On passe aux couleurs d’automne (… ou plutôt de la publication de janvier)

Couv. Ammo

Et hop ! Si ton acuité visuelle te permet au moins de distinguer les couleurs, auguste lectorat (soit le niveau appelé « Davoust au réveil sans bésicles »), tu remarqueras que nous sommes passés à l’heure d’hiver, ainsi qu’aux couleurs de Les Questions dangereuses, qui ! Rappelons-le ! Sort ! En janvier ! 

Le texte final du livre contiendra moins de points d’exclamation. Et encore. C’est pas sûr.

Donc, un site très automnal, et c’est l’occasion de remercier à nouveau Ammo, réalisateur de la splendide couverture de cette édition chez Hélios.

2018-11-02T23:23:05+01:00lundi 5 novembre 2018|Journal|2 Commentaires

Rétrospective de volontariat : les Hébrides en 2012

Photo (c) HWDT

Entre deux avions et le grand écart entre la nuit et le jour, la faute au décalage horaire (si la Terre était plate, bon sang, on n’aurait pas le problème), je te propose, auguste lectorat, une petite rétrospective de volontariat comme je l’ai déjà fait pour le Pays de Galles en 2011 et l’Islande cette année. En 2012, j’étais en Écosse, dans les Hébrides : j’ai appris à tenir une vraie caisse enregistreuse, j’ai vendu des aigles en peluche et des sirènes qui font peur, j’ai mangé du fish and chips sur le port en compagnie d’une armée de chats orange, et surtout, j’ai vu des orques en liberté lors de dix jours en mer loin de toute civilisation. C’est ici :

Tous les articles relatifs au volontariat chez le Hebridean Whale and Dolphin Trust, à Tobermory

2018-09-23T15:14:32+02:00jeudi 27 septembre 2018|Carnets de voyage|2 Commentaires

Je suis de retour, vivant et même pas cramoisi

Grid, est-ce que tu dev ? (Par pitié, dites-moi que vous comprenez la blague et qu’elle vous fait glousser.)

Juste un mot rapide pour donner signe de vie : je suis bel et bien de retour de l’outback australien, avec plein de poussière rouge entre les dents de mon grand sourire. Comme me l’a dit quelqu’un d’ici : « Australia is a lot of driving to get nowhere » (l’Australie, c’est conduire très longtemps pour aller nulle part) – mais ce nowhere est fantastique, immense et très, très loin de toute civilisation, une sensation rare et vertigineuse de nos jours. Ce n’est pas dans beaucoup d’endroits – pas même en Islande – qu’on peut faire 2000 km de pistes sans accrocher le moindre réseau ni croiser plus de deux véhicules en une journée. Et se faire coucou au volant. Parce qu’on est des gens sympas.

Si j’étais un vrai travelogue, je ferais un compte-rendu de voyage, mais je crois de plus en plus que ce genre d’expérience, si elle doit être relatée, sort mieux dans mon cas dans un roman, transformée par la poésie et l’imagination. Ce que j’en partagerai sera peut-être, paradoxalement, plus total et fidèle en étant totalement déformé par la liberté de la fiction, alors que parler de la réalité (puissante !) de l’expérience ne pourrait, je le crains, que l’amoindrir. Représenter, c’est tuer, etc.

Sache en tout cas, auguste lectorat, que je rentre rêveur, connecté et qu’il devrait y avoir bientôt, de semaine en semaine, plein de photos de désert sur Flickr.

2018-09-12T09:20:15+02:00mardi 11 septembre 2018|Carnets de voyage|7 Commentaires

Roi maudit de la fantasy en France ?

Or doncques, auguste lectorat, je suis en Australie en ce moment, et je me promène l’autre jour dans une libraire d’un joli petit village des collines situées dans la grande, grande périphérie de Melbourne (45′ de voiture au bas mot). Une chouette boutique, pas petite mais pas immense non plus, et pas non plus dans un centre urbain regorgeant de geeks au mètre carré – bref, le rayon imaginaire était tout au plus deux fois plus large que la photo ne le montre. Or, quel ne fut pas mon ébahissement en tombant sur :

« Les Rois maudits », de notre grand et national Maurice Druon, au rayon FANTASY, bon dieu, entre Sara Douglass et David Eddings. Et avec un blurb de George R. R. Martin : « Le ‘Game of Thrones’ original ».

