Le tableau périodique de la narration

Alors ça, c’est drôlement cool :

Des frappadingues chez Graphjam ont construit un tableau périodique des éléments de la narration à partir des tropes recensés chez TVTropes.org, un wiki passionnant qui classe, définit et énumère un certain nombre de modèles et d’archétypes présents à l’origine dans la narration télévisée, mais aussi en littérature, au cinéma, au théâtre, dans les jeux vidéo… Une lecture instructive, drôle et passionnante où l’on peut engloutir des heures entières (prudence !) tout en apprenant beaucoup de choses sur les briques fondatrices de la narration, comment elles peuvent être intelligemment utilisées, prises à contrepied… ou atrocement employées au premier degré, auquel cas elles deviennent de gros clichés.

(Grand merci à Eric Carey pour m’avoir signalé cette véritable perle !)

2022-08-02T09:27:57+02:00mardi 28 juin 2011|Best Of, Technique d'écriture|8 Commentaires

Atelier d’écriture : présentations de Jean-Claude Dunyach

De retour du festival Geek Faeries, incroyablement sympa (et bon dieu qu’il a fait chaud), toujours dans un marathon de corrections, mais oui, j’y suis allé costumé, et oui, j’ai une photo à proposer, si vous n’avez pas peur.

Mais il y a vachement plus intéressant que ma trombine : Jean-Claude Dunyach, écrivain de grand renom (deux Grands Prix de l’Imaginaire, quatre prix Rosny Aîné, excusez du peu), anthologiste, éditeur, co-animait pour la deuxième année consécutive l’atelier d’écriture des Imaginales dirigé par Elisabeth Vonarburg et où j’ai eu le plaisir d’intervenir également. Il met à votre disposition gratuitement ses deux présentations PowerPoint commentées lors de l’atelier, intiitulées « Devenir auteur, c’est trouver un éditeur ! » et « Quelques briques de base pour écrire… ».

Il me fait l’amitié et la confiance de me laisser les héberger en compagnie des miennes sur la page correspondante. N’hésitez pas à les étudier, surtout que deux auteurs ont toujours une vision différente des choses – même légèrement – et c’est la convergence de ces visions qui permet de construire la sienne et sa propre boîte à outils, par essais et erreurs.

2011-06-06T15:08:10+02:00lundi 6 juin 2011|Technique d'écriture|4 Commentaires

Beaucoup de bulles

Alors que je pars vers les Imaginales, j’ai opportunément retrouvé une petite photo que j’avais prise il y a quelques mois et que je ne crois pas avoir partagée :

Mon bureau ressemblait à ça pendant l’écriture d’« Au-delà des murs » (la nouvelle qui paraît ces temps-ci dans l’anthologie du festival intitulée Victimes et bourreaux). C’était la première fois que je m’essayais vraiment au mind-mapping, une technique qui ne correspond pas très bien à ma façon de penser ; je raisonne mieux de façon parallèle, en progressant sur une myriade de fronts à la fois (d’où mon amour pour OneNote, qui capture parfaitement ces progressions anarchiques). La preuve, mes mind-maps se sont vites mises à ressembler à des notes détaillées, mais parfaitement désordonnées. C’était amusant, mais j’ai beaucoup tourné en rond avant de reprendre ma bonne vieille méthode de rédaction libre sous OneNote (impression de droite) pour vraiment avancer dans la construction du texte.

La feuille manuscrite de gauche correspond à la recherche libre des noms des personnages ; quand le personnage ne me vient pas immédiatement avec son nom, je jongle avec les sonorités (ici quelques phonèmes de la langue asrienne, celle de l’Empire d’Asreth) jusqu’à trouver un résultat qui ne sonne pas grotesque et me plaise.

2011-05-24T09:52:19+02:00mardi 24 mai 2011|Technique d'écriture|7 Commentaires

Question : Dois-je payer pour me faire éditer ?

