants (ahem), et m’a montré tout ce qu’elle était. Dans pas mal de cas, dans ma vision macro, j’ai le « quoi » (il se passe tel événement, par exemple le premier chapitre de La Fureur de la Terre a toujours été prévu de très longue date) mais pas forcément le « comment ». Mon boulot consiste beaucoup à voir ce que l’inconscient / la Muse / le mystère m’a « servi » comme images, comme visions, comme impulsions, et à comprendre consciemment comment les pièces sont déjà en place et comment elles s’emboîtent vraiment (Chunsène et tout ce qu’elle vit s’est avéré absolument fondamental à l’équilibre de la série – je ne sais pas comment j’aurais fait sans elle – mais il se serait peut-être passé autre chose). Tout Évanégyre est comme ça, d’ailleurs : une recherche archéologique pour révéler ce qui veut exister.

Alors parfois, effectivement, il faut creuser un peu plus un arc narratif pour comprendre comment le personnage se rattache individuellement à la grande histoire, et cela veut dire l’étudier, mais souvent, cela revient toujours à la question « okay, où en es-tu, et qu’est-ce que tu veux maintenant et comment vas-tu t’y prendre ? »

Et après, mais c’est plus une discussion qu’une question, je conseille souvent « Les Dieux sauvages » avec beaucoup d’entrain, et les gens sont heurtés par le premier chapitre de La Messagère du Ciel. Moi j’ai trouvé ça très cohérent avec ce qu’il s’y passe, mais ya des gens que ça rebute assez fortement et je les pousse à lire la suite parce que c’est génial. Moi dans ce premier chapitre j’ai vu un parlé divin, qui était du coup onirique et supérieur dans le ton, parce que c’est des dieux et que c’est normal, ça me parait opportun et juste comme style pour ce chapitre. Je suppose que des gens ont déjà dû te parler de ce premier chapitre, et je me demandais comment tu les a reçu, ce que tu a pu en tirer comme conclusions, et quelle avait été ton intention réelle sur ce départ.

Aha.

D’abord, merci beaucoup pour ta recommandation et ton enthousiasme pour la série. Et content que tu aies marché.

On a un peu discuté de ce premier chapitre (pour mémoire : deux pages et demi un peu ésotériques et conceptuelles de débat entre deux divinités) avec Critic, et la question m’a été posée : « tu es sûr que tu veux commencer comme ça ? » J’ai dit « oui » – et le débat s’est arrêté là, parce que chez Critic, ils sont super, ils me font confiance.

Sur le moment : je le sentais absolument comme ça. Parce que je voulais que dès la toute première page de cette saga, les réponses soient déjà présentes, dissimulées, mais capables de prendre tout leur sens quand tu as enfin trouvé les clés en faisant le voyage avec les personnages. C’est pour moi un plaisir de lecteur de voir tout ce qu’un auteur a semé sur son chemin et de voir la signification me sauter au visage quand je sais enfin, alors forcément, c’est une chose que j’aime faire aussi.

Après, oui, ce passage est un peu nébuleux – mais c’est le jeu. Je suis toujours le premier à dire que notre travail doit être accessible – qu’il doit emporter le lecteur dans l’histoire. Je suis aussi le premier à critiquer l’interminable prologue de Tolkien dans Le Seigneur des anneaux. Mais « le lecteur » n’est pas un absolu. « Les Dieux sauvages » est une saga complexe, avec beaucoup de personnages (six à huit points de vue par tome), de la stratégie militaire, de la politique, des alliances, dans un univers sombre et dur. (Et beaucoup de révolte contre celui-ci, du coup.) Il y a de l’humour, mais c’est un humour plutôt noir, celui avec lequel on se défend face à une opposition qui semble irrépressible à première vue.