Alors, deux réactions sanguines, sur le moment, quand même.

Déjà : a) wouaaah, c’est quand même génial que ces livres soient disponibles là, dans ce rayon (alors que c’est du roman historique), vive la France, et vive Maurice Druon, qui a dépassé les frontières, dont les livres ont été repris avec des couvertures tout à fait raccord avec le genre, accrocheuses, susceptibles d’intéresser de nouveaux lecteurs. Vraiment, génial, et intelligent d’un point de vue éditorial.

Ensuite, b) MAIS QU’EST-CE QU’ON FICHE EN FRANCE, BON DIEU ?

Bragelonne a ressorti « Les Mémoires de Zeus »1 et c’est une vache de bonne idée ; Martin cite en effet régulièrement Druon en entretien comme inspiration pour « Game of Thrones ». Maurice Druon, de l’Académie Française, c’est un diable de grand monsieur, co-auteur du « Chant des Partisans », et son œuvre forme une passerelle rêvée pour nos genres et l’acceptation qu’elle lutte toujours pour acquérir auprès des élites qui traitent l’imaginaire de sous-littérature par totale ignorance.

J’ignore si l’initiative de Bragelonne a rencontré le succès espéré / qu’elle méritait. En fait, j’ai l’impression qu’on parle assez peu de Druon, de manière générale, et de son influence sur des auteurs centraux de la fantasy. Les barrières des genres sont encore diablement étanches ; Druon étant un auteur « respectable », on rechigne (sauf Bragelonne) à l’associer aux mauvais genres. De façon plus large, combien de classiques de la SF et de la fantasy devenus « respectables » republiés en collections blanches, sans l’étiquette, surtout, parce que ça fait peur à la dame et au monsieur propres sur eux ? 1984, Le Meilleur des mondes, À la croisée des mondes… Si mes droits d’auteur avaient augmenté d’1% chaque fois que quelqu’un me répondait en parlant d’une des œuvres s-citées « ah mais ça c’est pas la science-fiction, c’est de la littérature« 2, je toucherais 1200% à chaque bouquin et on saurait fichtrement pas comment gérer ça, et qui a donné 1% à Davoust à chaque fois, c’est quoi encore cette idée stupide ? Bref.

J’ai quand même parfois l’impression qu’en France, on préfère parfois que les jeunes ne lisent pas plutôt qu’ils risquent de lire des trucs qui les amuseraient, genre de la SF et de la fantasy, et que – horreur ! choc ! – ils puissent, genre, attraper le virus de la lecture. Bon dieu, laissez les gens lire ce qu’ils veulent, tant qu’ils lisent ! Ne venez pas vous plaindre qu’ils « ne lisent pas » si vous froncez le nez dès qu’ils prennent une novelisation de World of Warcraft. Aujourd’hui WoW, demain, quoi ? Tolkien, peut-être. Diantre, Maurice Druon ! Pour ma part, j’ai approché Balzac passé vingt ans, et ça n’est absolument pas les cours de français avec, à de rares exceptions près, leurs analyses stériles, entièrement dénuées de la moindre notion de joie, qui m’en ont donné envie ; c’est mon parcours de rebelle secret à aller chercher du plaisir (ouh le vilain mot) qui l’a remis sur ma route, à une époque où, en plus, j’avais peut-être la maturité pour apprécier.

Les passerelles entre littérature générale et imaginaire sont innombrables, et plus je voyage dans le monde anglophone, plus j’ai l’impression que le monde entier l’a plus ou moins compris, sauf nous.

  1. Merci à Emmanuel Tollé qui a signalé une erreur dans la première version de cet article : je citais « Les Rois maudits », que Bragelonne n’a en réalité jamais repris.
  2. Et ma main dans ta tête ne sera pas une gifle, mais de l’éducation.
2019-06-03T11:39:36+02:00mardi 14 août 2018|Humeurs aqueuses, Le monde du livre|23 Commentaires

Rétrospective du volontariat Orca Guardians 2018

C’est un truc que j’avais fait avec le volontariat de 2011 au Pays de Galles, et c’était une bonne idée que j’avais oubliée (c’est quand même ballot d’oublier les bonnes idées) – proposer avec un seul lien, une seule page, l’ensemble des carnets de voyage relatifs à mon volontariat à Grundarfjörður, en Islande, avec la fondation Orca Guardians en avril 2018.