Une question reçue soulevant un point assez peu connu du grand public concernant la rémunération des auteurs et des créateurs, et sur lequel il me paraît indispensable de faire un point :

J’ai reçu une proposition de contrat pour mon roman […] C’est une maison d’édition participative, et ils me demandent une participation [financière]. Je voulais savoir ce que tu pensais de ce type de contrat. T’y es-tu déjà risqué ? Est-ce que ça empêche de leur faire confiance ? C’est la première fois que quelqu’un me propose un contrat pour un truc que j’aurais écrit, donc, bah, je suis pas très sûr de ce que je peux/dois accepter.

Mon avis, pour le coup, est simple :

SURTOUT PAS !

J’explique. Si tu as l’ambition de publier « sérieusement » – c’est-à-dire en prenant ce travail au sérieux – il y a une règle cardinale : tu ne paies pas pour être édité. JAMAIS, point barre, nada, que dalle. La distinction dans les rôles est claire : l’auteur apporte un manuscrit, l’éditeur l’achète et se charge de le vendre. C’est lui qui prend le risque financier – c’est son métier, son rôle, c’est pour cela qu’il sélectionne ce qu’il accepte ou non et s’efforce de le vendre (le diffuser, communiquer, etc.) – pas toi ; toi, tu prends le risque artistique et celui du temps passé. Te faire payer pour être édité n’est pas une fleur qu’on te fait, bien au contraire.

Ce que tu décris est de l’édition à compte d’auteur (par opposition au compte d’éditeur où c’est ce dernier qui rémunère, en fonction de ses moyens et de sa taille, l’auteur en lui versant, usuellement, un pourcentage sur les ventes). L’édition à compte d’auteur n’est forcément pas un mal en soi, en ce sens que certaines personnes désirent parfois plus que tout voir leur livre publié (ce n’est pas critiquable !) ou bien cherchent à diffuser une oeuvre familiale, comme des mémoires, qui n’intéresseront pas davantage qu’une poignée de personnes dans un cercle très restreint. Mais, pour tout auteur avec une visée professionnelle (au sens : considérer la littérature comme un métier sérieux avec les exigences qui correspondent, on ne parle pas ici de taille de marché ni même d’en vivre), l’édition à compte d’auteur est à proscrire (je ne parle pas là d’autoédition, qui est une pratique de plus en plus émergente et différente). Sans compter que, pour beaucoup dans le milieu professionnel, avoir été publié à compte d’auteur revient tacitement, ni plus ni moins, à être frappé du sceau indélébile de l’infamie. (On ne te le dira pas forcément en ces termes mais c’est la vérité.)

Alors, oui, évidemment il existe quelques success stories nées de l’édition à compte d’auteur. Il existe toujours des contre-exemples. Mais quand on voit la quantité d’ouvrages publiés selon ce mode et ceux qui émergent vraiment, on constate aussitôt que les chances sont pires que défavorables. Je ne porte pas non plus de jugement de valeur générique sur les ouvrages publiés ainsi – même si on trouve fréquemment, ahem, des perles. L’édition est un métier qui ne s’improvise pas : on se passe de ce regard à ses risques et périls. Certains y parviennent sans trop de heurts, mais… ils sont très rares. Il n’est pas idiot de toujours partir du principe qu’on en est soi-même incapable.

Donc non, je ne le ferai jamais. Je considère qu’écrire est un métier et on me paie – fût-ce symboliquement – pour ça ; la rémunération minimum que j’accepte est égale à zéro (par exemple si j’ai accepté d’offrir mes droits dans le cas de la diffusion libre ou pour une oeuvre caritative, mais ce n’est pas un dû), mais en aucun cas elle n’est négative (= je paierais). De plus, en-dehors des cas susmentionnés comme la diffusion de mémoires familiales pour des petits-enfants où la procédure est justifiable, je trouve la pratique du compte d’auteur dépourvue du sens dans le contexte actuel : quel besoin de payer un intermédiaire qui va s’enrichir (parfois grassement…) sur mon dos ? Personnellement, si je voulais diffuser une oeuvre confidentielle, Internet le ferait mieux que moi et gratuitement ; au pire, je suis assez grand pour faire une maquette tout seul et démarcher un imprimeur, ou bien pour construire un site commercial qui vendra des livres électroniques !