Et donc ce que je vais dire est une analyse a posteriori, mais : ces premières pages forment aussi une sorte de promesse narrative, d’avertissement. En gros, ça dit : ça va être complexe, il va falloir faire un peu gaffe, et surtout, je vous invite à faire gaffe, justement, parce qu’il y a des miettes dans tous les coins, et si vous voulez jouer à essayer de piger le fin mot de l’histoire, ça promet d’être rigolo, parce que je vais quelque part. Voilà peut-être la promesse narrative importante des chapitres « Ailleurs » dans La Messagère du Ciel : accrochez-vous à votre siège, parce qu’on va quelque part. Il y a une vraie fin qui viendra justifier tout le voyage (et qui est, pour moi, la raison d’être de cette saga). Je pense que le pari était le bon, parce que par la suite, aucun lecteur n’a critiqué ces pages en me disant qu’elles étaient superfétatoires ; on les a trouvé parfois complexes, c’est vrai, mais toujours intrigantes, ce qui est le but.

Maintenant, note bien que quand on m’a proposé de publier le premier chapitre en ligne pour donner envie, j’ai expressément dit de ne pas commencer par les premières pages mais de démarrer directement sur le « vrai » chapitre 1, où l’on découvre Mériane dans la forêt relevant ses collets et se confrontant aux dangers de la zone instable – la narration plus classique. Les premières pages n’ont de sens que si tu as acheté le livre et donc décidé, au moins pour un temps, de faire l’effort de t’investir dans la saga. Donc, s’il s’agit de donner envie rapidement entre deux portes, ignorer ces premières pages n’est pas une mauvaise idée. Par contre, si l’on fait le choix de faire ce voyage, de s’y investir, alors elles prennent tout leur sens.

Et puis, franchement, ce n’est que deux pages et demie. Je sais que nous vivons dans une époque d’immédiateté absolue, mais justement, j’ai envie d’espérer qu’on peut encore survivre à seulement deux pages et demi un peu nébuleuses, qui suscitent le mystère, sans avoir la moindre réponse servie prémâchée tout de suite, surtout si elles servent une finalité narrative !

Merci pour tes questions et ta lecture !

  1. Par défaut, je conserve l’anonymat de ceux et celles qui s’interrogent, ce n’est pas un oubli
2020-05-08T10:56:19+02:00jeudi 7 mai 2020|Best Of, Entretiens, Technique d'écriture|2 Commentaires

Ressources et discipline pour écrire, aborder les éditeurs en speed dating [vidéo Imaginales]

Nous n’avons pu nous retrouver en vrai cette année, mais les Imaginales se poursuivent en ligne de tas de manières différentes : anthologie virtuelle, prix littéraires, speed dating avec les éditeurs pour les jeunes auteurs. À ce sujet, en direct depuis la Loge Noire où j’écris tous mes bouquins (ça explique des choses), quelques idées et recommandations générales sur l’écriture (qui ne vous étonneront pas si vous écoutez Procrastination !)

https://www.youtube.com/watch?v=fWq-RrwRj7Q
2023-02-04T07:06:40+01:00lundi 4 mai 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Ressources et discipline pour écrire, aborder les éditeurs en speed dating [vidéo Imaginales]

Procrastination podcast s04e14 – Décider que c’est terminé

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s04e14 – Décider que c’est terminé« .

Mettre le point final sur une histoire ne marque souvent que le début des corrections… Mais sur des projets que l’on a parfois portés puis construits pendant des années, il peut être difficile de gagner suffisamment de hauteur pour cesser de les retravailler et les déclarer « achevés ». Cette quinzaine, exploration de cette notion : comment lâcher prise ? Pour Mélanie, cela dépend du niveau d’expérience, entre autres parce que les écrivains qui publient ont fréquemment des dates de rendu qui leur forcent la main ! Et elle introduit tout de suite l’importance de la bêta-lecture et du regard extérieur, ce sur quoi Estelle insiste aussi, tout en parlant également de la prise de risque inhérente et parfois nécessaire aux projets artistiques afin qu’ils gardent vie et surprises. Lionel approuve, et insiste sur le raffinement de l’esthétique personnelle de l’auteur – notamment à travers la lecture – pour parvenir à acquérir un semblant d’objectivité sur ses réalisations, au moins en termes de technique, et sur la maturation inhérente à l’être humain derrière la création.

Références citées
– Fil du forum Elbakin de la saison 4 : http://www.elbakin.net/forum/viewtopic.php?id=9594 (http://www.elbakin.net/forum/viewtopic.php?id=9594)
– Steve Jobs
– Ernest Hemingway

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:17+02:00vendredi 1 mai 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s04e14 – Décider que c’est terminé
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