Donc, les photos, les humeurs du moment, les articles scientifiques ou rêveurs, tout se trouve compilé sous ce même lien (qui viendra s’étoffer au fil du traitement des photos) :

> Revivre l’aventure 2018 auprès d’Orca Guardians <

2019-06-01T14:38:25+02:00lundi 13 août 2018|Best Of, Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Rétrospective du volontariat Orca Guardians 2018

Internet et l’âge d’or de l’agitprop

L’article sur Internet et l’économie du scandale a généré un certain nombre de réactions positives (et en même temps assez désabusées), ainsi que des débats productifs sur : à quoi nous servent tous ces réseaux, en vrai ? En ce moment, tandis que j’écris allègrement La Fureur de la Terre en ne consultant mails et réseaux qu’une fois par jour, je n’éprouve absolument plus la compulsion de vérifier ce que je peux bien avoir raté dans le vaste monde ; au contraire, je savoure un silence tel qu’on n’en connaissait qu’en une ère pré-Facebook.

Cependant, encore une fois, il y a aussi de belles choses, bien sûr, à naître de ces lieux. Merci, sincèrement, auguste lectorat, d’en faire partie.

Mais les possibilités que ces médias œuvrent pour des fins néfastes semblent tellement prééminentes, surtout par les temps qui courent, qu’on peut s’interroger, au final, sur leur bien-fondé (même Mark Zuckerberg se pose la question, alors bon). Or, le fonctionnement réel de cette rhétorique du buzz, du « parlez de moi en mal, parlez de moi en bien, mais surtout parlez de moi » immortalisée par Léon Zitrone m’apparaît de manière de plus en plus limpide et, auguste lectorat, histoire de nous serrer les coudes le plus possible en cette époque de fake news et d’ingérences russes, permets-moi de te l’exposer telle que je l’ai comprise, histoire de partager un peu d’autodéfense mentale.

Comme exposé dans l’article précédent, l’exposition sur les réseaux sociaux – un canal aujourd’hui fondamental pour toucher du monde – est fonction, non pas de la qualité du contenu, mais de la quantité de réactions qu’il génère. Donc : plus il choque, plus il heurte, plus il s’adresse à un part reptilienne, viscérale, du public, plus il est susceptible de faire parler, d’être débattu, retransmis. C’est une bonne chose quand c’est une atrocité que le public doit connaître, un discours qui améliore le monde, une invention positive. C’est complètement stupide – et le système s’écroule littéralement – quand il s’agit de désinformation. Comme c’est d’actualité, prenons Alex Jones d’Infowars (non, pas de lien, mais si vous comprenez l’anglais, filer regarder cet épisode de Last Week Tonight pour en savoir plus), qui vient de se faire bannir plusieurs podcasts par Apple et Google pour ses discours incitant à la haine ; le lendemain, l’application idoine se retrouvait troisième des téléchargements de l’App Store d’iOS. La Terre plate, les antivax, toutes ces « doctrines » se répandent à la fois par auto-entraînement et par la quantité de réactions qu’elles génèrent. En résumé : plus c’est gros, plus ça fait parler, et au bout du compte, plus ça passe. C’est là-dessus que reposent les théories du complot – s’il n’y a pas de preuves, ça montre bien combien ils sont forts.

Or, c’est exactement la rhétorique de l’extrême droite américaine (que je n’appellerai pas alt-right, parce qu’un chat n’est pas une machine à laver), des masculinistes, de Donald Trump ainsi que de tous les rameaux putréfiés émanant du socle gangrené du gamergateJohn Scalzi l’explique parfaitement : le but n’est pas d’avoir raison, mais de semer le trouble, de faire perdre du temps et de l’énergie en sortant des grandes phrases toutes faites, des idées reçues que l’autre s’évertue à démonter pour la énième fois. C’est un jeu. Il s’agit de maintenir le plus longtemps possible l’engagement et la discussion, de focaliser l’attention. Et le « troll » n’a rien à perdre ; ceux dont l’existence dépend de ce dont on parle, si.