Bref, si tu as l’once d’une visée professionnelle, évacue tout de suite les éditeurs à compte d’auteur purement et simplement et prends ton mal en patience pour travailler, retravailler, écrire de nouveaux livres, jusqu’à décrocher un vrai contrat à compte d’éditeur. Courage !

2014-08-05T15:23:05+02:00mercredi 18 mai 2011|Best Of, Technique d'écriture|13 Commentaires

Prix Lacour de l’Imaginaire

Une info qui a quelques semaines déjà, mais il reste encore largement du temps pour répondre (date butoir au 31 mars 2012) et cela pourrait intéresser les jeunes auteurs : les nimoises éditions Lacour ouvrent un prix, avec publication à la clé, destiné à un premier roman d’imaginaire. On peut remarquer dans le jury Raymond Iss, écrivain et collaborateur de Galaxies 1e série (et qui nous avait aussi épaulés occasionnellement avec Asphodale). Il s’agit évidemment d’une édition à compte d’éditeur, dans le domane de la small press (tirages faibles, paiement des droits en exemplaires, pas de distribution : n’espérez pas faire la une de Paris Match demain, mais il faut commencer quelque part et si l’éditeur est bon, vous apprendrez énormément).

Les éditions Lacour seront présentes aux Imaginales, si vous désirez faire connaissance avec eux pour en apprendre davantage sur l’initiative et décider si vous voulez tenter le coup.

C’est là : http://www.lacourdelimaginaire.com/ (et avant que quelqu’un ne le dise, oui, le webdesign est un peu, heu, suranné.)

2011-05-04T18:50:13+02:00mercredi 4 mai 2011|Technique d'écriture|3 Commentaires

Peinture sur soie, écriture sur soi

J’ai toujours un peu de mal à définir l’objet « blog » (et peu importe que ça fasse peu ou prou quatre ans que l’objet existe dans mon cas). L’envie de fournir du contenu associée à ma prudence maladive quand il s’agit de parler de projets en cours n’aide pas à faire de cet endroit un véritable journal, mais je sens bien que, dans les moments actuels où beaucoup de choses s’alignent, comme des étoiles avant la remontée de R’lyeh, il pourrait être intéressant de lever le voile telle une danseuse orientale aux yeux de biche. Histoire que tu ne croies pas, ô auguste lectorat, que je suis en train de dilapider mes droits pharaoniques sur l’adaptation ciné de La Volonté du Dragon avec Peter Graves dans le rôle du généralissime Vasteth en buvant des margaritas à Ibiza (et c’est là que ma tendre moitié s’est chargée de me réveiller avec un seau d’eau sur la tronche parce qu’elle en avait marre de m’entendre parler asrien dans mon sommeil).

Faudrait-il faire une catégorie « Journal » ? Eli, eli lama sabaktani.

Alors, que se passe-t-il en ce moment sur la passerelle du navire ?

J’ai rendu le manuscrit final de « Au-delà des murs » hier ; j’ai rendu il y a une semaine celui de « Les Questions dangereuses », à paraître dans Dimensions de Capes et d’Esprits II , un gros morceau (90 000 signes) qui fut assez joussif à écrire une fois que je me suis glissé dans la voix voulue (et où je tue plein de figures historiques que j’aime pas). Deux nouveaux textes demandés ; j’ai achevé la version subdéfinitive hier de l’un et j’attaque l’autre aujourd’hui.

