Qu’est-ce, vraiment, qu’un dératé ?

Les dictionnaires (et l’immédiateté de ceux présents dans Antidote, merci Alfred) forment évidemment une mine sans fin de réjouissances et d’ébahissements divers et variés sur le langage et l’humanité.

Vous connaissez l’expression « courir comme un dératé ». Mais qu’est-ce qu’un dératé ?

JE HEIN COMMENT QUOI

Quelles arcanes ténébreuses président donc parfois aux superstitions de notre espèce ?

Wikipédia nous apprend que l’on imaginait un lien entre les points de côté et la rate. Sauf qu’on imaginait qu’on imaginait ça, parce qu’en réalité, l’expression ne s’installe qu’au XVIIIe siècle.

Okayyyy.

2021-06-23T10:47:56+02:00mercredi 7 juillet 2021|Juste parce que c'est cool|5 Commentaires

La vente aux enchères de la convention française de SF 2020

La 48ème convention française de science-fiction se tiendra cette année à Valbonne en août ; et à l’occasion, l’organisation rassemble une véritable mémoire de souvenirs et de récits drôles ou émouvants sur les petits et grands événements du milieu, comme la naissance du prix Versins.

Affiche Zariel

On m’a gentiment proposé d’y aller de mon souvenir, alors voici – autour d’un moment épique de la vente aux enchères lors de la convention d’Orléans en 2020 :

Tout le monde a des manquements dans sa vie, mais j’en ai deux qui sont étrangement liés : ne pas avoir participé davantage aux conventions françaises de SF (habitant souvent trop loin et restant chroniquement surchargé de boulot), et ne pas avoir postulé au Juste Prix.

… la suite est à lire sur le site de la convention !

2021-06-05T10:23:13+02:00lundi 21 juin 2021|Expériences en temps réel|Commentaires fermés sur La vente aux enchères de la convention française de SF 2020

Camille Leboulanger sur Alain Damasio et le privilège de la création

J’avais raté cet article de Camille Leboulanger et c’est bien dommage car il est à la fois d’une concision et d’une pertinence parfaites :

Dans une interview parue 02 avril dernier dans la revue Livres Hebdo, Alain Damasio, questionné à propos de ses relations aux « difficultés rencontrées par des auteurs », donnait la réponse suivante :

« Je ne me sens pas touché en raison du corporatisme que cela représente. D’abord, il y a tellement d’autres secteurs dans la merde et qu’il faut mieux aider. En second, je pense que nous produisons trop. Certains écrivent sans avoir la nécessité vitale de le faire. À un moment donné, même si on est très brillant, on ne se renouvelle pas assez. Je n’ai pas envie de défendre tout ça, ce n’est pas prioritaire. Pouvoir créer est un privilège. » […]

Alain Damasio, dans cette intervention, paraît donc considérer son travail comme essentiellement différent de celui de la majorité des autres auteurs, comme de tous les autres travailleurs. Ce faisant, il personnalise, incarne (involontairement, on le souhaite, à défaut de l’espérer vraiment) le mythe libéral du créateur mystique, hors des choses matérielles de ce monde, rentier que pousse une inspiration mystique.

Alors, pouvoir créer est-il un privilège ? Les auteurs légitimes sont-ils des êtres essentiellement différents des autres êtres humains ? Cette position, en tout cas, semble bien peu compatible avec les valeurs humanistes qu’Alain Damasio se targue de représenter.

Graissage de mon fait, car c’est exactement ce qui, pour le dire poliment, me fait fumer les narines dans les interventions récentes d’Alain Damasio1.

Tout l’article vaut votre lecture (encore une fois, il est rapide) ; la démonstration est brillante et limpide. Et elle est calme et civile, ce dont, en toute honnêteté, je n’aurais pas forcément été capable.

  1. En fait, pas si récentes, puisque je râlais déjà il y a trois ans.
2021-06-21T09:14:29+02:00jeudi 17 juin 2021|Juste parce que c'est cool, Le monde du livre|2 Commentaires

Ding, dong, Twitter is dead

J’ai été surpris lors de mon dernier passage mensuel sur Twitter de voir que mes derniers tweets dataient du premier semestre 2020 ; sans même compter la curieuse distorsion du temps liée à la situation actuelle tout ça vous voyez quoi hein, cela fait pour moi bien plus longtemps que je me suis libéré mentalement de cette pression.