Ce qui m’épuise et m’inquiète, c’est de voir cette rhétorique se généraliser à des sujets bien plus bénins et à peu près dans tous les domaines – dès lors que l’on cherche à attirer l’attention. Encore davantage si l’on œuvre dans des domaines où la propension des gens à parler de vous peut se transcrire en reconnaissance, voire en revenu : d’où le succès d’un certain type de pose provocatrice dans les métiers médiatiques… Qui se rappelle Mickaël Vendetta ?

Mais attention, la mécanique ne s’arrête pas là. Car – et c’est là tout l’art de la chose – il faut ensuite entretenir le feu que l’on a allumé. Pour cela, il faut agiter les esprits, susciter la controverse, fédérer les « pour » et surtout chercher à accrocher les « contre », pour leur brandir des interprétations juste assez fallacieuses de leurs déclarations en utilisant tout l’attirail rhétorique, comme le raisonnement circulaire, le biais de corrélation, l’appel au ridicule, prendre la partie pour le tout etc. (je vous remets le lien de Wikipédia sur les raisonnements fallacieux, qui est passionnant) C’est certain d’attirer l’attention de la cible, surtout avec une façade de cordialité, une véritable semblance d’appel au dialogue. Le débat s’installe, d’autres s’y invitent, et l’on obtient bientôt (dans le meilleur des cas) l’équivalent d’une réunion de la Cogip où personne n’a la moindre putain d’idée de ce qu’il fout là, mais que quelqu’un doit savoir ce qu’on pense parce que non, j’ai pas dit ça comme ça, et toi non plus, et la virgule, là, enfoiré, elle est passive-agressive, ou bien ?

En résumé :

Tout cela porte un nom (même s’il est polysémique, historiquement) : l’agitprop. Agitation et propagande. Ce qui est funeste aujourd’hui, c’est que l’agitation récompense et alimente la propagande en cercle fermé, grâce à cette immense caisse de résonance qu’est Internet.

Oui mais bon, d’accord. J’écris moi-même, là, un article sur ces sujets sur un blog dont la vocation consiste à être un peu lu. J’ai poussé des coups de gueule par le passé. Forcément, je vais vous dire que je suis fait d’un autre bois, hein ? Ben oui1. Mais surtout, en résumé : comment reconnaître un manipulateur d’un énervé ? 

Pour moi, la clé se trouve dans une parole (si ma mémoire est bonne) d’Orson Scott Card, qui dit en substance que tout le monde a une religion : il suffit de discuter avec la personne jusqu’à trouver le sujet qui déclenche sa fureur. Voilà sa religion. (Il s’y connaît en religion, le bougre, du moins une certaine forme d’icelle, en mode « tuez-les tous et dieu reconnaîtra les siens »2.) Un véritable énervé est énervé parce que je crois, au fond, qu’il est malheureux, et s’il est malheureux, c’est parce qu’il tient à ce qu’il raconte, qu’il voudrait un monde différent, honnêtement, venant de son cœur (que celui-ci soit bien ou mal placé) : et c’est peut-être à cela que se juge la sincérité. Ce n’est pas pour dire que la sincérité équivaut à avoir raison, bien sûr ; il y a beaucoup de racistes très énervés – mais c’est aussi, je crois, qu’ils sont très malheureux au fond d’eux-mêmes. (Et dans ce cadre, compassion, mais prison.)

Le véritable maître de l’agitprop, lui, s’en bat les gonades. Dans un débat ouvertement fallacieux, il conserve une mine affable ; il attend que son interlocuteur s’emporte et se discrédite ; il endosse tout et son contraire avec l’aisance de mues, tant que cela maintient le feu du débat, que le projecteur ne s’éloigne jamais trop loin de lui – voilà son vrai but, et Donald Trump nous a donné à tous une vraie masterclass sur la question. Je crois que c’est à cela qu’on le repère ; et c’est là que, plus que jamais dans notre économie de l’attention, il faut éviter de nourrir le troll, car il se nourrit réellement, au-delà de son ego, économiquement, des retombées qu’on lui octroie. Nous créons les Donald Trump du monde, nous attisons leurs flammes par nos outrages. Je pense très fort à Ayerdhal qui nous répétait souvent que « la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent » (Jean-Paul Sartre) ; il ne s’agit certainement pas de se boucher les yeux et les oreilles au monde, surtout alors qu’aujourd’hui, on dispose de davantage de manières de s’informer que jamais ; mais de combattre la bêtise par l’intelligence, l’ignorance par le savoir, et la colère – mais non pas celle de l’autre ; la nôtre, ce jaillissement de fureur viscérale, religieuse, cher à Card – par la création, la vraie, celle qui s’efforce sincèrement d’apporter de la valeur autour de soi par de l’authenticité, de la pensée, de la recherche, de la bienveillance, de la compréhension. (Ce que j’espère, humblement, avoir un peu réussi à faire ici.)