Ce sera juste à temps pour enchaîner sur les corrections du gros morceau, le « thriller », bien sûr – je mets thriller entre guillemets car je ne suis plus très sûr de ce qu’est ce livre. C’est contemporain, il y a des éléments du roman à suspense, il y a de l’ésotérisme, ce devrait donc être un thriller ésotérique, mais… Je ne sais pas. C’est tout ça à la fois et autre chose en même temps. C’est un projet auquel je réfléchis depuis des années et dans lequel se trouve une multiplicité de thèmes et de parcours de personnages. C’est une fresque, c’est en même temps ramassé dans le temps, c’est de l’aventure, c’est parfois violent, parfois contemplatif. Il me reste à amener ce livre au meilleur niveau possible et à espérer qu’il sache toucher ses lecteurs.

2011-03-23T12:57:13+01:00mercredi 23 mars 2011|Technique d'écriture|5 Commentaires

Question : où allez-vous chercher tout ça ?

(c) Disney

Encore une petite période de silence, mais je reprends progressivement le fil d’une activité normale (lire : raisonnable) et donc l’ouverture de ce bar et l’approvisionnement en bibine fraîche. Il y a une question qui était arrivée depuis un moment, très fondamentale :

 

Quand on a une idée en tête c’est dejà pas mal. Non ?

On essaie de l’exploiter un peu, on y ajuste d’autres idées, ca forme un tout cohérent et on se dit,  après 3 mois de gestation  : mouais, ca pas si mal, allons y.
Mouais… sauf que quand je m’arrête dans une librairie, quand je jette un regard envieux et jaloux sur les couvertures, quand je bave sur les 4ieme de couverture, personnellement je repars de là en me disant que mes idées sont nullissimes et aussi développées qu’un embryon d’huitre de 2 jours.

Alors oui, ou allez vous chercher toutes ces idées ? Qu’avez vous dans vos cerveaux pour en sortir des trucs comme ca ? C’est limite effrayant  !! 😉

Bon, déjà, les quatrièmes de couverture sont conçues comme ça : pour donner envie, pour présenter les points forts d’une histoire et donc mettre en avant ce qu’elle a de meilleur. Une bonne quatrième peut sublimer le contenu d’un livre, mais, comme on l’a tous vu un jour, le récit n’est pas forcément à la hauteur des promesses (« La richesse de Tolkien, la drôlerie des Monty Python et le style de Jean Lorrain ! »). Il ne faut certainement pas complexer face à elles ! Sans compter que, sur un livre publié, il y a eu le retravail de l’auteur, les suggestions de l’éditeur et parfois des commerciaux, une foule de regards extérieurs qui visent tous à ce que cette histoire donne son plein potentiel.

D’accord. Mais ce n’est qu’esquiver la question. Où va-t-on trouver des idées ? Je dirais que trouver des idées n’est pas un problème : le monde en fourmille. Ouvrir la presse, se balader sur le Net, rester ouvert à son environnement amène des quantités d’idées, parfois dans les moments les plus improbables. Il faut rester disponible, à l’écoute du monde, et elles viennent d’elles-mêmes. Je suis convaincu qu’il n’y a pas de mauvaises idées : il y a, en revanche, les idées qu’on traitera de manière intéressante parce qu’elles nous concernent d’une manière ou d’une autre, et celles avec lesquelles on n’a pas de véritable lien.

Ce qui compte, c’est donc de trouver les idées qui conviennent pour soi ; non  pas creuser le même sillon et traiter toujours les mêmes thèmes, mais apprendre à se connaître pour remarquer, parmi la foule de récits potentiels qui peuvent naître, ceux que l’on a vraiment envie d’écrire, ceux qui résonnent avec nos convictions, nos désirs, nos révoltes, ceux que l’on veut vraiment explorer et suivre pour découvrir où ils nous conduiront. Si l’on ne jure que par la hard science, une idée purement romantique à la façon du Journal de Bridget Jones, aussi riche et intéressante soit-elle, ne résonnera guère, et son exécution va s’en ressentir.