Après avoir passé mon compte en privé depuis l’été dernier, la suite logique consistait à le supprimer pour de bon, et j’ai quand même hésité un moment, mais à chaque fois que je passe rapidement dessus en me demandant si, quand même, je ne ferais pas un peu mon luddite, je vis la même expérience que jadis sur Facebook. Tout le monde est malheureux, en colère, et se saute à la gorge sans nuance aucune, quelle que soit la gravité du sujet. (Il est pertinent de se sauter à la gorge pour un sujet grave, mais pour quelque chose de secondaire, franchement ? Ah oui, mais qui décide de ce qui est secondaire ? TOI PEUT-ÊTRE ? ESPÈCE DE TOTALITAIRE QUI NE RESPECTE RIEN, etc., et c’est ainsi que ça commence.) Je vois même des gens profondément conscients du mécanisme et qui prennent toujours soin de désamorcer les conflits se laisser progressivement ronger par la toxicité ambiante, et ça me fait de la peine.

Encore une fois, je vous remercie, vous qui fûtes des oasis de fun et de lumière dans ce tunnel de misère. Je ne jette pas la pierre avec l’eau de la cruche : il y a eu moult moments drôles et émouvants. Mais, de façon générale, mon cerveau n’a pas besoin de s’ouvrir une lance à eau putride plusieurs fois par jour tandis que les pensées les plus secrètes et les moins reluisantes, que l’on réfléchirait probablement à taire dans la vie réelle ou même dans une correspondance plus inscrite dans le temps, se trouvent déversées sans filtre dans mon espace personnel. (Cela pèse réellement sur ma santé mentale.)

Donc, the witch is dead, et je n’ai à présent plus aucun compte social.

Est-ce à dire que je n’ai plus aucune activité sociale en ligne ? À ma grande surprise, non. En fait, j’ai retrouvé un plaisir sincère à l’interaction en ligne dans le modèle appelé de ses vœux par Jaron Lanier : des communautés plus réduites en taille et liées par a) une thématique claire, b) la possibilité d’un relatif anonymat et c) une modération claire et forte. (On en avait parlé ici.) Ce contrat clair, qui s’inscrit également davantage dans une certaine temporalité, promeut la réflexion et l’investissement personnel, au lieu de lâcher son tweet rageur comme on crache dans la rue. De quoi s’agit-il ?

Des forums à l’ancienne et des micro-communautés notamment portées par Discord, qui est pour moi le véritable héritier du forum à l’ancienne. Le succès croissant de ces modèles (notamment de Discord, que Microsoft a récemment voulu racheter pour 10 milliards, avant que l’équipe de Discord ne rompe les négociations, ce qui m’amuse énormément), la communauté extrêmement active autour de Discourse (système de forums phare… en 2021) montrent que l’avenir est peut-être au passé ; qu’une vaste catégorie de la population a soif de l’aspect social que les prétendus réseaux « sociaux » ont complètement laissé sur le bord de la route en chassant la croissance et la collecte (criminelle) de données. Un bref sondage au doigt mouillé m’a montré qu’une proportion non négligeable d’utilisateurs de ces plate-formes n’a pas, ou plus, de comptes sociaux classiques (Facebook / Twitter). Et je pense que cette diversification ne fera que s’accroître.

Bref. Je reste ici, comme depuis quinze ans, à te causer à toi, auguste lectorat, avec sérénité et dans des développements que 280 caractères interdisent, et je laisse les empoignades avec les randoms d’Internet à qui a l’estomac pour ça. Je ne l’ai pas. Et surtout, j’ai des trucs plus importants à faire.

2021-05-28T18:25:10+02:00mercredi 2 juin 2021|Humeurs aqueuses|4 Commentaires

Vous êtes dingues (141 précommandes !)

Mais vous êtes géniaux. (En même temps, si vous êtes là, c’est forcé, hein ?)

Photo Xavier Dollo

CENT. QUARANTE. ET UNE. Quand on fait une opération de ce genre, on s’attend à quelques dizaines d’exemplaires, pas… presque quelques centaines (enfin, deux) !

Merci à vous de votre confiance et de votre impatience autour de cet ouvrage. J’espère qu’il stimulera votre réflexion. (Parce que c’est le vrai but : au-delà des axiomes proposés, vous confronter à votre propre pratique et vous aider à en devenir acteur et actrice.)