  1. Personnellement, je ne peux pas faire ce genre de chose : je perds mon calme beaucoup trop vite, parce que je me soucie de ce dont je parle. Les quelques articles vraiment polémiques du site (écrits avec honnêteté sur le moment, même si pas forcément avec intelligence, je ne le nie absolument pas) m’ont explosé à la gueule avec grande sévérité, me faisant clairement comprendre que je n’étais pas taillé pour être éditorialiste ; j’ai tout de suite envie de régler l’affaire avec un duel de tractopelles. C’est aussi pour cela que le site, je m’en aperçois après coup, s’est replié sur des sujets plus calmes, comme la technique littéraire. Je n’ai pas signé pour m’écharper.
  2. Oui, je sais que cette citation est apocryphe.
2018-08-20T08:14:01+02:00mercredi 8 août 2018|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

Internet, cette économie du scandale

On est bien, là ? À la fraîche. Décontracté de la gonade. Moi, ça va bien, l’écriture de La Fureur de la Terre a dépassé peu ou prou le premier cinquième de la taille envisagée, je sens poindre une forme de sérénité liée à une organisation toujours plus GTD et détendue, mais dans, enfin, cette impression d’arriver à enfin escalader la montagne, je constate un truc :

 

Pour des raisons que je ne m’explique pas vraiment-vraiment, après un an et demi à plus de 10 000 lectures uniques par mois, la fréquentation du site est en train de se casser doucement la gueule.

Alors soyons clairs : les chiffres dans ce domaine ne m’ont jamais vraiment préoccupé. J’ai toujours dit que le site était mon dada, ma façon de payer ma dette karmique (ou de partager les trucs qui m’amusent, ou de me lâcher parfois), mais aussi, quand même, j’essaie un tant soit peu de recouper ce que j’ai envie de raconter avec ce que tu as envie de lire, auguste lectorat, parce que, eh bien, c’est un peu le cœur de mon métier. Un auteur est comme un DJ : tu cherches cette zone où tu fais ce que tu aimes, et où les gens aiment ce que tu fais.

Je disais que je ne me l’expliquais pas vraiment-vraiment, mais j’ai quelques pistes : c’est l’été et c’était la Coupe du monde ; l’ambiance est un peu tendue dans le milieu littéraire en ce moment et il y a d’autres chats à fouetter (pourquoi les chats ?) ; dans mon cas personnel, le passage d’un profil personnel à une page Facebook a entraîné une érosion claire des lectures et des partages des articles ; et peut-être emploie-je un ton un peu moins primesautier et empli de gros mots qu’auparavant (bite, alors).

Pourtant, les retours positifs sur le blog sont toujours présents (et merci à vous), que ce soit de visu, en privé ou en commentaires ; alors keuwah ? On ne saurait mettre en doute la qualité du contenu ici proposé (non, on ne saurait pas).

Le « problème », la réflexion un peu aléatoire à laquelle je songe en ce moment, c’est qu’un article informatif sur l’écriture, ou la productivité, aussi rigolo soit-il, ne génère pas tellement de débat (ou alors, plutôt du débat un peu stérile). Je fonde cela sur pas mal de retours que j’ai eus en privé : « je ne commente pas parce que je n’ai rien à dire, mais je fais partie du lectorat silencieux – et carrément auguste ». Hey, aucun problème. Moi-même, j’ai tendance à participer de moins en moins aux débats et discussions sur les réseaux, parce que ça part souvent en gonade (on y revient), et puis, j’avoue que pour un introverti comme moi, la tendance du tout social, du tout partage, me court un brin sur le haricot – surtout que je hais de plus en plus Facebook, Cambridge Analytica toussa, et que j’ai dansé sur la table l’autre soir en apprenant que l’action avait perdu 20% de sa valeur (bien fait, bordel) (« bordel », c’est pour remonter mes stats de lecture, on est d’accord). Donc, aucun problème, sauf que :

Heu non, pas ça.