Car je pense aussi que l’exécution prime sur l’inventivité. La meilleure idée du monde ne franchira peut-être même pas le comité de lecture de l’éditeur si l’exécution est bancale, insuffisante, si le potentiel d’une grande idée n’est pas exploité convenablement – alors qu’on peut faire une grande histoire avec un archétype classique, de Romeo et Juliette à AvatarIl faut ensuite tirer le maximum de ce germe d’envie, qu’on reconnaît parfois à un frisson caractéristique bien physique (comme le disent deux Elisabeth, George et Vonarburg, dans leurs livres d’écriture respectifs, « le corps sait »). Et c’est peut-être la partie la plus difficile : leur faire exprimer (au double sens de la parole et de presser comme un citron) leur potentiel, trouver la raison pour laquelle cette idée a séduit, et l’histoire qui se trouve ensuite derrière. Les mûrir, les méditer, en suivre les implications et ramifications, les ressasser jusqu’à pouvoir leur faire porter un récit qui compte, à tout le moins, à ses propres yeux. C’est là, peut-être, qu’on touchera à une authenticité qui pourra atteindre et émouvoir, par la suite, le lecteur.

Où va-t-on donc chercher tout ça ? À l’extérieur, autant qu’en soi. La psyché humaine compte un nombre limité de grands thèmes, aussi vaste soit-il : l’amour, la mort, la perte, le dépassement de soi, la liberté… Le plus important, à mon sens, c’est de chercher en soi-même, à force d’introspection et de ruminations,  ce que l’on a de personnel à dire sur la question, et le dire ensuite du mieux possible. Je pense humblement que c’est là que se terrent les idées qui comptent vraiment. C’est cet aspect qui les rendra bonnes, et leur rumination qui les rendra originales. Mais l’originalité n’est, en quelque sorte, qu’un effet secondaire qui vient dès qu’on a suffisamment creusé, avec sincérité, ce qui fait l’honnêteté de notre regard et de ce que l’on cherche à traiter. Elle n’est pas un but en soi. Chercher sans relâche sa propre parole, ne pas limiter ses ambitions, aller vers le lecteur, voilà à mon sens les buts véritables.

2014-08-05T15:23:05+02:00mardi 8 mars 2011|Best Of, Technique d'écriture|18 Commentaires

Newman & Mittelmark, How NOT to Write a Novel

Les auteurs – un écrivain et un éditeur – l’affirment en préambule : si l’on mettait tous les théoriciens de l’écriture dans une pièce en train de se remplir d’eau et qu’ils devaient se mettre d’accord sur des règles littéraires avant de périr noyés, il est certains qu’ils se mettraient avant tout d’accord sur une chose : ce qu’il ne faut pas faire. C’est le projet de ce petit opus d’un peu plus de 250 pages : ne pas vanter de grands principes, des recettes prétendûment infaillibles, des systèmes supposément éprouvés, mais au contraire rassembler le maximum de bévues, de bourdes, de tics et autres catastrophes tragiques qu’on rencontre dans les manuscrits non publiés. Et il y en a. Dans ma courte expérience éditoriale, j’en ai croisé un certain nombre, et je peux vous assurer que chacune de ces erreurs garantit à elle seule, presque à coup sûr, l’envoi navré d’une lettre de refus circulaire.

Le livre couvre tous les domaines de la narration : intrigue, personnages, décor, style… jusqu’à la soumission du manuscrit. Chaque bévue est d’abord illustrée par un extrait bidon rédigé par les auteurs eux-mêmes – souvent hilarant – puis suivi par une demi-page d’explications à la fois pédagogiques et… féroces (ce qui fait le plus grand bien aux égos un peu confortables).

« Je suis stupéfait. Vous êtes contento que je reste aqui pendant que vous passez en revue los échantillons ? »

– El étranger : Quand des locuteurs d’autres langues sont rendus n’importe comment (p.150)

Bien sûr, nous autres francophones ne retirerons que peu de profit des sections sur le style et la langue, le français fonctionnant parfois presque à l’opposé de l’anglais (pour ce qui est des verbes de dialogue, par exemple), mais le lecteur capable d’apprécier ce petit volume (un certain niveau de langue est requis pour en saisir tout le sel) saura faire le tri et les sections concernées sont de toute façon minces.