2021-05-21T10:52:28+02:00lundi 24 mai 2021|Journal|6 Commentaires

Signal montre au public d’Instagram tout ce que Facebook sait sur eux

C’est magique.

La messagerie Signal, qui promeut une totale confidentialité (recommandée notamment par Edward Snowden) par opposition à la mainmise que Facebook a faite sur WhatsApp, s’est livrée à une expérience fortement rigolote : utiliser les données que collecte Instagram pour montrer aux utilisateurs tout ce que le réseau sait sur elles et eux. Ça donne des pubs absolument glaçantes comme celles ci-dessus.

Sans surprise, Facebook les a désactivées fissa, parce que vous comprenez, tout est bien quand ils collectent vos données en douce, et que les publicitaires peuvent s’en servir l’air de rien, mais il serait quand même inélégant que les gens puissent être au courant de l’étendue de la manipulation. Voir cet article de MacRumors.

Modération nécessaire : la prouesse technique réalisée par Signal est peu documentée et il serait bon d’en savoir davantage sur l’aspect technique, comme le pointe John Gruber, mais il reste que si Facebook les a bannies sans perdre de temps, c’est que ça pue. Comme tout ce qui a trait à Facebook.

Pour mémoire, WhatsApp va également exiger que vous partagiez vos données avec Facebook, et vous perdrez progressivement l’accès à vos données si vous refusez les nouveaux termes. Les remplacements ne manquent pas : Signal évidemment, mais aussi Telegram. Personnellement, je suis ravi que Facebook me force la main à quitter définitivement tout ce qui a trait de près ou de loin à sa toxicité.

2021-05-12T10:49:50+02:00mercredi 19 mai 2021|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Signal montre au public d’Instagram tout ce que Facebook sait sur eux

La vaccination obligatoire est une nécessité dans une société démocratique

La cour européenne des droits de l’Homme vient de juger que la vaccination obligatoire est « nécessaire dans une société démocratique », et j’ai envie de dire, IL ÉTAIT FICHTREMENT TEMPS. Dans une vraie civilisation, on ne pense pas qu’à soi, mais aussi au voisin ; c’est l’un des buts de la vaccination, parvenir à l’immunité de groupe (je me vaccine même si je ne suis pas à risque concernant une maladie donnée ; en n’étant plus un vecteur de celle-ci, je protège les plus faibles, et pas seulement mes proches – tous celles et ceux que je ne connais pas et qui pourraient être atteint·es indirectement par mon biais, ainsi que ceux et celles qui ne peuvent recevoir le vaccin pour diverses raisons). Et aussi, réduire la pression sur les systèmes de santé, dont les personnels sont actuellement en train de vieillir d’une décennie en un an.

La quasi-intégralité du mouvement anti-vaccination ne s’appuie que sur des théories de conspiration fumeuses, un « article » produit par un charlatan qui a été radié à grands coups de pompe dans le train de l’ordre des médecins (et attaqué en justice ensuite), et toute une panoplie de guignols qui vont promettent de soigner le cancer sur YouTube avec du thé à la menthe.

Écoutez-moi bien : si vous prenez cette radiation comme une preuve de la conspiration (« vous voyez comme ils sont forts pour le faire taire »), je vous assure que ça n’est littéralement pas comme ça que quoi que ce soit fonctionne dans le monde réel. De quelle autorité le dis-je ? Je gagne ma vie en exerçant littéralement le seul métier où il est éthique d’échafauder des théories de la conspiration, heh.

La défiance qui s’est emparé de la population à la suite des cas de thromboses constatés avec le vaccin AstraZeneca est une tragédie ; le risque d’en développer une forme grave est de 1 sur un million, ce qui est à peu près le nombre de chances que vous avez de mourir FRAPPÉ·E PAR LA FUCKING FOUDRE. Ce qui est une tragédie est aussi les thromboses fatales qui se sont développées et je ne minimise pas la douleur des familles, mais la brève interruption des injections du vaccin Johnson & Johnson aux États-Unis a, en première approche, entraîné un nombre de décès dûs au Covid considérablement supérieur au risque causé par le vaccin. Et vous savez aussi ce qui cause des tas de thromboses tous les ans, depuis des années et de façon bien plus fréquente ? La pilule contraceptive, et ça personne ne s’en émeut, mais bon, ça concerne les femmes, alors j’imagine qu’on s’en fout bien. Mais là, c’est un vaccin ! C’est forcément pour nous vouloir du mal ! Suspicion, conspiration, puces 5G et toutes ces conneries.