Pour décider de la viralité d’un article, les réseaux sociaux prennent en compte le nombre de commentaires, de likes, de partages : plus l’on parle de quelque chose, plus il y a de chances qu’on vous le mette sous le nez, donc que vous en parliez, faisant boule de neige. (Principe un peu abordé ici.) Corollaire : ce qui est susceptible d’être partagé – on le sait – c’est donc ce qui suscite la réaction à chaud, l’instinct, la colère, le scandale, l’outrage. C’est ce qui vous court-circuite les neurones pour faire jaillir vos tripes et vous donne envie, là tout de suite, de prendre les armes contre le maire de Plan-de-Cuques qui menace d’interdire le loto tous les dimanches pendant la messe. Il n’y a plus de gradation : on est tout de suite « choqué », « scandalisé », avec « envie de vomir », etc.

Alors attention, il y a des causes légitimes qui suscitent bel et bien des réactions émétiques, je ne dis pas. Moi-même, je ne suis pas exempt de l’exercice du coup de gueule, du billet éditorialiste, parce que je m’énerve aussi, faut pas croire, je ne suis pas énergie pure, et puis j’ai forcément raison de le faire quand je le fais, puisque vous êtes ici et que vous lisez tout ça et que donc j’ai raison (c’est imparable). Mais aussi, après coup, je ne prétends pas avoir toujours forcément eu raison, justement, sur le fond, la forme ou les deux. Et du coup, une question plus vaste se profile au-dessus de ma tête, qui se rattache à tout ça : que veux-je offrir au monde ici, sur cet espace de liberté ? Ai-je envie de participer à cette économie du choc, à m’impliquer dans le débat, comme on dit, à continuer à m’engueuler avec des inconnus (ou connus) sur Twitter, à redresser des torts ?

Je découvre que, de plus en plus, la réponse est un gros « pfouah non alors ». Cela a surtout à voir avec ce que j’ai envie de proposer au monde, en fait, à ma contribution au grand inconscient collectif, à l’impression que je laisse à chaque personne qui peut passer par ici lire des trucs. Je ne dis pas que je vais me censurer, je dis que je suis un peu las (comme depuis un moment, à dire vrai) des débats dans des verres d’eau, des « gueux qui travestissent les paroles pour exciter des sots » (paraphrasant, mal, un des plus grands vers de la poésie, ever). On a un vrai problème de nos jours (et je ne suis assurément pas le premier à le pointer), c’est que ce qui obtient la parole n’est pas ce qui est le plus intelligent, ni même ce qui crie le plus fort, MAIS ce qui suscite le plus de polémique. Donald Trump l’a parfaitement pigé (c’est peut-être le seul truc qu’il a pigé).

Ce qui est quand même super fatigant. À tous les sens du terme : je ne compte les plus fois où, par le passé, j’ai flingué une matinée d’écriture parce que je me suis enlisé dans un conflit idiot sur un mur social quelconque qui n’a pas fait changer grand-chose et dont la conséquence la plus visible a été : moi, énervé, n’ayant rien branlé.

Je vis merveilleusement bien depuis que je consulte plus les réseaux et les mails qu’une unique fois par jour. (Article là-dessus à venir, en lien avec le teaser de la semaine dernière.) Je suis bien plus concentré sur ce que je dois faire, mon cœur de métier : écrire les meilleurs bouquins possibles. Je suis pris d’une haine de plus en plus profonde envers les réseaux sociaux dont l’économie, au bout du compte, consiste à accaparer l’attention de l’utilisateur le plus longtemps possible pour lui fourguer de la pub. Tout le monde s’y trouve, donc mon boulot nécessite que j’y reste, si je veux pouvoir le faire connaître aux gens chouettes qui y sont (et il y en a, plein). Et quand même, on partage de belles choses tous ensemble là-dessus, et merci ; mais bon, sans ça, et si j’étais un utilisateur lambda, je crois que j’aurais suivi le mouvement #deletefacebook. En fait, on n’a pas besoin de ces trucs-là. Régulièrement, un gourou technologique quelconque émerge et crie avoir vu la lumière en scandant : « JE ME SUIS DÉCONNECTÉ DE FACEBOOK UNE SEMAINE ET J’AI SURVÉCU » mais c’est une claire vérité. Malgré le XXIe siècle, malgré ces outils dans nos poches, on peut en faire des trucs bien mieux que les consulter compulsivement. On peut lire. On peut construire sa propre veille informative, soi-même. On peut jouer à un jeu qui ne nous demandera pas de regarder une pub et de cracher 1,99 € pour gagner 500 turbopièces pour jouer trois tours de plus.