Bien sûr, ne tomber dans aucun de ces pièges ne garantit éventuellement pas la publication… Mais ils constituent le B.A.BA. Ce bouquin est une lecture quasiment indispensable pour l’auteur débutant qui a la chance d’avoir un certain niveau d’anglais. Mais tout le monde, de manière générale, tirera du profit à le lire, ne serait-ce qu’au premier degré, en se tenant les côtes devant les extraits délicieusement nanaresques mais tragiquement vraisemblables ; au-delà, il serait bien possible également de déceler des amorces de dérives ou de tics d’écriture dans sa propre pratique… qu’il conviendra alors de tuer dans l’oeuf, si possible avec un fusil à canon scié.

2014-08-05T15:23:05+02:00jeudi 24 février 2011|Best Of, Technique d'écriture|4 Commentaires

Un jardin zen dans mon Microsoft Word

L’Internet multimédia est une aide tellement invraisemblable pour l’écriture – découvrir un métier inconnu pour un détail dans une scène, appréhender l’ambiance d’un lieu par Google Street View, utiliser des dictionnaires puissants – que j’éprouve à la fois frissons d’angoisse et vénération sans limite pour les écrivains qui en étaient privés et réussissaient malgré tout à être justes et vraisemblables en sortant de leur zone de confort. Franchement, ça devait être autre chose, ma bonne dame, les jeunes d’aujourd’hui, ils savent plus ce que c’est de faire une recherche en bibliothèque.

Sauf que le Net, c’est aussi le mal, parce qu’il s’y trouve toutes les procrastinations que l’humanité a été un jour capable d’inventer (et en a même trouvé d’autre, pour le fun) : le mail, Facebook, le petit jeu qui réclame votre attention toutes les deux heures, un coup de clavardage1, et la journée fond. Développer sa discipline pour préserver sa concentration est à mon humble avis très utile et salutaire, mais cela peut réclamer un énorme effort de volonté qu’on peut étayer par de petits trucs. Et un petit truc, par exemple, consiste à se compliquer l’accès au Net. Non pas pour se le couper définitivement mais pour rendre la manipulation fastidieuse. L’intérêt est, au minimum, de rendre son usage conscient quand on vérifie ses mails dix fois par heure comme un rat appuyant sur la pédale de la machine à renforcement variable : c’est la première étape pour casser la compulsion.

Or, il y a une petite ligne de commande toute simple qui peut rendre ce service2. Il vous faut :

  • Une machine Windows (XP au minimum, j’ignore si ça marche avant) sur laquelle vous êtes administrateur
  • Une connexion Internet par modem routeur ou par box type Free.

Ouvrez l’Invite de commandes (Dans Tous les programmes > Accessoires) et tapez ce qui suit :

ipconfig /release

Hop. Vous avez perdu tout Internet. (Restez calme.) C’est l’équivalent virtuel de débrancher le câble réseau (mais ça évite de farfouiller sous le bureau : on a dit une manipulation fastidieuse, mais pas trop quand même, manquerait plus qu’on fasse de l’exercice).

Fermez ensuite la fenêtre. (Ajoutez-vous un maximum d’étapes pour restaurer le Net : retourner chercher cette Invite de commandes doit être convenablement agaçant pour que l’effet psychologique prenne.)

Pour récupérer votre connexion, c’est très simple. Rouvrez l’invite et tapez :

ipconfig /renew

Attendez deux secondes et vous voilà rebranché au monde. Vous pouvez respirer et vous offrir cinq minutes sur VDM.