La vaccination globale est notre meilleur espoir de société de combattre cette chienlit de Covid, de reprendre au plus tôt une vie normale, de mettre toute cette période derrière nous – et puis, surtout, je ne sais pas, hein, mais au hasard : de ne pas mourir ? Je suis désolé, mais on ne peut pas avoir le Brexit et l’argent européen du beurre : vouloir que les restrictions s’allègent et en même temps refuser de passer par le vaccin n’est. Pas. Logique. Israël et maintenant les États-Unis nous montrent qu’un retour à la normale est possible, il est à notre portée avec la vaccination de masse ; et nous devons à présent réussir la course contre les variants.

Aux dernières nouvelles, il sera possible pour ma classe d’âge d’être vacciné le 15 juin, et d’accepter AstraZeneca contre la signature d’une décharge. Je signerai cette décharge sans hésiter1 si on me le propose pour être vacciné rapidement, et si je préférerais avoir Pfizer, ce n’est pas parce que j’ai la trouille, c’est parce qu’il semble plus résistant contre les variants ; mais injectez-moi le premier que vous trouvez, ça me va tant que c’est avant-hier. Vous me ferez des rappels si besoin.

Il grand temps qu’on arrête un peu les couillonnades au titre qu’il faille respecter toutes les opinions. Quantité d’opinions ne sont tout simplement pas raccord avec la réalité – pour être charitable. Dans le meilleur des cas, ça s’appelle une erreur. Bon, ça arrive, mais ce qui est grave, c’est de s’y enferrer. La vaccination sauve des vies depuis plus d’un siècle. Faites-vous vacciner.

  1. Je la posterai ici.
2021-05-05T14:21:25+02:00jeudi 6 mai 2021|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur La vaccination obligatoire est une nécessité dans une société démocratique

L’atelier « Créer un monde imaginaire » chez les Mots est complet

Et comme il était question hier du podcast Assez parlé ! des Mots, surprise : l’atelier « Créer un monde imaginaire » des 8-9 mai organisé avec l’école est complet. Merci à toutes et tous pour votre confiance ! On se retrouve là-bas ou en virtuel, comme nos existences sont actuellement plutôt désincarnées, pour construire vos réalités parallèles.

Sauf celle-là.

(Le cas échéant, en revanche, je crois qu’il reste quelques places à la Masterclass des Imaginales d’octobre, sur la correction de manuscrits et les relations avec le monde éditorial.)

2021-04-15T11:15:49+02:00mardi 20 avril 2021|Journal|Commentaires fermés sur L’atelier « Créer un monde imaginaire » chez les Mots est complet

Le mythe des réseaux « pour se faire connaître »

J’ai l’air d’un homme préhistorique en allant à contre-courant des réseaux, une sorte de luddite, peut-être même, mais j’ai joué le jeu plus de dix ans, j’ai vu croître ces plate-formes, donc j’oserais dire que c’est justement parce que je les ai vu grandir et devenir ces monstres dévoreurs de raison et d’attention que j’ai fini par me former cet avis. Incidemment, plus de dix ans pour comprendre un truc, vous pouvez constater à quel point je suis lent à la détente persistant et exhaustif.

Une question qui revient souvent dans les échanges autour du sujet, c’est : « ouiiii mais bon toi tu as un lectorat établi, mais les réseaux, c’est nécessaire pour se faire connaître, non ? »

Non.

En tout cas, je crois résolument que c’est un très mauvais investissement de son énergie, surtout quand on fait ses premières armes. C’est peut-être moins vrai dans des domaines plus graphiques, qui rendent plus facilement en ligne, et encore ; en tout cas, concernant l’écriture, je pense fermement que c’est une perte de temps si l’on s’en sert dans ce but. Attention, je ne suis pas en train de vous dire que si vous aimez l’outil, il faut arrêter ; en revanche, si vous ne l’aimez pas, ne vous rendez pas misérable en vous forçant à une présence dessus en croyant que c’est productif ou que c’est bon pour vous, parce que ça ne l’est pas.

La renommée / se faire connaître est un sous-produit de l’activité centrale de création. Ce qui apporte davantage de boulot et de succès, c’est la qualité du boulot, pas le nombre de followers sur Insta.