Alain Damasio disait aux Utopiales, lors d’une conférence publique, que les outils technologiques diminuent notre puissance. Je n’ai jamais été d’accord avec cette affirmation : tout outil augmente la puissance de l’utilisateur, au contraire, dès lors qu’il n’en est pas esclave. La question n’a jamais été, de toute l’histoire humaine, dans la nature de l’outil mais dans l’usage qu’on en fait. Le truc, c’est que peu de gens ont seulement conscience qu’une utilisation responsable du smartphone est possible (et par responsable, j’entends : qui n’interfère pas avec des buts individuels dont l’ambition dépasse un tant soit peu le douzième check d’Instagram). Et donc, qu’elle peut être toxique.

Quelle valeur veut-on offrir le monde ? La postérité concerne tout le monde et personne : la postérité, c’est tout ce qu’on a fait aujourd’hui et qui restera avec les gens demain.

Bon, je suis parti un peu loin, mais je m’en fous, il n’y a plus de lecteurs, de toute manière. N’est-ce pas ?

(SEE WHAT I DID THERE?)

2018-07-30T09:47:30+02:00lundi 30 juillet 2018|Humeurs aqueuses|35 Commentaires

Klim a tisé

Klim est une startup française dont j’ignorais l’existence jusqu’à il y a peu, mais ils font des petits accessoires informatiques bien pensés et abordables, joliment emballés et surtout AVEC DES COULEURS PARTOUUUUT (parce que le gamer aime la couleur, rapport au fait qu’il laisse les volets fermés en permanence, parce que ça fait des reflets sur l’écran courbe). Même pas honte, j’ai récemment acheté un de leurs tapis de souris pour PGM et je me sens déjà devenir diamant à StarCraft II sans même avoir installé le jeu.

C’est rigolo d’être bien accueilli dans le paquet, avec un gentil petit mot emballé dans une enveloppe façon lettre d’amour entre gens de goût qui savent le bonheur du SSD :

Où est leur compte Twitter ? Qu’ils m’envoient une photo de la photo.

2018-07-19T18:38:34+02:00mardi 24 juillet 2018|Juste parce que c'est cool|10 Commentaires

De la réutilisation écologique de contenu (du recyclage d’articles, quoi) [annonce de service]

BEST. MEME. EVER

Donc, c’est marrant le nombre d’articles que j’ai envie de commencer par donc, parce qu’on reprend après ne pas s’être vus pendant au moins 24 heures, l’angoisse, mais bon, donc :

Je constate – et l’on m’a fait remarquer – que les anciens articles de ce site fantastique pas du tout W3-compliant à chaudière à charbon (ma faute, pas celui de mon hébergeur suisse fantastique) (tous les suisses ne sont pas fantastiques, et tous les fantastiques ne sont pas suisses, mais celui-ci est suisse est fantastique, ceci était la leçon de logique élémentaire du jour) (oui bon ça va j’arrive), les anciens articles, donc, sont quelque peu enterrés sous la pure masse du temps – à l’heure où j’écris ceci, il y a MILLE NEUF CENT VINGT articles dans les archives, oh mon dieu, certains sont des bêtises, d’autres des annonces ponctuelles, et parfois on trouve du vrai contenu – et les débuts remontent à une dizaine d’années, soit le FUCKING CRÉTACÉ en termes d’Internet, j’utilise des majuscules dans mes articles si je veux, j’imite le président des États-Unis dans ses tweets.

Je réponds aussi de plus en plus aux mêmes questions, ce qui est normal car je ne m’attends pas qu’un.e nouvel.le arrivant.e connaisse ma vie et mon œuvre par cœur (déjà moi, je commence à avoir du mal, quand je me balade dans les archives, je me dis régulièrement : « WTF is dat? Ça a l’air rigolo. » En fait, ça l’est pas toujours), mais donc, il existe pas mal d’articles qui étaient valides l’année dernière, sur l’écriture notamment, et qui peuvent être rééexposés aujourd’hui. Ou demain. Ou jusqu’au Big Crunch.