  1. C’est le mot québecois retenu pour remplacer « chat », avouez que c’est quand même vachement plus classe que le consternant «  éblabla » de notre Académie « /facepaume » Française.
  2. Caveat d’usage : je décline toute responsabilité si cette manipulation casse votre connexion Internet, vend votre identifiant Facebook à des Nigérians ou vous fait accuser de pédophilie auprès de l’Hadopi. Ca ne devrait rien faire planter, c’est une fonction de base, mais à utiliser à vos risques et périls. Chez moi, en tout cas, ça marche parfaitement
2018-07-17T14:26:07+02:00vendredi 18 février 2011|Technique d'écriture|11 Commentaires

Nancy Kress, Characters, Emotion & Viewpoint

« Story is character », dit Elizanbeth George dans Write Away1. On peut disconvenir de la formulation, mais une évidence subsiste : aucune histoire, aussi passionnante soit-elle, ne peut subsister sans personnages forts, intéressants, qui vivent et qui souffrent, alors qu’une histoire un peu faible peut être sauvée par des personnages inoubliables (que serait How I Met your Mother sans Barney ?). La création d’individus fictifs crédibles, originaux et surtout vivants est un des grands défis de l’écriture, et c’est ce à quoi ce livre cherche à répondre.

Le nom de Nancy Kress est un gage de qualité : gagnantes de plusieurs prix Hugo, Nebula, Asimov’s, on la connaît en France entre autres pour le cycle de La Probabilité, très chouette trilogie de space opera un peu hard science sur les bords avec des idées originales et une civilisation (Monde) attachante. Et l’on ressent dans ce volume la même clarté qui préside à sa plume de romancière : elle domine son sujet et parvient à le communiquer avec une érudition qui ne sacrifie jamais à la pédagogie.

Au cours de ces 200 pages, Kress aborde tous les sujets relatifs à la création et à la mise en scène des personnages : historique, présentation, changements, point de vue (un bon quart dévolu à ce seul aspect). Comme souvent dans ce genre de manuel, elle mélange théorie et techniques ; si la première mérite d’être disséquée et méditée en détail par le lecteur, les secondes ne devront pas être prises comme un inventaire exhaustif, mais simplement comme des exemples qu’il faudra s’approprier, puis détourner. De nombreux exercices en fin de chapitre, bien pensés, enseigneront un certain nombre d’astuces à celui qui les fera avec assiduité.

On résume souvent la création de personnages à une fiche détaillée et à un environnement, alors que le plus important, pour l’écriture d’une histoire, est leur motivation, leurs objectifs, leur vision de monde (lesquels découlent de ce fameux passé, mais il est une charpente qui étaye l’identité et non l’essence totale du personnage). Kress accorde une place non négligeable aux détails biographiques, mais laisse justement cette motivation émerger et appuie son importance dans l’histoire. On peut regretter qu’elle n’insiste pas davantage sur le lien que nourrissent personnages et intrigue – la motivation doit venir justement servir l’histoire que l’on souhaite raconter – mais il faut supposer que cela dépassait le cadre de ce volume et que la pratique se charge de l’enseigner.

Toutes les techniques que présente ce volume sont relativement fondamentales, ce qui en fera une lecture extrêmement profitable pour le jeune auteur, qui sera bien inspiré de faire les exercices proposés. L’écrivain expérimenté n’y apprendra probablement rien de très nouveau, à part un fondement théorique poussé à ce qu’il fait peut-être intuitivement, ce qui est toujours bon à prendre, et justifie pleinement la lecture.

Une épiphanie peut cependant toucher : Kress conclut son livre sur une leçon profonde et simple, comme le sont toutes les bonnes leçons ; un piège dans lequel, à mon humble avis, tous peuvent tomber. Le meilleur service qu’un auteur peut rendre à son récit, dit-elle, c’est de comprendre que c’est l’histoire de ses personnages, et non la sienne propre. Un agréable précepte à encadrer au-dessus de son bureau qui allège les enjeux : en libérant l’esprit et la narration, il encourage la prise de risques et pousse à aller chercher au fond de soi cette vérité qui fera le sang d’un beau récit.

  1. « L’histoire, c’est les personnages », dans Mes Secrets d’écrivain
2014-08-05T15:23:05+02:00mercredi 26 janvier 2011|Best Of, Technique d'écriture|5 Commentaires
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