(Maintenant, ce qui suit concerne l’édition traditionnelle, puisque je n’ai pas d’expérience en auto-édition mais : je crois quand même que le fond du raisonnement se tient quel que soit le monde de distribution.) Je n’ai jamais obtenu un contrat d’édition par aucun réseau. Aucun éditeur ne s’est jamais dit “oh, Davoust a 2300 followers, ca doit être intéressant” – le juge de paix, et on l’a suffisamment répété dans Procrastination, c’est la qualité du texte. Et pour que le texte soit lu, déjà, il doit arriver sur son bureau autrement qu’avec les trois millions d’auteurs qui cherchent à percer sur Twitter (soumettez vos manuscrits à des gens susceptibles de les acheter, règle n°4 de Robert Heinlein). Ensuite, il faut qu’il soit bon, et pour cela, la première priorité doit toujours aller au raffinement de son art, et de ce point de vue, cela implique que toute l’énergie consacrée à modérer des débats à la con sur les réseaux représente une perte sèche.

Bien entendu, il y a des contre-exemples, des auteurs ou autrices qui ont vu un succès communautaire d’envergure notamment en auto-édition et leur travail repris en édition traditionnelle, mais franchement, ça s’apparente à jouer au Loto (voir ce qu’en dit Bo Burnham).

Mais le travail de promotion, me dira-t-on ? Se faire connaître des lecteurs ? Le travail de promotion, c’est d’abord le boulot de l’éditeur, tudieu. En plus, cela lui est plus facile ; la mutualisation due au catalogue lui donne des moyens et des ressources supérieures à un auteur tout seul dans son garage. Surtout, il est dans une situation beaucoup plus confortable pour ce faire : c’est un éditeur, on le suit pour avoir de ses nouvelles, le contrat est donc clair, on apprendra de ses nouveautés (plus une poignée de réflexions personnelles, ce n’est évidemment pas interdit) – mais il s’agit d’une approche informative.

Un auteur sur un réseau, en revanche, a le cul entre deux chaises : il ou elle est une personne, ce qui implique une espèce de contrat tordu où, en gros, il faut se montrer personnel, et éviter de trop parler de son travail, parce que sinon c’est grossier, ça fait genre on cherche à vendre sa soupe, mais bon un peu quand même parce qu’il faut mais hop, l’air de rien, ça se voit pas – c’est vicié d’emblée. Ah, si vous aimez naturellement faire entrer les gens dans votre intimité, et que c’est la raison de votre présence, more power to you – là oui, ça marche. Mais si vous avez une tendance au secret, à travailler « la porte fermée », ne vous faites pas violence en croyant que c’est nécessaire.

Ça n’empêche évidemment jamais l’auteur de partager ce qu’il ou elle souhaite partager, mais c’est toujours la même différence : là, on n’est plus dans le travail de promotion mais le souhait sincère d’établir une communauté et de tisser du lien (et c’est bien ce que je fabrique ici, selon ce média qui me convient, depuis… ouch… presque quinze ans). Ce n’est plus du tout la même chose, puisque le but n’est pas de « se faire connaître ». Dans cette optique, de la même manière qu’en festival, on espère davantage faire de chouettes rencontres avec un public intéressé et nouer un dialogue plutôt que de vendre trois cartons de bouquins – alors okay, bien évidemment, faire ça ne fait pas de mal aux ventes non plus, mais si c’est le seul but, c’est un mode de promotion diablement inefficace par rapport à l’énergie qu’il exige.

Depuis plus de six mois que j’ai quitté les réseaux (d’ailleurs, il faut que j’efface mon compte Twitter aussi), je n’ai pas spécialement vu la fréquentation du site baisser ; certes un peu, mais dans des proportions largement plus raisonnables que je m’y attendais (merci encore d’avoir fait le grand saut), et surtout, j’ai vu la qualité de mes relations en ligne monter en flèche dramatiquement. Et ça, c’est vraiment cool. Franchement, c’est ça qui m’intéresse, je ne cherche pas à avoir raison à tout prix face à tous les randoms d’Internet qui s’invitent dans ma timeline, ils sont beaucoup trop nombreux, de beaucoup trop mauvaise foi, et beaucoup trop malheureux à l’intérieur d’eux-mêmes pour moi tout seul1. Autre conséquence parfaitement inattendue mais qui me réjouit : j’ai bien davantage d’occasions d’intervenir en entretiens, ce qui est beaucoup plus créatif qu’une punchline en 280 caractères et ajoute bien davantage de valeur à la conversation ; j’ai pu lancer Geekriture ; bref, j’ai la possibilité de proposer beaucoup plus de choses, beaucoup plus intéressantes et développées, et même, parfois, on me paie pour ça – parce que j’ai enfin la bande passante mentale de m’y consacrer et que, bordel, c’est juste plus fourni.