Je tente donc une expérience pour essayer de faire resurgir ce contenu splendide : lundi et jeudi un article de la catégorie « Best Of » du blog sera repartagé sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui rentre dans Best Of ? Les trucs qui me semblent un peu intemporels, donc principalement de la méthode d’écriture, des entretiens sur le sujet, mais aussi les petites madeleines de Proust, les articles amusants ou idiots qui peuvent supporter une rediffusion. Cette collection est appelée à évoluer dans le temps, bien sûr, et le repartage est confié à un algorithme de machine unlearning baptisé « le hasard total ». Actuellement il y en a presque 200 dans la file, ce qui donne de quoi tenir presque deux ans, donc on est bon.

Il se peut deux choses : a) que ça déconne et b) que ça fasse référence à des pages ou des articles qui ont bougé depuis. Si ça déconne, si c’est une mauvaise idée, je corrigerai, et si des liens sont morts, notamment dans les cas des entretiens, n’hésitez  pas à me le signaler, je m’efforcerai de poster ici même une version d’archive du contenu concerné si je l’ai.

N’hésite pas, auguste lectorat, à me faire part de ton avis sur cette fonctionnalité digitale de haute valeur ajoutée.

2018-07-17T17:43:15+02:00mercredi 18 juillet 2018|Journal|4 Commentaires

L’étonnante étymologie d’enfoiré

Attention, article à très explicit lyrics. (Soit : si les gros mots vous choquent, regardez plutôt cette vidéo.)

J’ai un dictionnaire des synonymes accessible en permanence quand j’écris ; j’essaie au maximum de trouver le mot juste pour le fixer dans le texte, car cela m’aide à m’ancrer dans l’ambiance d’une scène, à construire correctement pour avancer dans un livre avec la satisfaction de bien sentir le récit et son atmosphère. (Après, à la correction, je casse généralement tout pour tout reconstruire autrement, mais cela fait partie du processus ; ces premières étapes me montrent les directions que j’ai envie, ou besoin, d’explorer.) Sachant que je consulte Antidote ou ses homologues parfois plusieurs fois par minute (merci Alfred et AppleScript), et que, dans « Les Dieux sauvages », je m’amuse à recréer une sorte de parler pseudo-médiéval, j’aime bien chercher les synonymes inusités ou pittoresques.

Or doncques, l’autre jour, j’avais besoin de synonymes fleuris du mot « cul ». Très bien, Rabelais, tu n’as qu’à bien te tenir, me voici parti en quête. Et quelle n’est pas ma curiosité de découvrir dans la liste celui-ci :

Et là, d’un seul coup, tout un pan de la langue française prend sens dans ma tête : foirer quelque chose, bien sûr, c’est comme le « chier », faire de la merde, tout ça (c’est d’ailleurs le sens vieilli et très familier du terme, ce que j’ignorais) ; et là, je comprends aussi que « enfoiré » n’est en fait qu’une variante sur un thème vieux comme le monde – « enculé », même combat. Comme empaler. Et bougre d’âne : saviez-vous qu’un bougre, à la base, c’est un sodomite ?

Ah, c’est sûr que ça donne moins envie de taquiner ses enfants en les traitant affectueusement de bougres d’âne, tout de suite.

Est-ce que j’ai un point ? (Anglicisme.) En fait, oui, au-delà du fait d’avoir appris un nouveau truc linguistique, ce qui est toujours intéressant quel que soit le registre : si l’on veut s’efforcer de faire évoluer son vocabulaire d’insultes1 pour en évacuer les connotations homophobes et machistes, eh bah « enfoiré » est à mettre tout autant à l’index.

Oui, j’ai totalement fait exprès avec cette dernière phrase.

  1. Rappelons que Freud, qui a certes dit un paquet de conneries, mais pas que, affirmait que le premier à jeter une insulte plutôt qu’une pierre était le fondateur de la civilisation ; ce qui paraît assez vrai, comme le prouve le système routier de toute métropole développée, un endroit assurément très civilisé vu comme on s’y insulte.
2018-08-09T10:56:18+02:00mardi 10 juillet 2018|Best Of, Expériences en temps réel|8 Commentaires
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