Franchement, n’est-ce pas un meilleur calcul ?

Alors maintenant, un aparté par souci d’exhaustivité. On voit (re)naître d’autres modes de promotion, comme Twitch ou Discord, et leurs modèles économiques sont très différents, revenant peu ou prou au mécénat direct. Je dis « re »-naître car ils sont avant tout communautaires, comme aux débuts d’Internet ; ils s’articulent autour de la constitution d’un intérêt clair (comme la super chaîne de Morgan of Glencoe), ce qui est l’antithèse du réseau social façon 2010 où il s’agit de mettre tout le monde en contact avec tout le monde (entraînant une distorsion des relations vers la toxicité de l’engagement). Discord est le fils spirituel des forums des années 1995-2005, et si ça marche, c’est parce que le contrat est clair : on va quelque part par intérêt sincère. Les communautés fonctionnent parce que les règles sont fermes et le bannissement tout à fait possible, ce qui est la clé, à mon avis, pour maintenir un environnement sain pour les membres de ladite communauté. J’y vois exactement la promesse d’un retour à un Internet granulaire proposé par Jaron Lanier et dont on a discuté ici : rendre aux communautés elles-mêmes les clés de leur propre discours et le choix de leur ton (ce que je fais aussi ici), au lieu de les remettre entre les mains cent mille fois prouvées incompétentes de Facebook et Twitter. Par contraste, vouloir « se faire connaître » sur les réseaux grand public, ça revient à chercher à essayer draguer quelqu’un dans un stade, sans savoir même si la personne existe, en beuglant à sens unique dans un mégaphone. Peut-être que quelqu’un va effectivement vous répondre favorablement une fois de temps à autre, et tant mieux, c’est super, mais dans le grand ordre des choses, ça ne constitue quand même pas la preuve que cette approche soit efficace, ni même qu’elle ait du sens.

Je sors de l’aparté. Pour conclure : « se faire connaître » est l’arbre qui cache la forêt. S’en soucier avant d’avoir raffiné sa discipline (quelle qu’elle soit), c’est mettre la charrue avant les bœufs. Faire du vraiment bon boulot est beaucoup plus durable et rentable que de s’échiner à surnager sur les réseaux alors qu’on est peut-être encore un peu trop vert. Cela ne me paraît honnêtement pas un bon calcul en 2021 ; l’époque de la success story de l’artiste ayant explosé sur Twitter est dans une immense partie révolue. Bien sûr, des gens s’en servent bien, mais il faut avoir envie du média. Je ne crois absolument pas que ce soit une nécessité, et surtout, si on n’a pas envie, cette énergie sera très largement mieux utilisée ailleurs. Ne vous faites donc pas violence en vous disant « il faut », encore plus si vous débutez. Bossez votre art en profitant du merveilleux silence, au contraire, et rencontrez des vrais gens (… quand ce sera un peu plus possible) pour nouer de vraies relations.

  1. Encore une fois, je glisse aussi un mot de remerciement à vous toutes et tous avec qui, oui, on a tissé de belles rencontres sur les réseaux, et heureusement que vous étiez là, parce que sans vous, je n’aurais pas tenu dix ans.
2021-04-13T10:32:08+02:00mercredi 14 avril 2021|Humeurs aqueuses|7 Commentaires

Après l’annonce des 23 tomes…

Il faut juste que je vous montre ça, parce que c’est trop génial mais ça n’a circulé que sur Facebook :

Avec une parfaite poker face, non seulement Critic a relayé ma couillonnade de jeudi mais a relancé de dix-huit… Avoir un éditeur qui vous donne les moyens de vos projets et vous suit dans vos ambitions, ça n’a pas de prix, y compris quand il s’agit de faire l’imbécile. 😁

2021-04-03T12:19:27+02:00lundi 5 avril 2021|Expériences en temps réel, Juste parce que c'est cool|2 Commentaires
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